You're under arrest ! (PV Nat & Griff)

L'aube d'un samedi grisâtre commençait à paraître derrière les rideaux de la chambre, annonçant une journée maussade comme Londres en connaissait tant. Un silence total régnait dans la pièce, seulement meublé par la respiration tranquille d'un dormeur... Jusqu'au moment où James s'éveilla d'un seul coup, aussi brusquement tiré du sommeil que si une alarme stridente avait résonné. Depuis quelques jours, cela lui arrivait fréquemment : en proie à la peur, il ne sortait plus guère, et l'enfermement finissait par lui porter sur les nerfs. Allongé sur le dos, les yeux fixés sur le plafond encore sombre, le jeune homme tenta de se rappeler le rêve qu'il venait de quitter. Il n'entrevoyait que des bribes d'un paysage inconnu, et se remémorait une traque qui le laissait à bout de souffle... Un rêve fréquent ces jours-ci, qui réveillait régulièrement le jeune Mangemort.

Le drap bruissa légèrement lorsque James remua ses jambes, dans l'espoir d'en chasser les fourmis. Ces garces de fourmis. Plusieurs fois par jour, il les sentait grimper le long de ses jambes, et il se mettait à tourner furieusement comme un lion en cage, son pas irrégulier rythmé par le mouvement de sa canne. Ses blessures avaient fini par guérir ; ne demeurait qu'une raideur irréparable dans le genou, mais même la douleur avait cédé. Pas disparu, mais James s'était suffisamment habitué à sa présence lancinante pour ne plus avoir besoin de prendre chaque jour de la potion anti-douleur.

Les fourmis, en revanche, s'accrochaient. Le jeune homme songea, pour la vingtième fois, qu'il ne faisait pas assez d'exercice, tout en faisant doucement aller et venir ses pieds dans le lit. Si seulement il pouvait sortir librement sans craindre de tomber sur des collègues Mangemorts... Rageur, James rejeta ses couvertures, et récupéra sa canne, près du lit, pour se lever. L'elfe de maison de ses parents s'occupait de remplir ses placards, et il put donc se préparer un petit déjeuner digne de ce nom ; en quelques minutes, il était attablé devant un copieux repas, les fourmis courant toujours le marathon sur ses pieds. L'idéal serait de sortir, de se dégourdir enfin les jambes...

Un quart d'heure plus tard, sa décision était prise. Il irait à Pré-au-Lard, discrètement, pour essayer de voir Isaac. Avec un peu de chance, les élèves seraient de sortie ce jour-là ; James sentait que voir l'adolescent lui ferait du bien, et il espéra que le Serpentard ne serait pas bouclé au château. Le Mangemort débarrassa la table en deux coups de baguette magique, et entreprit de se préparer. Faire sa toilette lui demandait un peu plus de temps qu'avant ; il lui fallut une bonne demi-heure pour être douché et habillé de pied en cap. Il avait enfilé, avec peine, des vêtements moldus un peu élimés, par-dessus lesquels il déploya une ample cape de voyage ; la capuche lui tombait sur les yeux, et avec le bas de son visage mal rasé, il était parfaitement méconnaissable. Muni de ses deux instruments indispensables, baguette et canne, James quitta son logis ; il avait renforcé les sortilèges de protection et tout l'immeuble était désormais soumis à un sort anti-transplanage, et le jeune homme devait descendre dans la rue pour transplaner. Il jeta un coup d'oeil rapide sur le trottoir, et gagna une ruelle adjacente, toujours déserte, pour prendre la direction du village de Pré-au-Lard. Il arriverait dans une ruelle, et irait attendre Isaac - en espérant qu'il vienne - sur la route de Poudlard...

Que fait-on les jours où l'on est pas d'astreinte lorsqu'on a pas de vie sociale ? La réponse était très simple, on s'abonne à l'Ordre du Phénix, et, si c'est déjà fait, on bosse en tant qu'auror non plus pour des politiques, mais pour des résistants réputés comme terroristes.
Les tours de garde, Natalee n'était pas spécialement fan. Mais quand il s'agissait de partir à la chasse (ou en surveillance rapprochée) d'un Mangemort, l'idée devenait bien plus intéressante. Un danger possible, bien que pour ce cas, James Kirkby, avait été analysé en profondeur par l'Ordre et était déjà en piteux état, d'après les dernières nouvelles. Un danger moindre plutôt, mais possible, et c'était cela qui donnait du piquant à la mission dont était aujourd'hui affublée Natalee. Elle était aussi trop heureuse de pouvoir soutenir l'Ordre et décharger ses membres éreintés par les dernières bataille d'un peu de leur responsabilités. On venait de l'informer que Griffin qui était actuellement responsable de la surveillance du suspect, avait vu ce dernier transplaner et avait eu tout juste le temps de lui coller un sortilège mouchard avant qu'il ne s'échappe. On avait ainsi apprit que Kirkby était à Pré-au-lard pour une raison inconnue. Griffin avait tenu à ce qu'un autre membre l'assiste dans sa surveillance, au cas où le jeune homme attendait des complices. On ne savait pas ce que cet étudiant avait en tête en venant dans le village le jour où quantité d'élèves y affluaient, mieux valait rester prudent.
Après un très rassurant « Bon, j'y vais et j'improvise. » la lycane avait enfilé sa longue cape de voyage noire par dessus jean et pull tout aussi colorés avant de saluer Rémus et les autres de la main, puis de transplaner une fois hors du Castel.

Le bruit caractéristique du transplanage retentit dans la ruelle que Irons leur avait indiqué, et où il attendait sagement, à quelques pas de la route principale, et d'une autre, qui croisait celle où venait d'atterrir la louve. Elle ne se présenta pas, se contentant d'un simple signe de tête et de rabattre sa capuche sur son visage, l'auréolant de pénombre. Ses docs ne faisaient qu'à peine effleurer le sol, réduisant au maximum le bruit de ses pas sur le sol souvent traître. Malgré la douceur de sa démarche, elle rejoignit en un clin d'oeil son coéquipier et l'interrogea du regard.

« Il est là dedans ? »

Murmura-t-elle, tandis qu'elle avisait la ruelle à l'apparence déserte. Sans attendre la réponse de l'homme, elle longea le mur et risqua un coup d'oeil discret. Un jeune homme se trouvait là, appuyé à une canne, dans l'attente certaine de quelque chose. Mais de quoi ? Un rendez-vous, sûrement, mais il était plus que possible que ça ne soit pas une compagnie très innocente... Les sourcils de Shevelin se froncèrent, faisant plisser ses yeux d'ambre. Il ne valait mieux pas attendre qu'une possible cavalerie débarque. Si des Mangemorts apparaissaient en trop grand nombre, elle n'était pas certaine de réchapper à leur propre guet-apens. Elle était certes une des meilleurs duellistes de sa génération, Griffin avait beau avoir une formation d'auror, contre dix Mangemorts avides de Magie Noire, deux têtes faisaient rarement le poids en combat rapproché. Et elle préférait mille fois finir dans les geôles du Ministère que dans celles des encagoulés. D'autant plus que, part diverses lettres anonymes de menaces, sa charmante cousine Sterenn lui avait laissé un aperçu de ce que cela pouvait être.
Sur cette pensée, la jeune femme sortit de sa manche une main fine et pâle qui alla attraper sa baguette magique. D'un signe de cette dernière, elle invita Griffin à en faire de même et de s'approcher.

« Je propose qu'on lui saute dessus tout de suite, le prendre par surprise évitera qu'il ne nous file entre les pattes. Et mieux vaut pas attendre que son ou ses petits copains débarquent. »

À nouveau un murmure à peine audible, seulement assez pour parvenir aux oreilles de l'ancien auror. La jeune femme expira lentement par la bouche et son corps tout entier se détendit à la manière d'un fauve qui s'apprête à se lancer à la poursuite de sa prochaine victime.

« Je te propose de transplaner de l'autre côté, afin qu'il ne cherche pas à nous fausser compagnie en nous voyant débarquer d'un seul côté. »

Elle attendit que Griffin soit prêt, et dans un mouvement rapide et fluide, elle sortit de sa cachette. Son arme se braqua en direction du jeune homme qui n'avait d'innocent que l'apparence et ses yeux durs, perçants, se fixèrent sur son visage.

« James Kirkby ? »

Demanda-t-elle d'une voix sèche, sans trop en faire cependant. Il n'avait encore rien fait de mal, et son professionnalisme la poussait à ne pas user de trop de dureté ni de violence alors qu'aucun fait criminel n'était prouvé, ni ne se déroulait sous ses yeux. Le sorcier risquait déjà de s'effaroucher de voir deux aurors débarquer la baguette à la main, ça n'était pas la peine d'en rajouter davantage.

S'il y avait quelque chose que Griffin avait toujours détesté dans son métier c'était bien les planques. Bien qu'il soit patient et calme la plupart du temps, il devait avouer que rester des heures à surveiller l'appartement d'un suspect n'avait rien de particulièrement réjouissant. C'était même très ennuyeux. Et encore d'avantage quand on s'occupait seul de ladite planque. Pourtant, cette fois l'Auror ne se plaignait pas. Il était bien tombé. Chargé par l'Ordre du Phoenix de la surveillance de James Kirkby, Mangemort de son état, Griffin avait trouvé, au pied de l'immeuble du jeune homme, un petit café français très sympathique où il passait dorénavant ses heures de surveillance obligatoire.

Après sa rencontre fortuite avec le jeune homme sur le Chemin de Traverse, quelques semaines plus tôt, Griffin s'était précipité au QG afin de faire part à l'Ordre de ses craintes et soupçons concernant James. Décision avait été prise de le surveiller de près et; depuis lors, les membres se relayaient pour garder un oeil sur lui. Toutefois, le moins que l'on pouvait dire était qu'il ne sortait pas souvent de chez lui, vivant quasiment en reclus. Griffin avait rapidement découvert que l'appartement de James était particulièrement bien protégé, certainement à cause de la visite que Ophelia et Arsène y avait fait. Griffin avait aussi récemment découvert que tout l'immeuble était placé sous la protection d'un sort anti-transplanage, preuve que le jeune homme craignait toujours les mauvaises visites. Griffin n'allait pas s'en plaindre, ça lui facilitait la tâche. Il avait ainsi pu abandonner la cage d'escalier glaciale et la cape d'invisibilité sous laquelle il se cachait pour la douce chaleur du café français du coin. Plus de risques que le gamin lui file sous le nez sans prévenir: pour transplaner, il lui fallait à présent sortir de l'immeuble et passer devant le charmant bistro.

En ce nuageux samedi matin, Griffin était déjà à son poste malgré l'heure matinale. Comme chaque fois qu'il venait dans ce petit café, il était vêtu à la manière Moldue d'une chemise et une veste noire, ainsi que d'un jean noir également qui lui allait comme un gant, et même d'avantage s'il en croyait les regards gourmands que la serveuse avait lancé vers son fessier quand il était entré. Son petit déjeuner terminé, il faisait semblant de s'intéresser à la lecture d'un journal Moldu vantant les soldes d'un grand magasin où on attendait visiblement une affluence record. Il jeta un coup distrait aux résultats des courses de chevaux et aux articles consacrés aux matches de rugby prévus le weekend avant de s'attaquer aux mots-croisés. Les mots-croisés Moldus représentaient un sacré défi pour un sorcier mais Griffin connaissait suffisamment bien leur monde pour s'en sortir honorablement.

