[Suite de ce topic ]

Décidément, Emmanuel avait l’une de ces mauvaises habitudes… C’était toujours le premier à se mettre les pieds dans les plats lorsqu’il s’agissait de discussion. Il disait toujours quelque chose de trop, de déplacé. Ça lui arrivait souvent, en fait, ce genre de situation, où, sans le savoir, il visait dans le mile. Il aurait préféré s’être trompé cette fois-là, par contre. Sa mise en garde s’avérait en fait être une simple citation des faits. Il était très sympathique et très gentil ? S’ils parlaient tous les deux d’Andrzej Miaskovski, le jeune homme avait probablement utilisé ses habituels charmes pour que Blanche se porte ainsi à sa défense. Non, il n’y avait aucun doute, en fait. C’était bel et bien d’Andy, qu’ils parlaient.

Le Gallois regarda la Française dans les yeux d’un air légèrement incrédule, ses lèvres un brin entrouvertes. Elles tombaient toutes, sans exception. C’était tout-à-fait compréhensible, le slave était un très bel homme qui exhibait ses attributs d’une façon presque professionnelle – il l’avait vu en maillot de bain, après tout – mais même s’il respectait sincèrement les femmes, elles étaient son terrain de jeu. Emmanuel supportait mal l’idée qu’une jeune femme comme Blanche, aussi pur et douce, puisse devenir le jouet de son confrère. Ça le mettait profondément mal à l’aise. Mais Blanche n’était ni sa sœur, ni sa fille, ni sa copine ; il ne pouvait rien y faire, sauf l’avertir. Tant qu’elle ne tombait pas amoureuse de lui, c’était passable.

Manu resta pensif, attendant patiemment que sa compagnie finisse de payer puis sortit du magasin, lui tenant poliment la porte. Il éviterait le sujet pour le moment. Ce n’était pas le genre de conversation que l’on avait sans quoique ce soit pour nous consoler, surtout pas quand on est une nouvelle arrivée à l’université et que l’on tombe dans le piège tendu par l’une des coqueluches de l’école. Les doigts du brun vinrent attraper ses lunettes de soleil, celles-ci sagement accrochées au collet de son chandail puis les posa sur son nez. Il sourit à Blanche.

« Allez, je te paie une glace… » , dit-il en marchant en direction du glacier ambulant.

En temps normal, les jeunes gens avides de glucoses pouvaient combler leurs envies en traversant simplement la rue pour se rendre chez Fortarome. Cependant, depuis la fermeture soudaine de l'établissement, les choses n'étaient plus aussi simples. Heureusement, un marchand de glace ambulant se promenait sur le chemin, s'installant à un endroit particulier pendant quelques jours avant de bouger de quelques mètres. Aujourd'hui, il se trouvait pratiquement à la sortie de la chocolaterie. À peine fûrent-ils sortis de l'enceinte extérieure du magasin que les effluves des différents parfums de glace et de sorbet atteignaient leurs narines. Les deux jeunes gens s’approchèrent d’un banc à l’ombre où Manu déposa son sac de sucreries.

« Toi, t’es du genre à aimer la vanille, j’en suis convaincu… Simple, sucré, comme toi. » , conclut-il en adressant un clin d’œil à la blonde avant de s’avancer vers le marchand de glace.

Quelques minutes passèrent puis le Gallois revint, un cornet à la vanille dans une main et un à la crème brûlée dans l’autre. Adressant un autre magnifique sourire à la belle, il lui tendit son cornet avant de s’asseoir à ses côtés. Après avoir savouré sa première léchée de glace, Emmanuel retira ses verres fumés, les raccrocha au collet de son t-shirt et regarda Blanche dans les yeux.

« Andrzej Miaskovski n’est pas le genre d’homme auquel une jeune femme devrait s’attacher, tu sais. »

Comment savait-il qu’elle s’attachait à lui ? Aucune idée, mais il le savait.

