Omniscience maladive... { libre }

Fade... Bruyante et haïssable... La gare de Kings Kross faisait face à Tarod, le défiant d'oser y pénétrer... L'une de ses innombrables errances dans les dédales de Londres l'avait amené à se rapprocher de cet endroit, emplit d'un lot de souvenirs impérissables chez le jeune homme... Impérissables mais pour le moins désagréables... L'atmosphère qui régnait en ces lieux rappelait les couloirs de Poudlard, regorgeant de jeunes enfants et d'adolescents, plus innocents et crédules les uns que les autres... Des sensations contradictoires assaillaient Tarod, le réduisant à une sorte de poteau, incapable de bouger... Il se serait frappé... Quelle preuve de faiblesse ! Un sorcier de son niveau se laissait abattre à la vue d'une simple gare... Lieu regorgeant de vie par excellence...

Un cri enfantin le fit néanmoins sursauter, et Tarod sortit de sa rêverie contemplative. Il se trouvait en plein milieu d'une rue, statique et pour le moins original. Arborant son éternelle cape noire, nul ne pouvait percevoir la crispation manifeste sur son visage, et les suspitions hasardeuses laissaient peu de place au danger. Soupirant de désabusement, le jeune homme se décida à poser un pied devant l'autre, et finit par déboucher dans les quais de la gare. La population y était très importante, et la plupart des voyageurs étaient trop affairés pour remarquer la démarche suspecte de Tarod. Progressant rapidement à travers les rangs de badaux, Tarod fixait un quai spécial, visible au loin... Le quai 9... Il savait ce qui se trouvait entre ce quai et le quai 10... Et il voulait s'y rendre, contempler à nouveau la triste effervéscence de la rentrée scolaire... Tout tombait à pic...

Ce n'est qu'une fois arrivé face au mur qui menait au quai 9-3/4 que Tarod sentit un frisson d'excitation stimuler la moindre partie de son corps, détruisant toute once de prudence de son esprit. N'importe qui pouvait le reconnaître... Les professeurs et élèves ne manqueraient pas de remarquer la présence incongrue d'un tel personnage... Mais Tarod ne tint pas compte des suppliques murmurantes de son cerveau, et franchit la barrière sans hésiter une seule seconde...

Il se retrouva alors face au Poudlard Express, toujours aussi imposant malgré l'usure de l'âge... La fumée qui sortait de sa cheminée principale aveuglait les passants, et tarod se mit à tousser convulsivement, comme à l'époque de sa scolarité... Détail qu'il avait omis de se rappeler en pénétrant ici... Murmurant des injures, il se resaisit et avança jusqu'à atteindre le préau , peu employé dans cette période d'intense mouvement humain... Il s'accouda à l'un des poteaux et se mit à observer les allées et venues des élèves comme des professeurs... Qui sait ? Peut être que cette visite ne resterait pas vaine ...

S'il y avait bien une personne qui n'était absolument pas ravie de se rendre à Poudlard, il s'agissait bien d'Aya. Elle venait à peine d'entrée dans la gare de King's Cross qu'elle soupirait déjà à la simple idée de monter dans le train. Elle avait une petite valise à la main, et elle était la cause de bien des regards curieux portés sur elle. La jeune fille ne s'alourdissait jamais de choses inutiles, et elle avait pris en conséquence le strict minimum pour bien démarrer une année à Poudlard.

Elle fut prise d'un étrange sensation de dégoût en voyant plusieurs mères prendre chaleureusement leurs enfants dans leurs bras. Aya, elle, avait été abandonnée par sa mère alors qu'elle avait fait un malaise et qu'elle s'était retrouvée à l'hôpital. Toute sa vie, ses parents avaient été chaleureux et souriant avec elle, ils ne se fâchaient jamais, ils ne pleuraient jamais...Si bien qu'un jour, la jeune fille s'était permise de leur demander s'ils n'étaient jamais tristes ou en colère...C'était à partir de cette simple question innocente que tout s'était déclanché, et la grotesque mascarade que ses parents avaient mise en scène depuis la naissance d'Aya s'était achevée d'une manière très brutale. La table renversée et un morceau de porcelaine brisé dans sa main ensanglantée, c'était le seul souvenir que la jeune fille avait gardé au plus profond de sa mémoire...

Depuis ce jour, il fut décidé qu'Aya irait vivre chez son grand père. Il lui montra un bon nombre de choses sur la magie et le monde des Sorciers en général, mais plus il faisait preuve de gentillesse à son égard, plus la jeune fille se renfermait dans son silence. Si bien qu'elle avait fini par ne plus être capable de prononcer une seule parole. C'était comme si sa voix s'était enfermée, à tout jamais, dans le mutisme perpétuel d'Aya.

En ce jour de rentrée des classes, son grand père n'avait pas pu l'accompagner jusqu'au train. Elle avait fait le voyage depuis l'Islande en avion, entourée de beaucoup trop de moldus à son goût, et avait dû aller de l'aéroport à la gare en prenant un taxi moldu, n'ayant pas trouvé un autre moyen de se véhiculer. Et voir tous ces nouveaux élèves souriant dans les bras de leurs parents la dégoûtait profondément. Elle s'avança vers le poteau entre les voies 9 et 10, et elle s'enfonça dans celui ci sans aucune difficulté. Elle arriva rapidement devant le Poudlard express, qui venait juste d'arriver.

Légèrement épuisée par son voyage, Aya se permis de se poser quelques instants sur un banc de la voie 9 3/4, et se mit à observer toutes les personnes qui arrivaient au fur et à mesure que les minutes passaient. Elle avait remarqué un jeune homme qui était accoudé à l'un des poteaux de la voie, mais elle ne le regarda que très brièvement, avant de repoter son attention sur le train. Soudainement, son regard aussi bleu que l'azur de ciel se perdit dans le vague, comme si elle réfléchissait à quelque chose de toutes ses forces...

Le regard intensément fixé sur le Poudlard express, Tarod semblait errer dans une euphorie radicale et subite. Il ne supportait plus le souvenir de toutes ces années, de toute cette affluance qui n'avait eu de cesse de lui torturer l'esprit. Une aura chaleureuse et ennivrante se déposait autour de lui, et Tarod ressenti les premiers élans d'une poussée meurtrière, qui lui avait valu d'entrer chez les mangemorts sans difficultés apparentes. Serrant les poing avec difficulté, il laissa sa haine faire place à une peur sans limites. Pourquoi comettre l'irréparable ici même, et sans raison ? Pourquoi risquer de se faire démasquer et pourchasser toute sa vie, à cause d'une simple répulsion ?

