Alyssa s’était installée à l’écart des autres, non loin des berges du lac, là où le soleil resplendissait une dernière fois avant de s’éteindre dans la noirceur de la nuit. Seule adossée contre le tronc noueux d’un vieil arbre, la jeune fille était plongée dans la lecture d’un épais livre dont la couverture représentait deux femmes dos à dos. Cela faisait deux jours qu’Alyssa l’avait emprunté et cherchait en vain les mystères de son être .Elle se désolaient de cette situation mais elle savaient mieux que n’importe qui qu’elle avait besoin de ce moment de solitude pour se retrouver avec elleS-même, être capable de mettre de l’ordre dans son esprit. Durant cette période, son unique souhait avait été de comprendre. Comprendre pourquoi elle n’avait fait qu’endurer les aléas de la vie, pourquoi tout lui avait échappé avec une telle cruauté. Alyssa voulait comprendre pour ne plus avoir à subir, pour, enfin, casser ce cercle vicieux dans lequel ses deux moitiés semblaient s’être laissé enfermer. Poèmes, sonnets, quelques bribes de rêves, de longs monologues, c’étaient tout ce que contenait ce livre aux coins usés par le temps. Ce grand carnet car il était en fait le récit d’une femme semblable à Alyssa avait vieilli en même temps que sa propriétaire. Cela se ressentait jusque dans l’écriture qui avait au fil des années gagné en maturité. Les combats entre son Doppelganger et elle semblaient s’être accrus avec l’âge. Les dernières pages noircies d’une écriture quasi nerveuse le prouvaient. Si une grande partie de ce qui était inscrit échappait complètement à la compréhension d’Alyssa, la jeune femme fut surprise de constater que son propre cas était différent. Oui Alyssa était toujours possédée par son double et ne s’exprimait réellement que rarement. La jeune Valenti amorçait pour la troisième la dernière centaines de page du manuscrit où toute la démence de l’auteur ne faisait que grandir.
Vais-je moi aussi sombrer dans la folie?
Sa voix d’ordinaire calme et sereine s’était mélangée à la mélancolie. Ses yeux virèrent au marron, ses cheveux se méchèrent de blond. Le regard perdu dans l’onde noire ses deux moitiés souffraient ensemble. La nuit gagnait peu à peu sur le jour recouvrant la terre de son manteau de velours. Un Rossignol chanta son chant d’Adieu avant de s’envolait vers un endroit plus à son aise. La jeune fille était la prostrée devant le lac. Un brise nocturne se leva jouant avec ses cheveux, son visage blême n’exprimait que tristesse et désolation. Qui était elle? Le Doppelganger? Alyssa?
Perdue dans l’infinité du froid naissant elle soupira. L’Astre lunaire vint se baignait à la surface ténébreuse de l’eau. Alyssa referma le livre et le plaqua contre sa poitrine. Son coeur battait frénétiquement une chose était sûre elle était vivante.
La chose la plus dure dans ce monde c'est d y vivre