Griffin s'attaquait à la grille vierge quand le sort espion qu'il avait placé sur la porte de l'immeuble de James le prévint qu'un sorcier essayait d'y entrer ou d'en sortir. Il leva la tête pour jeter un coup d'oeil par la vitrine du café et vit James clopiner sur le trottoir.

- Merde!
S'emparant de sa canne, il se leva et jeta son par-dessus sur ses épaules avant de sortir sans prêter la moindre attention au sourire charmeur que la serveuse lui adressait. Une fois dehors, il suivit discrètement le jeune homme jusqu'à une ruelle déserte où le Mangemort s'apprêtait à transplaner. Griffin eut juste le temps de lui lancer un sort mouchard aux basques avant qu'il ne disparaisse. Soupirant, il se concentra sur a trace résiduelle émit pas son sort pour trouver le point de chute du Mangemort.

Pré-au-Lard? Qu'est-ce que Kirkby allait faire là-bas un samedi? Allait-il retrouver d'autres Mangemorts? Avaient-ils prévu quelque chose à Poudlard? Ou contre ... Griffin serra les poings: le samedi, Pré-au-Lard débordait d'élèves en vadrouilles dont certains étaient liés à des familles puissantes et influentes dans le monde sorcier. Les Mangemorts n'étaient pas à ça près de s'attaquer à des enfants pour éliminer la gêne représentée par leurs parents...

Réagissant immédiatement, Griffin s'assura qu'aucun Moldu indésirable ne l'observait avant de faire apparaître son patronus. Le cheval argenté dressa les oreilles quand il lui confia le message:

- Gamin en mouvement, repéré à Pré-au-Lard, envoyez renforts le plus vite possible.
Il envoya le patronus au QG de l'Ordre avant de transplaner à son tour vers Pré-au-Lard.

Il atterrit aussitôt dans une ruelle déserte. Le mouchard l'informa que James était dans la rue voisine. L'Auror s'assura discrètement qu'il était seul et se résolu a attendre l'arrivée des renforts avant de tenter quoique ce soit. Ceux-ci ne tardèrent pas à arriver en la personne de Natalee Shevelin qui transplana non loin de lui.

- Il est là-dedans? Demanda-t-elle à mi-voix en s'approchant.
Griffin hocha la tête tandis que la jeune femme vérifiait par elle même.

- Oui, il n'a pas bougé, fit-il alors. Soit il attend quelqu'un, soit il ne sait pas lui même ce qu'il est venu faire ici.
La licane ne sembla pas l'écouter et décida de prendre les choses en main. Griffin la regarda tirer sa baguette de sa cape en haussant un sourcil argenté, cependant il ne protesta pas quand Natalee lui proposa son plan d'action.

- D'accord. On le maîtrise vite fait et on l'emmène dans un endroit plus tranquille et à l'abri des regards indiscrets. Ce sera plus facile de lui tirer des renseignements sur ses intentions si personne ne vient fourrer son nez dans nos affaires.
Natalee mettait déjà sa stratégie au point.

- Je te propose de transplaner de l'autre côté, afin qu'il ne cherche pas à nous fausser compagnie en nous voyant débarquer d'un seul côté.
Griffin eut du mal à retenir un sourire moqueur:

- Il boite autant que moi, je ne pense pas qu'il puisse courir assez vite pour t'échapper! Mais tu as raison, deux précautions valent mieux qu'une.
Tandis que la jeune femme se mettait en place pour surprendre le jeune Mangemort, Griffin transplana de l'autre coté de la ruelle, dans le dos de James, et sortit sa baguette pour lancer autour d'eux un sort anti-transplanage afin d'empêcher l'oiseau de s'envoler. Natalee interpella le jeune homme la première, d'un ton autoritaire qui risquait fort de lui faire peur.

Griffin s'approcha par derrière, un sourire moqueur aux lèvres. Le gamin le croyait certainement encore professeur de musique, il allait être sacrément surpris de le voir là, baguette au poing, en compagnie d'une Auror en activité. Il était curieux de voir sa réaction et quelque chose au fond de lui commençait à se réjouir de la surprise qu'il allait provoquer chez gamin. Il se cala bien sur ses jambes, prenant appui sur sa canne, baguette à la main avant de lancer d'une voix mielleuse:

- Hello Jimmy! ... Surprise!
Le gamin était coincé entre les Aurors, il ne pouvait plus ni avancer, ni reculer et encore moins transplaner. C'était une position désespérée dans laquelle il pouvait se montrer dangereux. Griffin leva sa baguette vers lui, prêt à toutes éventualités.

Une bise glaciale s'engouffrait dans la ruelle que James avait choisie, transperçait ses vêtements, et le faisait frissonner. Avec des gestes précautionneux, le jeune homme appuya sa canne contre le mur de la maison voisine, pour frotter vigoureusement ses mains l'une contre l'autre. Il n'avait pas pris de gants – il faisait nettement moins froid à Londres – et il avait l'impression que le bout de ses doigts était sur le point de se détacher tant il avait froid. La main gauche, surtout, celle qui tenait la canne, avait besoin de se réchauffer ; le jeune homme l'approcha de sa bouche pour souffler dessus, tout en remuant doucement les doigts. Il était arrivé un peu trop à l'avance ; les élèves ne quittaient jamais le château à l'aurore, surtout les jours de grand froid. Isaac, s'il venait, ne se montrerait probablement pas avant une bonne heure... Avec une nuance de regret, James songea à la salle chaleureuse des Trois Balais. En d'autres temps, il serait aller attendre au chaud, confortablement installé devant un bon thé brûlant ; mais il avait déjà pris des risques inconsidérés en se rendant, sur un coup de tête, dans un village où ses collègues Mangemorts pourraient facilement le retrouver... Car ces bonnes gens devaient le rechercher, il en était certain. Un matin de janvier, la brûlure de sa Marque l'avait brusquement tiré du sommeil ; Lord Voldemort l'appelait. Il lui aurait suffi de se laisser aller et d'obéir à la Marque pour transplaner immédiatement auprès du Maître ; il avait senti la puissance du sort prêt à l'entraîner, et il s'était raidi pour résister, sachant bien qu'il signait, par ce refus d'obéir, son arrêt de mort. Le Seigneur des Ténèbres n'appréciait pas qu'on méprise ses ordres, surtout lorsqu'il convoquait un Mangemort – et James subodorait que c'était le cas – pour exiger des explications. Car le motif de la convocation ne faisait guère de doute ; elle intervenait juste après la cuisante visite de l'Ordre du Phénix chez l'étudiant, au cours de laquelle la Marque des Ténèbres avait été calcinée par Ophelia. Le Lord avait probablement ressenti la douleur de cette brûlure, et il savait que son serviteur avait eu quelques ennuis... Sans doute voudrait-il châtier l'imprudent qui s'était laissé démasquer par l'Ordre...

James frissonna et, instinctivement, observa les alentours. Personne en vue, mais il existait tant de moyens de se rendre invisible qu'il ne pouvait être certain d'être seul dans cette rue. Son coeur se mit à cogner furieusement tandis qu'une vague d'angoisse s'emparait de lui ; il fallait vraiment être cinglé pour quitter la sécurité de son appartement, sans être certain, en plus, de voir Isaac. Mieux vaudrait rentrer immédiatement... Il récupéra sa canne, hésitant un peu sur la conduite à tenir ; sans y penser, sa main droite se coula dans sa poche, pour y serrer sa baguette, comme pour transplaner sur-le-champ.

Une présence soudaine lui fit tourner la tête, et il eut l'impression que son coeur allait s'arrêter de battre. Une femme se dirigeait vers lui d'un pas décidé, baguette pointée, et le hélait par son nom. En même temps, quelqu'un d'autre l'interpella, d'une voix qu'il avait déjà entendue... Griffin Irons, le serviable professeur de musique rencontré quelques jours auparavant. James eut besoin de l'appui du mur pour ne pas chanceler, sous l'effet de la surprise et de la peur ; il avait le sentiment que ses pires craintes se confirmaient, qu'on l'avait retrouvé pour l'embarquer... L'embarquer où, d'ailleurs ? Pour autant qu'il sache, Griffin n'était pas un Mangemort ; pour la femme, il n'aurait su dire, mais il était certain qu'aucun serviteur du Lord ne correspondait au signalement du professeur de musique. À moins que quelqu'un ait pris son apparence... Le jeune homme se sentit submergé par une peur paralysante, qui le fit vaciller quelques secondes....

Sans avoir eu le temps de réfléchir, James avait tiré se baguette de sa poche, et, bien obligé de choisir une cible, la tourna vers Griffin en lançant un Stupéfix informulé. Avec un peu de chance, il pourrait au moins se débarrasser d'un deux arrivants pour se concentrer sur l'autre... Il ignorait que ces deux personnes appartenaient à la noble corporation des Aurors, et qu'ils savaient se battre, incontestablement mieux que lui.

Tandis que – pour une fois – Natalee se contentait d'un ton formel, Griffin usait d'un bien plus familier, qui ne fut pas assez, cependant, pour rassurer le Mangemort acculé. Il fallait dire que dans la situation de l'étudiant, Shevelin n'aurait été guère plus à l'aise.
La réaction fut quasi immédiate. L'Auror avait bien vu que le jeune homme avait la main dans sa poche, et elle le soupçonnait d'y avoir caché sa baguette magique. Elle se tenait donc prête et au moindre geste qui attirait le soupçon, userait de la sienne. Cela arriva bien assez tôt, mais ce ne fut pas elle que visa le partisan du Lord. Cependant, en visant Griffin, il était à découvert pour elle, il n'y avait pas à hésiter une seconde. Natalee visa les flancs de l'éclopé.

« Immobulus ! »

À peine eut-elle lancé le sortilège qu'elle courut en direction de Kirkby et tenta de l'empoigner, non sans chercher à bloquer davantage ses mouvements en lui enserrant puissamment les bras. Kirkby était un gringalet, elle n'avait décemment pas l'envie de lui faire plus de mal que de raison, aussi Mangemort était-il, il était en assez piètre état comme cela.

« Ne va pas te faire mal, ça serait couillon vu dans l'état dans lequel tu es déjà. »

Murmura-t-elle à son oreille, tandis qu'elle cherchait du regard son coéquipier afin de vérifier son état.

