Trio Musical pour un Avril silencieux . [PV]

Lyle ne comprenait décidément pas pourquoi les élèves de Poudlard passaient des heures entières dans la grande salle. Dès que le repas était annoncé, ils se précipitaient tous dans cette vaste pièce et mangeaient, mangeaient et mangeaient, jusqu’à en exploser. Et ce, pendant des heures, tout en discutant, criant et riant. Non, ce n’était pas son truc à Lyle. Moins il parlait mieux il était. Parce qu’il savait pertinemment que les seules fois (particulièrement nombreuses en fait) où il ouvrait la bouche c’était pour insulter quelqu’un, taquiner ou provoquer. Il détestait faire ça, mais comme il ne pouvait se défaire de cette mauvaise habitude, il s’y était finalement fait. C’était donc seul et en silence qu’il avait quitté la grande salle, au bout de seulement dix minutes.

C’était une après midi magnifique. Le soleil s’était pointé et brillait de milles éclats sur la grande étendue du parc de Poudlard. L’air y était pur et apaisant et la douce brise faisait monté un parfum de fleurs fraîchement fleuries. Ce paysage était une autre des richesses de Poudlard et certainement celle qui rendait à Lyle un calme quasi-total.

C’est d’un pas assuré et enjoué qu’il se lança en quête de cette vue éblouissante. Au loin, il pouvait voir le terrain de Quidditch ainsi que les imposantes grilles de l’enceinte. A quelques centaines de mètres de lui se trouvait le lac et c’était bien la seule chose qui pouvait faire regretter à Lyle d’être sortit. En effet, ce courageux et impétueux jeune homme avait le malheur de craindre l’eau. Bon évidemment, il en buvait. Mais de que la surface devenait imposante, il paniquait et faisait tout pour y échapper. C’est ainsi qu’il décida de s’en éloigner, se rapprochant plutôt de la forêt. A vrai dire, il était complètement moins effrayé par cette forêt soi-disant terrifiante que par une simple flaque d’eau.

Depuis qu’il était à Poudlard, il n’avait encore jamais essayé de vaincre sa peur et ne s’y sentait toujours pas prêt. Si un jour il se retrouvait dans le lac, ce serait soit qu’on le lui eut obligé, soit que … non il ne voyait pas comment il pourrait même imaginer une autre raison. L’eau et lui ce n’était pas de l’amour et ça n’en serait jamais.

Quoi qu’il en soit, il était venu se détendre après son copieux déjeuner (comme les vieux hein hein hein) et ce n’était pas le moment de penser à de telles atrocités. Il profita de la présence d’une légère bosse dans le sol pour retirer sa robe de sorcier et s’allonger dessus. Dénouant sa cravate, il sortit un livre de sa poche qu’il posa sur son ventre avant de mettre ses mains derrière la tête. Bien décidé à piquer un somme, il ferma les yeux dans un long soupire. Il se mit à repenser à toutes les choses qu’il avait et pourrait faire ici à Poudlard. Tant de possibilités s’offraient à lui qu’il ne savait par où commencer.

Déjà, il devrait essayer de tisser des liens. Ce n’était pas la quantité d’élèves qui manquait. Mais il demandait s’il était véritablement capable d’entretenir une quelconque relation avec quelqu’un. Tout ce qu’il savait faire lui à part tyranniser, c’était lire, écrire, parler et ce qui lui était nécessaire à survivre. De vrais amis, il n’en avait jamais eu. Mais il ne se considérait pas assez pour être au niveau d’un ami digne de ce nom. Pitoyable, voilà ce qu’il savait être, et ce qu’il était définitivement. Mais ne voulant pas gâcher ce moment de pure intensité, il mit sa tête dans ses mains et étouffa un hurlement, histoire de se changer les idées. Et aussi bizarrement qu’il l’était, il eut une soudaine envie de chanter. Ce qu’il ne tarda pas à mettre en œuvre.

Etant plus jeune, il avait eut le malheur de tomber dans les affres du vol. Mais rien que le fait de se rappeler que c’est à son père qu’il avait volé quelque chose, le rendait plus heureux qu’autre chose. Son père avait réunit toute une magnifique collection de trente-trois tours depuis son adolescence. Et Lyle en bon écouteur de musique s’était donnait un malin plaisir à lui en piquer les trois quarts et de se les passer en boucle pendant des années. Au final, il devait connaître plus d’une centaine de chansons par cœur. Et c’est l’une d’elle qu’il s’était mis à chantonner à tu tête. Totalement inconscient qu’il n’était plus seul depuis environ trente secondes…

Pourquoi les élèves passaient des heures dans la Grande Salle ? C’est tout simple. Parce qu’ils avaient faim voilà tout ! Ou alors, c’était parce qu’ils étaient gourmands et se délectaient de la nourriture de Poudlard qui était bien meilleure que celle que maman faisait à la maison. Du moins, c’était le cas pour une de ces personnes. Une petite rousse de Gryffondor qui répondait au nom de Samantha Lillie Richards. Enfin pas très exactement, car la miss ne répondait jamais quand on l’appelait par la totalité de son prénom ce qui n’arrivait d’ailleurs jamais. Sauf quand elle avait fait une énorme bêtise et que sa maternelle la rappelait à l’ordre, là on sentait qu’elle allait payer la facture... Sam était donc du genre à profiter des heures des repas pour remplir son ventre déjà saturé en nourriture. Et pourtant, cet estomac sur pattes avait l’air si fragile, si frêle du haut de sa toute petite taille. On pourrait presque croire qu’elle ne mange pas assez quand on la voit pour la première fois.