Reprennant difficilement le contrôle de lui même, Tarod leva les yeux et aperçut un élève qui se démarquait des autres. Seul et visiblement heureux de l'être. Il n'y aurait rien de mieux qu'une brève entrevue pour calmer ses ardeurs néfastes, Tarod le savait. Et il aimait les challenges, aussi dangereux soient ils... Il s'avança donc jusqu'à l'élève, sans pour autant voir son visage. Arrivé à quelques mètres seulement, il réalisa qu'il s'agissait d'une jeune fille, possédant un regard qui en disait long sur son passé. Tout en émettant un mince rictus d'amusement, le jeune homme enleva son capuchon et fit une révérence caricaturale à l'élève. Il détestait les marques de politesse, et attendait d'en venir à une conversation plus constructive. Il s'assit sans demander la moindre permission, en face d'elle, et parla d'une voix grave, d'un sérieux rebutant pour la plupart de ses interlocuteurs...

"La sociabilité vous ferait elle défaut mademoiselle ?"

Il n'avait pas besoin d'en rajouter, et le regard perçant qu'il lança à la jeune fille en disait long sur sa propre expérience... Il pensait connaître le fond de ses pensées. Une prétention qu'il était certainement trop jeune pour savoir vaine. Nul ne pouvait prétendre comprendre autrui sans le connaître dans les moindres détails, Tarod l'apprendrait au fil de sa vie. Actuellement, seul l'orgueil qui lui servait de carapace transparaissait...

Aya semblait littéralement perdue dans les méandres de sa pensée, et c'était comme si elle ne désirait pas en sortir...Très étrangement, elle ne semblait pas oppressée, ni même stressée par le départ imminent du train. Elle partait du principe qu'il lui restait un peu de temps encore, et qu'elle n'avait aucune envie de se précipiter pour être certaine d'avoir de la place. D'ailleurs, si elle n'en avait pas, ce n'était une affaire d'état, et elle s'y ferait...Soupirant légèrement, la jeune fille ramena ses valises vers elle, pour éviter que celles-ci ne puissent gêner quelqu'un. Elle n'avait pas sentit le regard du jeune homme sur elle, mais elle ne prêtait jamais beaucoup d'attention aux autres, ce n'était donc pas très étonnant de la part d'Aya...

En quête d'un confort plus important, elle étala un peu plus ses longues jambes fines et consulta pensivement sa montre. La désinvolture dont elle faisait preuve était accablante, mais cela n'importait pas vraiment...Au bout de quelques instants, elle releva la tête et sursauta légèrement en voyant quelqu'un assis en face d'elle. Elle n'avait rien sentit ni entendu, il s'était fait admirablement discret. Retrouvant rapidement son masque d'impassibilité, elle ne quitta pas son visage des yeux, afin d'être sûre qu'il ne se rapprocherait pas d'avantage.

Il venait de lui faire un révérence, et ses joues ne manquèrent pas de rougir très légèrement. Qui était-il pour faire preuve d'une telle politesse? Il y avait bien longtemps qu'on ne l'avait pas saluée de cette manière...Parfaitement incapable d'en faire autant, elle se contenta de hocher la tête. Par le passé, elle lui aurait dit qu'elle était enchantée de vive voix, mais elle ne parlait plus depuis deux ans maintenant, c'était comme si sa voix était aussi prisonnière que son âme elle même...Ce jeune homme était bien mystérieux, il venait d'enlever son capuchon, et elle pu enfin admirer son visage. Plutôt séduisant, n'importe qu'elle jeune fille aurait pu être attirée par lui...N'importe qui, sauf Aya. C'était l'une des rares qui ne se laissait plus prendre à aucun piège grotesque de séduction, et qui n'accordait plus aucune importance aux sentiments, quels qu'ils soient.

Alors qu'il se mit à parler, Aya préféra regarder ailleurs. Elle n'était pas impolie par choix, et elle n'avait aucun moyen de lui faire comprendre...Si elle avait pu, elle aurait tenté de lui faire ravaler son orgueil, même en sachant que c'était peine perdue. Elle tourna à nouveau son regard vers lui, il s'était un peu adoucit. Elle aurait bien aimé lui faire comprendre que la parole s'était enfuie de son corps...Mais elle se contenta de faire un signe négatif de tête pour lui dire que la sociabilité, elle en aurait volontiers eu si elle avait pu s'exprimer...

Tarod, tout d'abord pris de cours par le manque de réaction de la jeune fille, ne manqua pas de laisser transparaître son étonnement face au mince geste qu'elle esquissa en signe de réponse. Se pouvait il que ? Non, les élèves muets n'étaient pas tolérés à Poudlard... Du moins à son époque... Et cela remontait à quelques années. Les moeurs avaient dû changer pour permettre à un tel personnage de fréquenter Poudlard. Un flot de questions innondèrent l'esprit du jeune homme... Comment pouvait elle prétendre au rang de sorcier si elle était incapable de formuler un sort ? Pourquoi ne tentait elle pas de s'intégrer à la communauté d'élèves ?...

Il se mit subitement à rire de cette dernière question... Elle devait simplement lui ressembler sur ce point, et avoir vécu un nombre incalculable de situations qui avaient développé son asociabilité. Etrange pour une élève de son âge. Elle ne devait pas avoir dépassé les 12 ans...
Soupirant sans entrain, Tarod fixa la jeune fille avant d'ajouter sans dynamisme...

"Evidemment... Qu'il soit inné ou acquis lors d'un accident, votre handicap vous empêche de mener une vie à peu près normale... Mais je pense sincèrement qu'il ne s'agit que d'une histoire de volonté... Vous n'auriez pas été admise à Poudlard s'il n'y avait aucun espoir de vous sauver... A moins que vous ayez déjà laissé tomber... Pathétique..."

