Ca va chauffer (PV Flitwick)

Même jour que le cours de Flitwick pour les années 1 à 3 donc le vendredi (fin de journée) et le temps est nuageux.

Lorsque la porte s’ouvrit, la salle des professeurs était vide de toute présence humaine. Tant mieux ; Mc Carter détestait travailler en présence d’autres gens et la présence d’un de ses confrères ne l’aurait que dérangé. Il était déjà quelque peu énervé ou plutôt, dirait-il, il avait les nerfs tendus. Se déplacer de son bureau à la salle des professeurs lui avait valu plusieurs regards soit craintifs, soit antipathiques, auxquels la réponse avait été un sourire mielleux mêlé à un regard venimeux. Il n’avait pas eu la chance de croiser un des rares élèves qui l’appréciaient, à contre-courant du reste de l’école. Même parmi les enseignants, il avait remarqué ce matin, en levant les yeux par-dessus la lettre qu’il lisait, que Flitwick et un autre de ses collègues discutaient d’une manière assez animée et, entendant son nom en tendant quelque peu l’oreille, il eut l’impression désagréable que les adultes commençaient à être au courant de ses frasque. C’était plus rapide qu’il ne l’avait supposé ; il comptait que les murmures ne seraient pas entendus des professeurs avant un certain temps.

Tant pis, ou plutôt tant mieux, la lutte allait commencer et il allait l’entamer directement. Il faudrait être prudent, laisser croire des choses pour éviter de se faire prendre. Il serait regrettable de se retrouver déjà devant la vieille McGonagall pour entendre qu’il était renvoyé. Il ferma les yeux quelques instants. Quelques misérables petits bien-pensants n’allaient pas le décrocher, il avait des soutiens parmi les élèves et ceux-là feraient pencher la balance en sa faveur… Un peu plus énervé, il se leva, laissa ses papiers administratifs qu’il était en train de classer juste avant et se dirigea vers la théière pour se servir un grande tasse de thé à laquelle il ajouta une généreuse ration de cognac.

Déambulant à travers la salle en ruminant toujours ses pensées un peu maussades, il n’entendit pas tout de suite que quelqu’un entrait dans la pièce. Ce ne fut seulement que lorsqu’il se retourna pour regagner sa chaise qu’il aperçut le chétif professeur de sortilèges, directeur des serdaigles et sous-directeur de Poudlard, Filius Flitwick. Mc Carter ouvrit la bouche pour le saluer et se composa une mine amicale qui ne pouvait être démentie que par le fond de son regard qui gardait un certain éclat.

- Bonjour mon cher… Nous n’avons pas eu l’occasion de beaucoup nous parler depuis que je suis en poste à Poudlard.

Il n’avait jamais aimé cet homme. Il le jugeait trop peu exigeant vis-à-vis de ses élèves, trop gentil, trop tolérant, trop Flitwick en fait. Néanmoins c’était un potentiel à exploiter. S’il jouait fin, il pourrait réussir à lui faire voir que son attitude envers les élèves était un léger dérapage. Il choisit de lui tendre une perche pour voir si l’enseignant la saisirait ou s’il ne lui dirait rien de ce qu’il désirait entendre. Prenant un ton qu’il s’efforça de rendre sympathique, il entama tant bien que mal la conversation.

- Comment vont vos cours en ce moment ? Les miens sont quelque peu difficiles dans les années supérieures, pas chez vous ?

Le minuscule professeur de sortilèges et enchantements venait de terminer son cours sur le capillusaumento, qui s’était plutôt bien déroulé dans l’ensemble. Les élèves étaient toujours intéressés d’apprendre de nouvelles choses et certains avaient une vraie soif de connaissance, ce dont le directeur adjoint ne pouvait que se réjouir. L’enseignant était ensuite descendu dans la Grande Salle pour prendre son déjeuner. Il y était resté durant trois bons quarts d’heures à deviser avec ses collègues. De nature joyeuse, le petit homme trouvait toujours de quoi sourire et s’amuser, même s’il savait faire preuve de sérieux lorsque la situation le demandait.

