Le mardi matin, Lavande n’avait pas cours puisqu’elle ne s’était pas inscrit aux options de Techniques administratives qui ne l'intéressait pas du tout, elle était donc affalée sur son lit avec son baladeur sur les oreilles, en train d’écouter pour la énième fois le dernier tube des Bizzar Sisters. Elle serait bientôt capable de le réciter au silence près et pourtant elle ne s’en lassait pas, ce qui n’était malheureusement pas le cas de sa colocataire qui avait failli détruire le poste de radio d’un sort mal intentionné la dernière fois que Lavande avait voulu mettre la chanson. L’ex-griffonne s’était donc rabattu sur l’option écouteurs pour ne pas compliquer encore plus une colocation déjà bien difficile au vu de leurs caractères on ne peut plus éloignés l’un de l’autre et maintenant elle s'y était habituée, même quand elle était seule comme c'était actuellement la cas. Elle en était donc au brillant solo de guitare du chanteur/guitariste lorsqu’elle aperçut une chouette en train de tapoter la vitre de la fenêtre. Surprise de ne pas reconnaître le volatile (à qui pouvait-elle bien appartenir ?), elle mit l’appareil sur pause, retira les écouteurs et posa le tout sur son oreiller avant d’aller ouvrir à la messagère ailée.

Seulement quand elle ouvrit, la chouette au lieu de patienter tranquillement qu’elle récupère le message, comme tout animal normalement dressé, lui fonça droit dessus et commença à lui picoter l’oreille. Non mais c’était quoi son problème au piaf ? Enervée, elle tenta de l’éloigner avec des grands gestes mais cela ne fit qu’empirer la situation. Elle finit donc pas arriver jusqu’à sa table où était posée sa baguette, elle l’attrapa d’un geste vif et la pointa droit sur la chouette qui sembla comprendre qu’il était temps d’arrêter son cirque. Elle tendit donc la patte pour laisser la jeune fille récupérer la lettre mais avec un air de défi notoire dans le regard. Lavande ne se fit pas prier et, menaçant toujours l’oiseau de sa baguette, s’empressa de récupérer la missive. Une fois que cela fut fait, la chouette s’envola immédiatement au grand soulagement de la brunette. Cet animal n’était pas net et elle avait l’intention de s’en plaindre à son propriétaire si elle en avait l’occasion. Enfin, d’abord fallait-il découvrir l’identité dudit propriétaire. Elle ouvrit donc la lettre et la parcourut des yeux.

Alan ! Bah il était bien gentil de la prévenir après coup que sa chouette n’aimait pas les filles, mais ça lui faisait une belle jambe maintenant que la bataille était finie. Enfin, le garçon avait au moins pensé à s’excuser, alors elle n’allait pas lui faire une scène non plus. Elle sourit en arrivant au passage concernant l’adresse du Chaudron Baveur : quel sorcier anglais ne connaissait pas l’entrée du Chemin de Traverse ? Cependant, ce détail mis à part, le sujet de la lettre ne lui plaisait pas particulièrement. Elle savait parfaitement que son Duel approchait à grand pas, mais franchement pour l’instant elle avait pratiqué la politique de l’autruche pour éviter de stresser : à savoir faire comme si de rien n’était et éviter d’y penser. Mais là, Alan ne lui laissait plus le choix, et puis tout bien pensé, plus elle aurait d’informations sur son possible adversaire, moins elle aurait de chances de se faire laminer et humilier devant des dizaines de personnes.

Ainsi, l’après-midi elle avait enfilé un jean et un débardeur basiques, pas la peine de se prendre la tête pour aller boire un verre avec un ami et prit le métro jusqu’au Chaudron Baveur, elle se voyait mal transplaner à l’intérieur du bar et encore moins devant, en plein milieu du Londres moldu. Une fois arrivée, elle poussa la porte du bar miteux, après s’être assuré qu’aucun moldu ne l’observait. A l’intérieur, elle parcourut l’endroit des yeux pour tenter de trouver Alan. Elle savait que le garçon aimait se déguiser et elle n’était pas spécialement douée pour les devinettes, donc il ne lui restait plus qu’à espérer que la tâche ne soit pas trop titanesque. Bon les deux sorcières au fond ... définitivement non. La famille à droite, de même. Le petit vieux sur la gauche ... non, il était borgne et elle ne voyait pas comment son ami aurait pu réussir un tel déguisement en si peu de temps. Il ne restait donc plus que le cadre au fond à droite. Elle se dirigea donc droit sur lui, en priant pour ne pas s’être trompée sinon bonjour la honte ! Mais en s’approchant, elle reconnut son ami malgré le déguisement et puis cette façon de tenir sa jambe un peu raide était sûrement due à son Duel. Elle savait ce qu’il s’était passé, on le lui avait raconté mais elle n’avait pas pu le voir, trop occupée à rattraper en catastrophe une potion qu’elle avait bousillée en cours que Britannia lui avait ordonné de refaire et qu’évidement elle n’avait commencé qu’à la dernière seconde, on parlait d’une potion là et même pas de soins donc aucun intérêt à ses yeux. Bref, tout ça pour dire qu’elle savait ce qu’il était arrivé à son ami, elle s’assit donc et dit :