« Mon petit doigt m'a dit que tu as des choses à nous dire. Comme par exemple ce que fait un Mangemort dans les ruelles de Pré-au-Lard le jour de la sortie des élèves. Si tu es gentil, tu nous révélera tout ça sans qu'on ait à t'y forcer. Autrement je te promet que le prochain sortilège que j'aurais à lancer sera beaucoup plus violent que le premier. »

Son flair de lycane palpait à travers l'arôme musqué de la peau du Mangemort un parfum de peur puissant, entêtant. James Kirkby faisait-il parti des couards qui craignaient de se retrouver un jour face à l'Ordre du Phénix ou des Aurors, ou y avait-il autre chose ? Toujours était-il que l'Auror n'avait jamais sentit une peur si intense chez un serviteur du Seigneur des Ténèbres. Ces derniers étaient habituellement des fanatiques si engagés dans leur délire qu'ils en avaient même oublié la peur de l'ennemi. ...Tant celle qu'ils éprouvaient envers leur maître les accaparaient, la plupart du temps.

« Tout va bien, Griffin ? Il a l'air nerveux, notre jeune étalon ! »

Ricana-t-elle en élevant la voix afin de se faire entendre de son allié. Elle tourna le visage en direction de l'étudiant déserteur et renifla à nouveau l'odeur de sa peau, comme pour discerner le motif d'une terreur si intense chez lui à travers les flagrances que son cou libérait. Mais ses sens de lycane ne lui suffiraient pas à en savoir davantage sur leur captif, elle devrait, en compagnie de Griffin, le faire parler. Son côté animal prenait cependant le dessus, comme souvent lorsqu'elle se plongeait dans l'action.

« Tu n'as pas répondu à ma question. Je réitère et je veux une réponse correcte. Es-tu bien James Kirkby ? »

Lâcha, d'une voix sèche cette fois, Natalee. Ses yeux d'ambre, durs et menaçants cherchèrent à capter ceux du jeune adulte.

La surprise qui se peignit sur le visage de James quand il le vit réveilla le petit coté sadique qui sommeillait en Griffin. Il prenait souvent plaisir à voir la peur, la surprise ou tout autre sentiment qu'il provoquait chez ses adversaires. Cette fois, cependant, il avait le sentiment que la défaillance du gamin n'était pas uniquement liée à la surprise. Il se rappelait bien de la peur qu'il avait ressenti chez James quand il l'avait rencontré sur le Chemin de Traverse et toutes les mesures de sécurité prises par le jeune homme autour de sa résidence tendaient à lui laisser penser qu'il craignait réellement pour sa vie. La question restait: qui craignait-il ainsi? Les membres de l'Ordre? Les Aurors du Ministère même aux mains des Mangemorts? Ou craignait-il ses collègues encagoulés? Griffin songea qu'il n'allait pas tarder à le savoir.

Après un instant d'immobilité, comme si la surprise et la peur l'avaient assommé, James tira sa baguette de sa poche pour la pointer vers eux. Griffin se mit aussitôt en garde, pointant la sienne sur la poitrine du jeune homme.

- Lâche ta baguette, ordonna-t-il d'un ton qui indiquait clairement qu'il valait mieux obtempérer.
James sembla hésiter un instant avant de la tourner finalement vers Griffin. Un trait de lumière rouge fusa aussitôt. L'Auror réagit immédiatement et recula d'un pas quand le sort frappa le bouclier qu'il venait de lever devant lui.

- Idiot!
Il répliqua aussitôt d'un stupéfix tout aussi informulé que celui de son adversaire et qui jaillit au moment ou Natalee lançait un sort d'immobilisation. Sans attendre les résultats, la jeune femme se lança sur le Mangemort et l'immobilisa. Griffin approcha en claudiquant prenant appui sur sa canne, sa baguette à la main. Au moment où il arrivait près d'eux, Natalee avait déjà commencé l'interrogatoire, assorti de quelques menaces, histoire de faire bonne figure.

- Tout va bien, Griffin ? Il a l'air nerveux, notre jeune étalon !

- Ca va bien, répondit-il. Il en faut plus qu'un petit stupéfix pour m'ébranler.
Griffin lança un regard amusé vers le jeune homme en mauvaise posture et d'un mouvement de baguette, s'empara de celle de James qu'il rangea dans sa poche, hors de portée de son propriétaire.

- Nerveux? C'est un faible mot! ... Alors, on a de vilaines choses à cacher Jimmy? Raconte à tonton Griffin et à Tatie Natalee, après tu te sentiras mieux, tu verras!
Griffin lui adressa un sourire ouvertement moqueur.

- Si tu ne nous parles pas de ta propre volonté, on se chargera de te faire parler par la force, on est très doué pour les interrogatoires musclés.
Bien entendu, Griffin n'était pas du genre à faire du mal volontairement à un adversaire déjà immobilisé, sauf s'il avait une bonne raison de le faire, mais ça James l'ignorait. Les Mangemort n'était pas les seuls capables de jouer avec la peur des autres.

Natalee enchaîna en demandant au jeune homme s'il était bien James Kikby ce qui était certain car Griffin l'avait vu sortir de l'immeuble et qu'il avait toujours le sort mouchard collé aux basques. Il était impossible de transplaner dans l'immeuble du jeune homme, ainsi tout sorcier voulant lui rendre visite étaient contraint de passer par la porte d'entrée piégée. Par le sort qu'il avait placé sur la porte de l'immeuble, Griffin, ainsi que les autres membres de l'Ordre assurant la surveillance du jeune Mangemort, étaient avertis chaque fois qu'un sorcier franchissait ladite porte. Or James était le seul à l'avoir fait depuis que l'Ordre avait pris la décision de le garder à l'oeil, et Griffin ne l'avait pas quitté des yeux jusqu'au moment où il avait transplanné avec le mouchard.

- C'est bien lui! Assura-t-il. Mais si tu crains qu'il s'agisse d'un imposteur sous polynectar, on peut l'emmener dans un coin discret et attendre que les effets s'estompent. J'ai tout mon temps.
Il jeta un coup d'oeil vers le gamin immobilisé:

- En attendant, on peut toujours se servir de lui comme cible. Je suis un peu rouillé en métamorphose.
Bien entendu c'était tout à fait faux et Griffin n'avait pas l'intention de s'amuser à prendre James comme cobaye. Toutefois, si le gamin pensait qu'il voulait vraiment le faire, ça allait certainement lui délier la langue.

Évidemment, ça ne pouvait pas marcher, James le savait avant même de lancer le sort. Face à deux adversaires, il était très difficile d'avoir l'avantage, surtout lorsqu'on était cantonné aux sortilèges basiques. Si encore il avait pu utiliser quelques sorts plus musclés, la partie aurait été différente ; mais ces pourris de l'Ordre avaient pris leurs dispositions, et il avait désormais à peu près autant de possibilités qu'un élève de deuxième année à Poudlard. Sans surprise, Griffin n'eut aucune peine à parer le Stupéfix ; le contraire eût été étonnant, et même inquiétant pour lui. Ses gestes étaient étonnamment vifs pour un simple professeur de musique, et rappelaient plus un habitué des combats qu'un paisible violoniste ; mais James n'eut guère le loisir de réfléchir davantage. Un jet de lumière rouge venait de jaillir de la baguette de Griffin, et le jeune homme esquiva de justesse le Stupéfix ; il n'eut pas autant de chance avec le sort que lui lança la femme, et qui alourdit encore plus les mouvements de l'étudiant. Ses bras pesaient deux tonnes chacun, il lui était impossible de les remuer... Et la femme lui sautait sur le dos, serrait ses bras, avec une agilité contre laquelle il ne pouvait rien. Il tentait bien de se débattre, mais l'Immobulus ralentissait toujours ses mouvements, et il ne pouvait guère faire mieux qu'opposer un simulacre de résistance. Il sentit qu'on prenait sa baguette magique, à l'instant précis où l'effet du sort commençait à se dissiper ; dans un élan désespéré, il tenta une ultime ruade qui déséquilibra la femme, et tenta de se ruer sur Griffin pour reprendre sa baguette ; tentative vouée à l'échec, mais James ne supportait pas de rester sans broncher. La femme réassura très vite sa position, resserra sa prise sur les bras du Mangemort qui se sentit vaciller. Il ne tenait plus sa canne, sa jambe trop sollicité flageolait, il allait tomber...

Qui étaient exactement ces deux furieux ? En tout cas, la femme savait qu'il était un Mangemort, et ils voulaient visiblement procéder à un interrogatoire en bonne et due forme. Cela signifiait que Griffin s'était débrouillé pour l'approcher, sur le Chemin de Traverse, en lui vendant n'importe quelle salade, simplement pour gagner sa confiance... Une rage sourde faisait bouillonner James, et créait, en se mêlant à la peur, un cocktail explosif. La femme serrait toujours ses bras ; il sentit une main sur son avant-bras gauche, et rua, avec une force incroyable, en s'écriant :

-Lâchez-moi ! Ne touchez pas...

Il ne manquait plus que Lord Voldemort pour que le cirque soit complet, et cette hystérique allait le faire rappliquer si elle ne faisait pas attention. De toute façon, elle n'avait pas besoin de le serrer à ce point, il ne pouvait pas vraiment s'échapper, sans baguette, sa canne au sol... James chancela, et dut s'appuyer au mur pour rester debout, reprenant son souffle. Il n'avait pas vraiment envie de répondre aux questions de ces gens, et gagnait du temps comme il pouvait en feignant d'être hors d'haleine. Le bref corps-à-corps avec la femme l'avait bien essoufflé, mais pas au point de ne pas pouvoir parler...

Tandis qu'il inspirait profondément, Griffin jouait les gros bras, parlant d'interrogatoires musclés, de cobaye pour la métamorphose et autres réjouissances. De toute façon, tout était foutu, songea James, fataliste ; alors autant balader un peu ces braves gens, puisqu'il n'y avait, de toute façon, aucune issue. Le ton narquois de Griffin, surtout, braquait complètement le jeune homme et l'incitait à ne pas coopérer. Jimmy... personne ne l'avait jamais appelé Jimmy, et ce diminutif était tout simplement abominable. Posément, l'étudiant se redressa, un petit sourire aux lèvres – dans sa position désespérée, étrangement, sourire lui semblait facile. Qu'on le tue, il serait au moins libéré de la peur. Qu'on le tue, mais qu'on ne le livre pas à Lord Voldemort... et pour cela, le mieux était encore d'exaspérer les deux assaillants. Souriant, donc, James tourna son regard vers l'homme, et murmura, comme s'il sollicitait une faveur :

-Griffin... écoutez-moi...

Le ton était bas, presque suppliant, et pouvait laisser croire à une entière collaboration du prisonnier. Lorsqu'il fut certain d'avoir toute l'attention du pseudo-violoniste, James reprit, d'une voix forte et claire :

-Allez vous faire foutre, Irons. Et vous aussi, au passage, ajouta-t-il aimablement en se tournant vers la femme.

Ayant parlé, il se laissa tomber contre le mur de la maison, pour essayer de soulager un peu sa jambe privée de canne. La douleur avait presque disparu ces derniers temps, mais elle revenait en force ; très pâle, le jeune homme serrait les mâchoires, espérant que sa mauvaise volonté lui vaudrait un sort assez puissant pour lui faire perdre connaissance.