A 14 heures, il quitta la table des enseignants et la Grande Salle. Comme il n’avait plus cours de toute la journée - excepté une répétition de chorale dans la soirée, après le diner, il décida de se rendre en salle des professeurs pour corriger les devoirs des sixièmes années sur le sortilège d’aguamenti. Le petit homme prit donc la direction du troisième étage - le même étage que sa salle de cours d’ailleurs - et arriva bientôt devant la salle, gardée par deux gargouilles que le petit homme avait toujours vu depuis ses débuts au château.

Filius poussa la porte et observa les lieux. Il n’y avait qu’un seul collègue, et malheureusement pas son préféré. Il s’agissait du professeur de duels, William Mccarter, sur lequel le petit homme avait entendu de drôles de choses. Légèrement mal à l’aise, l’enseignant ferma la porte et adressa un sourire crispé à son collègue.

Il se dirigea alors vers son casier et en sortit la pile de devoirs tout en cherchant une place du regard. Bien qu’il n’était pas du style à se caler dans son coin, il ne se voyait pas travailler avec cet homme qui se comportait apparemment de façon assez méchante avec ses élèves. Comment pouvait-il leur apprendre quelque chose dans la crainte ? Flitwick ne trouvait pas de réponse et s’en allait déjà vers un bureau à l’opposé du professeur de duels. C’est alors qu’il entendit la voix grave de l’homme le saluer en déclarant qu’ils n’avaient pas eut l’occasion de beaucoup se parler. Le petit enseignant, qui dépassait à peine les un mètre de hauteur, se retourna et se força à sourire à son collègue.

- Bonjour professeur McCarter. On dirait que le soleil joue à cache-cache ces derniers jours.

Bon, au moins il s’était montré poli, il avait fait des efforts. Pensant que maintenant il allait pouvoir travailler tranquille, McCarter engagea la conversation et Flitwick n’eut d’autre choix que de rejoindre la table du professeur de duels pour lui faire un peu la conversation. Dommage que Sigmund ait cours le vendredi après-midi, il l’aurait bien invité à les rejoindre.

- Mes cours se déroulent toujours à merveille, cher collègue. Il faut dire que j’enseigne au château depuis plus d’un demi-siècle, je connais donc parfaitement mon métier…

Un bref sourire se perdit dans sa barbe broussailleuse.

- J’ai toujours été curieux de savoir quels étaient les sujets abordés en cours de duels ?

Flitwick imaginait mal le professeur faire s’entrainer les élèves au duels toute l’année, et durant sept ans complet. Il devait surement y avoir des exercices de bases, qu’il devait rendre de plus en plus difficile avec le niveau d’étude. Faisant donc semblant de s’intéresser à l’homme en face de lui, le petit enseignant le fixa de son regard gentillet, pendant que ses petites jambes au-dessous de la table fouettaient l’air nerveusement.

Mc Carter dévisagea le petit homme en face de lui qui lui arrivait à peine au niveau de la taille en réfléchissant. Il était évident que ce dernier n’avait pas vraiment l’intention de lui pousser la conversation mais que son éternelle gentillesse l’y poussait. Eh bien, il se forcerait un peu. Néanmoins, malgré son apparente bonhomie avec laquelle il avait répondu, le maître des enchantements avait trouvé le moyen de glisser une pique, volontaire ou pas, dans sa réplique en sous-entendant qu’il avait l’expérience de l’enseignement. Il fallait ne pas attaquer comme il l’aurait fait s’il ne s’était pas trouvé en face de cet homme qu’il aurait pu envoyer voler au bout de la pièce par un simple coup de poing mais qui avait le pouvoir de le faire renvoyer s’il avait des gros écarts.

Allons bon, il allait falloir trouver une réponse qui puisse lui permettre d’enchaîner sur la suite et ramener le sujet sur les ragots qui se propageaient dans l’école plus vite que la peste. Continuant à afficher son sourire faux, il décidé de lui donner la meilleure réponse qui soit.