-Hey ça va mieux ? J’ai entendu pour ta jambe, d’après ce que j’ai compris t’as vraiment joué de malchance non ?

La suggestion d’Alan concernant la possibilité que sa mère ait entraîné sa chouette pour éloigner les filles qui pourraient s’intéresser à lui ne sembla pas si farfelue que ça à Lavande. Après tout, si on pouvait enseigner à une chouette à trouver un sorcier où qu’il soit, pourquoi ne pouvait-on pas la dresser pour écarter toute potentielle rivale de môman dans le cœur de son Alan-chouchou ? Néanmoins l’idée était assez flippante et la jeune fille espéra pour le bien de son ami que sa mère n’était pas aussi possessive, sinon il risquait d’avoir quelques difficultés à se trouver une petite amie, alors qu’objectivement le garçon avait des atouts non négligeables. Il n’était peut-être pas à couper le souffle au premier regard (mais en même temps si tout le monde l’était ça n’aurait aucune sorte d’intérêt, n’est-ce pas ?), mais son caractère jovial et amical lui donnait un charme un peu gamin qui devait plaire à bien des filles. Et qui plus est, le brun était loin de se prendre pour Dieu le père et savait reconnaître les qualités de ses interlocuteurs, ce qui donnait à ces derniers une sensation de bien-être que tout le monde ne dégage pas forcément.

Ainsi, la modestie qui ressortait de ses paroles lorsqu’il lui expliqua les raisons de son échec était patente. Au lieu de jeter la faute sur des facteurs externes, il reconnaissait clair et net que son adversaire était puissante et douée et il n’hésitait pas non plus à se remettre en cause. Cependant, lorsqu’il en arriva à parler du moment où il avait vu sa propre tombe, Lavande fut bien obligé de reconnaître qu’il était normal d’être déconcentré par une telle situation. Qui pourrait supporter de voir sa mort affichée comme un fait quelconque, surtout si comme le disait Alan, la tombe avait en plus ravivé des souvenirs douloureux. Elle se fustigea mentalement en se traitant de tous les noms de ne pas avoir assisté au Duel de son ami. Si elle avait fait gaffe en cours, elle aurait été là quand il en avait besoin, le réconfortant après sa défaite et pas maintenant plusieurs jours après. Elle se serait baffée. Elle voulait dire quelque chose pour alléger un peu son remords, mais ne savait pas quoi.

Ce fut Alan lui-même qui lui donna la réponse qu’elle cherchait. En effet, le garçon commença à se fustiger en concluant de son duel qu’il était un incapable, infichu de se battre comme il le faut. Or, elle savait pertinemment que c’était faux, elle ne connaissait pas les habilités duellistiques de l’étudiant, mais elle le connaissait assez comme pour savoir qu’il n’était ni un sous-doué ni encore moins un lâche.

-Hey te sous-estime pas comme ça ! Comme dit le proverbe, c’est pas parce que t’as perdu un Duel que t’as perdu le tournoi pour autant. Et puis, tout le monde ne peut pas être un combattant né, ce qui ne veut pas dire pour autant que parce que tu te dédies à sauver des vies tu es incapable de te défendre ou de protéger quelqu’un. Je veux bien croire que McBrien est douée, je la connais vaguement et c’est pas une Serdaigle pour rien, mais d’après ce qu’on m’a raconté, tu es suffisamment fair-play pour avoir tenté de performer un sort de soin sur elle en plein milieu du combat, moi je trouve ça génial ! Les gens pourront te dire que c’est idiot lors d’un vrai combat, mais bon sang c’est juste un tournoi pour s’amuser, on est plus en guerre ! Surtout que lors d’un vrai combat, j’te fais pas un dessin, lorsque l’autre voudra ta peau, tu réagiras plus par instinct qu’en réfléchissant malheureusement.