Lorsque la demoiselle s’était dirigée vers l’extérieur de la boutique, elle avait détourné ses yeux de ceux de Manu car elle avait bien remarqué la manière qu’il l’avait regardé. Comme s’il était un peu dépassé par sa réponse. Il ne s’attendait peut-être pas à ce qu’elle lui réponde cela. Elle était un peu curieuse, car il semblait vraiment y avoir quelque chose qui lui échappait par rapport au russe. Quelque chose d’important… Peu importait car Emmanuel lui offrait et une glace était sûrement encore meilleure qu’un café. Il y avait longtemps qu’elle n’en avait pas mangé.

Elle ne s’attendait pas à ce que le marchand de glace soit si près de la chocolaterie. Cela était tant mieux, ses mouvements dans la foule étaient ainsi réduits considérablement. Elle s’était presque cassé la figure une fois déjà, la jeune femme ne désirait pas réessayer à nouveau tout de suite en se faufilant entre les gens pressés qui ne faisait pas attention aux pauvres créatures fragiles comme elle.

Blanche suivit sagement Emmanuel jusqu’au siège, prenant alors le temps de l’observer. Elle ne l’avait pas vu souvent et elle n’avait jamais vraiment pris le temps de le détailler de manière concluante. L’étudiante déposa ses sacs à côté d’elle sur le banc puis elle hocha la tête en souriant à ce qu’il dit. C’était effectivement sa sorte favorite.

« T’es doué, très doué même… Je suis impressionnée…. »dit-elle en posant ses fesses sur le banc.

La française observa alors le gallois, le regardant commander les glaces. C’était un homme vraiment mignon et contrairement au slave, il n’était pas d’une beauté intimidante. Elle se mordit un peu la lèvre, se demandant s’il avait une copine. Ce n’était pas une question qu’elle se posait dans l’espoir d’avoir un non comme réponse, mais plutôt parce qu’elle se demandait s’il était plutôt du genre à prendre les occasions une à une sans aller plus loin. Les femmes le regardaient donc il devait forcément se faire inviter souvent à prendre un verre et à ce qui suit généralement après. Il était gentil en plus, cela ne faisait que lui donner plus de charme. Décidément, il devait certainement se faire inviter par tout plein de femmes lorsqu’il sortait et elle sourit un peu à l’idée. Si le jeune homme était gentil avec toutes les demoiselles qu’il rencontrait comme il était gentil avec elle, il avait sûrement tout plein de copines.

Le voyant revenir avec les glaces, elle se tassa un peu plus sur le banc, lui donnant de l’espace qu’il puisse à son tour y poser son (joli) postérieur. Elle prit son cornet en le gratifiant d’un de ses plus beaux sourires. L’étudiante prit une léchée de la glace, savourant la saveur de vanille en fermant un peu les yeux. Si bon… Elle tourna un peu la tête en voyant que l’autre étudiant la regardait dans les yeux. Blanche sourit légèrement à ce qu’il dit et retourna la tête vers l’avant, ses yeux se posant sur le marchand de glace et les gens qui fourmillaient autour de son kiosque.

« Oui je m’en doute… Ce n’est pas si difficile à remarquer, en fait… » répondit-elle simplement, ses yeux un peu distants.

Elle soupira un peu puis lécha une nouvelle fois son cornet. Il ne faisait que confirmer ce qu’elle croyait… Elle se sentit toutefois un peu attristée par cela et elle aurait de loin préféré qu’il lui dise qu’Andrzej était un jeune homme tout à fait respectable, qui méritait toute son affection. La demoiselle avait apprécié comment il avait agi avec elle, comme un chevalier dans un conte, qui accordait toute son attention et qui n’avait que de bonnes intentions envers elle. Certes elle ne l’avait rencontré qu’une fois, mais cela avait été nécessaire pour qu’elle ressente un peu d’affection pour lui. Elle se mordit la lèvre puis gouta une nouvelle fois à sa glace, se disant qu’elle s’attendait de toute façon à ce que quelqu’un lui dise que le russe était un coureur de jupons…