- Le cours de duel, à la différence du cours de DCFM, de sortilèges, de potions, de métamorphose, de botanique ou autres n’est pas un cours qui a une suite de sortilèges, de plantes ou de potions à apprendre à savoir faire. C’est à la fois une attitude à avoir, une psychologie à gagner, des réflexes et des aptitudes à former mais aussi un endurcissement, un défouloir, et un entraînement supplémentaire contre les forces du mal, bien que ce soit uniquement axé sur le combat de sorciers. Je ne pense pas qu’il y ait de grandes chances que vous soyez confronté à un duel face à un strangulot…

Il eut un léger sourire. Durant sa conversation, il tentait de se montrer amical, gentil, juste et compétent. Compétent, il savait qu’il l’était. Pour le reste, il avait bien conscience qu’il n’était que très rarement, et seulement avec quelques élus, amical et juste. Cependant, il utilisait sa facilité à modeler son visage pour y inscrire les expressions qu’il voulait.

- Voyez-vous, je divise mes cours en une partie théorique dans laquelle je propose aux élèves soit une séance d’information sur le noble art du duel, soit un échange d’idées concernant l’honneur, la stratégie, les atouts, et des discussions hautement philosophiques destinées à former l’esprit à la réflexion, et une partie pratique. Au cours de celle-ci, les élèves apprennent ou révisent des sorts de combat et entraînent leurs facultés au duel. Pour ce faire, bien évidemment, je pose des contraintes qui forcent à utiliser d’autres sortilèges, à élargir son panel de moyens de défense et à avoir un esprit plus tactique. Par exemple, je peux interdire l'usage du charme du bouclier, ce qui oblige à user d'une autre parade. Tout cela peut aussi se faire dans un duel plus classique qui se faisait encore comme sport il y a quelques années.

Et voilà. Si le professeur en face de lui ne se disait pas qu’il était hautement qualifié, il était prêt à manger son chapeau, sa baguette et un chaudron rempli de grenouilles vivantes ! Néanmoins, il était possible que le vieux Flitwick essaye de creuser plus loin sur son attitude en cours. En ce cas, il aviserait mais commençait déjà à préparer ses arguments pour le reste. Il en lâcha un dernier avant de conclure son long monologue.

- Il faut bien comprendre que le cours de duel n’a qu’une heure semaine. C’est peu mais adapté pour le voir le programme. On ne perd pas de temps. J’espère que vous avez étanché votre éternelle soif de connaissance ainsi.

Flitwick posa ses yeux malicieux sur son nouveau collègue qui s’avérait tout à fait courtois et poli. Le petit homme, s’il n’avait pas autant d’expérience en aurait été déconcerté. Cependant, au cours des années, il avait comprit qu’un botruc pouvait cacher un dragon et il avait apprit à se méfier des sorciers, même ceux qui lui faisait de bonnes impressions. Après tout, il avait côtoyé Quirinus Quirrell durant de longs mois, alors que celui-ci avait Voldemort derrière la tête. Il avait même engagé la conversation de nombreuses fois avec le professeur Maugrey, en réalité Barty Croupton Junior, et sous peu, avec Severus Rogue qui avait finit par assassiner Albus Dumbledore en haut de la tour d’astronomie. Flitwick préférait donc attendre et rester sur sa réserve.

- Oui, je vois. En gros, les duels sont un mélange entre les cours de sortilèges et d’enchantements et ceux de défense contre les forces du mal. Je me demande pourquoi la direction a ajouté un cours supplémentaire alors que nous aurions pu intégrer vos légers enseignements dans notre programme.

La politesse le retint d’ajouter qu’avec April Lightman et lui, les élèves auraient été au moins mieux traités. Mais bon, c’était le genre de propos que le « géant » risquait de mal prendre.

- Dans les années vingt, nous apprenions à nous battre au club de duels. Il avait lieu trois fois par semaine, après le diner. Ce n’était qu’une option mais il y avait tellement d’élèves que les enseignants devaient faire plusieurs groupes. D’ailleurs, j’ai de nombreuses fois remporté la coupe de duels, cher collègue. Comme quoi, la taille n’a pas d’importance chez un sorcier.

Il expliqua ensuite le déroulement de ses cours. En gros, c’était le même principe que des cours traditionnels : une partie théorique et une partie pratique. Monsieur Flitwick n’arrivait toujours pas à s’imaginer correctement la façon dont pouvait marcher ce genre de cours, mais se promit d’aller jeter un coup d’œil discret par la porte de la salle de classe de duels la prochaine fois qu’il en aurait l’occasion.

