Au château, tout était toujours en mouvement. Habitué au calme de sa campagne et à une société plutôt limitée, Aed trouvait tout cela à la fois super cool et très chiant. Il devait faire sans arrêt attention à son image. Faire assez de bêtises pour perdre des points mais pas trop pour ne pas désavantager ses camarades. Il devait être fou mais sérieux, toujours adorable pour gagner l’amitié des filles, toujours chevaleresque parce qu’il l’était naturellement et surtout ne pas montrer son côté posé et manipulateur. Enfin manipulateur était un bien grand mot. Pour le moment, il gagnait des points mais n’avait pas encore décidé quoi en faire. Peu importait. Il mettait en banque les amitiés et les services pour les sortir quand il en aurait besoin. Ou pas.

On était vendredi et les cours de l’après midi avaient laissé la place au temps délicieux de la pause d’avant dîner. Cette fois-ci, ce n’étaient ni dans les couloirs, ni dans la bibliothèque que le jeune écossais s’était réfugié mais bien dans une salle vide. Il ne savait pas vraiment à quoi elle servait mais elle était, contrairement aux autres, à l’écart du passage et surtout chauffées. L’heure était venue de voir si son idée était réalisable. Il y avait intérêt. D’après le pari avec Maired, il devait épater toute la salle commune le lendemain soir. On avait bien dit TOUTE. Et s’il voulait surtout voir des étoiles briller dans les yeux de sa meilleure amie, il y avait également une tête rousse dont il voulait attirer l’attention. Et pour cela, il allait falloir jouer serrer.

Ce n’était pas avec son niveau en magie qu’il allait pouvoir faire des étincelles. Les trois quarts de sa maison connaissaient plus de trucs et étaient plus puissants…tout ça parce qu’ils étaient nés plus tôt les tricheurs. Il ne pouvait pas non plus faire des farces. L’ombre des frères Weasley ne s’était pas encore dissipée et Aed savait bien qu’il ne leur arriverait jamais à la cheville. Pour faire du mémorable qui ne soit ni spectaculaire, ni farceur, il allait devoir miser sur trois choses essentielles. L’originalité, le travail et la coolitude. Il aurait les trois, c’était certain.

De son sac, Aed sortit donc l’objet de sa représentation. Cinq boites bleues géométriques décorées d’étoiles et autres machins moches. Il prit quelques livres qu’il dressa autour des boites sur les trois cotés, gardant l’espace devant lui ouvert, puis, libéra la premier chocogrenouille. Qui resta là. Bonne fille.

L’idée du garçon était simple. Certains dressaient les puces, lui, il voulait dresser les friandises au chocolat. Ce devait sûrement être possible. Si elles sautaient, elles devaient bien être intelligentes quelque part non ? Sinon, il ne voyait pas du tout d’où pouvait leur venir leur instinct de survie.

Une autre boite fut ouverte, puis une troisième. Les actrices commençaient à s’agiter un peu partout mais par chance, les « murs » tinrent bon. Aed agita sa baguette pour les calmer et en fit fondre une. Les autres s’agitèrent de plus en plus. Wallace fit tomber le mur de droite, John sauta par-dessus et se colla à la vitre dont la fraicheur l’endormit presque immédiatement, O’Neill se percha sur sa tête quand à la dernière, elle trouva refuge sur l’épaule de Sandy qui venait de pousser la porte.

Un peu inquiet quand au devenir de son projet et se souvenant de l’appétit de la demoiselle pour le chocolat, Aed n’attendit pas et regarda la jeune fille droit dans les yeux, la main tendue.

« Tu veux bien me filer Murray s’te plait Sandy ? »

Des longs couloirs, des portes à droites, d'autres à gauche sans parler des tours, des cours et des salles... Ho secours ! Pourquoi les magiciens n'ont-ils pas encore inventé le GPS enchanté pour tête en l'air reconnue. Pour survivre dans ce monde fait de dédale, la petite Sandy exécutait pourtant un plan simple et facile. Suivre toujours ceux de sa classe pour être sûre de ne pas s'égarer. Perdre des points pour absentéisme et se faire prendre par le vieux concierge et son chat brrrrr non merci ! Sûre qu'il doit manger un ou deux élèves par trimestre celui-là. Mais il ne faut pas s'en faire, Sandy n'est pas très grande, ni très dodue, il n'aura pas de quoi se rassasier non ! Déjà avec toutes les friandises qu'il confisque il n'aura pas en plus la Sandy au menu, et toc !

