Un verre posé brutalement sur la table, vint mettre fin aux pensées diffuses d’Eliad. Il se frotta le visage et par un geste maladroit, essaya de dissiper la douleur qui tenaillait sa joue droite. S’était-il endormi sur la table, après un liquide de trop ingurgité ? Ou ces précieuses nuits qu’il passait à rechercher la vérité sur son père, avait fini par l’épuiser mentalement et physiquement. Il frotta ses yeux à demi fermés, étonné qu’on l’ait laissé dormir là, mais un coup d’œil sur la petite horloge en face de lui, eut tôt fait de le rassurer. Il ne s’était écoulé qu’à peine une heure entre le moment où il était arrivé et son réveil brutal.

Il contempla le verre posé devant lui avant de jouer avec, entre ses doigts. La tentation de jongler avec l’objet était plus que grande, mais il ne tenait pas à gaspiller aussi vite le liquide qu’il contenait. C’était quoi d’ailleurs ? Il le sentit pendant quelques secondes, mais ça n’avait pas vraiment d’odeur… Où alors Eliad ne sentait plus rien. La couleur était rouge, c’était bon signe. Un poison aurait été de couleur verte, ou marron. Ou de la même couleur que la biéraubeurre, afin d’inciter plus facilement un élève, à faire preuve d’imprudence. Ici, ce n’était pas le cas. Il chercha du coin de l’œil la serveuse qui lui avait apporté ce verre, mais il ne la trouvait plus. Allons… ça ne pouvait pas lui faire du mal après tout. Le verre était assez petit. Il en but donc une gorgée, fermant les yeux.

Et s’étouffa aussitôt, la gorge en feu. Il avait du s’agir de liqueur de dragon sortant d’une bouteille très ancienne, ou d’un autre tord boyaux fabriqué à base de piment du Mexique, ou de Mie de Nelle. Enfin quelque chose d’assez fort pour que sa gorge réclame sans cesse de l’eau, qu’Eliad ne pouvait lui offrir pour le moment. Essayant d’attendre que la douleur se calme, il contempla alors le pub dans lequel il se trouvait. La salle semblait refléter en elle-même, tous les défauts qu’elle avait en commun avec les personnes qui venaient y boire, souvent en grand nombre. Si un mur était fissuré quelque part, alors il en serait de même pour le client accoudé au comptoir, avec une manche en lambeaux. Sans compter la crasse certaine à pas mal d’endroits.

Mais même s’il avait un verre devant lui, sa motivation pour être venu ici, était tout autre… Il se trouvait dans ce pub pour chercher des informations auprès d’un possible mangemort. Mais il ne l’avait pas encore trouvé. Il avait bien aperçu un homme portant une large capuche, qui patientait devant un verre plein, les bras repliés sur lui-même. Il s’était alors assis à une table proche, sans venir l’accoster tout de suite. Il préférait étudier ses gestes et regarder si quelqu’un n’allait pas lui parler à sa place. Après quelques minutes et alors qu’il avait refusé deux boissons, prétextant une excuse un peu légère, il avait fini par s’écrouler sur la table d’épuisement. Une manière un peu cavalière de débuter les choses. En entrant dans ce pub malfamé, il avait bien vu son avis de recherche placardé contre les murs, mais avec la large veste qu’il portait et le col relevé passant par-dessus son menton, il espérait passer inaperçu au milieu de tables remplis d’assoiffés. Mais son col était redescendu depuis longtemps et il n’avait plus rien de discret. C’est alors qu’une serveuse s’approcha de lui et lui murmura à l’oreille :

« Vous êtes attendu à la table près du tableau du rhinocéros. »

Elle repartit ensuite comme elle était venue, un plateau à la main, quelques secondes plus tard alourdi par trois verres vides.

Eliad s’approcha de la table et s’y assis aussitôt. L’individu baissa alors le col qu’il portait relevé aussi, et s’adressa à Eliad.

« Je pense que tu es venu pour moi, n’est ce pas ? Alors dis moi ce que tu cherches et je te trouverais ça au plus vite. Je dois tout avoir sur moi déjà. Ah et le verre d’alcool était de moi, j’ai tenu à ce que tu sois bien réveillé pour commencer à parler avec toi. Je pense que j’ai réussi ce coup là. »

Il n’avait rien de l’idée que l’on pouvait se faire d’un mangemort… Il ressemblait plutôt au genre qui vendait des choses sous le manteau… Un marchand ambulant. Mais marchand de quoi…