Emmanuel regretta presque aussitôt ce qu'il avait pu dire. Il n'avait aucunement prit le temps de doser ses paroles ou ses pensées; il avait dit tout haut ce qu'il pensait. En fait, son but premier avait été de prévenir, d'alerter. Mais il avait oublier pour un instant qu'il s'adressait à une jeune femme au cœur tendre – comme presque toutes les jeunes femmes de leur âge – et il comprit alors qu'il s'y était prit plutôt brusquement. Lui qui voulait que la Française souffre le moins possible c'était raté. Ses yeux de jade fixant machinalement le sol, il lécha doucement la surface de son cornet, hésitant à dire quoique ce soit de plus. Peut-être était-ce mieux qu'il se taise, tout simplement.

Heureusement pour lui et sa timidité, Blanche parla d'abord. À sa surprise, elle acquiesçait à ce qu'il venait tout juste de dire. Il soupira doucement; il était soulagé. La dernière chose qu'il aurait voulu faire, c'était lui briser le cœur, écraser ses rêves d'amoureuse. Non, elle n'était peut-être pas amoureuse mais c'était clair que lorsqu'elle parlait d'Andrzej, son regard devenait encore plus pétillant qu'il ne l'était déjà. Si cela était possible. Emmanuel leva ses yeux dans sa direction et lui adressa un fin sourire, se voulant compatissant.

« Je suis désolé de jouer le rôle d'oiseau de malheur mais je peux te garantir que, avec tout ce qui se passe présentement dans sa vie et sa vision de celle-ci, ce n'est clairement pas un candidat pour une demoiselle aussi attachante et douce que toi. Mais bon, même si je connais Andy plutôt bien, peut-être qu'il nous réserve à tous quelques surprises. »

En fait, il doutait fort que, à son âge et avec toute l'expérience qu'il avait pu acquérir au fil de ses conquêtes, il avait réellement envie de se caser. Selon Manu, c'était un être damné à être volage, à vivre au rythme de ses pulsions animales et de ne penser que très peu aux sentiments et à l'attachement que ces actes de chair pouvaient entraîner. Il les évitait, en fait. Et le Gallois se demandait bien pourquoi d'ailleurs. Il y avait quelque chose de particulièrement assouvissant et calmant à se réveiller aux côtés de la femme que l'on aime à chaque matin, à la serrer dans ses bras, à lui dire qu'on l'aime, à lui faire l'amour et non pas que baiser. Ça commençait d'ailleurs à lui manquer. Ces étreintes, ces baisers.

Le jeune homme prit une bouchée de la crème glacée et soupira légèrement tandis que son regard scrutait le ciel à la recherche de la prochaine chose qu'il pourrait bien lui dire. L'étudiant n'était jamais mal à l'aise avec les femmes sauf quand il s'agissait de leur faire la « morale ». Il n'aimait pas ça. Il préférait les réconforter, leur dire que ça va s'arranger. Mais c'était différent, cette fois.

Le jeune Perks se rapprocha un peu de Blanche pour être collé contre elle et vint placer son bras droit autour de ses épaules, l'attirant ainsi contre lui tandis que son autre main tenait toujours le cornet. Il prit une autre bouchée, les léchées moins efficaces maintenant que la glace fondait, puis caressa délicatement le bras de la Française du bout de ses doigts.

« Tu fais ce que tu veux, en fait...Je ne fais que te dire ce que je sais de la situation. Je n'ai aucune idée des intentions de notre ami, je ne fais qu'émettre des probabilités selon ses habitudes récentes. . Bref... » Il soupira « ...Bref, je veux que tu sâches que, peu importe ce qui arrive, je suis là pour toi. Pour te consoler, te serrer dans mes bras. Ce que tu veux, quoi. »

En guide de sceau, de promesse, il déposa un baiser contre le front pâle de Blanche.