Et rester assise à la table des Gryffondor lui permettait aussi de parler. Sam adorait parler, c’est simple, elle parlait tout le temps. Dès qu’elle en avait l’occasion, pour quelque raison. Son grand problème, c’était qu’elle ne savait pas s’arrêter et qu’elle ne savait pas quand il aurait mieux valu qu’elle reste la bouche fermée. Mais parler était la plus grande de ses activités, et de loin sa préférée... avec manger. Après tout, l’homme était doué de parole, autant qu’il en profite, sinon il ne valait pas plus qu’un troll des montagnes. Quoiqu’en regardant quelques Serpentard de plus près, on pouvait se demander si la digression de l’être humain n’avait pas déjà commencé.

Mais il fallait avouer que, depuis son arrivée à Poudlard, la fillette n’avait pas trop eu l’occasion de montrer ses talents de bavarde. D’habitude à la maison, il y avait toujours Roxane, sa jeune sœur avec qui elle discutait en permanence pour lui transmettre son don de pipelette. Mais là, elle s’était retrouvée en solitaire pour la toute première fois de sa petite vie, et c’était assez déstabilisant. Sam était du genre à pouvoir se débrouiller toute seule sans problème, mais elle aimait trop la compagnie des autres pour supporter de vivre toute seule. Bon bien sûr, elle avait rencontré pas mal de monde avec qui elle avait tissé quelques liens. Notamment « l’homme éclair » comme Ron aimait à se faire appeler d’elle, ou encore Nathanaël, ce drôle d’énergumène qui n’aimait pas le chocolat – un fou ce type -. Mais elle sentait que si elle commençait à parler sans s’arrêter, ils allaient avoir peur d’elle. Elle soupçonnait déjà Ron d’être secrètement effrayé à mort dès qu’elle le regardait et Nath... Bah lui il était spécial. Et puis il avait déjà vu de quoi elle était capable quand on lui donnait de quoi bavarder. Sam savait très bien qu’elle ne tiendrait pas très longtemps avant d’exploser en mots ; c’est à ce moment-là que les tympans de Poudlard commenceront à mourir.

Après voir engouffré l’équivalent d’un déjeuner et demi et discuté modérément – elle se mordait la langue pour éviter de ressembler à un moulin à paroles – avec deux ou trois personnes de sa maison, elle se leva de la table des Gryffondor et sortit de la Grande Salle le nez en l’air. Pourquoi le nez en l’air me direz-vous ? Et bien en fait, Miss Richards admirait le plafond magique de Poudlard. Oui car la Grande Salle du château possédait un haut plafond un peu spécial. En effet, celui-ci reflétait le ciel extérieur au moindre détail près. Et ce jour-là, c’était un ciel bleu, dénué de tout nuage, que l’on pouvait voir si on levait les yeux. Ce qui tombait d’ailleurs bien, puisque Sam voulait sortir faire un tour. La fillette tourna donc sur sa gauche après avoir quitté la Grande Salle et passa les portes de chêne qui marquaient l’entrée - ou la sortie, ça dépend comment on voit les choses - de la bâtisse.

Le ciel était aussi bleu que l’indiquait le plafond magique, aussi clair, aussi parfait. Il faisait plutôt chaud pour une journée d’Avril anglaise. Les rayons du beau soleil qui s’était installé haut au dessus de Poudlard venaient dorer les avant-bras nus de la jeune fille. Une très légère brise de printemps (qui était souvent une rafale durant les longs jours de pluie auxquels ils étaient habitués) venait rafraîchir l’air, s’infiltrant doucement dans les vêtements de Sam et soulevant agréablement sa crinière rousse. La fillette aimait particulièrement le soleil. Il était source de bonne humeur et lui redonnait la joie de vivre. La pluie c'était tout triste, tout pas drôle. Sur sa gauche s’étendait la superbe surface du lac, magnifiquement calme. Sur sa droite, le parc. Grand, majestueux, impressionnant. Et un peu plus loin, la Forêt Interdite qui suscitait énormément l’attention de Sam, comme tout ce qui comporte la notion d’« interdit » ; « prohibé » ; ou « dangereux ». Et puis là, pas très loin, il y avait...

« Nath ? Nath ! Hey Naaaaaaath ! Gyllenhâal ! »

Pas de réponse. Il aurait pourtant dû l’entendre à cette distance, Sam avait une voix qui... comment dire ça sans la vexer... qui portait. Notre rouquine adorée s’approcha de l’endroit où il s’était installé tout en desserrant sa cravate rouge et or qui la gênait quand elle se mettait à hurler comme une déjantée. Le temps qu’elle arrive à sa hauteur, le jeune garçon était déjà allongé dans l’herbe fraîche, les yeux fermés, en train de chanter une chanson totalement inconnue à Sam. Sûrement un truc Moldu. Il ne réagit pas quand elle se mit debout devant lui, son ombre arrêtant la chaleur et la lumière sur son visage. Il ne réagit pas non plus quand elle se laissa tomber à quelques centimètres de lui, s’allongeant sur le ventre.

« Ben alors t’es sourd ? C’est bien la première fois que quelqu’un m’entend pas quand je l’appelle. »

Appuyée sur les coudes, le regard de la rouquine virevoltait autour d’elle, sans jamais trop s’arrêter sur quelque chose en particulier, de peur de rater tout ce qu’il avait à côté. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle ne s’aperçut pas que la cravate de Nathanaël n’était pas rouge et or comme la sienne mais verte et argent... Elle posa pour terminer son regard sur le lac de l’autre côté du parc. Il ne manquait plus dans ce paysage si parfait que quelques gamins en train de se jeter à l’eau... Un petit air malicieux dans les yeux, Sam donna un coup de poing (pas méchant hein, le genre amical ^^) dans l’épaule du garçon.

« Hey ! Ca te tente pas de te faire ridiculiser en étant coulé par une fille ? »