Il détourna le regard, piqué au vif par ses propres propos. Tarod n'avait jamais manifesté de bienveillance ou ne serait-ce que d'amitié envers qui que ce soit. Qu'elle aprécie ou pas son jugement, la jeune fille devrait l'accepter. Tarod ne concevait pas qu'il puisse avoir tord, et restait une fois de plus borné à son propre jugement. Un jugement hâtif et sans aucune subjectivité. Il fouilla longuement dasn les poches de son manteau, et finit par en sortir un stylo et une feuille... Elle devait savoir communiquer par écrit... Il lui tendit les deux objets...

Aya regarda de nouveau le jeune homme, il semblait surpris...Ce n'était pas le premier qu'elle surprenait par son impassibilité légendaire cela dit...Mais elle était un peu troublée, elle aurait bien voulu pouvoir lui dire que si elle ne parlait pas, ce n'était pas vraiment de sa faute...Il était totalement inutile de prendre un air de chien battu, et personne ne le savait mieux qu'elle. Ce fut pour cela que, malgré ce qu'elle pouvait ressentir, rien ne parut sur son visage. Aucune émotion, même pas négative...Elle avait un tel contrôle d'elle même qu'elle était semblable à une pierre dans certains moments...Un objet qui ne ressent rien, c'était ainsi que son père l'avait nommée. Elle semblait toujours attendre quelque chose de la vie, et c'était le jour où ses parents seraient capable de lui pardonner...Même si elle n'avait rien fait qui puisse justifier la froideur et la souffrance dont elle avait été la victime, elle avait tenté de se faire pardonner, à maintes reprises...Mais quelques soient les efforts qu'elle ait pu fournir, cela n'avait servi à rien, à part l'isoler encore plus du monde...

Aya eut un véritable air surpris lorsqu'il se mit à rire, alors qu'elle n'en percevait aucunement la raison. Etait-il fou, ou bien le comportement de la jeune fille était-il comique? Elle aurait bien aimé le savoir...Mais lorsqu'il se mit à la fixer, elle eut une étrange sensation de malaise. C'était comme s'il pouvait lire en elle, et Aya n'aimait pas cela du tout, cela ne lui disait rien qui vaille...Elle ne fut pas capable de rompre son regard pour autant, bien au contraire. Elle le regardait aussi intensément qu'il avait entreprit de la regarder...

Elle écouta avec attention ce qu'il lui dit. Il avait parlé avec une voix totalement dépourvue de sentiment. Pourquoi cherchait-il à la démolir? Elle n'avait pourtant rien fait qui soit condamnable...Mais c'était comme bien souvent, on se permettait de la juger sans même la connaître. Alors qu'il cherchait quelque chose dans sa poche, la jeune fille bouillait de colère. S'il avait eu le même âge qu'elle, elle ne se serait certainement pas retenue de le gifler violemment...Mais ce n'était pas son genre de s'emporter si facilement. Alors, lorsqu'il lui tendit de quoi écrire, elle les prit avec un peu de violence. Son regard brillait de colère, elle était visiblement hors d'elle. Aya écrivit rapidement et lorsqu'elle eut fini, elle posa le papier et le stylo à côté du jeune homme. Elle se leva en faisant un révérence aussi réussie que celle qu'il avait osé lui faire, pris ses valises dans ses mains et entreprit de marcher vite et sans s'arrêter. Le jugement des autres, elle s'en passait très bien...

La vie normale n'est pas pour moi...Peut-être que vous vous glorifiez d'en vivre une, mais ce n'est pas mon cas et ce ne sera jamais mon cas. Maitenant, vous pouvez penser de moi ce que bon vous semble, votre jugement n'appartiens qu'à vous et je l'accepte tout de même. Mais en un point, vous ne me connaissez pas...C'est que je n'abandonne jamais...Je peux vous paraître désinvolte, mais à aucun moment je n'ai cessé de me battre pour retrouver ce que j'ai perdu...Je vous souhaite une excellente journée.

Ecrivant aussi poliement qu'elle avait pu s'exprimer par le passé, elle avait mis les formes dans cette petite lettre, mais elle avait été ferme. Elle n'avait aucune envie qu'il s'immisce dans sa vie alors qu'il ne connaissait même pas son nom.

Amusé du mode de communication qu'il allait être obligé d'employer avec la jeune fille, Tarod saisit le papier qu'elle lui tendit non sans remarquer l'apparente animosité qui l'animait. Il allait commencer à le lire lorsque la jeune fille ramassa précipitemment ses affaires, et partit plus loin. Tout n'était que trop clair. Il avait abusé. Et alors ? Ce n'était rien de plus que son comportement habituel. Tout en fronçant les sourcils, Jared lut les inscriptions sur le papier, et sentit une vague d'indignation le soulever. Cette élève avait du répondant, il en était maintenant assuré. Outré de se faire refroidir ainsi, il froissa le papier entre ses doigts et se leva, furieux. Puis, cherchant des yeux la jeune fille, il finit par l'apercevoir, qui marchait le long du train. Elle ne lui échapperait pas cette fois, pas après ça... Il rabattit sa cape sur son visage, et se mt à courir entre les élèves, en bousculant certains, en recevant des insultes de la part de parents outragés. Dans une autre situation, il n'aurait pas hésité à pointer sa baguette sur leur tempe... Mais il se sentait mû par une envie irrépressible de continuer la discussion qu'il avait entamé avec la jeune fille. Elle était courageuse, nul n'aurait osé lui répondre de la sorte en sachant ce qu'il représentait. Ou alors peut être qu'elle se sentait apaisée par le monde qui l'entourait. En sécurité... Il lâcha un rire détonnant et finit par rattraper la jeune fille alors qu'elle allait monter dans le train. Il posa une main de fer sur son épaule, et la contraignit à le regarder. Abaissant de nouveau son capuchon, il scruta les environs. Un peu plus et il était repéré... Tâchant de dissimuler son excitation dangereuse, il regarda de nouveau la jeune fille et relâcha légèrement son étreinte sur son épaule...

"Une vie normale... Qu'est-ce qu'une vie normale pour vous ?... Je pense honnêtement que vous avez beaucoup à apprendre, et que vous mesurerez la portée de vos propos dans quelques temps, lorsque l'usure du temps vous aura fait découvrir qu'il ne suffit pas de posséder un handicap physique pour avoir une vie anormale... Vous pourriez prendre le temps de vivre, de vous attacher à certaines personnes..."