Son humeur se fit maussade tandis que des images de la bataille de Poudlard qui avait failli faire d’elle une lycanthrope remontèrent à la surface. Sa main vint inconsciemment se poser sur la cicatrice, bien dissimulée par un charme de Désillusion, qui traversait son bras gauche, souvenir laissé par Greyback à défaut d’avoir pu planter ses immondes crocs dans sa chair, tandis qu’elle se mordait nerveusement la lèvre. Si elle s’était inscrite à ce tournoi c’était pour ne plus jamais se sentir aussi impuissante que lorsque Greyback lui avait sauté dessus : malgré tous les entraînements à l’AD, elle avait été totalement dominée en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « Ouf » et, si Hermione n’avait pas fait une apparition miraculeuse, alors qu’elle perdait connaissance, elle ne se serait probablement jamais réveillée ou bien elle se serait réveillée avec un nouvel habitant dans sa jolie carcasse.

Cependant, elle ne pouvait pas se permettre le luxe de se morfondre, apparemment d’après les infos collectées par Alan son futur adversaire allait lui poser autant de problèmes si ce n’est plus que le loup-garou sanguinaire. Elle se redressa donc brutalement, se tenant bien droite sur sa chaise, les yeux rivés dans ceux de son ami. Elle aurait dû se sentir terrifiée en entendant les mises en garde du garçon, mais à son grand étonnement, elle ne ressentait qu’une sévère envie d’en découdre avec le mystérieux inconnu qui allait lui servir d’adversaire. Elle était loin d’être calme et probablement qu’une fois dans l’arène, ses peurs referaient surface d’un seul coup, mais pour l’instant, elle voulait mettre toutes les chances de son côté. Elle n’avait pas seulement l’intention de s’en sortir « en un seul morceau » comme disait Alan, elle avait l’intention d’en faire voir de toutes les couleurs à son adversaire. Et si elle perdait, ce qui restait tout de même l’option la plus probable (elle était motivée certes mais réaliste également, le souci évident de son ami démontrait assez clairement que son adversaire n’allait pas faire dans la dentelle), elle le ferait dignement. Elle déclara donc :

-Bah vas-y déballe tout s’que t’as sur lui, on va pas y passer la nuit, non ? J’suis peut-être débile, mais j’ai pas l’intention de partir vaincue, je vais donner tout s’que j’ai et quel que soit le résultat, je pourrais être fière de moi.

Elle regarda son ami avec une lueur de défi dans les yeux, comme pour le provoquer de dire le contraire et d’en subir les conséquences. Elle savait pertinemment que son comportement était enfantin, à défaut de pouvoir relâcher la tension de façon productive, elle s’en prenait au pauvre Alan qui était la seule personne en sa compagnie, malgré le fait qu’il était clairement là pour l’aider. Cependant, elle n’y pouvait rien, dans les situations de stress, elle ne se contrôlait plus très bien, c’était comme ça.

Les paroles sombres de son ami la choquèrent un peu, lui qui était toujours si joyeux et prêt à faire des farces à tout le monde, c’était si inhabituel de l’entendre être si sérieux. En cours, il était certes concentré mais jamais il n’avait cette lueur triste au fond des yeux comme à l’instant. Néanmoins, elle aurait pu s’en douter. Ils avaient beau ne pas s’être remarqués à Poudlard, ils venaient de la même promotion et par conséquent, ils avaient tous deux vécu la bataille à la fin de l’année précédente, ce qui signifiait que le garçon avait probablement ses propres blessures qu’il cachait comme elle le faisait avec les siennes. La différence c’est qu’à la façon qu’il avait de parler d’« ils » et de « elle », ses blessures à lui étaient probablement psychologiques plus que physiques. Il avait très certainement perdu des amis durant la bataille, elle se demanda brièvement si « elle » avait été sa petite amie, mais elle considéra qu’il était très déplacé de l’interroger alors qu’il souffrait encore de la perte et ravala sa curiosité.

Surtout que l’étudiant retrouva très rapidement son humour naturel. Elle sourit en s’imaginant combattre dans un monde digne des Barbapapa, ce serait sûrement amusant, mais bien peu probable. On pouvait supposer que si les organisateurs avaient commencé en grande pompe avec un décor de cimetière une nuit de pleine lune, ils allaient continuer sur leur lancée en leur concoctant une autre scène digne des grands films hollywoodiens. Qu’est-ce que ce serait : un temple inca ou indhou en ruines ? un centre commercial désaffecté ? une île tropicale ? Bon d’accord elle avait vu trop de films d’aventures, mais mieux valait être préparé au pire avec Murray à la tête de l’équipe d’organisation ! D’où son ton limite agressif quand elle interrogea le brun sur son futur adversaire. Elle sentait d’avance que ce Duel n’allait pas être partie de plaisir, donc autant être au courant des dangers encourus le plus vite possible, elle détestait attendre quelque chose de désagréable sans pouvoir s’y préparer.

