Curiosité & Insouciance [Eliad]

.DÉBUT SEPTEMBRE.

Penser qu'il fallait encore attendre quelques misérables jours avant d'être définitivement à Poudlard était une véritable frustration pour Joy, qui n'aspirait depuis le début du mois qu'à cela. Fort heureusement, aller au Chemin de Traverse était une consolation, car c'était non seulement une immersion dans le monde sorcier mais aussi un prémisse à sa future vie d'écolière. Livres, plumes, encre, robes de sorcier, chaudron etc; la liste calligraphiée sur le parchemin qu'elle avait reçue l'avait mise dans un état d'euphorie et elle était incontrôlable depuis le matin. Ce n'était pas la première fois qu'elle mettait les pieds au Chemin, puisque ses parents y allaient parfois faire des achats, mais c'était aujourd'hui le première fois qu'ils y allaient pour elle et ils devaient sans cesse la reprendre pour qu'elle cesse de bouger dans tous les sens.

Les allées étaient chargées, principalement d'élèves et de leurs parents, tous là pour le même motif. La fillette s'émerveillait devant chaque devanture de boutique, et s'arrêta particulièrement, attirée comme un aimant, devant la célèbre librairie qui regorgeait de vieux grimoires en tous genre. Enfin, elle allait en avoir bien à elle et ils allaient lui servir à étudier! Toute heureuse, elle décolla son nez de la vitre quand ses parents l'appelèrent pour la troisième fois, sans se rendre compte qu'elle commençait à les excéder. S'ils ne pouvaient pas comprendre combien c'était exaltant de faire des courses en vue d'aller enfin à Poudlard, tant pis pour eux! Insouciante, elle les rejoignit en sautillant, dans une telle bonne humeur que rien ne pourrait chasser.

Elle réussit tout de même un peu à se reprendre quand son père lui annonça doucement qu'ils allaient se rendre chez Ollivander pour lui acheter une baguette; et cette idée la remplit tellement de joie qu'elle promit d'être calme durant tout le temps où ils se trouveraient dans le magasin. Elle rentra à la suite de ses parents, le cœur battant et les yeux brillants. SA baguette, enfin!!

- Madame, Mademoiselle, Monsieur... les salua un vendeur, trop jeune pour être Ollivander.

Joy lui sourit et attendit, comme promis, sagement derrière le comptoir que ses parents exposent la situation -ma fille rentre cette année à Poudlard, et blablabla- et que l'homme aille cherche une pile de boîte fines et longues. Cela fut plus rapide que ce que la fillette avait imaginé. Elle avait pensé à des questions de la part du vendeur, un examen de sa main, ou des tests en tout genre, mais non. Il se contenta de l'observer un moment, et de lui mettre une, puis deux baguettes dans la main, avec lesquelles Joy ne sentit rien de particulier. Un peu déçue, elle regarda le vendeur en levant un sourcil, d'un air de dire "bon, tu me la trouves, ma baguette?!" mais il choisit une boîte parmi les trois posées sur le comptoir et la lui tendit. Aussitôt, la fillette sut que c'était sa baguette; elle semblait trouver parfaitement sa place dans sa main et quelques petites étincelles jaillirent du bout.

- Trop cool! ne put se retenir Joy plus longtemps, qui regarda ses parents d'un air triomphant. La baguette était en bois d'ébène, mesurait 23,5 cm et contenait un poil de licorne, expliqua le vendeur, et la rouquine nota ces précieuses informations dans un coin de sa tête.

Les autres achats furent assez rapides, bien que les effusions de joie de la fillette obligeaient souvent ses parents à la reprendre et à ralentir un peu les choses. Mais bientôt, tout fut acheté et ils marchaient dehors tous les trois, essayant de se frayer un chemin. Joy songea que c'était bien dommage que sa petite sœur ne soit pas là, mais elle se rappela l'air soucieux de ses parents qui avaient préféré la laisser chez les grands-parents. Il était vrai que les temps étaient plutôt dangereux, mais la fillette se rendait difficilement compte de quoi ils avaient peur dans un endroit pareil, car il y avait bien trop de monde. Ses parents décidèrent ensuite de s'installer pour boire un pot et retrouvèrent des amis à la devanture d'un des cafés. Joy n'avait aucune envie de s'assoir et sauta sur l'occasion; alors que ses parents discutaient avec entrain, elle lança:

- Je reviens tout de suite, j'ai vu quelqu'un que je connais!