Blanche continuait de lécher sa glace, semblant observer les personnes qui se promenaient, se bousculaient et qui se rencontraient sur le chemin. Cependant, dans sa petite tête blonde, elle pensait plutôt à tout ceci. Elle se tourna un peu vers le gallois lorsqu’il ouvrit les lèvres, lui souriant doucement. Il était désolé de lui avoir dit, elle trouva cela très mignon. Et en plus il lui dit qu’elle était douce et attachante. La demoiselle sourit un peu et prit la main libre de Manu dans la sienne, la caressant doucement.

« Merci, tu es très gentil. Ne sois pas désolé, il fallait bien que quelqu’un m’ouvre les yeux un peu plus, bien que j’ai trouvé plutôt clair qu’il n’est pas un homme à une femme… » dit-elle en lui souriant un peu.

Elle relâcha sa main et elle vint fouiller dans son sac de chocolat, cherchant quelque chose en particulier. La jeune femme observait aussi son cornet, faisant bien attention de ne pas l’échapper sur le sol ou sur sa jupe colorée. Elle avait déjà assez prouvé son problème de maladresse à son goût… Après quelques instants à fouiller dans le sac qui contenait une quantité importante du précieux aliment des dieux, la française sortit une barre de chocolat à l’espresso. Elle prit aussi une léchée de son cornet, la glace commençant à fondre de manière assez importante.

L’étudiante laissa ensuite le jeune homme se rapprocher d’elle et elle ferma les yeux en se collant contre lui, laissant sa tête reposer contre l’épaule de celui-ci. Il lui semblait qu’ils étaient bien ainsi, elle se sentait comme avec son frère. Elle vint terminer sa glace, croquant dans le cône gaufré délicatement, afin qu’il ne casse pas en millions de morceaux sucrés. La blonde leva un peu les yeux vers Emmanuel, appréciant bien ce qu’il dit. C’était comme si elle avait un frère à l’université. Elle se mordit un peu la lèvre alors qu’il déposait un doux baiser sur son front et elle vint déposer un bisou tout aussi doux sur la joue de celui-ci, reposant par la suite sa tête sur l’épaule de son nouveau frère.

« Je vais garder cela en tête, promis… » dit-elle en engloutissant ensuite le dernier morceau de cône gaufré qu’il lui restait.

Le tout ne s’arrêterait cependant pas là car elle commençait déjà à déballer la barre à l’espresso, les effluves commençant à se propager dans l’air ambiant. La française se lécha un peu les lèvres, observant le chocolat avec envie. Elle vint en casser un assez gros morceau, le tendant devant la bouche de Manu, sans vraiment changer de position. Son épaule était plutôt confortable et elle aimait bien avoir son bras autour d’elle. La demoiselle se demanda alors, à nouveau, si son nouveau frère avait une copine. Un gentil jeune homme comme lui devait forcément être avec une gentille jeune femme.

« Dis Manu, est-ce que t’as une petite amie? »demanda-t-elle en levant un peu les yeux vers lui.

La jeune femme l’observa un peu, non pas de manière insistante, seulement pour regarder les traits de son visage. Il n’y avait pas de doute à ses yeux, il devait avoir une copine. Les garçons aussi jolis que lui ne restaient jamais célibataires. Et il était sympathique en plus, alors les chances étaient minces qu’il n’ait pas de femme dans sa vie. Cela importait peu à Blanche de toute manière, car elle ne le voyait pas comme un potentiel petit ami. En fait, elle ne voyait jamais les hommes qu’elle rencontrait comme potentiels petits amis, mais bon, il lui arrivait tout de même de rêver parfois. Cependant, c’était très différent avec lui. Fraternel, voilà tout.

Le brun sourit discrètement en sentant les lèvres de satin de la Française contre sa joue. Il aimait cette affection platonique, sans aucune attache physique. Blanche était bel et bien une femme magnifique et si ce n'était pas de l'étrange complicité qu'ils avaient développée, probablement qu'il la voudrait d'une toute autre manière. Mais, justement, c'était rafraichissant de pouvoir être le confident d'une jeune femme. C'était complètement différent que d'avec Hayden. La fillette anglaise était profondément troublée et elle avait besoin de tout le support possible. Blanche, elle, ne dépendait clairement pas du Gallois et c'est cet attachement sans responsabilités qui le rafraichissait autant.