Les désagréments de l'immobulus, c'était que le sortilège ne durait pas vingt ans. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, ça se ruait, se cabrait, s'exaspérait contre la poigne puissante, pour une femme, de Natalee, qui raffermit sa prise. Un étalon, c'était exactement ça. Affaiblit, blessé, mais encore jeune et fougueux, qui ne comptait pas se laisser adoucir sans la moindre résistance. La lycane manqua même de lâcher prise, perdant quelque peu l'équilibre tandis que Griffin s'approchait pour proférer quelques paroles qui n'étaient mielleuses que d'apparence, et prendre la baguette du Mangemort. Lee haussa un sourcil en direction de Griffin, tiquant sur les mots « tatie Natalee », mais aussi sur le surnom dont il avait affublé leur cible. Elle sentait qu'énerver davantage l'étudiant ne servirait à rien. Les menaces, en revanche, pouvaient toujours fonctionner, à condition que le sorcier soit assez impressionnable. Pour le moment, James continuait de se débattre tout en proférant des paroles qui intriguèrent l'Auror.

« Qu'est-ce que tu ne veux pas que je touche, Kirkby, ta marque ? Tu n'as pas invité tes copains à ta petite sortie ? »

Un dernier soubresaut fit lâcher prise à Natalee, qui n'insista pas et recula d'un pas. Après tout, sans baguette et avec une jambe abimée, le partisan du Seigneur des Ténèbres ne risquait pas d'aller bien loin. Elle laissa Griffin lui confirmer qu'il s'agissait bien de leur homme, tandis qu'il se laissait aller à de nouvelles menaces. De son côté, elle se contentait d'observer les réactions de leur captif. Elle analysait le comportement du jeune homme, cherchait à percer la faille afin de trouver quel genre d'interrogatoire pourrait le pousser à se révéler. Les dernières paroles d'Irons tirèrent un sourire à Kirkby, qui fit froncer les sourcils de la louve. Peur, insolence ? Le doute fut vite estompé lorsqu'il prit la parole.
Quelle vulgarité. Pour un Mangemort de sang-pur, c'était bas de plafond. Natalee s'approcha vivement et lui asséna un coup de botte dans sa jambe affaiblie. Elle le toisa d'un air sévère.

« Surveilles ton langage, ou je te fais avaler ta propre langue. »

Puis, se tournant vers Griffin, une main sur la hanche, elle ajouta.

« Emmenons-le. Ca n'est pas très discret, ici. Manquerait plus qu'un élève passe par là. »

Aussitôt dit, Shevelin fit volte-face et attrapa James par l'épaule. Son regard croisa le sien, et elle lui adressa un sourire féroce. Sa main glissa sur sa nuque et ses doigts enserrèrent sa gorge, pour être certaine d'avoir une prise solide. Il était hors de question qu'il échappe au transplanage.

« Attrapes-moi le bras, Griffin. J'ai ma petite idée sur notre destination. »

Natalee fit un clin d'oeil à son vis-à-vis, puis, une fois qu'il lui eut attrapé le bras, transplana. En un rien de temps, ils avaient atterrit dans un espace clos et froid, dépourvu de toute lumière. Elle lâcha le Mangemort et recula de quelques pas, laissant quelques secondes aux deux hommes pour assimiler les lieux et, surtout, laisser l'aura inquiétante du lieu s'ancrer en James. La louve, elle, discernait parfaitement les deux sorciers ainsi que son environnement. Ils étaient dans une petite pièce vide, où demeurait pour seule décoration un matelas parsemé de tâches de sang. Les murs de pierres grises en était aussi pourvus par endroit, ainsi que le sol bétonné. Une chaise détruite croupissait dans un coin de la pièce, entourée de lambeau de bois qui fut un jour une table.
La sorcière pointa sa baguette en direction d'un lustre pourvu d'une simple bougie et informula un sortilège qui enflamma cette dernière. L'espace d'une seconde, ses yeux brillèrent à la manière de ceux d'un loup dans la pénombre. Juste avant que l'éclat rouge de la flamme ne vainc la noirceur environnante.
Au fond de la pièce, des escaliers en béton grisâtre montaient jusqu'à une porte en bois épais, vers laquelle Natalee marcha d'un pas léger mais qui résonna cependant dans l'espace vide. Un nouveau sortilège verrouilla la seule issue possible.

« Bien. Est-ce que la recommandation d'aller se faire foutre tient toujours ou est-ce que, maintenant que nous sommes entre nous, tu vas bien vouloir nous dire ce que tu faisais à Pré-au-Lard le jour de la sortie des élèves ? »

Claironna-t-elle sur un ton qui cachait parfaitement le côté péremptoire de ses paroles. Son regard demeurait fixé sur le Mangemort pour ne pas regarder cette pièce qu'elle abhorrait. Il s'agissait de sa cave, lieu dans lequel personne n'avait encore jamais mit les pieds, si ça n'était elle, les soirs de pleine lune. Les défenses de cette pièce avaient été renforcés par ses soins. Aucun coup physique, aussi brutal pouvait-il être, ne pouvait faire céder le cadre de bois qui aurait permit, s'il lâchait, de faire s'évader dans la nature le monstre sanguinaire qu'elle était les soirs de pleine lune.

Bien que dans une position inconfortable, il était évident que James n'allait pas rendre les armes si facilement. Courageux, stupide ou simplement désespéré, Griffin n'aurait su le dire, en tout cas, le gamin essayait de résister à Natalee du mieux qu'il pouvait, se débattant et protestant avec véhémence. Comprenant que son petit jeu ne servait à rien sinon à enrager le jeune homme d'avantage, Griffin soupira. Quel rabat-joie! Pour une fois qu'il pouvait jouer au Grand Méchant Griffin! Il y avait longtemps qu'il n'en avait pas eu l'occasion. Enfin, les informations détenues par James étaient plus importantes que son petit jeu, après tout.

Tout en réfléchissant rapidement, Griffin observait toujours la lutte entre Natalee et James, sans intervenir. Que le gamin se libère de la poigne de l'Auror n'avait aucune importance, privé de sa baguette et de sa canne, il ne pouvait pas aller bien loin, et le sort anti-transplanage que Griffin avait mis en place était toujours actif. Quand Natalee fit mine d'inspecter la Marque, James se débattit si bien qu'il parvint à se libérer mais uniquement pour s'effondrer contre un mur comme si la lutte l'avait épuisé. Griffin fronça les sourcils, James semblait terrifié à l'idée de ce qui pourrait se passer si quelqu'un touchait à sa Marque. Avait-il quelque chose à craindre du Lord et de ses sbires? Peut-être était-ce là un point à exploiter pour faire parler le jeune Mangemort.

Perdu dans ses pensées, Griffin ne releva la tête que quand James prononça son prénom. Intrigué, il fixa sur le jeune homme son regard de glace. La voix de James l'interpellait, sourde et suppliante, comme s'il s'apprêtait à demander une faveur et qu'il lui en coûtait, cependant son sourire sarcastique contredisait son ton implorant. Méfiant, Griffin fronça les sourcils s'attendant à un coup fourré.

- Allez vous faire foutre, Irons.
En temps normal, la première réaction de Griffin aurait certainement été de caser son poing dans les dents du Mangemort, histoire de lui en faire cracher quelques unes et de lui apprendre la politesse. Cette fois cependant, il se maîtrisa au moment même où l'idée l'effleurait. Il serra le poing mais ne bougea pas. Il se contenta de hausser les sourcils, un sourire amusé aux lèvres. James voulait le provoquer, mais Griffin ne tomberait pas dans le piège. A la place de la violence, il opta pour l'ironie, arme tout aussi efficace et qui aurait l'avantage de désarmer le Mangemort.

- Allons, répliqua-t-il, adoptant un ton badin, son sourire toujours en place. Nous nous connaissons à peine! Ce ne serait pas sérieux!
Natalee, cependant, ne se gêna pas pour faire parler les poings, ou plutôt les pieds, et en donna un coup au genoux blessé de James. Griffin fronça les sourcils. Cette fois, il ne se laisserait plus attendrir et ne prendrait plus le Mangemort en pitié comme il l'avait fait à leur première rencontre, blessure ou non. Cependant, il n'approuvait absolument pas le comportement de son équipière du jour. Pourtant, il ne dit rien, afin de ne pas signaler à James un désaccord dont il pourrait se servir contre eux.

Continuant sur sa lancée, Natalee, proposa d'emmener James ailleurs, ce que Griffin ne pouvait qu'approuver, cependant au lieu de lui prendre le bras tout de suite, comme elle le proposait, Griffin leva sa baguette afin d'annuler le sort anti transplanage qu'il avait lancé plus tôt. D'un autre coup de baguette il récupéra la canne de James et se tourna vers Natalee, pour transplaner avec elle.

Ses pieds touchèrent brusquement le sol et il faillit trébucher en atterrissant. Il n'aimait pas se faire transporter de la sorte, d'abord parce qu'il ne savait pas où il allait tomber ensuite parce qu'il ne pouvait pas se préparer correctement à l'atterrissage ne sachant pas à quel moment celui-ci aurait lieu. Laissant échapper un grognement de mécontentement, il s'appuya sur sa canne, se demandant pourquoi l'endroit était si sombre. Il faisait froid et l'endroit produisait un étrange échos quand il frappait le sol du bout ferré de sa canne. Natalee prit son temps pour allumer la lumière, enfin, si on pouvait appeler lumière la lueur tremblotante de la bougie pendue au plafond, laissant les deux boiteux découvrir leur nouvel environnement. Griffin jeta un regard autour de lui en haussant les sourcils.

- C'est ... Charmant, par ici! Remarqua-t-il non sans ironie.
Il se tourna vers Natalee et lui adressa un petit sourie amusé. Il aurait aimé pouvoir lui demander où ils se trouvaient, mais il n'en fit rien. L'aura angoissante de la cellule aurait plus d'impact sur James s'il ignorait où elle se trouvait et pensait qu'il était peut-être perdu à des kilomètres de toute présence sorcière où Moldue, de tout secours potentiel.

Natalee ferma l'unique porte que comportait l'inquiétante pièce d'un sort avant de demander une nouvelle fois à James ce qu'il faisait à Pré-au-Lard un samedi. Ses yeux ambrés fixaient le Mangemort d'un regard intense.

- Bien, soupira Griffin d'un ton tout à fait différent de celui qu'il employait jusque là. Arrêtons de jouer, James. Nous ne sommes pas en service officiel, personne ne sais que tu es avec nous et que nous t'avons amené ici. Tu pourrais mourir et rester pourrir ici, personne ne le saurait, alors, dans ton intérêt, il vaut mieux répondre à nos questions. Plus vite tu nous parleras, plus vite tu pourras quitter cet endroit.
Le ton sérieux et sombre de Griffin indiquait clairement que le jeu était fini pour lui et qu'il attendait le même sérieux de la part du prisonnier. Il voulait des réponses aux questions et son air déterminé laissait supposer que James resterait confiné dans ce cachot lugubre jusqu'à ce qu'il ait satisfait la curiosité des deux Aurors.