Il se dégoûta lui même des propos qu'il venait de tenir. Voilà qu'il faisait la leçon à une jeune fille qui aurait pu être à sa place. Cruelle stupidité... Il était incapable de réaliser en lui même que ses propos s'adaptaient à lui, mais il savait pertinnement que la jeune fille n'aurait pas le même destin que lui... Ils ne détonnaient pas de la même manière chez elle. Ils pouvaient lui faire réaliser... réaliser quoi ?... Et dans quel but ? Tarod se mit à trembler convulsivement, comme si le fait de se montrer moralisateur était la pire chose qui soit...
Il détourna les yeux de la jeune fille, et prit quelques secondes pour reprendre contenance... Lorsqu'il la regarda de nouveau, son visage était aussi dur que du marbre, le malaise qu'il venait de ressentir s'était estompé...

"Vous battre pour ce en quoi vous croyez est la meilleure chose qui soit... Je n'ai fait qu'insinuer le contraire... Permettez moi de me montrer suspicieux en ces temps ou le monde entier est régit par l'égocentrisme et la lâcheté..."

Il finit par lâcher complètement l'épaule de l'élève, et soupira de dédain.

"Je ne doute pas que vous atteindrez votre but, de la sorte... Même si les aléas de la vie ne vous gâtent pas... "

Il parlait en connaissance de cause, et ne doutait pas que beaucoup de mauvais moments attendaient la jeune fille, dans la muraille infranchissable de Poudlard...

Alors qu'Aya longea le quai en espérant rapidement monter dans le train, elle eut un mince soupir...Les portes n'étaient pas encore ouvertes, et elle ne risquaient pas de s'ouvrir tout de suite. Le contrôleur du train apparut et lui fit un sourire. Il ouvrit la porte et disparut aussi vite qu'il était venu. Alors qu'elle se rendait dans le train, une main la retint et l'obligea à tourner la tête. C'était le jeune homme de tout à l'heure, il semblait furieux, et c'était certainement à cause d'elle...Mais qu'avait-elle fait pour que sa journée démarre aussi mal? Elle le regarda sans détour, son regard brillait violemment, mais elle ne se démontait pas pour autant. En elle, une forte envie de s'enfuir l'animait, mais elle la chassa rapidement de son esprit, comme si elle ne voulait plus jamais fuir...Pendant de nombreuses années, elle s'était haïe parce qu'elle avait fuit aussi fort qu'elle l'avait pu. Mais aujourd'hui, elle ne comptait pas refaire la même erreur. Elle ne savait pas qui était ce jeune homme plus âgé qu'elle, elle ignorait jusqu'à son nom, mais il avait une sorte de mystère qui attirait inéluctablement Aya...Il ne fallait pas qu'elle se laisse prendre au piège, il fallait qu'elle lutte, qu'elle arrête de croiser son regard...Son coeur battait si fort et elle était tellement pétrifiée de peur qu'elle trembla l'espace d'un instant, de toute son âme. Qui était-il...Elle aurait bien aimé le savoir. Mais elle venait d'avoir un choc suffisant pour que sa voix se libère...Sa peur avait été telle qu'elle eut un petit sursaut de voix, semblable à un cri enfoui.

Alors qu'elle allait essayer de dire quelque chose, il se mit à trembler violemment, ce qui l'inquiéta encore plus. Allait-il avoir un malaise, ou allait-il savoir se contenir par lui même? Elle avait peur, affreusement peur, et pourtant elle ne laissait rien paraître de son effroi. Il venait de lui donner une leçon de vie, elle aurait pu le gifler pour cela, ou au moins exploser de colère...Mais au lieu de ça, elle eut un très mince sourire. Ses yeux brillèrent encore d'avantage, comme si des larmes allaient perler, mais ce n'était pas le cas. Au contraire, cela voulait dire qu'elle avait parfaitement compris ce qu'il avait voulu dire...Se battre pour ce en quoi elle croyait...Pour elle qui ne croyait plus en rien, cela allait être difficile, mais peut-être devrait-elle essayer...D'une voix assez faible, elle essaya tout de même de s'exprimer.

" Pourquoi...Me dites vous cela? Pourquoi...Ne pas vous attacher aux...Autres vous même? Quelqu'un...Pourrait vous aimer...Vous...Moi...M'attachez aux autres...J'en suis...Incapable..."

Elle posa sa main glacée sur celle du jeune homme l'espace d'un instant, puis elle l'enleva de son épaule. Elle n'aimait pas spécialement qu'on la touche, mais elle devait admettre qu'il était le premier depuis longtemps à la troubler tellement qu'elle trouvait de nouveau la force de s'exprimer. C'était d'ailleurs très étrange qu'il n'en soit pas resté là lorsqu'elle l'avait laissé en plan, peut-être que cela aurait été préférable, mais pourtant, intérieurement elle le remerciait. Sans lui, peut-être qu'elle n'aurait jamais reparlé...

Il parlait d'égocentrisme et de lâcheté? L'avait-elle été durant l'instant où elle l'avait cotoyé? Au lieu de rentrer dans le train, Aya s'éloigna vers un banc et s'y assis tranquillement. Elle semblait perdue et elle se mit de nouveau à trembler, comme si elle même allait faire un malaise. Aya n'avait plus envie d'être aussi faible qu'avant, elle voulait se battre. Levant la tête vers le jeune homme, elle fit briller son regard en une violente lueur de lutte. Ce regard signifiait que jamais elle n'abandonnerait. Il ne doutait pas qu'elle atteindrait son but, selon ses dires...Mais elle n'avait aucun but à présent, c'était comme si elle était une véritable coquille vide.

" Je n'ai pas de but...Plus...Maintenant. Mais...Je pense qu'en fait...Vous devriez vous occuper...De vous même...C'est la preuve que...L'égocentrisme...Ce n'est pas...Un sentiment...Que vous éprouver...Sinon...Vous ne seriez pas revenu...Même si vous étiez furieux...Je sais...Que pour vous...Je ne suis...Qu'une gamine irrespectueuse...Mais vous...Vous êtes peut-être...Quelqu'un de bien...Malgré...Ce que vous semblez croire...La souffrance...Je l'ai déjà connue...Et je la connaîtrais jusqu'à la fin sans doute...Mais peut importe...Aucune...Importance..."