Bref, elle lui faisait autant de bien que lui en faisait pour elle. En somme, une combinaison gagnante.

Le gallois engloutit le reste de sa glace et s'attaqua à son tour au cornet gaufré dont la bordure avait été trempée dans le chocolat noir. Hmm, que c'était bon. Si l'on commence une journée dans la décadence, pourquoi ne pas garder le rythme? Un peu plus de chocolat pour accompagner tout ce qu'il avait acheté à la chocolaterie ne pouvait être que bon pour lui. En tout cas, ça le rendait heureux, ça c'était certain.

Emmanuel termina rapidement son cornet et soupira de satisfaction, son regard se promenant d'un passant à l'autre alors qu'il tenait toujours la belle Française d'un bras. Mais sitôt que l'emballage du chocolat céda à la tension qu'y appliqua Blanche, son attention y fut porté. Autant par le bruit, l'odeur, l'apparence. Tout, absolument tout de cette barre était tout-à-fait désirable et irrésistible. Pourquoi y résister, alors? Bien entendu, sa consœur lu bien vite dans ses pensées et tendit un morceau devant ses lèvres qu'il se hâta d'attraper des siennes avant de le laisser glisser contre sa langue et son palais. Les éclats de café piquaient délicatement sa langue tandis que le chocolat, se fondant parfaitement à la forme de sa bouche, apaisant tous ces maux.

Ce moment de bien être absolu fut rudement brisé par la question tout à fait innocente de sa nouvelle amie. Sur le coup, le jeune homme écarquilla légèrement les yeux puis soupira doucement, ne sachant pas trop quoi lui dire. La vérité, voyons!

« Mhm, pas vraiment. Enfin, si, mais la dernière que nous nous sommes parlés, il y a environ... trois semaines, je dirais, on s'est engueulés vraiment très fort et elle ne m'a pas adressé la parole depuis. Disons que c'est en phase de questionnement, voilà... »

C'était vrai, précis sans trop l'être. Il lui avait donné une bonne explication et il espèrait sincèrement qu'elle soit satisfaite de cette réponse. Il n'avait pas envie de lui dire ce qu'il avait pu faire pour déclencher l'ouragan Lucy Ann. Pas une autre fois. Peut-être qu'un peu plus tard, ça lui dirait, mais là, le moment était trop parfait pour être gâché par tout cela.

« Mais bon, ça ne me dérange pas d'être célibataire. », conclua-t-il en lui adressant un sourire convaincant.

Trop convaincant pour être vrai.

Le chocolat qui fondait lentement sur sa langue lui fit fermer un peu les yeux. C’était si bon, si parfait. Ils étaient vraiment bien ainsi, tranquilles à déguster le meilleur plaisir de la vie. Cependant, ce sentiment ne resta pas très longtemps, car elle se rendit vite compte qu’elle avait été trop curieuse. Oh si elle avait su que le pauvre Manu était en pleine phase d’incertitude avec sa copine… Elle se mordit la lèvre, se sentant instantanément mal de lui avoir demandé une question qui lui sembla soudainement plus privée que ce qu’elle pensait. Elle avait cette idiote manie de se mettre le nez dans les trucs qui ne la regardait pas…

« Je suis si désolée, je ne pense pas avant de poser des questions et j’oublie que les gens ne veulent pas nécessairement me parler de leur vie privée… Je te promets que je ferai attention à l’avenir… » dit-elle en le regardant dans les yeux.

Elle ne voulait vraiment pas lui ramener des souvenirs qui pouvaient s’avérer douloureux. La demoiselle lui caressa un peu la main puis lorsqu’il parla de son célibat, elle fronça légèrement les sourcils, le regardant toujours... Oh mais c’est qu’il était mauvais pour mentir…

« T’es presque aussi mauvais menteur que moi, Manu! Je crois même que tu me fais de la compétition là… » dit-elle en riant légèrement reposant ensuite sa tête sur l’épaule de son compagnon.