Sous l'effet de la peur, James se sentait perdre complètement le contrôle de lui-même. Malgré la précarité de sa situation, il avait pleinement conscience de l'état d'égarement où il se trouvait, et s'il en avait eu le loisir, il aurait pris le temps d'analyser davantage ses réactions. À l'instant même où la trouille le submergeait, il sentait un sourire sur ses lèvres ; la seconde d'après, il avait l'impression qu'il allait s'évanouir... Cette dernière sensation, la plus logique, prenait doucement le pas sur toutes les autres ; la douleur qui engourdissait toute sa jambe renforçait cette impression, et ôtait au jeune homme toute envie de sourire. La riposte à sa petite provocation acheva de l'anéantir ; le coup de pied lui tira un cri rauque, et il dut s'appuyer encore au mur pour ne pas tomber. Les yeux pleins de larmes, il se plia en deux pour prendre son genou à deux mains dans l'espoir d'apaiser la douleur qui le submergeait. Il n'avait plus idée de ce que pouvaient bien raconter les deux importuns, ne savait même plus où il se trouvait ; plus rien n'existait en dehors de sa jambe gauche, et de la terrible nausée qui à présent le faisait transpirer. Il sentit qu'on l'agrippait solidement à la gorge pour le faire transplaner, et se laissa faire sans broncher ; la peur avait fait place à une sorte de résignation passive. Bien sûr, James appréhendait toujours ce qui allait suivre, mais il se sentait abattu, peu disposé à résister. Tout ce qu'il demandait, à présent, c'était de pouvoir s'asseoir, de ne plus s'appuyer sur cette jambe qui tremblait.

L'atterrissage le surprit, et le jeune homme chancela ; il parvint à rétablir son équilibre en s'accrochant à l'un des deux sorciers – il ne savait lequel, dans le noir – et une odeur bizarre, vaguement crasseuse, raviva sa nausée. Où se trouvait-il ? Dans un lieu clos, une pièce, mais l'obscurité ne lui permettait pas d'en savoir davantage. Sous terre, peut-être, pour qu'il fasse aussi sombre ? Une lumière pâlichonne vint éclairer un cadre sordide ; le regard de James, cependant, fut attiré par le grabat sanglant. Dans son état, le décor lui importait peu ; il marmonna :

-J'peux m'asseoir ?

Et, sans attendre de réponse, il claudiqua jusqu'au lit défoncé, sur lequel il se laissa tomber avec soulagement. L'envie de vomir se faisait de plus en plus pressante, et le jeune homme renversa la tête en arrière pour inspirer profondément. L'air âcre de ce réduit immonde, cependant, était plus de nature à le faire gerber pour de bon qu'à lui faire passer sa nausée. Il aurait donné n'importe quoi pour une goulée d'air frais, un peu d'eau froide à passer sur son visage ou – le summum – une gorgée de potion anti-douleur.

Et les deux guignols qui continuaient... Et qu'est-ce que tu fichais là, et tu devrais coopérer, et... Mais qui étaient ces gens, d'abord ? Ils n'étaient pas en service officiel, disait Griffin... des gens du Ministère ? James frissonna. Chacun savait que le Ministère était aux mains de Lord Voldemort, et donc ces deux-là pouvaient bien être envoyés pour le compte du Seigneur des Ténèbres. Le jeune homme regarda les deux sorciers, en se demandant pourquoi ils lui étaient tombés dessus. Le ton solennel de Griffin lui donnait envie de hurler, de réclamer sa mise à mort puisque telle semblait être l'issue, mais il n'était pas certain que ses cordes vocales coopèrent. D'un geste las, l'étudiant prit sa tête entre ses mains, et ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son n'en sortit. Excédé par les réactions de son propre corps, il adressa aux deux sorciers un signe leur demandant de patienter quelques secondes, avant de refaire une tentative, une fois qu'il lui sembla avoir repris ses esprits :

-J'attendais quelqu'un. Un élève.

Sa voix était étrangement rauque, cassée, et il l'entendit comme s'il s'était agi de celle d'un étranger. Il s'était forcé à prononcer ces quelques mots, mais il n'était pas certain de pouvoir continuer à parler. Pas avant de savoir... Redressant la tête, il lança, sur un ton absolument dénué d'insolence :

-Vous êtes qui ?

Son regard perdu passait alternativement sur les deux visages graves des sorciers, à la recherche d'un indice. Il lui semblait étrange que des sbires du Lord se comportent de cette façon, mais le lieu ressemblait fort aux mille et une cachettes des encagoulés. On pouvait y hurler à son aise sans ameuter le voisinage, et y pourrir tranquillement, comme dans une tombe. En fait de tombe, James aurait préféré quelque chose de plus classique, de moins puant, mais visiblement, on ne lui demandait pas son avis.

Frapper la jambe de Kirkby avait révélé du pur instinct plus que de la colère. Quand on affichait clairement l'échelle de la hiérarchie, il semblait nécessaire que la moindre attitude rebelle devait être matée, et avec les Mangemorts, comme on mate un chien hargneux, apeuré et isolé du reste de sa meute, et donc imprévisible. Cependant, elle n'avait pas pensé qu'elle avait frappé si fort, ou que cela fasse aussi mal au jeune homme, qui semblait encore sur le point de tourner de l'oeil alors qu'ils avaient transplanés. L'Auror l'observa attentivement après sa sentence, tandis que Griffin enchaînait, imposant la fin du jeu d'à qui le plus fort. Il n'avait pas tort, plus tôt ils en avaient terminé, plus tôt la situation serait clarifié et un mangemort mit hors d'état de nuire, s'il fallait en arriver à cette extrémité. Un garçon si jeune, c'était un véritable gâchis... Pensait cependant Natalee, qui comprenait, au fond d'elle, l'attirance qu'on pouvait éprouver vis-à-vis des forces du mal. Elle non plus, n'avait pas été tout blanche dans sa jeunesse, même si, grâce à un entourage compréhensif, elle avait dépassé assez tôt la part d'obscurité qui sommeillait en elle.
Le silence était à peine retombé que leur suspect demanda à s'assoir, et s'effondra sur le matelas sanguinolent disposé contre le mur de la pièce. Shevelin grimaça.

« Non. »

Elle s'avança et tendit prestement sa baguette en direction des débris de chaise. Un sortilège informulé rafistola les cadavres de bois gisants pour en faire un meuble correct sur lequel on ne risquait rien à s'assoir. Doucement, la chaise réparée lévita jusqu'à elle, et elle se pencha pour attraper le Mangemort et le conduire à s'assoir.

« Pas ici. »

Aussitôt, elle tourna le dos au tas de mousse difforme, désireuse de ne plus avoir cet objet dans son champ de vision. Il lui rappelait trop de souvenirs désagréables, à un tel point qu'elle pouvait presque se voir allongée en chien de fusil, le corps ensanglanté après une violente nuit de pleine lune. Cette pensée, obsédante, la déconcentrerait pour le reste de leur interrogatoire si Kirkby demeurait assit sur sa représentation matérielle.
D'ailleurs, il leur demandait à présent qui ils étaient. La lycane jeta un regard à son coéquipier, avant de reposer ses yeux d'ambre insondables sur le prisonnier, qui s'était en échange décidé à révéler une information. Elle était vague, bien trop vague pour contenter les deux Aurors. Qui pouvait d'ailleurs affirmer qu'il ne s'agissait pas d'un mensonge ? Néanmoins, c'était un début.
En retour, Natalee concéda à lui en apprendre davantage sur les raisons de cette apostrophe brutale. Lorsqu'elle prit la parole, sa voix s'était faite plus douce, bien qu'encore grave.

« Nous sommes l'Ordre du Phénix. Tu as été sous surveillance pendant ces dernières semaines afin que nous en apprenions davantage sur tes intentions, ainsi que sur les fréquentations que tu pouvais avoir, étant donné que nous savons que tu es un Mangemort. Ton déplacement à Pré-au-Lard nous a alerté, il demeure toujours aussi suspect. Autant te dire que tant que tu n'auras pas mieux coopéré que cela, et que ton degré de danger pour la communauté ne sera pas évalué, tu resteras cloitré dans ce trou à rat sordide. »

C'était la guerre, il n'y avait nulle raison de ne pas parler durement à un adversaire, et même à son principal ennemi. Cependant, ce môme effrayé lui faisait pitié. Elle avait balancé sa tirade comme on balance avec un tas d'ordures dans l'ombre d'une ruelle infréquentée, avec mépris, le regard vidé de sa hargne et vivacité première. Il n'avait rien d'un fanatique dangereux, ce garçon, même rien d'un véritable danger pour eux. Il n'y avait pas de quoi être fier d'une telle prise. Au moins pouvaient-ils espérer qu'elle leur servirait à attraper de plus gros poissons.

« Tu attendais un élève ? Et qui, exactement ? Pourquoi ? Je t'ai donné des informations, à toi de m'en donner à ton tour, James. Ça fait longtemps que nous t'observons, tu es resté enfermé chez toi la plupart du temps. Pourquoi te rendre à Pré-au-Lard pour voir un simple élève ? »

Natalee attendait la plus stricte vérité. Elle n'était pas certaine de l'obtenir immédiatement, mais au moins James avait de vraies questions auxquelles répondre. En attendant qu'il se mette sérieusement à table, la louve rangea sa baguette dans la poche arrière de son jean et glissa sa main maintenant libre sur sa hanche, tandis qu'elle avisait d'un regard interrogatif le jeune homme. Elle avait quitté le ton et l'allure péremptoire, espérant que plus de douceur permettrait à Kirkby de parler un peu plus ouvertement. Surtout qu'à présent, il savait quelle douleur engendrerait une autre rebuffade.

Silencieusement, Griffin attendit que James se décide enfin à ouvrir la bouche. Prostré sur le grabat, le jeune homme semblait prêt à céder à une crise de panique. Si tel était le cas, il ne leur serait d'aucune utilité. Ce que les Aurors voulaient était des réponses, et non un gamin fou de terreur capable de faire n'importe quoi. Le boiteux choisit donc de se taire un instant, afin de laisser au prisonnier le temps de se remettre de ses émotions. Le garder sous pression sans toutefois le précipiter dans le gouffre au bord duquel il se trouvait était une tâche difficile. Il leur fallait se montrer prudent pour garder le juste équilibre entre la peur qu'ils lui inspiraient et la possibilité de s'en sortir indemne s'il coopérait.

Griffin regarda, sans bouger, Natalee forcer le gamin à quitter le matelas en loque pour s'asseoir sur une chaise qu'elle venait de réparer. Il remarqua que la lycane refusait de regarder le lit défoncé comme si cette simple vu lui causait de la souffrance. Griffin se demandait ce qui pouvait bien se passer dans la tête de son équipière du jour mais s'abstint de toutes questions à ce sujet. C'était James qu'il devait interroger, pas Natalee.