Mensonge bien évidemment, mais elle savait paraître sincère et encore une fois, que risquait-elle au Chemin de Traverse? Sans plus attendre elle fila parmi la foule, bien décidée à explorer les lieux. Et puis l'endroit n'était pas si grand, elle retrouverait facilement son chemin; vraiment les parents se faisaient beaucoup trop de soucis pour rien...

Elle marcha le long des façades, et se rendit bientôt compte que c'était là fin des boutiques et que les petits bâtiments ressemblaient plutôt à des habitations. Celles des vendeurs, peut-être? Elle se retourna pour voir derrière elle, pour voir la totalité du Chemin, coloré et plein de monde. Il y avait déjà beaucoup moins de gens là où elle se trouvait et elle se réjouit d'avoir poussé si loin son expédition. Piquée de curiosité, elle continua à flâner, regardant un peu partout. C'était plaisant de penser que dans cet endroit il n'y avait que des sorciers, car là où elle habitait était plutôt un quartier moldu.

Ce n'est que quelques secondes après que l'évènement se soit déclenché qu'elle se rendit compte qu'une agitation naissait non loin d'elle; un petit attroupement s'était fermé tandis que quelques personnes s'en allait prestement dans le sens opposé. Étonnée, Joy ne bougea pas et se contenta de se caler dans l'encadrement d'une épaisse porte en bois. A l'abri, elle pouvait ainsi observer sans être trop visible. La curiosité était certes l'un de ses plus forts traits de caractère mais elle savait aussi parfois juger qu'il ne fallait pas trop pousser la chose et sentit qu'elle ne devait pas prendre part à l'attroupement. Il y eut quelques cris et il lui sembla qu'il faisait brusquement plus frais, comme si le vent de panique était réellement sensible. Pelotonnée dans son coin, elle resta sans bouger mais les yeux écarquillés pour ne pas perdre une miette des évènements. Curieusement, sa baguette glissée dans sa poche la réconfortait, bien qu'elle soit parfaitement incapable de s'en servir...

Il avait franchi plusieurs fois le chemin de traverse, ses pas l’ayant mené à parcourir la grande allée de long en large, sans pour autant ne montrer d’intérêt pour aucune des boutiques… Son intérêt résidait surtout dans sa main droite, repliée sur elle-même… Un simple bout de papier. Il avait préféré laisser la lettre originale au manoir, ne préférant pas être pris en possession d’une lettre ayant sûrement appartenu à un très ancien mangemort. Si les élèves ici, fleurissaient de toute part, il n’était pas insensé de penser que les membres du ministère se tenaient terrés dans des places diverses. Cafés, boutique, Ollivander… Une reconnaissance avant l’heure des futurs mangemorts en toisant les élèves de première année ? Sans doute…

Il n’avait noté que ce qui lui paraissait important dans la lettre, c’est à dire l’indication d’un soit disant lieu important. Mais essentiel pour quoi ? Ca, il l’ignorait… Il devait le trouver avant d’être à Poudlard. Avec le risque de fermeture de l’école aux étrangers, les sorties risquaient d’être grandement limitées. Il disposait donc d’une journée entière pour satisfaire ses penchants de vérité…

Peut-être allait-il croiser son père, bavant devant une vitrine aux multiples balais ? Cela le fit sourire, mais il se rendit vite à l’évidence qu’il ne cherchait pas au bon endroit. Il déroula le papier, le regard prêt à scruter le moindre détail, comme si une tache d’encre allait lui apporter une soudaine illumination, mais ce n’était qu’une copie manuscrite et il devait se rendre à l’évidence, qu’il ne pouvait chercher que sur ça. Si le chemin de traverse avait été clairement noté, le reste des mots ne formaient plus qu’une énigme lassante. Dans le temps où les mangemorts ne marchaient pas encore sur la terre, et se contentaient de rester au ministère, les lettres étaient vagues. Les indications imprécises. Leur envie de tout rendre incompréhensible, plus que grande.

