Les gamins étaient déjà en nombre sur la place de jeu. Certains s’occupaient depuis déjà de longues minutes sur le toboggan en forme d’éléphant, montant l’escalier, descendant la rampe, faisant le tour, remontant l’escalier, descendant la rampe,… ils donnaient l’impression d’être une bande de rats de laboratoire qui suivaient continuellement le même parcours qu’ils connaissaient par cœur.

D’autres se balançaient sur des structures à étages où des cordes, des barres leur servaient à passer d’une passerelle à l’autre. Ceux-là c’était les préférés à Arsène. Ils se donnaient à cœur joie pour régresser dans une imitation parfaite du chimpanzé. Sauf que les chimpanzés quand ça tombait – si du moins ça tombe - ça ne se mettait pas à chialer et à hurler. Comme si le monde s’arrêtait et que la terre entière devait savoir que LE gosse était tombé. C’était un peu un signal d’alarme car dès le moment précis où LE gosse ouvre la bouche pour lâcher ce cri strident qui ne mène nulle part, une horde de parents se précipitent dans sa direction pour mesurer l’étendu des dégâts qui en général se solde à quelques maigres égratignures. Quoi la semaine précédent, LE gosse s’était cassé l’humérus, un splendide spectacle sanguinolent qui s’était soldé par les sirènes stridentes de l’ambulance qui se précipitait sur les lieux. Et dire qu’il n’aurait fallu qu’un peu de magie pour réparer tout ça ET faire taire LE gosse en question. Pauvre parents.

Dans un coin reclus de la place de jeu, un énorme bac à sable contenait lui aussi son lot de mômes. Ceux-là étaient difficilement classables. Car d’une manière générale, ils n’adoptaient pas tous le comportement lorsqu’il s’agissait de s’occuper avec du sable. Certains se lançaient dans la conquête – digne des plus grands dictateurs de ce monde – de tout le bac à sable, tentant de dominer les autres mômes – surtout les plus petits – à coup de pelle et de sable dans la gueule. D’autres, subissaient ou tentaient de survivre désespérément sans terminer la journée avec des grains de sable dans les yeux – ou la bouche – ou avec une commotion cérébral suite à un coup de râteau bien placé. Les plus intéressants du lot c’était ceux qui mangeaient avidement des tonnes et des tonnes de sable par jour à l’insu de leurs parents idiots.

Arsène n’était installé sur le banc que depuis quelques minutes, mais il se régalait déjà. Un gosse était déjà tombé de la structure et pleurait à chaudes larmes dans les jupes de sa mère. Un autre s’était ramassé une énorme pelée de sable dans les yeux, lancé avec hargne par une gamine à couettes. Une future dominatrice rebelle qui promettait d’emmerder ses parents bien longtemps.

Pour occuper le temps avant l’arrivée de son amie de longue date, le médicomage avait emporté avec lui une revue médicale où il avait publié un article au sujet des morsures de loup-garou. Un article qui présentait de manière précise les soins curatifs pour diminuer drastiquement les douleurs suite à la morsure atroce du sorcier sous sa forme animal. Rien de très révolutionnaire, néanmoins ça permettait de limiter le temps d’hospitalisation des victimes. Certes sa lecture restait entrecoupé d’événements des plus inintéressants mais parfois divertissants provenant de la horde de sauvages qui s'amusaient devant lui.

Il attendait impatiemment la venue de sa camarade de jeu. Cela faisait quelques temps qu’ils n’avaient pas eu l’occasion de se retrouver sur le terrain de jeu et celui-ci semblait accueillir un nombre d’enfants assez conséquent en cette belle journée ensoleillée. Probablement la dernière avant l’arrivée de la pluie automnale.

Cette rencontre tombait bien car Arsène avait franchement besoin de se défouler aujourd’hui. Rien ne valait qu’un petit concours de sorts avec Arth pour le remettre de bonne humeur. Le premier round n’allait d’ailleurs plus tarder à commencer. Jetant un œil à sa montre, le professeur de soins magiques constata que l’oubliator était en retard. Probablement débordée par le travail au ministère.