Le jeune homme lâcha la première information de la séance, d'une voix rauque et sourde, avant de leur demander qui ils étaient. Griffin laissa à Natalee le soin de répondre à cette question, réfléchissant sur ce que James venait de révéler.

Un élève de Poudlard? ... Pourquoi un Mangemort venait seul à Pré-au-Lard pour y attendre un élève de Poudlard dans une ruelle sombre? Avait-il l'intention d'enlever le gosse d'un opposant au régime en place? ... Ca paraissait incertain. Les élèves ne sortaient pas seuls de l'école: des professeurs profitaient également de cette journée pour se détendre dans le village ou y faire des courses. Ils étaient parfaitement capables de mettre en déroute un Mangemort solitaire. Enlever un gamin seul dans ces conditions ne pouvait conduire qu'à un échec programmé, surtout quand, comme James, on était loin d'avoir la forme. D'autant plus que le jeune homme n'avait pas emmené avec lui sa panoplie du parfait mage noir.

Alors pourquoi? ... L'ordre avait déjà eu des soupçons concernant le recrutement d'élèves de Poudlard par les encagoulés. James était-il venu incognito pour assumer ce rôle? Si tel était le cas, ils devaient identifier l'élève afin de le garder à l'oeil lui aussi. Le dénoncer au Ministère ne servirait pas à grand chose mais au moins l'Ordre serait au courant et pourrait prendre une décision quand à l'avenir de cet élève une fois son degré de dangerosité établi.

Tandis que Griffin réfléchissait, Natalee continuait seule l'interrogatoire, posant justement des questions sur l'élève en question et sur les motivations de James. Griffin écouta un instant ce qu'elle disait sans quitter James du regard. Il lui sembla soudain que le gamin était encore plus mal à l'aise tout d'un coup, comme s'il cherchait à leur cacher quelque chose. L'ancien Auror haussa un sourcil et, une fois que Natalee eu fini de parler, pris la parole à son tour:

- Tu es venu pour essayer de le recruter, c'est ça? Pour qu'il travaille pour ton Maître, lui aussi?
Griffin ne quittait pas le jeune homme des yeux, son regard pénétrant guettant la moindre réaction, cherchant le point faible. Il n'y avait ni colère ni menace dans son ton, rien qu'un calme et une assurance qui pouvait à la fois mettre James en confiance et le dissuader de jouer au plus malin.

- Si c'est le cas, nous devrons aussi nous occuper de lui, rajouta-t-il à mi-voix en se tournant vers Natalee.
La perspective d'avoir à faire à un gamin de Poudlard potentiellement Mangemort ne le réjouissait absolument pas, mais les méthodes des encagoulés ne leur laissait pas le choix des armes. Reportant son attention sur James, il ajouta d'une voix calme toujours dépourvue de menace et avec un sourire aimable:

- N'oublie pas que ton intérêt est de nous dire la vérité.
Il se tut, attendant que le gamin prenne la parole, son regard de glace toujours fixé sur lui.

Docilement, James se releva du matelas défoncé, et se laissa conduire vers la chaise. Peu lui importait le siège, du moment qu'on l'autorisait à s'asseoir. Le « non » péremptoire de la femme lui avait d'ailleurs fait craindre qu'on le contraigne à rester debout, mais apparemment, les deux sorciers n'avaient pas, pour le moment, l'intention d'utiliser cette méthode. Le jeune homme tâcha de se composer un visage lisse, pour éviter de leur en donner l'idée ; s'ils se rendaient compte quel soulagement c'était pour lui de pouvoir s'asseoir, ils pourraient bien revenir sur leur aimable autorisation. Dans sa situation, cependant, il n'était pas évident d'afficher une expression neutre ; la peur, la surprise, le flot ininterrompu de pensées tumultueuses qui défilaient dans son esprit devaient lui donner une mine affolée ; la preuve, ses deux charmants interlocuteurs renonçaient aux menaces pour employer un ton moins rugueux.

James leva les yeux vers la femme tandis qu'elle expliquait qui ils étaient. Ainsi c'était l'Ordre du Phénix... les collègues de ceux qu'il avait combattus la nuit de la Saint-Sylvestre, en laissant un genou au champ d'honneur. Le Mangemort aurait dû être terrifié de se voir aux mains de ses pires ennemis, mais curieusement, il préférait tomber entre leurs griffes qu'entre celles de Lord Voldemort. Les défenseurs du Bien avaient trop de principes pour torturer un homme pendant des heures, fût-il le dernier des monstres... alors que les encagoulés n'hésiteraient pas à sortir le grand jeu pour punir un déserteur. À tout prendre, le jeune homme était mieux là, dans ce réduit nauséabond, mais qui devait être parfaitement protégé contre toutes les intrusions. Un air sérieux sur le visage, James écouta alternativement les deux sorciers, et se mordit la lèvre inférieure lorsque Griffin parla de « s'occuper » d'Isaac. Il ne répondit pas immédiatement aux questions qui venaient de lui être posées ; il prit quelques secondes pour réfléchir, peser ses mots, avant de se lancer dans les explications :

-Il s'appelle Isaac Deniel, il est à Serpentard, en quatrième année. Et non, fit-il un peu plus vivement en se tournant vers Griffin, je ne venais pas pour le recruter. D'abord, c'est un né-moldu, pas vraiment le candidat idéal pour mon patron...

Quelques vérifications effectuées en deux minutes permettraient aux deux sorciers de se rendre compte que le prisonnier leur avait dit la vérité, et il ne s'attarda pas sur ce point. Les yeux baissés, il marqua une pause, à la recherche des meilleurs termes pour expliquer sa présence à Pré-au-Lard. Enfin, sans relever les yeux, il lâcha :

-Vous allez pas me croire, mais tant pis... Je... j'étais inquiet. J'aime bien ce gamin. Il m'envoie des nouvelles de temps en temps, quand il peut, mais là... Il y a un moment qu'il n'a pas donné signe de vie... et..

Il s'interrompit, conscient que son histoire risquait fort de déclencher la colère des deux membres de l'Ordre. Un Mangemort inquiet pour un petit Sang-de-Bourbe, qui voudrait croire à cette fable ? Il fallait prouver que c'était vrai, donner quelques détails. James soupira et reprit d'une voix morne :

-Je l'ai rencontré l'été dernier, par hasard, et on a sympathisé. Il habite Londres, et moi aussi, alors on est allés boire quelques verres... Et puis il a passé les vacances de Noël chez moi. Les Carrow l'avaient salement amoché, alors il ne voulait pas rentrer chez lui... Je vous jure que c'est la vérité, conclut-il en relevant la tête, posant un regard éperdu sur ses deux interrogateurs.

Il lui semblait difficile que ses hôtes le croient sur parole, d'autant qu'il omettait sciemment de préciser la nature de ses relations avec Isaac, mais il avait tâché de donner à sa voix l'accent le plus sincère possible. Aussi curieux que cela puisse paraître, il s'était rendu à Pré-au-Lard uniquement pour voir Isaac, ce gamin pour qui il avait trouvé le courage de déserter... Il fixa son regard sur la femme qui, sans qu'il sache pourquoi, lui inspirait davantage confiance que Griffin, et demanda à mi-voix :

-Je pourrais avoir un verre d'eau... s'il vous plaît... ?

Shevelin échangea un long regard, quelque peu las, avec Griffin. L'optique de devoir surveiller un sorcier mineur ne l'enchantait pas le moins du monde. Premièrement, ça n'était pas dans ses attributions professionnelles. Secondement, l'idée de devoir surveiller un adolescent qui se tournait vers les forces du mal ne lui rappelait que trop la propre suspicion qui devait graviter dans son entourage envers elle, au sortir de la garde de ses parents enfermés à Azkaban et d'une époque de guerre comme celle-ci, mais dont elle ne gardait guère trop de souvenirs. Non pas qu'elle pensait immédiatement s'identifier à l'énergumène en question, mais qu'il était plutôt du cadre de l'entourage plutôt qu'aux membres de l'Ordre du phénix de s'occuper des attirances de l'élève, et de le cadrer contre d'éventuelles dérives. Cependant, le suspect les démentirent bien vite, d'une façon assez convaincante que Natalee se laisse aller à le croire, à condition, cependant, qu'il ait une bonne excuse sur les raisons de leur visite l'un à l'autre, et qu'il explicite alors leur rapport. Croire un Mangemort sur parole aurait été, plus que de la naïveté, de la pure niaiserie.
Ce Isaac Deniel, disait James, était un né-moldu. Natalee prit note intérieurement, elle vérifierait cela. S'il c'était bel et bien le cas, il devait y avoir au Ministère un dossier sur lui. Ses relations au sein de Poudlard lui permettrait aussi sûrement d'en apprendre davantage sur cet élève.

Tandis qu'elle réfléchissait à ces futures recherches, elle laissait parler le jeune adulte sans le quitter du regard. Il semblait hésiter, mal à l'aise (bien que cela, il l'était depuis le début de leur rencontre) et pesait ses mots, rendant au flux de ses paroles une cadence incertaine.
Natalee avait à présent les poings sur les hanches, et fronçait les sourcils sans lâcher la proie qu'elle avait accroché du regard. Alors ainsi, le Mangemort avait réussit à faire ami-ami avec ce qui représentait normalement son ennemi juré, la vermine à exterminer ? Ces mots étaient tellement fantaisistes que Lee aurait été tentée de ne pas en croire un seul mot. Pourtant, elle se permettait le doute. Le jeune homme avait été, malgré ses hésitations compréhensibles, convaincants. Il avait eu l'air assez sincère pour qu'on ne l'assomme pas directement pas à grands coups de taloches avec l'espoir que les idées claires lui reviendront après le réveil. Et combien de sorciers avaient été forcés, menacés, pour qu'ils rejoignent l'Ordre du Seigneur des Ténèbres, sous le joug de la peur ? Bien que d'ascendance pure, ce qui le prédisposait immédiatement à une plus grande méfiance de la part des Aurors, il pouvait très bien, lui aussi, faire parti de ses gens qui avaient cédé à la peur. Natalee avait beau être forte, il lui arrivait à elle aussi de peiner à fermer les yeux, la nuit venue, en repensant aux lettres de menace anonymes qui lui conviaient à démissionner sous peine de représailles. D'autant plus qu'elle ne se considérait pas de courage, juste la force de ses convictions.

Tandis que le silence s'allongeait, Kirkby osa demander un verre d'eau. Habituellement, sa première idée aurait été de parcourir la pièce du regard et de lui demander s'il voyait une carafe et une serveuse quelque part, mais cette fois, le sarcasme ne lui effleura même pas l'esprit. Plongée dans ses réflexions, elle agita la baguette et transféra directement la carafe d'eau de sa cuisine à la cave, avant d'en faire de même avec un verre d'eau. Lorsqu'elle eut attrapé le verre, la carafe le remplit d'elle-même. Elle le tendit au sorcier, mais ne le lâcha pas immédiatement. La louve observait le Mangemort d'une telle façon qu'elle semblait s'apprêter à pratiquer la legilimencie sur ce dernier.