« Sur trois symboles, deux animaux qui dévorent un troisième. Deux serpents qui dévorent un lion. Et dans les ténèbres de la marque, nous nous réunirons… »

Une simple phrase… Et quelque chose d’intéressant au bout. Mais quoi ?

Tout en regardant son morceau de papier, ses pas l’avaient conduit à l’extérieur du chemin de traverse. Là où il y avait bien moins de monde. Ce n’étaient que des habitations, collés l’une à l’autre, rien de bien important. Quelques pubs supplémentaires, et deux trois boutiques, mais qui ne connaissaient pas le même succès que celles du chemin de traverse. Et puis elles étaient bien loin de vendre la même chose…

Une ruelle, puis une autre, se succédaient tour à tour sur sa gauche, puis à sa droite. Mais il n’emprunta aucune d’entre elle de peur de se perdre encore et de faire des mauvaises rencontres. Et puis rien ne spécifiait que ça pouvait se trouver dans une ruelle…

Soudain quelque chose attira son regard. Le symbole tout bête d’un magasin. Pas le symbole écrit sur un panneau en bois qui ne devait guère avoir plus d’un an, non, il s’agissait d’un symbole peint et à moitié effacé juste à coté d’une vieille inscription. Comme une marque secondaire sur un mur, comme un symbole pour se repérer, comme une marque pour… dire que le magasin ne vendait pas ce qu’il avait l’air de vendre actuellement. Une boutique de brocantes de bijoux sorciers, fait main… Deux serpents mangeant un lion. Une contre vérité.

Il s’approcha de la boutique, pour y rentrer… Avant qu’une soudaine explosion ne le projette en arrière. Il heurta vigoureusement le sol, son dos amortissant le choc, mais sa tête prenant un bon coup. Sans compter les débris de verre qui maintenant parsemait le sol et qui lui écorchait les mains. Il eut juste le temps de se relever pour voir deux mangemorts sortir de la boutique. L’un d’eux le regarda, avant que tout les deux ne transplanent rapidement. Le bruit de l’explosion allait attirer bon nombre de personnes ici, puis les gens du ministère.

Eliad se leva, tout était flou autour de lui. Il ramassa le papier tombé au sol et il se précipita dans la ruelle juste à coté du magasin. Comme s’il devait fuir, un réflexe anticipé… Il se cala sur le mur pour reprendre son souffle et apaiser ses pensées. Le ministère n’allait pas tarder à venir. Il ne disposait que… d’une vingtaine de minutes, voire trente. Tout dépendait de combien de temps mettraient les aurors pour s’intéresser au cambriolage d’une boutique qui ne payait pas de mine.

Il contourna la ruelle avant de découvrir une fenêtre dérobée. A l’aide d’un sortilège, il l’ouvrit et s’y glissa.

La boutique ne payait pas de mine… Il lui restait juste à continuer d’explorer.

Une explosion avait eu lieu et Joy peinait à discerner exactement ce qui se déroulait sous ses yeux. Non seulement tout était allé trop vite, mais en plus des gens couraient un peu partout, s'agglutinant de plus en plus face à une des boutiques de la rue, d'où était provenu le bruit. La fillette se surprit à mordiller nerveusement une mèche de ses cheveux. Elle n'était pas à sa place ici... Et que devaient penser ses parents? Mais il était probable qu'ils ne s'inquiètaient pas encore, étant donné qu'ils avaient retrouvés des amis et qu'ils pensaient que leur fille en avait fait de même.

Le bon sens aurait voulu que la rouquine, ayant satisfait son envie de découverte, rebrousse maintenant chemin. Mais à onze ans, quand on était curieuse et bien trop insouciante, on écoutait peu le bon sens... Joy savait pertinemment que la communauté des sorciers avait connu des jours meilleurs. Cela ce sentait, il y avait des tensions, et puis tout le monde en parlait; et ses parents tenaient des conversations à voix basse très tard le soir. Alors où était le mal de chercher à en savoir un peu plus? Et puis ce qui se passait là au bout du Chemin de Traverse pouvait être un simple acte de vandalisme. C'était possible. Mais peu probable.