Elle baissa légèrement la tête. Son visage transpirait à grosses gouttes, comme si elle était épuisée par quelque chose. mais en vérité, sa plaie au dos venait de se rouvrir, et elle saignait abondemment. Elle ferma légèrement les yeux, mais elle les rouvrit rapidement et releva la tête. Elle quitta pas les yeux du jeune homme, curieuse de savoir ce qu'il allait faire, malgré de fines goutelettes de sang qui coulaient à terre...

Tarod ne pouvait pas comprendre le soudain élan d'humilité qui le transperça. Comment un être aussi petit pouvait il manifester d'une telle sagesse ? Lui même ne l'avait acquise qu'au prix de bien des années d'errance et d'enseignement. Tous ses a priori menaçaient de tomber. Il n'était plus tout puissant, et une enfant d'une dizaines d'années seulement était en train de lui apprendre. Le masque insensible qu'il s'efforçait de garder depuis le début de leur discussion menaçait réellement de tomber, au profit de... De quoi ? De qui ? Personne ne l'avait emmené dans ses derniers retranchements, et c'était aujourd'hui le cas... Il ne dominait plus la situation. Lorsque la jeune fille s'approcha d'un banc et s'y assit, il la suivit sans broncher, et en réfléchissant aux propos qu'elle venait de lui tenir. Une fois assis, il observa longuement la jeune fille. Elle semblait... pâle... dangereusement à la dérive... et parfaitement consciente de l'être... Il savait qu'il l'avait effrayée précédemment et ne s'en étonnait pas. Peu de personnes pouvaient prétendre ne pas avoir peur de ses réactions lunatiques et extrèmes... Ce n'est que lorsqu'il lui sembla apercevoir un mince filet de sang sur le dos de la jeune fille que Tarod laissa tomber un peu plus les barrières qui l'habitaient communément...

"M'attacher aux autres... C'est une tendre utopie... Sachez simplement que cela m'est impossible de par mon destin et ma personnalité. Je n'ai jamais réussi... Et honnêtement jamais essayé... Je ne peux guère en dire plus..."

Un silence effrayant tomba entre eux. Comme si toute la conscience qu'ils avaient bannie de leurs coeurs revenaient tout à coup... Du moins, c'est ainsi que Tarod le ressentait... Il pouvait lire la douleur sur le visage de la jeune fille, une douleur qu'il n'avait lui même peut être pas connue... La petitesse de sa vie lui pesait sur la tête, et ne le quitterait certainement plus...

"Mais vous... Vous avez l'opportunité de rencontrer un nombre conséquent de personnes... Je n'ai qu'un conseil à vous donner... Profitez de votre scolarité pour créer des liens. Car après, il n'y aura plus rien, vous serrez seule dans un monde d'adultes si vous ne faites pas d'efforts... Je ne sais pas pourquoi je vous dis ça... Certainement parce que... Dans un sens vous me ressemblez, lorsque j'avais votre âge..."

Il ne quittait pas la jeune fille des yeux. Son nom... Il ne le connaissait pas... Certainement que l'entendre lui rappellerait les longs mois d'étude dans la documentation des mangemorts... Il ricana en lui même avant de voir le sang couler plus franchement qu'auparavant. La situation pourait empirer... Et il serait responçable... Cette vision n'aurait pas dû l'émouvoir... Combien de fois avait il été la cause de maintes blessures et souffrances ? Il n'osait y penser, et réalisa subitement qu'une partie de son être ne supportait pas le comportement qu'il avait en compagnie des mangemorts ou livré à lui même. Il se prit à se demander si la jeune fille n'était pas une sorte d'oracle, un personnage aux capacités héréditaires fort rarissimes... Il n'était pas supersticieux... Mais cette fois, sa stabilité mentale était en jeu... Revenant à la réalité, il posa un regard inquiet sur la jeune fille avant d'ajouter, peu sûr de lui...

"Vous trouverez le but de votre vie. Laissez lui simplement le temps de se manifester. Laissez lui une chance de vous redonner goût à l'essentiel. Il viendra, soyez en sure... et peut être plus tôt que vous semblez le penser..."

Il n'osa pas demander clairement quelle était la source du saignement de la jeune fille... Préoccupé, il y fit une simple allusion, que nul ne pouvait ne pas comprendre...

"Réalisez vous que votre tunique bleu est en train de se tacher petit à petit d'un rouge éclatant, mais qui me semble douteux, quant à sa provenance ?"

Il laissa son regard errer sur les vêtements de la jeune fille. Elle ne risquait rien pour le moment... mais il leur faudrait agir, si au moins il en avait la possibilité...

Aya semblait regarder au loin, et elle était tellement perdue dans les méandres de sa pensée qu'elle avait du mal à revenir sur terre. Le départ du train n'était pas prévu pour tout de suite, fort heureusement...La jeune fille se sentait parfaitement incapable de se lever, ni même de faire un seul geste. Alors qu'elle n'avait pas posé son regard sur lui depuis quelques instants, le jeune homme était venu la rejoindre sur son banc. Sa plaie au dos la faisait souffrir, et pourtant sa douleur était muette, son visage ne laissait en aucun cas voir qu'elle éprouvait une souffrance. Il fallait dire que c'était une plaie ancienne, et qu'il y avait plusieurs mois qu'elle ne s'était pas rouverte...Pourquoi maintenant? Parce que le choc émotionnel qu'elle venait de subir avait été assez important, et qu'elle n'avait pas réussi à contenir suffisamment sa peur. Plus les minutes passaient, plus le visage d'Aya devenait aussi pâle que la neige qui tombe si souvent en Islande. Alors que le jeune homme se mit de nouveau à parler, elle le regarda à nouveau dans les yeux, dans un élan de courage. Pour une fois, elle ne faisait preuve d'aucune lâcheté, et elle affrontait chacun de ses regards sans ciller un seul instant. Elle semblait faible, et elle n'avait pas que l'air, elle l'était réellement. Pourtant, elle luttait plus que jamais pour éviter de s'évanouir en pleine gare. C'était la certitude qu'elle avait de dormir dans un lit d'infirmerie dès le première soir, ce qu'elle voulait à tout prix éviter.