« Ca fut une assez grosse erreur pour se réfugier vingt-quatre heures sur vingt-quatre chez soit, n'est-ce pas ? »

Après une longue seconde, elle laissa le verre d'eau à son vis-à-vis et retourna à sa place initiale, soit à quelques pas de lui. Elle venait clairement de l'inviter à continuer. Une question la taraudait cependant, mais elle se retint de la prononcer. Mieux valait gagner la confiance de James, qui semblait jusque là plutôt bien disposé vis-à-vis d'elle, malgré la brutalité avec laquelle elle l'avait d'abord traité. Lui laisser la liberté de parole, tout en le conduisant vers sens dans lequel il devait aller, était généralement un bon moyen de rendre une personne plus bavarde. Pour une fois, elle jouerait la gentille Auror.

*Marquons ce jour d'une croix dans le calendrier...*

Pensa-t-elle, vaguement amusée. Il était de notoriété publique de Natalee n'était pas la plus douce en interrogatoire. La preuve était là que les rumeurs n'étaient pas toujours vraies : elle s'adaptait à Griffin, qui semblait avoir choisit son rôle. Lorsque deux Aurors faisaient équipe lors d'un interrogatoire, il ne pouvaient pas jouer le même.

[HJ]C'est vraiment court, désolée. Embarassed

[/HJ]

La réaction de James quand Griffin signala qu'il leur faudrait aussi s'occuper du gamin de Poudlard n'échappa pas à l'Auror. Le jeune homme semblait inquiet. Pour lui ou pour son rendez-vous? Difficile à dire! C'était dans les moments comme celui-là que Griffin regrettait de n'avoir pas encore achevé sa formation de légilimencie. Le jeune Mangemort resta muet un instant, semblant réfléchir, comme si ce qu'il allait dire risquait de lui coûter cher. Enfin après un temps de réflexion, il se décida à s'expliquer.

- Un né-Moldu? Répéta l'Auror, sceptique. Depuis quand les Mangemorts traînent avec les Sang de bourbe?
Il détestait ces mots, pour lui un sorcier était un sorcier, peu importait qu'il soit né parmi les Moldus ou dans une famille de sang pur. Mais James était un Mangemort, ces mots étaient ceux auxquels il devait croire dur comme fer. La racaille Moldue, les sang de bourbe, les voleurs de magie ... Toutes ces conneries que le Ministère prônait depuis quelques mois ... Tout ça faisait parti de ses idéaux. Alors pourquoi se compromettre avec un né-Moldu? En d'autres circonstances, Griffin aurait pensé que c'était par bravade que James leur avait dit ça, juste pour se foutre d'eux. Cependant, l'Auror était capable de voir quand on lui mentait, et le jeune homme assis face à lui semblait sincère. Bien entendu, croire un Mangemort sur parole était hors de question, et James allait devoir donner plus d'explications s'il voulait que l'Auror croit en son histoire.

- Tu l'aimes bien? Voilà qui est étrange quand même. Soit tu es le pire Mangemort que j'ai rencontré, soit tu te fous franchement de nous.
Chacun son rôle et puisque James semblait faire d'avantage confiance à Natalee, pour il ne savait quelles raisons, Griffin était disposé à endosser le costume du méchant Auror prêt à bousculer le gamin pour obtenir des réponses.

- Boire quelques verres? Avec un mineur? Allons James, qu'est-ce qu'un étudiant riche, beau garçon et Mangemort peut voir chez un adolescent né Moldu? Tu manques à ce point d'amis?
Ce n'était pas très gentil mais à la guerre comme à la guerre.

- Enfin, soupira Griffin d'une voix toujours aussi calme, je ne demande qu'à te croire, mais pour ça il faut me donner de bonnes raisons de le faire.
Il fixa sur James son regard pénétrant, mais le gamin préféra se tourner vers Natalee pour lui demander un verre d'eau. Griffin leva les yeux au ciel mais laissa à sa collègue le soin de décider si elle voulait ou non accéder à la requête du Mangemort, ce qu'elle fit, non sans inviter le jeune homme à continuer son récit. Griffin attendit que James ait fini de boire avant de faire disparaître le verre et la carafe d'un coup de baguette.

- Si tu en veux encore, il va falloir le mériter. Pourquoi un Mangemort s'intéresserait à un jeune sang de bourbe autrement que pour le torturer?
Griffin fixa le Mangemort avec un air calme mais sérieux qui traduisait son intention de ne pas céder. La seule manière pour James d'obtenir quelque chose d'eux, dorénavant, serait de le mériter.

- C'est donnant donnant, James. Si tu es sage et coopératif, tu en tireras les bénéfices. A toi de décider si tu veux nous raconter quelque chose qui mériterait une récompense.
Griffin avait laissé la porte grande ouverte, c'était à présent à James de voir s'il voulait la franchir ou non. La technique de la carotte marchait bien en général, surtout sur des captifs terrifiés qui ne savaient plus où ils en étaient.

- Alors? Quelque chose à dire?

Dans toutes les équipes de flics, les rôles sont toujours strictement répartis ; il y a le gentil, celui qui explique au prévenu que s'il collabore, le juge sera compréhensif, et le teigneux, celui qui donne des coups d'annuaire sur la tête du récalcitrant. Ce jour-là, Griffin Irons tenait le rôle du méchant, et la femme celui du flic compatissant ; apparemment, elle n'avait pas l'intention de porter d'autres coups au prisonnier, et elle accéda même à sa requête lorsqu'il demanda à boire. James avait la gorge extraordinairement sèche – étrange, il ne faisait même pas chaud – et l'eau fraîche lui procura une délicieuse sensation de soulagement ; éphémère sensation, malheureusement, car le jeune homme eut l'impression que son gosier se desséchait à nouveau à peine l'eau avalée... Quoi qu'il en soit, avoir obtenu de pouvoir boire était déjà une bonne chose ; les deux sorciers qui l'avaient arrêté ne semblaient pas vouloir le mettre au supplice. S'il parlait, lui expliquait-on, s'il se montrait coopératif, il n'aurait pas à s'en repentir ; différence essentielle avec les Mangemorts, qui tuaient généralement leurs prisonniers, y compris ceux qui avaient parlé.

Évidemment, l'histoire d'Isaac passait mal auprès des deux membres de l'Ordre, mais, contrairement à ce que James avait redouté, aucune violence ne suivit son explication pourtant invraisemblable. Il allait falloir donner des précisions, et être assez convaincant pour qu'Isaac n'ait aucun ennui... D'un geste machinal, James fit tourner le verre vide dans sa main, comme si ce mouvement compulsif pouvait l'aider à réfléchir ; comme il cherchait ses mots, Griffin fit disparaître verre et carafe, remplissant parfaitement son rôle de flic méchant. Enfin, le jeune Mangemort leva la tête et, en s'adressant directement à l'homme, reprit :

-Vous vous souvenez de ce que je vous ai dit l'autre jour, Irons ?

C'était la première fois qu'il mentionnait cette rencontre, avec un peu d'amertume dans la voix.

-Sur le fait qu'une réputation d'homosexuel n'est pas facile à assumer chez les sorciers les plus traditionalistes... Eh bien pour faire simple, disons que ce gamin m'a permis de comprendre certaines choses... et d'assumer davantage.

Les joues soudain brûlantes, il baissa à nouveau la tête, peu désireux de montrer à quel point il était gêné d'évoquer ce sujet. Il aurait préféré ne pas avoir à parler de ses tendances sexuelles à des inconnus, mais il ne voyait pas comment évoquer Isaac sans expliquer ce que l'adolescent avait changé pour lui ; avec sa liberté de ton et son absence de complexes, il avait permis à James de comprendre qu'aimer les hommes n'était pas une tare... D'une voix sourde, sans regarder les deux sorciers, le jeune Mangemort poursuivit :

-Que je suis un mauvais Mangemort, ça ne fait pas de doutes. On m'a sommé de cesser de fréquenter un homme, je n'ai pas obéi... J'ai accueilli Isaac... et si vous êtes réellement de l'Ordre du Phénix, vous êtes au courant du serment que j'ai prêté... J'ai désobéi, aidé un né-moldu, je ne suis plus d'aucune utilité... et je déshonore mon sang et ma famille par mes... euh... perversions... alors oui, ça justifie amplement que je reste caché chez moi.

Brusquement, il se redressa et demanda en fixant alternativement les deux sorciers :

-Vous savez que je n'aurais qu'un geste à faire pour appeler du renfort ? Il me suffirait d'appuyer à cet endroit, fit-il en approchant son index droit de son avant-bras gauche, pour qu'il sache où je suis et envoie du monde à mon aide. Mais je ne l'ai pas fait, et je n'ai pas l'intention de le faire... Vous savez pourquoi ? Parce que j'ai plus à craindre de lui que de vous, tout simplement. Quoi que vous fassiez, je préfère cent fois être dans vos mains que dans les siennes.

La chose était certaine ; même si l'Ordre en venait à le supprimer, il n'atteindrait jamais le niveau de cruauté de Lord Voldemort lorsqu'il châtiait un serviteur indigne. James marqua une brève pause, repensant à la proposition implicite qu'avait formulée Irons, avant de demander sur un ton qu'il espérait désinvolte :

-Mais je suppose que vous ne m'avez pas conduit dans ce charmant endroit pour m'interroger sur ma vie privée ?

L'auror laissait son équipier parler, prendre un peu le dessus dans l'interrogatoire afin qu'il puisse affirmer sa place. Pendant ce temps là elle veillait, légèrement en retrait et pourtant bien présente. Il aurait été difficile, d'ailleurs, de ne pas la remarquer même lorsqu'elle gardait lèvres closes. Son expression sauvage et son charisme y étaient pour quelque chose.
Griffin avait mené James sur le terrain qui les intéressaient le plus. Celui entouré de petites barrières épineuses avec sur le portillon à présent ouvert, un encadrement avec pour intitulé « Le jardin du pourquoi du comment ». Et on y voyait deux jeunes gens folâtrer malgré les risques que chacun couraient se faisant pour leur vie. Ah, les jeunes et la question de l'homosexualité qui vient, un jour ou l'autre, les titiller. Dans d'autres circonstances, la louve aurait put en sourire tout en se rappelant ses propres années de jeunesses et de naïvetés où elle s'était laissé à quelques vagabondages auprès de la gente féminine, et dont elle ne gardait pas forcément de malheureux souvenirs. La vie était faite d'expérience et, un jour ou l'autre, les hormones se calmaient, trouvaient leur cases. D'autres fois, c'étaient dans cette période qu'elles le trouvaient. Mais quand un jeune homme en pleine découverte de son corps se trouvait chez les Mangemorts, ça ne rigolait plus. Ces écartements n'étaient pas tolérés, seule la ligne de conduite impeccable, épouse, enfants, famille, héritage avait sa place. Et James en avait certainement pâti, bien plus qu'il le sous-entendait. Plus l'interrogatoire avançait, plus Natalee se demandait ce qu'un tel sorcier avait été faire chez les Mangemorts. Pression parentale, certainement. Encore un fils d'une bande de ratés qui apposaient leurs propres aspirations sur le dos de leur fils, incapables de faire valoir leurs idéaux par eux-même. Ou un fils de désaxés, comme elle, qui avait été mit sous la tutelle de morales rigides et de valeurs désuètes.