Et toc, et toc... Elle vient de perdre de vue les deux griffonnes de sa classe qui lui servent de guide sans le savoir. Heureusement c'est la pause, il n'y a pas de cours dans la minute ce qui éviteras de croiser un petit bolide courant comme une dératée à la recherche de sa classe, la bonne classe. Car débarquer dans un cours de 5ème sans s'en apercevoir, c'est un petit moment de solitude assuré, c'est arrivé hier. La honte, deux trois mots d'excuses et la petite s'enfuyant sous les rires de la foule. Note personnelle "apprendre à faire une sortie plus classe en classe". Le problème c'est que ça risque de se reproduire aujourd'hui si elle ne trouve pas l'un ou l'autre élève de première à prendre en chasse. En voilà deux justement, des garçons, cool Sandy sera bien en classe finalement ! Elle les suit de loin jusqu'à une porte. Dans un réflexe surhumain du cou, la jeune fille leva la tête à temps pour apercevoir sur le petit écriteau "toilettes hommes", pfiouuuu la chance tourne, encore un peu et elle pénétrait dans le sacro-saint lieu réservé aux garçons sans s'en apercevoir. Mais il va falloir attendre que ces deux imbéciles sortent de là.

L'attente ne fut pas longue, non pas que les garçons mirent un temps fou, mais une nouvelle tête connue passa en face de Sandy, assise sur un banc en train d'attendre. La petite tête était celle d'un de ses camarades de Gryffondor. Aed l'écossais ! D'un bond elle entreprit de le suivre de loin, pas qu'elle ne s'entend pas avec lui, mais avouer qu'elle utilise les élèves de Poudlard comme panneaux de signalisation pour s'orienter n'est peut-être pas une preuve d'intelligence évoluée de la petite tête brune qu'elle est. Il faut dire qu'avant ça, elle dessinait sur sa main un plan pour s'y retrouver, sauf que de la main elle est passée au bras puis à l'autre juste pour indiquer le chemin jusqu'à la tour. Un plan vite abandonné au risque de devenir le premier plan humain au monde.

Aed, bien devant, enchaînait les couloirs pour se retrouver dans un dédale toujours plus vide de gens. C'est clair Sandy n'est jamais passée par là et il devient certain que ce n'est pas la route de la salle commune. Dommage car la petite sent déjà son ventre grogner... Ahhhh ce qu'elle ne ferait pas pour une chocogrenouille. Une toute petite, toute mignonne sautant jusqu'à son épaule dans l'unique but de se faire dévorer par l'ogre qu'est Sandy.

Ha ça y est ! Le Gryffondor de tête est rentrée dans une pièce. On est où la ? Mystère, c'est pas une salle de classe. Peut-être la bibliothèque, lieu mythique dont Sandy croit en une de ces légendes urbaines. Imaginez, une salle remplie de livres. Des livres ! Brrrrr ça fait peur rien que d'y penser. Enfin elle resta bien cinq minutes avec son dilemme cornélien. Rentrez ou ne pas rentrez, telle est la question. Quoique, une solution logique vient à l'esprit de la jeune fille. Si elle perd de vue Aed, comment va-t-elle retrouver son chemin ! Il faut rentrer donc !

Grrrriiiiiiii, le bruit grinçant de la vieille porte en bois, discrétion assurée. Mais pas le temps de regarder à l'intérieur, quelque chose lui avait déjà bondi sur l'épaule.

" Ha euhhh Hiii je te suivais pas ! Ne me.... MMmmmmhhhh "

Le Mmhhhhh vient de l'identification de ses yeux et de son nez d'une chocogrenouille à portée de bras. D'épaule même et d'un geste vif elle s'en empara, la tenant par la patte dans le vide. Exactement ce dont-elle rêvait ! Pourtant Aed ne lui laissa pas le temps de lui couper une pâte pour la lui réclamer. Avec un petit nom qui plus est. Drôle de manière quand on sait le sort qu'on leurs réserve. Un allez simple pour l'estomac. Enfin, elle n'hésitât pas à lui rendre. Après tout c'est la sienne et Sandy est une chipie confirmée, peste de service et tête en l'air de compétition, mais voler quelque chose, jamais ! Plutôt s'empiffrer de gourmandises jusqu'à l'indigestion que de voler ! Quoique parfois les deux sont compatibles. Mais Sandy est son oeil de lynx remarqua vite d'autres paquets un peu plus loin. Peut-être qu'en étant gentille tout plein il en partagerait avec elle...

" Tiens, voilà Monsieur Murray, il voulait s'enfuir mais je l'ai stoppé à temps. Mais dis, pourquoi tu leurs donnes des noms ? Tu vas avoir des remords en les mangeant après si tu t'attaches à elles. Et les remords ça donne des noeuds à l'estomac et coupe totalement l'appétit. Pas que ça me dérange non plus mais euhh.... Qu'est-ce que tu fais ici d'abord ?"