Elle ne lui demanda pas plus d’explication car elle cru que s’il avait mentit, ce devait être parce qu’il n’avait pas envie de lui dire la vérité. Elle était okay avec cela. La demoiselle cassa un autre morceau de chocolat, qu’elle cassa à nouveau en deux. La jeune femme déposa un des morceaux sur sa langue et elle tendit l’autre à Manu. Elle regarda les gens qui s’affairaient toujours devant les vitrines et autour des marchands. Ils semblaient tous si pressés, elle ne comprenait pas très bien pourquoi ils ne faisaient pas comme elle et Emmanuel. Relaxer, profiter de la compagnie et déguster le paradis même.

La jeune femme soupira un peu après un instant, se demandant bien pourquoi sa copine ne lui parlait plus. Elle n’allait cependant pas faire la même erreur deux fois er elle allait tenir sa langue. La française devait cependant s’avouer curieuse et intriguée. Est-ce qu’il avait fait quelque chose de mal…? Ou c’était peut-être elle …? Peu importait, elle n’allait clairement pas essayer de trouver la réponse.

« Mon frère disait que c’était de ma faute lorsqu’il se faisait prendre à faire un mauvais coup, puisque j’ai toujours été incapable de mentir… Au moins, tu sais que je dis toujours la vérité… » dit-elle, un sourire étirant le coin de ses lèvres.

Le nombre de fois qu’elle avait dénoncé son frère, sans le vouloir, pour les mauvais coups qu’il avait fait… Il la boudait pendant des jours, parce que c’était bien évidemment de sa faute à elle… Elle sourit un peu, s’ennuyant de sa famille chérie. Certes, elle les voyait assez souvent, mais elle aurait aimé encore plus souvent. L’étudiante jeta un regard au gallois, se demandant à quoi il réfléchissait.

« À quoi est-ce que tu pense…? » demanda-t-elle, en se redressant sur le banc, replaçant sa robe.

Ils pourraient peut-être aller se promener ou peut-être il aurait envie de sortir. Mais il était sûrement occupé, il devait avoir plusieurs amis qui ne faisaient que l’attendre…

Le Gallois fut aussitôt attendri par les paroles de la Française. Visiblement, celle-ci n'avait pas l'habitude de confronter les gens à propos de leur vie personnelle et n'aimait pas s'y introduire. Alors que son regard s'ancrait dans le sien, il pouvait voir qu'elle se sentait mal de lui avoir posé une telle question qui, pour Manu, était presque devenue routinière; les gens avaient tellement l'habitude de le voir accompagnée de sa beauté rousse que, seulement le lendemain de l'incident, on lui posait des questions. Et il y répondait honnêtement. De mentir ne faisait qu'éviter la problématique qui, d'une façon ou d'une autre, finissait toujours par revenir à toute allure. L'étudiant sourit tendrement à la blonde, qui lui caressait alors doucement la main, et lui dit sur un ton qui se voulait calme et affectueux:

« Blanche, ne t'en fais pas. J'ai l'habitude des questions. L'intimité est un concept très abstrait à l'UMA. Tu finiras par le réaliser. Peu importe ce que l'on fait, tout le monde fini par être au courant de tout. »

La jeune femme le surprit une autre fois en lui ramenant en plein visage qu'il venait de lui mentir terriblement mal. Il expira un rire nerveux , lui jeta un regard timide avant de le détourner, s'attardant plutôt aux détails insignifiants de la rue; les passants, les établissements, une scène de ménage plus à gauche et un garçon qui aidait une vieille dame qui venait d'échapper ses sacs à droite. Le jeune Perks ne mentait pas bien, c'était un fait. C'est d'ailleurs pourquoi il ne le faisait presque jamais. Et à chaque fois qu'il essayait, comme ce fut le cas aujourd'hui, il échouait lamentablement. Non seulement les gens savaient qu'il avait menti mais en plus, il faisait rire de lui. Bref, il se fit prendre à son propre jeu.