Il y avait un peu de monde certes mais ils étaient tous tournés face à la devanture et Joy ne voyaient que leur dos. Elle résolut donc de sortir un peu de sa tanière pour voir et entendre un peu plus. Elle fit un ou deux petits pas en avant, s'écartant de la lourde porte en bois et de l'ombre très pratique que lui avait procuré le porche. Agrippée aux pierres irrégulières du mur, elle dévorait la scène des yeux, le cœur battant d'un sentiment mélangé d'excitation et de peur. Mais elle ne parvenait pas trop à voir, ou du moins rien d'intéressant...

Tout d'un coup quelque chose attira son attention. En fait, elle se trouvait juste en face d'une petite ruelle qui longeait le côté de la boutique en question. C'était une ruelle étroite et sombre, car les bâtiments qui la bordaient ne laissaient passer aucune lumière. Elle était vide - ou du moins elle le paraissait. Mais Joy vit, tout d'un coup, dans la pénombre, une silhouette qui se détachait nettement et qui était partie de devant le magasin pour se réfugier un peu plus loin. Et chose encore plus curieuse: la silhouette avança un peu puis sembla s'arrêter et... disparaître! Comme si elle s'était fondue dans le mur. Joy comprit tout de suite qu'il avait du pénétrer dans la boutique par une entrée sur le côté. A l'insu de tous. Et pour quelles raisons?!

- Il faut que je parte, murmura le fillette. Elle n'avait décidément plus rien à faire ici.

Oui, mais qui avait dit qu'elle était raisonnable? Elle se laissa un instant tirailler entre envie et raison, entre l'image de ses parents fous de rage et la traitant d'irresponsable et l'image de cette petite porte cachée qui permettait de rentrer dans la boutique alors que tout le monde restait à s'inquiéter devant... Et puis elle risquait gros, et pas forcément de la part de ses parents... Oui mais voilà; elle savait tout cela. Alors elle agirait en connaissance de cause.

Subitement décidée, elle se glissa discrètement dans la rue. Elle fit quelques pas dans le sens opposé à la boutique, traversa, et revint en arrière. L'avantage quand on était petit c'est qu'on passait inaperçu. Elle s'arrêta quelques secondes; personne ne l'avait vue, personne ne la regardait. Alors elle se coula dans la ruelle, éprouvant un sentiment de sûreté dès qu'elle se sentit dans l'ombre des constructions. Il ne lui fallut pas longtemps pour trouver la fenêtre qui avait permis à l'autre personne de pénétrer dans la boutique. Joy se mit sur la pointe des pieds pour essayer d'apercevoir quelque chose mais c'était peine perdue, tout était sombre. Arrivée là, il aurait été bête de faire demi-tour... Elle entreprit donc d'y grimper, s'aidant des pierres inégales du mur et tirant de toutes la force de ses petits bras. Finalement elle parvint à se hisser et traversa la fenêtre à son tour, avant de poser les pieds à l'intérieur de la mesure, le plus silencieusement possible.

Il n'y faisait pas clair mais les quelques ouvertures fournissaient assez de lueur pour qu'on puisse s'y déplacer dans rencontrer d'obstacles. Laissant ses yeux s'habituer un instant, la fillette se mit à respirer calmement pour calmer les battements désordonnés de son cœur. Mais quelle sensation extraordinaire c'était de se retrouver ici!! Ses mains tremblaient, non pas de peur mais d'exaltation, et elle se sentait l'âme d'un véritable aventurier. Indiana Jones, le héros favori de sa grand-mère moldue, en aurait pâli de jalousie!

Elle se trouvait dans une pièce de l'arrière boutique, où étaient entassés des cartons et des caisses en tout genre, ainsi que des armoires et d'étranges objets qui n'avaient rien à voir avec ce que montrait la vitrine. Peut-être était ce en fait un magasin de contrebande? Elle fit quelques pas dans la pièce, tout en constatant la saleté de celle-ci. Le plancher était plein de poussière, et on y voyait nettement des traces de pas. Une porte en face était ouverte et donnait sur d'autres pièces, sûrement un autre endroit de stockage et l'accès à la boutique... Irrésistiblement attirée, Joy s'y dirigea à pas feutrés. Où donc était passée la silhouette qui l'avait guidée jusqu'ici? La fillette espérait être assez discrète pour pouvoir l'espionner et comprendre ce qu'elle était venue faire ici...