Alors qu'il dévoilait un mystère de plus sur lui même, Aya tourna rapidement la tête et eut un mince sourire bienveillant et compréhensif. Elle s'était déjà attachée à quelqu'un jusqu'à en rompre les battements de son coeur...Et c'était pour le sauver qu'elle s'était éloigné de lui...Mais dans le fond, peut-être que l'amour qui l'avait consummée à petits feux pendant de nombreux mois s'était finalement éteint à présent. Aya savait qu'elle souffrirait toujours de ce qu'on avait pu lui dire ou lui faire. Sa plaie au dos rouverte en était bien la preuve, et elle ignorait combien de temps elle tiendrait...D'une voix faible, presqu'éteinte, elle répondit tout de même, comme si cela était vital...

" Pourquoi n'avoir jamais essayé? Cela ne me regarde pas mais...C'est triste pour vous...Peut-être que quelqu'un saurait calmer votre colère enfouie...Personne ne peut se prétendre capable de sonder les sentiments d'une certaine personne...Moi même je n'en serais certainement jamais capable...Mais...Personne ne mérite l'indifférence ni la souffrance qu'apporte la solitude...Pas même vous..."

Peut-être était-elle bercée par une douce utopie elle aussi...Mais rêver avait du bon parfois, car il amenait avec plus de douceur à la réalité, et le saut était bien moins violent...Aya ne pouvait plus cacher sa souffrance, si bien qu'elle eut un violent hoquet de douleur. Elle se recroquevilla à moitié sur elle même, et pourtant elle résistait, plus que jamais. Pour une fois, elle se montrait telle qu'elle était, plus courageuse qu'elle ne le laissait paraître. Tout s'embrouillait autour d'elle et ses mains devenaient glacées, mais elle luttait tout de même.

Lorsqu'il reprit la parole une nouvelle fois, Aya tenta de se contenir un maximum. Le sang s'écoulait de plus en plus abondemment, et ses forces la quittaient de plus en plus vite. Mais elle écoutait, chaque mot qu'il prononçaient lui parvenait et elle les comprenaient. Elle tourna violemment la tête vers lui lorsqu'il lui dit qu'elle lui ressemblait un peu lorsqu'il avait son âge...Inconsciemment, elle fut légèrement flattée. Peut-être n'y avait-il pas de quoi, mais elle n'avait pas pu s'en empêcher. Il semblait certain que sa vie n'allait pas être aussi sombre qu'elle ne le pensait...Comment pouvait-il en être aussi certain? Aya elle même en doutait, et elle n'arrivait pas à se raisonner là dessus.

Elle tourna de nouveau la tête et la baissa à moitié. Une larme coula le long de la joue que le jeune homme ne pouvait pas voir. Mais ce n'était pas de flatterie qu'elle s'était permise de laisser échapper cette larme, c'était de souffrance, qui était de plus en plus violente. Combien de temps lutterait-elle encore? Elle même était parfaitement incapable de le dire. Elle avait néanmoins un léger sourire aux lèvres. Il ne la connaissait pas, pas plus qu'elle ne le connaissait, et pourtant il avait su lire en elle comme dans un livre ouvert. Il y avait encore beaucoup de mystères sur sa vie qu'il ignorait, mais il semblait être plus perspicace qu'elle ne l'était elle même.

" Vous me dites toutes ces choses...Mais pourquoi ne souhaitez vous rien en ce qui vous concerne? Vous avez le droit à ne pas souffrir, comme tout le monde...Je reste persuadée qu'il y a beaucoup de bon en vous...Il suffit de savoir lire en vous...Je ne prétend pas comprendre ce que vous êtes, ni même ce que vous pensez...Mais je vous souhaite aussi de rencontrer quelqu'un qui vous permettra de voir uniquement le bon de ce monde...Comme on l'a déjà fait pour moi...Je n'ai plus rien à attendre, parce que le bonheur, la joie...Je l'ai déjà connue, et je l'ai perdue, par ma simple faute...Je ne mérite donc plus à avoir accès à de tels sentiments...Mais pour vous qui n'avez jamais essayé...Peut-être que cela vous sera accordé..."

Un mince sourire restait comme ancré dans son visage, tandis qu'elle ferma légèrement les yeux. Elle semblait faible et épuisée, et sa voix était devenue aussi brisée que son souffle. Lorsqu'il lui annonça que son dos saignait et que sa tunique se colorait, elle ne pu s'empêcher de dire, en le regardant droit dans les yeux:

" Ca va passer...Ce n'est pas grand chose..."

Tarod ne pouvait supporter ce qu'il entendait. Il s'agissait d'une simple auto-destruction ! Même lui n'avait jamais osé aller si loin, sachant pertinnement qu'il avait encore des choses à faire dans ce monde, en bien ou en mal... Une auto-destruction autant mentale que physique, il le voyait sur le visage et les réactions de souffrance de la jeune fille. Elle savait se contenir, peut être même mieux que lui... Mais il s'agissait presque de masochisme, poussé à cet extrème. Il pensa intérieurement qu'elle méritait de vivre, bien plus que lui, qui avait déjà tenté de mettre fin à ses jours... Il se sentait concerné, par le simple fait qu'elle lui ressemblait, dans un sens. Après avoir écouté et analysé les paroles qu'elle lui débita avec difficulté, il ne put s'empêcher de répondre avec véhémence...

"Je ne vois pas pourquoi j'aurais plus droit que vous au bonheur, simplement parce que je ne l'ai jamais connu dans son expression la plus pure... Vous venez vous même de dire que personne ne mérite l'indifférence et la souffrance qu'apporte la solitude. Mettez vous dans le même lot que moi, vous n'êtes pas différente, quoi que vous ayez vécu..."

Son regard, resté neutre voire sur la défensive jusqu'à présent, s'adoucit, jusqu'à laisser paraître un mince sourire. Tarod avait la très nette impression que ses propos influaient sur la jeune fille, et il en était fier, même s'il ne se l'avouerait jamais. Qui sait, peut être était il en train d'empêcher que l'histoire se perpétue, qu'un autre suicide soit tenté dans l'enceinte de Poudlard... Bannissant ces pensées rêveuses de son esprit, il fut saisi d'une onde de peur lorsque la jeune fille sembla sur le point de défallir. Elle résistait exceptionnellement bien, il pouvait désormais en être certain. Mais la limite de tolérnce du corps humain allait être franchie sous peu, et sans ménagement. Et alors, il serait découvert, et son avenir serait gravement compromis...