Un geste du Mangemort fit sortir Natalee de son apparente passivité. D'un geste, elle brandit sa baguette dans sa direction, prête à l'attaque. La menace qu'il avait laissé transparaître avait clairement sonnée aux oreilles de la louve et dans sa vivacité naturelle, elle était déjà en train de passer à l'action. Elle s'était déjà avancé vers lui, menaçante, alors qu'il reprenait là où il s'était arrêté. Le sort informulé qu'elle avait formé dans son esprit ne fut jamais achevé. Le gamin venait d'avouer qu'il avait plus à craindre du Lord que de l'Ordre, explicitement cette fois-ci.

« Non, bien sûr qu'on ne t'a pas amené ici pour en apprendre davantage sur ta vie privée, bien qu'elle entre en ligne de compte. »

Commença Natalee, tout en rabaissant son arme et en cherchant la suite des propos qu'elle devrait tenir. Des surprises, elle en avait d'innombrables dans son métier, mais rare étaient les moments où l'opportunité de convertir un Mangemort se présentait. Les deux Aurors devraient user de cet atout avec subtilité.

« Tu sais que nous pourrions t'offrir une protection contre les autres Mangemort, n'est-ce pas ? »

Sa phrase flotta dans l'air, légère et anodine alors que le regard de Natalee soustrayait toute envie de prendre cette invitation à la légère. C'était une proposition qu'elle faisait, et qu'elle ne ferait qu'une fois.

« Bien sûr, nous ne pouvons t'offrir cette sécurité en toute bonté d'âme, surtout si nous ne sommes pas sûrs de ton repentir. Tu as beau avoir les meilleures raisons du monde pour éviter tes collègues, la tentation est grande pour un Mangemort de trahir une nouvelle fois pour s'attirer les bonnes grâces d'un sorcier qui nous dépasse tous en puissance. Je n'ai pas raison ? »

Lentement, elle parcourut la pièce et alla se camper contre un mur. Là, elle croisa les bras, ses yeux observèrent les environs et elle poussa un léger soupir. Enfin, elle reposa les yeux sur l'interrogé.

« Je ne sais pas trop comment tu pourrais prouver que tu mérite une telle protection, et si tu en as bien envie... »

En privant ainsi le jeune Mangemort de son verre d'eau, Griffin s'attendait à des protestations et à des insultes. Il fut donc surpris lorsque James se contenta de relever la tête vers lui pour réponde à ses questions. Cachant sa surprise derrière un froncement de sourcils peu avenant, l'Auror boiteux écouta tranquillement ce que le jeune homme disait. Il n' s'attendait pas vraiment à ce que James fasse allusion à leur rencontre sur le Chemin de Traverse, le jeune homme semblant l'avoir enterré dans sa mémoire au rang des mauvais souvenirs.

- Je m'en souviens parfaitement, approuva-t-il perplexe devant le réaction du Mangemort.
Griffin écouta les explications sans prononcer mot. Le problème que James évoquait, l'Auror ne le connaissait pas.

Il ne venait pas d'une famille de sang pur disposant d'une grande histoire ni d'un grande renommée. Sa famille était tout ce qu'il y avait de plus ordinaire, à ceci près qu'il avait grandi sans son père, Auror lui aussi, tué par des Mangemort alors qu'il était gamin. Le question de la bienséance, de l'honneur du nom, de la grandeur de la famille, le politiquement correcte, la peur du qu'en-dira-t-on, il ne connaissait pas. Ruth avait toujours élevé ses enfants avec amour et ne les avait jamais écrasé sous un tas de règles aussi désuettes qu'inutile. Elle avait veillé à ce qu'ils soient toujours polis et se comportent bien en société et à ce qu'ils aient une bonne éducation mais elle ne les avait jamais bridé. C'était peut-être la raison pour laquelle Griffin n'avait jamais éprouvé la moindre honte à aimer regarder les garçons de Poudlard autant que les filles. Il aimait ce qui était beau et ne voyait pas pour quelles raisons il se priverait d'essayer de draguer un homme si celui-ci lui plaisait. Il ne le criait pas sur les toit, certes, mais ils ne se cachait pas vraiment non plus, c'était dans sa nature, il n'allait pas s'en vouloir pour ça. Même si Ruth lui parlait régulièrement de son désir de le voir marié et père de famille, Griffin savait qu'elle ne le rejetterait pas s'il lui avouait aimer un homme. Elle lui ferait certainement une grosse colère, tempêterait et taperait du pied comme elle savait si bien le faire mais au final, elle le serrerait dans ses bras à l'étouffer en lui souhaitant d'être heureux.

Bien sûr, il comprenait que James ait eu besoin d'aide pour se défaire du carcan que son éducation lui avait imposé. Mais il avait encore un peu de mal à avaler que la personne ayant brisé ce carcan était un gamin de 14 ans, né-Moldu de surcroît. Toutefois James en parlait avec assez d'émotion et de gêne pour que l'Auror lui laisse le bénéfice du doute.

Griffin se tourna silencieusement vers Natalee et échangea un regard avec elle tandis que leur prisonnier continuait son monologue, expliquant les raisons pour lesquelles il restait terré chez lui depuis le Nouvel An. Encore une fois, Griffin nota la peur que le jeune Mangemort semblait éprouver à l'idée que ses collègues encagoulés puisse le retrouver, lorsque brusquement, le gamin les menaça d'appeler ses camarades honnis en touchant sa marque. Griffin bondit en même temps que Natalee, baguette pointée sur le torse de James et prête à lancer un sort sur le champ.

- Hey! S'écria-t-il.
James baissa la main en disant qu'il n'avait pas l'intention d'appeler à l'aide et Natalee baissa sa baguette. Griffin cependant ne l'imita pas.

- Tu m'excusera James, mais deux précautions valent mieux qu'une.
Il donna un petit coup de baguette et des cordes en jaillirent pour attacher le Mangemort à sa chaise et garder ses mains éloignées l'une de l'autre. Ce n'était peut-être pas utile mais Griffin était le méchant Auror, n'est-ce pas, celui qui ne pardonnait pas les incartades. Plutôt que de flanquer une raclée au gamin pour son geste, Griffin préféra l'immobiliser afin d'éviter tous risques qu'il essaie réellement d'appeler à l'aide. Du reste, les cordes étaient juste assez serrées pour l'empêcher de bouger mais pas assez pour le blesser. Ceci fait, il laissa Natalee reprendre la parole, continuant l'interrogatoire sur la ligne lancée par Griffin: réponse = récompense, à la différence que la récompense qu'elle proposait était ni plus ni moins que la vie sauve et la protection de l'Ordre. Griffin ne put retenir un petit sourire tandis que sa collègue proposait à leur prisonnier rien de moins que de trahir le Lord.

- Réfléchis bien à cette proposition, James, fit-il d'une voix douce et calme. Je sais qu'elle n'est pas à prendre à la légère et que la peur du Lord peu être plus efficace que la plus forcenée des loyautés pour garder ses fidèles à ses cotés mais je ne pense pas que tu retrouves un jour quelqu'un pour te proposer de t'aider à tirer un trait sur tout ça et à te sortir de ses griffes pour te protéger.

James n'avait pas réellement mesuré les conséquences de son geste irréfléchi en direction de sa Marque des Ténèbres ; il avait agi machinalement, sans avoir imaginé un seul instant que la réaction des deux Aurors serait aussi vive. Pas moyen de parler tranquillement avec ces gens-là... à peine avait-on le malheur d'esquisser un geste qu'on se faisait sauter sur le paletot par des brutes sanguinaires, baguettes pointées et prêtes à vous réduire en charpie... Oui, bon, légère exagération, mais la rapidité avec laquelle les deux sorciers s'étaient précipités vers lui avait quelque peu décontenancé James. Avant d'avoir eu le temps de protester, il se retrouva attaché à la chaise, à regretter d'avoir eu l'étourderie de faire ce geste. Sans croire lui-même à sa tentative, il tenta de fléchir Griffin :

-C'est pas la peine de m'attacher, je vous ai dit que je n'allais pas le faire...

Il aurait aussi bien pu réciter une table de multiplication, il aurait eu le même succès ; on n'allait pas le détacher après ce qu'il venait de dire... À mi-voix, le jeune Mangemort informa ses hôtes :

-De toute façon, si je voulais l'appeler, j'aurais un seul mot à prononcer... juste son nom, et on me localiserait... Je suppose que vous savez que le nom est frappé d'un maléfice ? Voyez, je ne m'en sers pas, c'est quand même la preuve...

Ses protestations de sincérité ne risquaient guère de porter leurs fruits, et James préféra épargner sa salive. Il avait déjà expliqué ce qu'il avait à craindre des Mangemorts, et si ces deux-là ne voulaient pas le comprendre, il ne voyait pas comment leur faire entendre raison. De toute façon, quoi qu'il dise, ses paroles seraient sujettes à caution... Machinalement, le jeune homme se mit à tourner ses poignets dans les liens, comme pour les défaire, tout en sachant que des cordes magiques ne céderaient pas de cette façon ; les yeux rivés sur le sol poussiéreux, il écoutait les propositions des deux sorciers, le coeur battant. On lui suggérait donc de trahir, de déserter... Depuis plusieurs semaines, le jeune homme envisageait cette possibilité, mais se trouver au pied du mur l'intimidait. Un mot, et le forfait serait accompli... Il suffisait d'accepter, et le processus serait engagé... Un mot, et James tirerait un trait sur tout cela, renierait cet engagement pris à la va-vite... Il garda le silence quelques instants, en proie à un dernier doute, puis leva les yeux vers les deux sorciers en demandant d'une voix à peine audible :

-Et euh... juste par curiosité, hein... comment pourrais-je vous prouver mon... heu... désir d'obtenir votre protection ?

Il essayait de parler d'un ton dégagé, comme s'il évoquait une hypothèse parfaitement improbable, mais il ne pouvait dissimuler son intérêt pour cette proposition. Avant que les deux sorciers aient eu le temps de lui répondre, il ajouta :

-Je préfère vous prévenir que je ne veux pas, quoi qu'il advienne, revenir auprès de lui. Ce serait d'ailleurs la dernière chose que je ferais... on ne le trahit qu'une fois.

Il avait lâché ces mots d'une voix sourde, et avait à nouveau baissé les yeux, tâchant de mesurer l'étendue de la décision qu'il prenait. En acceptant le marché, il devenait un traître à la cause, un paria pour sa propre famille, il se mettait volontairement au ban de la société. Il se fermait les portes du Ministère, se coupait toute possibilité de carrière... et, pire que tout, il trahissait le plus redoutable Mage noir du monde, et cette félonie appelait le châtiment le plus cruel. Seule l'efficacité de la protection de l'Ordre lui permettrait d'échapper au sort des renégats...