- Je comprends parfaitement que vous n’ayez qu’une heure de cours par semaine, mais vous savez, c’est pareil pour les enseignements de bases. Les sortilèges et enchantements ne représentent que deux heures dans l’emploi du temps d’un élève, trois pour les élèves l’ayant choisit en option pour les examens. Et vu que nous avons un programme beaucoup plus chargé que le votre, je ne pense pas que vous ayez matière à vous plaindre.

Légèrement agacé, Flitwick baissa la tête et posa le regard sur la première copie. Il saisit alors sa plume et commença à porter diverses appréciations dans la marge, laissant au professeur McCarter d’être raisonnable et d’en faire de même.

Le sourire hypocrite de Mc Carter devint de plus en plus visible jusqu’à muer en un horrible sourire qui ne pouvait abuser personne sur le fait qu’il n’était nullement d’humeur amicale. Il était même en train de s’échauffer peu à peu et il devait faire des efforts incroyables pour éviter de se jeter sur l’homme en face de lui. Il eut l’impression qu’on le forçait à avaler un liquide très amer durant le temps que le professeur parla. Quand il remarqua qu’une de ses mains commençait à s’agiter, il se leva, avec tout le naturel dont il pouvait faire preuve, mais brusquement et fit semblant de marcher jusqu’à la fenêtre qu’il ouvrit en grand. Il se retourna en suite du fond de la pièce et lança, d’une voix nuancée d’aigreur :

- Mes maigres enseignements ?! Vous venez de dire que votre programme était chargé et vous voudriez prendre une heure en plus dans votre horaire. Sans compter que cela s’adresse à ceux qui veulent en faire plus… C’est le principe d’une option comme la mienne. Travailler plus pour mieux se défendre. C’est le début d’une carrière d’auror. Connaître des sorts à la pelle ne sert à rien si on ne s’entraîne pas. Plus on s’exerce, meilleur on est. Et concernant les apports de réflexion philosophique de mon cours, le temps que cela prend ne saurait pas être introduit dans vos leçons chargées. Tandis que moi, avec une heure par semaine, j’ai assez. C’est ce qu’il faut pour mes maigres enseignements.

Au cours des paroles qu’il déblatéra d’une traite, il avait senti sa colère monter en lui. Nul doute que s’il avait dû faire un duel en ce moment, il aurait massacré son adversaire. Flitwick était un rusé et hypocrite, en plus. Il ne cessait de l’agresser dans ses paroles et de lui parler comme à quelqu’un qui ne méritait pas son attention. Il était définitivement classé dans les ennemis infréquentables. Et il tentait de l’ignorer en commençant des corrections. Il n’allait pas le laisser s’en tirer comme ça.

Retournant s’asseoir d’un pas décidé, il balaya ses documents administratifs dans sa serviette et se saisit d’une pile de devoirs également. Un silence troublé uniquement par les deux grattements des plumes des professeurs s’installa. Mc Carter avait choisit d’user de provocation. Il corrigeait les devoirs en prenant bien soin de choisir les copies. Entamant avec la copie de miss Deprunay, il se soulagea en rayant allègrement à travers le devoir et, quelques secondes plus tard, en écrivant un soigneux « désolant » en haut à droite du parchemin. Ne s’arrêtant pas là, il se saisit de la feuille d’Aed McRae auquel il accorda charitablement un « piètre ». Satisfait d’avoir passé ses nerfs sur quelqu’un, même s’il l’avait fait indirectement, l’avait calmé. Il pouvait reprendre une conversation et déranger à nouveau le désagréable petit homme placé en face de lui.

- Et sinon, les élèves ne sont-ils pas trop dissipés ? Chez moi, je fais tenir une discipline de fer, je ne supporte pas le chambardement…

Il imaginait facilement que les cours du professeur, en tout cas pour les travaux pratiques, devaient être l’occasion rêvée pour discuter en toute tranquillité avec son voisin de banc. Quelle horreur !