La lettre, pour une fois, était arrivée sans encombre à son destinataire, et presque à la bonne date. Le samedi suivant l'anniversaire de William, un des membres de la Milice Pourpre avait laissé tomber sur la table de Gryffondor une enveloppe grossièrement ouverte « après contrôle » ; le garçon avait attendu le départ du milicien pour prendre le courrier, sur lequel il avait reconnu l'écriture de son père. Depuis quelque temps – depuis l'entrevue avec Pénombre Craft, précisément – l'adolescent avait à nouveau l'autorisation de communiquer par courrier avec sa famille, et les lettres arrivaient sans problème ; le rouquin, conscient de la surveillance exercée sur le courrier sortant de Poudlard, n'écrivait rien qui puisse lui valoir de nouvelles restrictions ou inquiéter sa famille. Ainsi récompensait-on les Sang-de-bourbe qui savaient rester à leur place, lui avait-on affirmé en lui annonçant qu'il pouvait à nouveau écrire à son père ; sa soumission aux autorités en place n'était donc pas vaine, puisqu'elle lui permettait de renouer le contact avec sa famille. Il avait inventé une histoire idiote pour justifier son long silence (trop de devoirs), et son père n'avait pas cherché plus loin ; peu à peu, les choses reprenaient un cours plus normal... Il suffisait de courber l'échine pour être tranquille, aussi tranquille que les maîtres de Poudlard le voulaient bien ; à bout de forces physiquement et moralement, William n'avait pas vraiment eu le choix, et la capitulation s'était imposée à lui, tout naturellement ; l'instinct de survie lui avait dicté son comportement, et c'était ce qui lui permettait, ce samedi, d'avoir en main une carte signée de son père.
Le roux avait rapidement quitté la table du petit déjeuner pour aller lire la lettre de son père au calme, dans le parc, sous le timide soleil de mars. Il avait envie d'être seul pour découvrir ces mots que la Milice Pourpre avait lus avant lui, et qui ne devaient rien contenir de bien subversif pour que la lettre ait franchi la censure.
Sur fond de ballons bariolés, un gros chat brandissait une coupe de champagne et s'écriait, un large sourire aux lèvres « Joyeux anniversaire ». L'adolescent s'installa sur une pierre pour lire le bref texte griffonné par Andrew, dans son écriture indéchiffrable de vétérinaire. Du banal, des formules toutes simples, mais qui réussirent à faire monter les larmes aux yeux du garçon dont les nerfs n'avaient plus toute leur capacité de résistance. Et puis, en bas de la carte, il y avait... d'une écriture inconnu, un « Happy birthday my dear, with love, Jenny » qui refoula aussitôt les larmes. Jenny... c'était cette vétérinaire amie de son père, qu'il avait invitée à la maison durant les dernières vacances... la voilà qui signait les cartes d'anniversaire, à présent. On n'en était plus à de la simple amitié, donc... et c'était sans doute la seule façon qu'Andrew avait trouvée pour annoncer à son fils qu'il avait désormais une belle-mère. William songea avec une haine sourde à cette femme qui remplaçait sa défunte mère, essayant de se convaincre que c'était bien pour son père ; le coeur n'y était pas, et il préféra se forcer à penser à autre chose... Ramassant une petite branche morte, il se mit à battre le rythme sur les pierres alentour comme sur une batterie, en fredonnant un vieil air de rock moldu connu – non sans avoir vérifié alentour que personne ne risquait de l'entendre. La carte colorée, abandonnée au sol, fut entraînée à plusieurs mètres par un coup de vent, sans que l'adolescent, absorbé dans son massacre de l'oeuvre des Beatles, y prenne garde. De toute façon, une carte signée par Jenny, ça ne valait rien.
Accueil 
Sujet: All you need is love (PV)