Manu ne rajouta donc rien après que Blanche ai détecter sans trop de difficulté son mensonge. Il attrapa le morceau de chocolat du bout des doigts et le glissa dans sa bouche. Cela lui donnait une raison de ne rien dire et d'apprécier la vie avec quelqu'un qui l'appréciait malgré ses mensonges ratés. Comme si elle avait senti ses pensées, la demoiselle enchaîna avec une anecdote qui le fit sourire instantanément.

« Mon grand frère me faisait la même chose. Ils sont terribles, ces grands frères. Mais je suis également coupable, j'ai fais des choses terribles à mes petites soeurs. » Il pausa quelques secondes et déposa un autre baiser sur le front de Blanche. « Au moins, nous pouvons être certains que notre relation sera basée sur l'honnêteté, hm? »

Il aimait sentir la Française ainsi lovée sous son bras. Elle était à sa place, ses cheveux blonds contre son épaule. Un moment de calme s'imposa sans que celui-ci soit lourd. Généralement, avec des personnes qu'il ne connaissait pas beaucoup, Emmanuel comblait le temps de mots parfois superflus. Mais cette fois, c'était différent. Il pouvait ne pas dire un mot et sentir qu'ils étaient confortables. Pourtant, il sentait aussi que jamais il ne ressentirait d'attirance autre que platonique pour la Française, même si elle était fort attirante.

Le gallois fut sorti de sa torpeur par la question de son amie. Non, cette fois, il ne mentirait. Il voulait qu'elle le sache et en plus, elle savait déjà qu'il était excessivement mauvais menteur.

« Je pensais au fait que nous nous entendons merveilleusement bien et que je sens que cette amitié n'est pas de celles qui ternissent rapidement. »

Il la fixa de son regard d'émeraude, souriant tendrement.

« Tu en penses quoi? »

La demoiselle sembla soulagée lorsqu’Emmanuel lui dit de ne pas s’en faire avec ses questions. Elle n’aurait pas voulu le froisser ainsi tout de même. Ou le mettre trop mal à l’aise. Heureusement, cela ne semblait pas le cas pour le moment. Elle sourit en entendant le Gallois dire qu’il avait fait des choses terribles à ses petites sœurs. Elle l’imaginait bien faire des mauvais coups, bien qu’elle avait de la difficulté à croire qu’elles étaient si terribles. Manu était tout de même une personne qui lui semblait douce et peu méchante, mais entre frère et sœur, il semblait toujours que toutes les barrières tombaient. Et que parfois les mauvais côtés des personnalités se montraient. Ce n’était cependant généralement pas de la malice et plutôt de la taquinerie. Heureusement, cela changeait un peu en vieillissant, ou du moins, c’est ce qu’elle avait pu constater en observant les agissements de son frère au fur et à mesure qu’elle grandissait. Blanche hocha la tête à sa simili affirmation sur l’honnêteté dans leur relation. Effectivement, s’il était aussi mauvais menteur qu’elle, ils devraient toujours être honnêtes.

La jeune femme observa le ciel, puis leva un peu la tête vers le Gallois, souriant doucement en se disant qu’elle ne pouvait qu’apprécier ce moment de tranquillité. Bien qu’elle s’en était tenue à des activités tranquilles toutes la journée, se promener ici lui était épuisant. Peut-être c’était la quantité de gens qui ne semblait que toujours augmenter ou peut-être c’était seulement le changement d’environnement. Habituée à être installée dans sa chambre ou dans la bibliothèque, avec compagnon un livre, le chemin de traverse était plutôt déroutant. Et puis tout ce bruit… Peut-être devait-elle sortir plus souvent pour s’y habituer.

La Française fut satisfaite de la réponse de l’autre étudiant lorsqu’elle lui demanda ce à quoi il pensait. Elle était bien d’accord et elle espérait aussi qu’ils seraient amis pour très longtemps, voire même toujours. Il y avait rien de mieux que d’avoir des amis fiables et présents à tout moment.