Jugeant que les paroles rassurantes de la jeune fille n'étaient qu'un tissus mensonger, Tarod se leva du banc et se posta derrière elle, qu'elle le veuille ou non. Il sortit sa baguette, curieux de savoir si l'enseignement qu'il avait reçu à Poudlard perdurait en lui... Il la pointa sur le dos de la jeune fille, et murmura un sort...

"Chirurgia."
( HJ: Ce sort existe réellement Laughing

)

Le sang arrêta de couler, mais Tarod était parfaitement conscient que la blessure infligée ne guérirait pas par un simple sort de soin, effectué par un simple amateur. Il se rassit aux côtés de la jeune fille, et blêmit en voyant la blancheur qu'avaient pris ses traits. Impuissance... Il se serait tapé de ne pouvoir faire mieux... Et d'oser se soucier du confort d'une inconnue, une non mangemort qui plus est... Un éclair de lucidité lui fit soudain comprendre qu'il ne pouvait qu'être la cause de la blessure... D'une manière ou d'une autre, il provoquait toujours la suffrance de ses interlocuteurs. Son regard se fit morne, dénué d'expression, et il se rassit aux côtés de la jeune fille...

"Je suis désolé... Je vous épuise... Je ne saurai trop vous conseiller d'entrer dans le train maintenant..."

Il se devait de mettre fin à leur échange... C'est ce que l'on appelle l'auto-mutilation... Il ne supportait pas de ne pas se montrer agressif lorsqu'il rencontrait quelqu'un, la situation le rendait mal à l'aise... D'autant plus avec une enfant de l'âge de celle ci. Tout en se levant gauchement, il tendit une main à la jeune fille, soudain soucieux qu'elle ne s'évanouisse pas sous ses yeux. Son regard s'était fait ambigü. Une intense souffrance psychologique s'y lisait, comme une satisfaction trop longtemps non éprouvée. Il ne remarqua pas qu'il tremblait lorsqu'il tendit sa main à la jeune fille...

Aya savait bien que les propos qu'elle tenaient aller lui paraître déplacés. Elle était parfois redoutable également pour donner des leçons de vie aux autres, même si elle le faisait sans trop s'en rendre compte...Depuis qu'elle avait quitté l'Islande quelques heures plus tôt, elle s'était sentie comme libérée de son habituelle oppression. C'était très étrange, mais lorsqu'elle était à Poudlard, tout lui semblait plus simple et moins douloureux. Elle n'y était pas encore, et pourtant le jeune homme venait de la troubler à un degré assez élevé, il fallait dire ce qui était...Alors qu'il se remit à parler, elle tourna à nouveau son visage si pâle vers lui. Pourquoi s'adressait-il à elle de cette manière, c'était un véritable mystère, et elle n'arriverait sans doute jamais à le sonder...Mais si elle essayait de faire un seul pas pour fuir comme elle aurait très bien pu le faire, elle allait très certainement s'effondrer. Alors même si elle ne comprenait pas son comportement, elle resta là où elle était, en essayant de demeurer impassible face à sa propre douleur, ce qui n'était pas gagné. Ce qu'il déclara la troubla encore un peu plus. Selon lui, elle devait se mettre dans le même sac que lui et éprouver en quelques sortes les mêmes sentiments face au monde...C'était une chose qu'elle ne savait plus faire depuis longtemps, comme si elle avait perdu toute volonté au fils des ans.

" Si je me met dans le même lot...Tout va recommencer, et mon père risque de le faire payer de nouveau...Cela est-il donc sans fin? J'aimerai pouvoir faire ce que vous dites, mais j'avoue être pétrifiée à la simple idée que l'on s'intéresse à moi et...Oubliez ce que je viens de vous dire, ça n'aura jamais aucun sens pour vous..."

Peut-être que cela en avait, mais c'était comme si elle refusait d'y croire une nouvelle fois. Elle avait tellement souffert par amour précisément qu'elle ne voulait plus jamais ressentir ce sentiment destructeur, ni même être attirée par une personne. C'était un sentiment qu'elle semblait s'interdire purement et simplement. Pour éviter de trop y penser, elle espérait qu'un jour un quelconque bonheur viendrait percer la carapace du jeune homme, comme quelqu'un l'avait déjà fait pour elle.

Alors qu'elle ne l'avait pas entendu se lever, la jeune fille se permis de mettre sa tête sur ses genoux, laissant ainsi ses longs cheveux noirs voler jusqu'au sol. Elle avait mal, et elle n'en pouvait plus de ne rien laisser paraître, c'était bien trop dur pour elle. Aya avait déjà résister plus qu'assez longtemps, et elle était de plus en plus pâle. Au moment où elle s'y attendait le moins, il pointa sa baguette sur elle et lui lança un sort, de guérison sans doute. La jeune fille eut un léger hoquet de douleur non dissimulé cette fois, et elle releva péniblement la tête. La plaie de saignait plus mais la douleur, elle, était encore bien présente. Il se replaça vers elle, et Aya le regarda péniblement, en ayant comme une sorte de sourire reconnaissant.

Il n'avait pas l'air d'être fier de lui, il avait même l'air d'être en colère de nouveau...Avait-elle dit de nouveau quelque chose qui avait blessé son orgueil? Si cela avait été le cas, il n'aurait pas prononcé les paroles qui suivirent son geste. La jeune fille regarda un instant son visage, il était redevenu de marbre, et il s'était rassit à côté d'elle sans aucune émotion. Elle était semblable avant, mais elle ne désirait plus être comme cela. Elle fut surprise qu'il soit comme inquiet pour elle...Non, il ne l'épuisait pas, au contraire. Peut-être même qu'il avait fait beaucoup plus qu'elle ne l'imaginait.

" Vous ne m'épuisez pas...Cette blessure...On me l'a faite il y a deux ans...Mon père...Qui m'a gravé un symbole au poignard...C'est lui qui m'épuise à cause de cela, pas vous...Merci, pour tout ce que vous m'avez dit. Vous avez peut-être trouvez mes propos totalement déplacés...Mais dites vous que ce ne sont les paroles que d'une simple gamine qui vient de trouver en quelqu'un une faible lueur d'espoir..."

Avant qu'elle ne parle, il lui avait conseillé de monter dans le train, et même si elle aurait voulu continuer cette discussion, elle pensait que continuer reviendrait à dire qu'elle le gênerait, d'une manière ou d'une autre. Elle prit sa main dans la sienne et remarqua qu'il tremblait. Elle eut un regard interrogateur, mais avant qu'elle puisse dire quoi que ce soit, elle vacilla violemment et s'évanouit, incapable de résister plus longtemps à la douleur...