L’instant était crucial. Critique. Personne n’oserait manger un être ayant un nom n’est-ce pas ? A moins d’être réellement mort de faim ou totalement dérangé dans sa tête. Murray serait sauf. Protégé par les noms condensés de ce comte du 17eme siècle et de ce sorcier complètement barge qu’ils avaient sur leurs terres. Sandy était une chic fille. Elle n’allait pas dévorer sa star internationale. Hein Sandy ?

Le regard du cadet McRae ne cachait rien du débat qui agitait ses neurones. A chaque battement de cil, l’expression de ses yeux changaient. Passant de l’inquiétude à l’assurance, de la foi à la peur, de la peur à la réflexion la plus profonde. Et même si son corps restait immobile, Aed battait souvent des cils.

Entre les deux lions, une chocogrenouille faisait des tractions. Suspendue par une patte, la tête dans le vide, elle contractait obstinément ses muscles comme si c’était sa seule chance de salut. C’était pas. Dans son cas, la meilleure chose à faire aurait été de jouer la morte. Même son propriétaire, qui pourtant n’était pas un méchant bougre, avait de plus en plus envie de le croquer pour lui apprendre à se tenir tranquille. Et l’odeur de chocolat fondu de feu-Sir Walter Scott n’arrangeait pas les choses. Il avait mal au bras. Elle la lui rendait sa friandise ou quoi ?

Après ce qui lui sembla être une éternité mais qui n’avait duré que quelques secondes, le garçon referma ses mains sur Murray et, selon son habitude, écouta toutes les questions que Sandy avait à lui poser avant de se décider à y répondre. Pas que ça l’enchantait – il préférait en général mener la danse. Le savoir c’était le pouvoir et une aura de mystère, c’était supra-cool – mais elle lui avait rendu Murray alors il lui devait bien ça.

« Comment tu veux que je les reconnaisse si je leur donne pas de nom ? J’vais pas l’appeler « Chocogrenouille qu’a bon goût en ce qui concerne les filles » ce serait un peu long à chaque fois non ? »

Il lui sourit et lui fit un clin d’œil, amusé au souvenir de sa rougeur la dernière fois qu’il l’avait complimentée. Sur que c’était plus facile de dire des galanteries à Sandy qu’à McHenry. Mais il y arriverait un jour. Tout ce qu’il fallait c’était qu’il devienne grand. Très vite. Mais d’abord, il devait l’époustoufler et mettre des étoiles dans ses yeux bruns. Qu’elle se dise que le petit, là, il était cool. C’était la première étape. Il soupira. Il n’y arriverait jamais tout seul. Il tourna soudain le dos à sa camarade et retourna vers la table.

« Entre. »

Il posa délicatement Murray dans sa boite, releva les livres, rangea O’Neill, alla décoller John et regarda pensivement les restes de l’auteur d’Ivanhoë.

« Je vais te le dire mais c’est un secret, tu dois me promettre sur ton honneur de rouge de ne jamais jamais jamais jamais jamais le dire à personne. Serment sacré tu comprends ? »

Il se retourna, s’adossa à la table et la fixa droit dans les yeux pour montrer qu’il ne plaisantait pas… ou si peu. Silencieux, il attendit de voir si elle acceptait ses conditions puis haussa les épaules et s’autorisa à sourire. Il n’aimait pas avoir l’air sérieux. Sur que ça devant donner des rides après. Bref.

« J’essaie de les dresser. Tu sais, pour voir si elles peuvent obéir. Mais je sais pas trop comment. Tu crois qu’il y aurait un sort ou une potion pour ça ? Ou alors faut faire comme les chiens et les prendre petites ? Y a des chocotêtards quelque part tu crois ? »

Ce fut son tour de rougir. Pour se donner une contenance, il prit deux boites neuves dans son sac et les lança à sa complice du moment.

« Elles ont pas encore de nom. T’as cas en manger une et voir ce que tu arrives à faire avec l’autre ? Si tu veux m’aider bien sur. T’es pas obligée. Tant que tu ne dis rien à personne. J’ai confiance en toi Sandy.»

Vieux truc des adultes ça. Dire qu’on a confiance quand c’est pas le cas pour que l’autre se sente obligé de faire les trucs même quand il a pas envie. Papa McRae l’utilisait souvent. Et pas seulement sur ses fils mais également ceux qui payaient en retard. En général, il était même encore plus faché contre ceux qui le trahissaient par surprise que ceux qui ne payaient pas mais ne disaient jamais qu’ils le feraient. Aed mit les mains dans ses poches.