- "Loin de moi d'en douter Lavande, t'en fais pas ! J'en doute pas une seule seconde... et même je serais ravi que tu puisses lui mettre sa pâtée et crever ses chevilles surdimensionnées !"

Son adversaire était orgueilleux ? Voilà une information qu’elle pourrait utiliser à son avantage ! Comment, elle ne le savait pas encore mais il s’agissait d’un défaut et si le type se surévaluait, elle arriverait bien d’une façon ou d’une autre à en tirer partie.

- "Y a de grandes chances que ce soit lui, à moins d'un changement de dernière minute. Tu as entendu parler des nouveaux profs qui enseignent à Poudlard ? Il en fait partie, il gère justement le cours de duels. Il s'appelle le professeur William Mac Carter et de ce que j'ai entendu ce n'est pas un rigolo du tout. J'ai quelques échos de ma petite soeur en première année qui est terrorisée par lui et aussi de Clarisse que j'avais rencontré avant le duel. Prof très rigide, insaisissable, aux méthodes disons... discutables pédagogiquement parlant. A horreur des Griffondors et serait connaisseur des magies noires. Je l'ai vu quelques fois sur le Chemin... et je dois t'avouer qu'il m'inspire vraiment pas confiance ce type là. J'ai un mauvais pressentiment, et je tenais à t'avertir. Il est assez puissant, et j'ai cru comprendre qu'il a été auror avant d'être prof. J'ai confiance en tes capacités, Lavande, mais je t'en prie, sois prudente."

QUOOOOOOOOOOOOIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII ????????????????!!!!!!!!!!!!!!!!!!! C’était forcément une mauvaise blague, là parce que le contraire aurait été bien trop horrible.

**Allez Alan, j’attends, dis-moi que c’est une mauvaise farce ! Non, non, me regarde pas comme ça ! Oh putain c’est pas vrai, il est sérieux ! Je suis foutue ! Je devrais envisager de déclarer forfait avant de me faire tuer en direct. Je veux dire : un professeur de Duels ! C’est seulement permis ça ? Non seulement c’est un adulte bien plus expérimenté que moi, ex-Auror par-dessus le marché, mais qui plus est il fallait qu’il enseigne les Duels ! Et, bien évidemment avec la chance qui me caractérise il déteste les Gryffondors et connaît la Magie Noire. Alan m’aurait dit que le criminel le plus recherché de Grande-Bretagne voulait ma peau que je me serais sentie pareille : ma vie est en sursis ! Bordeeeeeeeeellllll !!!!!!**

Lavande était totalement abattue par la nouvelle. Tout comme quelques instants auparavant elle rêvait d’en découdre, maintenant elle ne voulait que s’enfoncer dans son lit et dormir pour l’éternité. Elle avait beau ne pas être peureuse de nature, elle n’en était pas pour autant suicidaire et si la règle « tous les coups sont permis » s’appliquait aussi au prochain duel, ç’en était fini d’elle. Elle ne mourrait sûrement pas, elle osait espérer que personne ne le permettrait, mais elle risquait très très mais alors TRES fortement de finir drôlement amochée. Or, elle ne voulait pas être ridiculisée et martyrisée en public, elle n’aimait pas souffrir et elle avait un minimum de dignité.

Elle était tellement perdue dans son désespoir qu’elle n’entendit pas la tentative d’alléger la tension ambiante de son ami et releva brusquement la tête, l’air absolument désemparé.

-Je crois que je ferais mieux de me retirer du Tournoi d’office. Tu sais comment on fait ?

[HJ : C'est un peu plus court que d'habitude mais je préférais te laisser libre de répondre à cette déclaration ]