Tarod, subjugué qu'un père ait pu infliger une telle blessure à son enfant, n'osait plus bouger. En effet, ce qu'il avait lui même vécu ne pesait rien face au ressentit de la jeune fille. Elle devait être comme prise au piège, un piège posé par son père... Un jour, un jour elle trouverait la force de se défaire de ses chaînes. Voilà ce que serait son but, ce qui la guiderait tout au long de sa vie... Il la regarda de nouveau, et ajouta une parole très simple, non sans une once d'amusement dans la voix...

"Une simple gamine... Qui vit une vie des plus anormales... Belle contradiction n'est-ce pas ?"

Lorsqu'elle lui prit la main, il remarqua enfin qu'il tremblait, et, tout en baissant les yeux, il sentit que son étreinte se relâchait subitement. Il n'eut que le temps de la rattraper avant qu'elle ne tombe sur le sol. Pétrifié à l'idée d'avoir une telle responçabilité, Tarod la souleva et se précipita non sans rapidité dans le train. Par chance, il était encore tôt, et peu d'élèves avaient embarqué. Il resterait inaperçu. Se rappelant les années de scolarité qu'il avait vécu à Poudlard, il parcouru le train, à la recherche du dernier wagon, celui qui n'était pas fréquenté... Il le trouva au bout de quelques minutes de marche, et déposa la jeune fille inanimée sur le siège de mousse. Elle semblait plus pâle que jamais, et il fut soulagé de voir qu'elle respirait encore. Soudainement pris de doute, il se retourna et n'aperçut que le murmure de mouvements dans le lointain. Les élèves allaient embarquer, et il ne pouvait pas prendre le risque de se faire enfermer dans le train. Il ne pourrait pas assister la jeune fille jusqu'à son réveil.
Entrant en contact avec le stylo qu'ils avaient précédemment utilisé pour communiquer, Tarod eut une idée qui allait les sauver tous deux. Avec rapidité, il commença à griffoner sur le papier et enleva prestement sa cape. Il déposa sa cape sur la jeune fille, et mit le papier dans l'une des poches de celle ci. La jeune fille le trouverait certainement. Dessus, il était marqué ces quelques mots...

Rencontre à priori banale. J'espère avoir contribué à vous redonner un minimu d'espoir et de croyance en la vie qui vous attend. Comme vous l'avez bien dit, il ne sert à rien de perdre espoir, quelles que soient vos motivations...
Je peux seulement vous dire que je m'appelle Tarod. N'essayez pas de me revoir, le risque serait trop grand. Bonne continuation malgré tout...

Une fois qu'il eut terminé son ouvrage, Tarod sortit sa baguette, ouvrit la porte et y grava quelques mots en lettres d'or...

"Ici gît une jeune fille qui a besoin de soins... Merci de la prendre en charge dès que possible... Merci..."

Puis, entendant le train démarrer, il jeta un dernier regard sur la jeune fille et pensa tout bas... *J'aimerais la revoir... Si je peux faire quoi que ce soit...*
Il descendit prestement du train, et prit la direction du quai moldu, le regard plus incernable que jamais...

Aya n'avait pas la moindre idée de ce qui était en train de lui arriver, et c'était comme si elle était enfermée dans un cauchemard...Allait-on la laisser seule comme habituellement ou allait-on pouvoir la sauver, rien qu'une fois dans sa vie? Demeurerait-elle perdue encore longtemps? Plus rien n'était certain à présent, et elle était elle même pétrifiée de peur...Son dos la faisait souffrir plus violemment que jamais, et pourtant, elle semblait résister, encore et toujours...Elle se sentit soudainement soulevée, et elle ignorait qui portait son corps frêle tout en courant en même temps...Elle qui n'avait jamais été secourue, peut-être le serait-elle, aujourd'hui...Doucement, elle poussa un soupir, comme si elle allait rendre son dernier souffle...Il y avait d'abord eu du bruit, puis un étonnant silence...C'était comme si elle était entourée de brume et qu'elle ne pouvait plus s'en sortir seule.

Elle se sentit posée délicatement dans un endroit paisible et confortable. Le silence était toujours aussi intense, mais elle sentait qu'elle ne serait plus seule très longtemps, comme si elle avait pu prévoir tout cela...Elle sentit soudainement une douce chaleur l'envahir, et c'était la cape de Tarod qui la recouvrait...Il y eu de nouveau un grand silence, puis elle entendit des bruits de pas accélérés. Quelqu'un était en train de l'osculter et de lui faire un pansement pour sa blessure au dos. Elle sentit une douce main sur son front, on lui prenait visiblement la température, et on ne tarda pas à constater qu'elle était brûlante. Oui, elle avait certainement de la fièvre, peut-être même que sa plaie s'était infectée...Quelqu'un veilla sur elle jusqu'à ce que le train soit loin de la gare. Au bout d'une heure, Aya rouvrit de petits yeux, elle n'avait jamais été aussi épuisée. Une vieille femme avait veillée sur elle et se mit à lui sourire.

Il ne lui fallut pas longtemps pour se relever un peu trop brutalement, et elle eut légèrement mal au dos. Mais la douleur était bien moins violente. Voyant que cela allait mieux et qu'elle reprenait une couleur plus humaine, la vieille femme la laissa seule un instant. Elle se remémora un instant sa rencontre avec ce jeune homme si mystérieux...Ils avaient passé un très court moment ensemble, et pourtant il avait été étonnement intense...Elle posa son regard sur la cape qui la couvrait, et elle ne mit pas longtemps avant de se rendre compte que c'était celle du jeune homme...Sursautant légèrement, elle compris qu'il était parti...Mais elle compris aussi qu'il avait tout fait pour qu'elle soit sauvée...Voyant un morceau de papier dépasser de l'une des poches, elle le déplia et le lut. Elle savait maintenant son nom, et même si son mot était assez sec, cela n'empêcha pas Aya de laisser plusieurs larmes couler le long de sa joue. Elle serra le morceau de papier dans ses mains, et murmura, en regardant légèrement par la fenêtre:

" Merci pour tout...Tarod...Qui que vous soyez vraiment..."