« Montre moi Wonder-girl ! »

C'est officiel, les garçons sont plus étranges que les filles ! S'amuser à donner un nom à ses friandises... Et le steak s'appelle Maurice aussi ? Non c'est inhumain et sentimentale en même temps, il pousse le bouchon un peu loin. Aed doit être du genre d'homme bizarre ne mangeant que des trucs verts qu'on nomme des végétariens. Brrrrr rien que d'entendre ce mot fait frémir la jeune fille ! Sandy fera bien plus attention lors des buffets dans la grande salle pour vérifier si il mange bien des racines et des choux de Bruxelles, hoooo l'horreur ! Il est un à coup sûr un fervent adepte du bio !

C'est avec des petits yeux méfiants qu'elle dévisagea son camarade. Et malheureusement pour lui, son compliment ne lui fit ni chaud ni froid cette fois. Car quand Sandy réfléchit, le cerveau de la petite se retracte et les oreilles se ferment d'elles-mêmes pour ne plus laisser que filtrer les informations essentiels. De quoi changer son humeur et affichait un beau sourire et le clin d'oeil d'Aed fut renvoyé avec un brin de complicité dans les yeux malicieux de la jeune magicienne étourdie.

" Oui, même si je suis pas végétarienne, je suis tout à fait d'accord avec toi, elles ont bon goût ! "

Les deux jeunes Gryffondors parlaient-ils du même goût ? Mystère. Quoiqu'il en soit, les voici tout deux d'accord sur un point, et cela est tout à fait suffisant pour pouvoir à présent rentrer voir ce qu'il fesait tout seul dans cette grande pièce. On est où d'abord ? WHoooooo un élevage de chocogrenouille ! Il y en à partout même sur la fenêtre ! C'est terrible, Aed ne pourra jamais tenir cette élevage tout seul, il lui faut un coup de dents... euh de mains pour tenir la ménagerie. Bien que un petit coup de dents par-ci par-là pourrait limiter les effectifs grenouillesques. Volontaire quand même ! Et malgrè une tête sérieuse qui donnait une envie criante de rire, Sandy accepta le serment !

" Juré, craché ! Croix de bois croix de fer ! "

Une promesse à Sandy bien sur, il est bien optimiste celui-là. Même son magicien de cirque qu'est son père n'a jamais réussi à lui faire tenir une promesse. Non qu'elle est méchante mais suffisament tête en l'air pour oublier ce qu'elle promet. Enfin à qui pourrait-elle parler d'un élevage de chocogrenouille à part à son estomac ? La réflexion ensuite de comment les dresser ? La c'est avec des yeux sortant presque de leurs orbites qu'elle regarda Aed, il vient vraiment d'une autre planète ! Enfin, les origines du petit passent vite en second plan quand on peut s'amuser, et ça a l'air drolement marrant de se lancer dans le dressage de chocolat !

" Bon si on nous surprend, je mangerais tout le monde avant de se faire attraper comme ça personne ne sera au courant de ton secret ! Fais moi confiance ! Ensuite pour dresser des chocogrenouilles euhhhhh... Fastoche ! Faut leur montrer qui est le chef et ensuite elles seront sages ! Puis si elles refusent tu les manges petits morceaux par petits morceaux. Et si tu ne peux pas t'y résoudre fais moi confiance ! On est là pour s'entraider ! "

Oui et les chocogrenouilles ont intérêt à être sage ! Sandy imita l'air de sa prêfete en chef et colocataire de chambrée dans son air le plus strict et le plus sévère. Aed lui confia deux boîtes et attendait maintenant de voir comment Sandy se débrouillerai dans le dressage. Pas question de les nommées ! Quoique la première s'appelera Beverly, une fille avec qui elle s'était battue à l'époque et la deuxième grenouille sera baptisée Sherman, le petit gros qui n'arrêtait pas de lui jetter des crayons. Voilà, comme ça aucuns remords pour les maltraiter ! Et pour commencer nous bosserons sur le travail d'équipe. Sandy défit un de ses lacets pour ensuite liers une chocogrenouilles à chacunes des extrémités.

" Beverly, Sherman. Maintenant soit je vous dévore, soit vous vous enfuyez ! "

Il aura fallu quelques doigts de dévorer pour que les chocogrenouilles commencent à comprendre que si elles voulaient éviter de se faire dévorer dans d'atroces souffrances, elles devrait bondir toutes les deux dans le même sens. La survie prévaut !

" Beuhhh elles ont déjà comprit c'est pas marrant "