Plus Alan avançait dans son speech d’encouragement, plus il mettait d’entrain à essayer de lui remonter le moral et plus Lavande sentait le poids qui lui opprimait la poitrine depuis qu’elle avait découvert l’identité probable de son futur adversaire s’alléger. Vraiment elle ne savait pas ce qu’elle avait fait pour mériter un ami pareil, mais elle remerciait les cieux de les avoir tous deux conduit à la Piscine au même moment quelques mois auparavant. Jusqu’à ce jour elle ne s’en était pas vraiment rendu compte, mais, depuis ce moment, elle avait commencé à réellement compter sur Alan lorsqu’elle avait un souci quelconque ou simplement envie de passer un bon moment. Elle ressentait même moins l’éloignement insupportable de Parvati, non pas que l’indienne arrête de lui manquer, ça c’était tout simplement impensable, Parv’ était son âme sœur, au-delà de ce que tous les autres êtres humains pouvaient lui fournir qu’ils soient parents, amis ou petits amis, mais elle ne ressentait plus le besoin de l’appeler tous les soirs pour lui raconter sa journée en détail. Elle pouvait passer plusieurs jours sans avoir de ses nouvelles sans pour autant se sentir délaissée, et mine de rien elle aimait bien cette nouvelle situation. Sans se quitter, elles grandissaient et apprenaient à vivre éloignées l’une de l’autre et son amitié grandissante avec Alan était une des raisons qui le permettait. Le garçon remplissait en partie le vide sentimental laissé par l’absence de sa meilleure amie et elle lui en était grandement reconnaissante. Elle le laissa donc finir et lui sourit pour le remercier de ces paroles de soutien.

-Tu as raison, j’ai un peu perdu les pédales. J’ai tendance à agir d’abord et réfléchir ensuite, faut croire que je suis pas Gryffondor pour rien.

Elle eut un petit rire nerveux car malgré tout l’angoisse qu’elle ressentait n’avait pas totalement disparu et elle avait l’estomac complètement noué.

-Je vais suivre tes conseils et essayer de faire au mieux. C’est vrai qu’il ne risque pas de mettre sa carrière en jeu juste pour un tournoi amical ... enfin j’espère.

Elle sentit son taux de panique augmenter brutalement, tandis qu’elle imaginait la possibilité que l’homme soit un tel féru de Duels qu’il préfère s’en donner à cœur joie que garder son poste de professeur. Mais non, si jamais il se laissait aller lors du premier tour, il risquait fortement d’être disqualifié donc pas d’inquiétude à avoir de ce côté-là. Elle respira profondément pour tenter de se calmer.

-Je crois que je vais profiter de ton offre et prendre une vodka orange, j’ai besoin d’alcool pour redescendre ma tension.

Elle fit signe au serveur qui s’approcha et nota sa commande. En attendant qu’il revienne, elle reprit avec un demi-sourire :

-Et promis, je ne lancerai pas de pierres tombales à la figure de l’ennemi.

Elle eut un nouveau rire, mais cette fois-ci bien plus naturel. Puis, redevenant sérieuse, elle fixa son ami droit dans les yeux et tenta de lui faire comprendre à quel point elle appréciait son aide :

-Merci pour tout : pour l’invitation, pour le verre et surtout pour être là quand j’en ai besoin, j’apprécie réellement et je tenais à ce que tu le saches.

Alors qu’elle se sentait rougir de sa brusque déclaration, le serveur revint avec sa consommation et elle la lui arracha quasiment des mains pour en boire une gorgée et cacher ainsi sa gêne.

Les conversations sérieuses et douloureuses, Lavande avait toujours eu beaucoup de mal avec elles. Lorsqu’il s’agissait de partager ses sentiments, sauf si son interlocuteur était Parvati ou bien ses parents avec qui elle se sentait en totale confiance, elle avait toujours un blocage inconscient. En parler cela signifiait accepter qu’ils existaient et lorsqu’ils étaient désagréables, elle préférait les ignorer, appliquant la politique de l’autruche le plus longtemps possible. Bien évidemment, c’était une technique à double tranchant puisqu’elle avait beau lui éviter les soucis pendant un moment, lorsque la coupe était pleine, ses sentiments débordaient de façon irraisonnée et lui causait souvent bien plus d’ennuis que ne l’aurait fait une bonne explication en temps voulu. D’où sa prompte volonté de changer le sujet de la conversation à un thème plus joyeux lorsqu’Alan avait évoqué la bataille de Poudlard. A vrai dire elle n’avait pas réellement écouté ce qu’il avait dit, la simple évocation du combat la renvoyant à ses propres démons, elle avait voulu en sortir au plus vite. Mais lorsque le garçon reprit la parole, elle se rendit compte que ce ne serait pas possible cette fois-là. Il était clair qu’elle allait devoir faire un effort, pas pour elle-même, mais pour le bien de son ami qui, lui, semblait avoir besoin de parler du passé pour se débarrasser du poids de douloureuses aventures apparemment peu racontées.