« Oui je suis d’accord… Ce serait bien… » dit-elle en lui souriant.

La blonde reposa sa tête sur l’épaule du jeune homme, soupirant de contentement en observant toujours les passants. Tout le monde se ressemblait vraiment et parfois, elle ne comprenait pas la cause des conflits qui semblaient asséner le monde d’aujourd’hui. Si tout le monde pouvait simplement faire comme eux et être amis… Tout irait tellement mieux et ils pourraient être tous heureux. Enfin, cela était bien sûr les pensées idéalistes de l’étudiante, celle qui espérait toujours que les contes de princes charmants existaient vraiment.

« Ce serait tellement bien si tout le monde faisait comme nous… Tout le monde pourrait être amis et ne plus se blesser... » rajouta-t-elle, souriant un peu en pensant à sa vision irréaliste.

Évidemment, la jeune femme n’était pas naïve au point de croire que cela serait possible un jour. Certes, elle avait espoir en l’amélioration de la situation présente, mais il ne fallait toujours pas exagérer. La nature des hommes ne permettait pas vraiment de vivre en tout temps en harmonie, cela était assez simple à voir. Mais elle aimait quand même imaginer une paix quelconque, un temps où tout ne serait pas si dangereux.

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La notion de temps revint subitement à l'esprit d'Emmanuel, comme si son âme ne lui permettait pas de vivre sans souci plus que quelques heures. C'était déjà ça... Ces derniers jours avaient été difficiles, avec le départ de Lucy Ann, l'annonce que la grande partie de sa famille immédiate partirait pour Israël dans les prochains mois. Tous ces changements affectaient silencieusement le jeune homme. Le Gallois n'était plus aussi studieux ou attentif en classe. Bref, cet après-midi passé en compagnie d'une jolie blonde au sourire attendrissant avait été comme une bouffée d'air frais. Et alors qu'il repassait en mémoire tout ce qui avait pu l'affliger durant les dernières semaines, le brun se laissa espérer pour de plus beaux jours à venir. Il laissa une pointe d'espoir détendre le muscle tendu qu'était son cœur. Il sourit.

Manu enfoui doucement sa main dans la chevelure de Blanche, la caressant distraitement.

« Oui, ce serait bien. C'est malheureusement un peu utopique, je dois dire. Mais je crois vraiment que les choses changeront pour le mieux un jour. Pas tout de suite, non. Mais un jour. Être blanc ou noir, chrétien ou bouddhiste, sorcier ou moldu. Cela n'aura plus d'importance. On pourra vivre dans l'harmonie, avoir le droit d'aimer qui l'on veut. »

Il pausa. Son discours lui semblait enfantin à souhait, teinté d'innocence et de naïveté. C'était rafraichissant, de s'entendre dire cela.

« Un jour. Je ne sais pas si nous allons être encore ici, mais j'ai confiance. »

L'étudiant ponctua sa phrase en serrant doucement son amie contre lui, croisant son regard. Il lui était sincèrement reconnaissant de lui avoir permis d'avoir confiance en l'humanité. Personne ne savait comment l'histoire des Hommes se terminerait. Avec un peu de chance, il avait raison.

Le brun leva les yeux vers le ciel en entendant le carillon distinct de Big Ben tonner contre les établissements. Il était dix-huit heures. Emmanuel défit doucement son étreinte autour de la Français et se redressa, le tendant la main pour qu'elle se redresse.

«  Y'a une réunion du bureau des élèves à dix-neuf heures. Si je veux avoir le temps de manger et de me doucher avant d'y aller, je vais devoir me rendre à l'université. »

Une fois la jeune femme debout devant lui, il la serra une dernière fois dans ses bras, lui fit la bise puis la relâcha, faisant deux pas vers l'arrière.

« À la prochaine, mademoiselle LeBreton. »

Il transplana, ne négligeant pas d'adresser un clin d'œil à Blanche avant de disparaître.