Elle l’écouta donc religieusement, voyant avec un pincement au cœur la difficulté qu’avait le garçon à parler de ses amis décédés et se trouvant ridicule de faire toute une scène concernant sa propre expérience vu que dans l’ensemble elle s’en était extrêmement bien sortie comparée à Alan. Lui avait perdu ses deux meilleurs amis : elle n’osait même pas imaginer la douleur qu’il avait dû ressentir, surtout s’il se sentait coupable comme il avait l’air de le faire, et elle savait encore moins comment il avait fait pour surmonter une telle perte et réussir à être aussi joyeux au jour d’aujourd’hui. Jamais elle n’aurait deviné qu’il avait un passé aussi sombre au vu de sa jovialité quotidienne : à côté de lui, elle s’en sortait comme une reine, non seulement elle n’avait perdu aucun ami proche mais en plus, elle n’avait pas été transformée en loup-garou malgré sa rencontre forcée avec Greyback ce qui était tout simplement avoir une chance incroyable. Elle prit donc quelques secondes pour remettre de l’ordre dans ses idées et tenter de trouver les mots justes pour alléger un peu la peine de son ami.

-Je suis absolument désolée d’apprendre la mort de tes amis. Je sais bien que ça ne les fera pas revenir et que ça n’allègera pas ta douleur, mais sache que dans la limite de mes moyens je compatis, malgré le fait que je suis bien obligée d’avouer que je n’ai aucune idée de qui ils étaient. Mais le simple fait qu’ils aient été tes amis me suffit pour savoir qu’ils étaient des gens bien.

Elle fit une pause, se sentant comme une idiote qui répète des phrases banales tout droit sorties d’un mauvais mélo télévisuel, mais continua néanmoins car elle avait encore d’autres choses à dire, même si elle aurait voulu pouvoir les faire passer autrement.

-Si je peux me permettre, tu ne devrais pas rejeter la faute sur toi car il me semble peu probable que tes amis soient morts par ta faute : dans un combat, c’est souvent le hasard qui décide qui part en premier et qui survit et cela bien plus que nos actions. Je sais bien que ça doit être plus facile pour toi de blâmer quelqu’un de la mort de tes amis, même si c’est toi que tu blâmes plutôt que d'accepter que c'est un coup malheureux du hasard, mais je doute que ce soit ce qui s’est réellement passé. Enfin je n’étais pas là non plus donc si jamais c’était tout de même le cas, dis-toi que tes amis ne t’en veulent pas : après tout mourir pour un ami c’est une belle façon de mourir, non ? D’une certaine façon, ça donne un sens à ta mort.

OK, là elle partait dans des considérations hors de propos, surtout qu’Alan allait probablement trouver qu’elle se mêlait de ce qui ne la regardait absolument pas. Elle se permettait de faire des remarques sur son comportement alors qu’elle n’avait pas été à ses côtés pendant le combat et n’avait donc aucune idée réelle de comment il s’était déroulé. Elle changea donc rapidement de sujet et dit :

-En tout cas, je trouve que c’est honteux de la part des organisateurs d’avoir été fouiller dans ton passé de cette façon pour te déstabiliser. C’est non seulement dangereux car ça peut amener des traumatismes en dehors du contexte du duel, mais surtout c’est de la violation de vie privée.

Elle se sentait réellement indignée d’apprendre que les organisateurs pouvaient recourir à des trucs aussi vils. Sur le coup, elle en oublia la proposition de parler de Poudlard ainsi que son propre duel, tout à son indignation. Elle se reprit cependant vite, considérant qu'elle se devait de terminer en ajoutant :

-Enfin, je comprends en partie ta douleur, on a tous des souvenirs horribles de la bataille de fin d’année. Personnellement j’ai eu beaucoup plus de chance que toi, mais j’ai eu mon propre lot d’emmerdes.

Elle fit alors un geste qui la surprit elle-même, elle sortit sa baguette de son sac à main, la pointa sur son bras gauche et dit : « Finite Incantatem ». Le charme de Désillusion supprimé, apparut alors une horrible cicatrice qui partait de l’intérieur de son poignet pour se terminer au creux de sa clavicule. C’était la toute première fois qu’elle la montrait à quelqu’un. A part les Médicomages qui l’avaient soignée, ses parents et Parvati, personne ne l’avait vue et le reste des gens pensaient qu’elle ne gardait aucune séquelle visible de sa rencontre avec le lycan.

-Souvenir de mon combat -enfin c'est un bien grand mot, je me suis fait laminer comme une débutante, c'était honteux- contre Fenrir Greyback. Et encore je peux m’estimer drôlement heureuse, si Hermione n’était pas apparue quand j'ai perdu connaissance, je ne serais peut-être pas là à te parler ou pire j’aurais été transformée.

La pensée la fit frissonner mais elle ne retira pas son bras, bien décidée à prouver au garçon que la confiance qu’il avait placé en elle était réciproque.

Lavande remarqua la lueur d’espoir qui s’alluma dans les yeux d’Alan lorsque celui-ci envisagea la possibilité que son amie fut encore en vie et elle se surprit à prier pour lui que tel fut le cas. Après tout, cette Honor, bien qu’elle ait été chez les Serpents, semblait compter énormément à ses yeux (elle était convaincue qu’à un moment ou un autre, il avait eu un faible pour elle mais n’avait pas osé l’avouer de peur de briser leur amitié, ça ressemblait bien à l’idée qu’elle se faisait du caractère du garçon) et ça lui suffisait amplement pour souhaiter qu’elle ait survécue. Néanmoins, elle sentit sa poitrine se serrer lorsqu’elle vit le refus soudain du garçon d’imaginer cette possibilité heureuse de peur très probablement de souffrir plus si elle s’avérait n’être qu’une illusion. Elle se promit donc à elle-même de relancer le sujet à un autre moment, lorsque l’atmosphère serait moins tendue et qu’Alan aurait eu le temps d’assimiler le fait qu’il l’avait mise au courant d’un de ses secrets les plus intimes et, par conséquent, ne se sentirait pas agressé si elle ressortait la discussion sur le tapis. En effet, elle était convaincue qu’il fallait que son ami s’assure que son amie était bien morte, car dans le cas contraire elle avait peut-être un quelconque problème et il était de son devoir d’ami de l’aider, et son rôle à elle dans l’histoire consistait à aider Alan dans ses recherches.

Néanmoins, pour l’instant comme ils l’avaient tous deux fait remarquer à divers moments, il était temps de passer à des souvenirs plus légers et heureux. Elle lança donc un nouveau sort de Désillusion sur son bras qui redevint totalement normal, comme si la cicatrice n’avait jamais existé, hocha la tête en signe d’acquiescement lorsque Alan lui fit remarquer que comparer quantativement leurs blessures de guerre était futile et répondit à son sourire par un de son propre cru. Puis, elle se creusa quelque peu les méninges à la recherche d’une aventure de ses années Poudlard digne d’être racontée, non parce que des situations embarrassantes et donc hilarantes pour ses auditeurs elle en avait connu des masses (surnom oblige), mais elle avait un minimum de dignité et préférait choisir une histoire où son ego n’en prenait pas non plus trop pour son grade, elle aurait bien le temps d’en arriver aux plus cocasses plus tard, selon la tournure que prendraient les évènements. Cependant, elle finit par se rendre compte que la seule qui lui venait à l’esprit sur le moment était plutôt humiliante, mais bon elle espérait qu’Alan ne se moque pas trop, et puis si elle avait survécu aux moqueries de ses camarades à l’époque, elle supporterait bien le rire d’un ami, non ?

-Des moments drôles ? Je crois que je pourrais écrire un recueil rien qu’avec eux ! En dix-huit ans de vie, je les ai littéralement accumulés. Disons que même si je n’apprécie pas du tout le surnom, il y a un peu de vérité dans le fait que les gens m’appellent la Cruche. Je vais te le prouver par un exemple. Quand j’étais en troisième année, un jour, on a eu cours particulièrement hard avec McGo où elle nous avait fait transformer un chien en table basse et je me suis lamentablement humiliée devant l’intégralité des Gryffondors et des Serdaigles présents ! Parce que oui, avec la chance qui me caractérise, il fallait que ce soit un cours en binôme avec les grosses têtes.

Elle soupira en repensant à cette aventure désastreuse et poursuivit son récit :

-En gros, j’ai eu beau m’y reprendre à dix fois, ma table basse continuait d’avoir des pattes poilues et une queue et évidemment elle se baladait dans la toute pièce avec moi en train de lui courir après pour essayer de la retenir. Bref tout ça était déjà bien humiliant, mais le pire reste à venir. En effet, alors que j’étais sur le point d’attraper cette fichue monstruosité, la table d’un Serdaigle s’est mis à aboyer très fort, ce qui l’a fait sursauter, il a donc lâché sa baguette cet imbécile et moi j’ai glissé dessus pour me retrouver les quatre fers en l’air, montrant ma culotte à toute la classe, qui a bien évidemment hurlé de rire. J’ai bien cru que j’allais mourir de honte, surtout que pour ne rien arranger, comme ma chute m’a totalement déconcentrée, ma table ambulante s’est retransformée en chien et celui-ci a voulu me réconforter en venant me lécher le visage. Si je résume : un DE-SAS-TRE ! A peine me suis-je remis debout que je me suis enfuie au courant du cours, sans prêter la moindre attention à ce que gueulait McGo. Et il a fallu toute la persuasion de Parvati et la menace de me coller indéfiniment de la part de McGo pour que j’accepte de revenir en cours la semaine suivante. Et toi quelque d’aussi croustillant à raconter ?

Bah oui, elle avait joué le jeu en acceptant de ressortir les annales peu glorieuses de sa vie, alors maintenant c’était son tour à lui.

Devant le rire franc d’Alan, Lavande fut bien obligée d’admettre qu’avec du recul, sa mésaventure était franchement hilarante. Et puis, soyons honnêtes s’il s’était agi de quelqu’un d’autre à sa place, elle pouvait être sûre qu’elle aurait ri elle aussi. Seulement quand on a treize ans, les notions de relativité et de recul sont quelques peu abstraites et donc, à l’époque, elle avait juste détesté tout le monde. Heureusement qu’avec le temps, elle avait appris à se détacher un peu de ce que les autres pensaient d’elle, sinon elle aurait mis fin à ses jours depuis longtemps. En effet, l’inconvénient de faire ses études à l’UMA, c’était que la plupart des élèves étaient des anciens de Poudlard donc lorsqu’on traînait une réputation derrière soi depuis l’époque du château écossais, il était difficile de recommencer à zéro arrivé sur le campus londonien.

- Et ben j'aurais pas aimé être à ta place ! J'ai commis beaucoup de petites farces lors de ma scolarité, comme je te le disais précedemment, mais une de mes préférées remonte à ma cinquième année.

Elle laissa de côté ses souvenirs et sa réputation plus ou moins méritée et se concentra sur les paroles de son ami. Et il faut avouer que ça en valait la peine. Soudainement, elle le voyait avec des yeux nouveaux. Elle savait qu’il était d’un tempérament cabotin pour utiliser un mot classe, mais elle n’aurait jamais imaginé qu’il ait de si hauts faits d’armes à son palmarès. Duper le crapaud rose, ce n’était pas rien tout de même. Alan et ses copains entraient dans la ligue menée par les jumeaux Weasley là ! Surtout qu’en écoutant l’histoire, elle se rappela de l’épisode. A l’époque, la nouvelle avait fait le tour de l’école : un groupe d’élève avait ridiculisé la Grande Inquisitrice herself. Lav’ n’avait assisté à aucun cours où le fameux inspecteur était passé, mais elle avait entendu des filles de seconde année en parler dans la Salle Commune, avec les larmes aux yeux à force de rire.

-Whoh le coup du faux inspecteur, c’était vous ? Je dois avouer que je suis franchement impressionnée là ! C’était pas passé inaperçu à l’époque, même si la sortie finale des jumeaux Weasley avait un peu fait oublier tout le reste. En tout cas plus tu parles et plus je sens que je l’aurais bien aimé ta Honor.

Aouch, ne jamais utiliser le passé ! Maintenant elle avait dû lui rappeler que son amie était morte ou portée disparue. Crétine, crétine, crétine ! Elle tenta de se rattraper du mieux qu’elle put :

-La preuve que le blason ne compte pas tant que ça, finalement, hein ?

Pathétique comme tentative de rattrapage, mais elle n’avait pas trouvé mieux. Toujours gênée, elle jeta un coup d’œil à sa montre pour ne pas avoir à regarder son ami dans les yeux et elle hallucina en voyant l’heure. Ça faisait bientôt deux heures qu’ils étaient là à papoter : ouh là là il fallait qu’elle rentre ! Le mercredi les étudiants n’avaient pas cours, par conséquent ses parents lui avaient proposé de venir dîner et passer la nuit à la maison et il fallait qu’elle termine de préparer ses affaires avant de se pointer chez elle. Elle termina donc son verre d’une seule traite et tandis qu’elle sortait son porte-monnaie pour payer sa consommation, elle s’excusa auprès de son ami, de son départ précipité :

-‘Tain je suis désolée, mais là faut vraiment que j’me grouille. J’dîne chez mes parents ce soir et j’ai pas du tout fini de préparer mes affaires.

Elle lui lança un sourire d’excuse, attrapa son sac et se dirigea à toute blinde vers la sortie. Arrivée à la porte d’entrée, elle se retourna et cria, s’attirant des regards étonnés –pas comme si elle en avait quoique ce soit à faire :

-Désolée de partir si vite et merci pour la conversation. J’compte sur toi pour venir me soutenir pour le Duel ! On s’voit jeudi en cours.