Des bibelots de tout genre étaient posés dans de vastes armoires, des bijoux mêlés à des plantes, des baguettes qui n’étaient pas des vrais, juste des reproductions. Eliad ignorait totalement l’usage qu’il pouvait en être fait. Mais il savait que dans les boutiques hors des rues marchandes, ce n’était jamais la vitrine qui importait, mais plutôt l’arrière boutique, que seul le propriétaire savait ouvrir, la porte ou la trappe savamment dissimulée, celles que les mangemorts cherchaient peut-être… Et qu’ils avaient sûrement trouvé. Il était rare qu’ils partent d’un endroit sans l’objet de leur recherche. Il se désintéressa bien vite de l’entrée et de tout ce qui la composait pour s’aventurer dans ce qui semblait être une petite réserve. Ca ressemblait plus à un réduit qu’à une vraie réserve, et un individu lambda, ou un cambrioleur en aurait vite fait le tour, mais pas lui. Il savait qu’il devait y avoir quelque chose d’important. Et quand il les avait vu s’enfuir, il n’avait pas vu de troisième homme qui aurait été ligoté, et emmené de force. Donc il s’agissait d’un objet transportable, d’un parchemin, d’une formule… Quelque chose qui aurait pu aider leurs noirs dessins.

Dans sa quête de mettre la main sur un bien précieux, il avait entrepris la fouille de la réserve. Des bouquins, des caisses vides ayant contenu du matériel… Rien de rien de … Un tapis ?

Pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt. Il portait encore des marques de plis, comme si l’on avait déplacé, puis replacé ensuite, dans le but qu’on ne trouve pas cette entrée. En dessous il y avait une trappe. Mais si lui l’avait découvert, les aurors l’auraient sûrement découverts plus vite encore. Ils n’allaient pas tarder à être mis au courant de cette affaire, le temps pressait. Il souleva la trappe en la levant… Et arrêta son regard sur sa main couverte de sang. Pris de panique soudaine, il recula en arrière, frottant sa main contre le tapis pour que ça disparaisse. Il lui fallut quelques secondes pour que sa tête ne tourne plus et qu’il reprenne conscience. Il ne s’expliquait pas l’abondance de sang sur la trappe. Y avait-il un cadavre en bas qui l’attendait ? La peur s’empara de lui aussi rapidement que des vautours sur de la charogne. La peur était un sentiment noir, qui paralysait les membres et empêchait d’agir. Pourtant lui devait agir avant d’être capturé par les membres du ministère. Il ouvrit la trappe en s’aidant d’un pan plié du tapis avant de descendre les quelques marches en bois.

Un pas… Deux… Il avait une appréhension de découvrir un corps. Qui le croirait innocent si on le découvrait devant un cadavre ? Personne… Et il ne pourrait bénéficier d’aucun appui de son père, vu que ce dernier avait disparu, peut-être au fond d’un égout putride…

Il n’y avait pas d’odeur particulière, juste une odeur de renfermé et de vieux bois. Lorsqu’il atterrit sur le sol de la cave, il fit un tour des lieux. Une observation rapide qui le déstabilisa. La cave était remplie d’animaux sorciers… Mais empaillés. Eliad ne pensait pas qu’on pouvait empailler un scrout à pétards sans qu’il explose avant, mais pourtant il y en avait bien un qui lui faisait face. Il ressemblait à un vrai en tout points. Il y avait aussi un niffleur, un dodo et une autre créature dont il ne se souvenait plus le nom. Ca, et d’autres objets plus bizarres encore, tel qu’une main noire sur un plateau, semblable à une sculpture et d’autres bizarreries encore, lui rappelant de la magie vaudou. Tout ce qui était interdit donc… Pour autant, il ne pensait pas vraiment que les mangemorts allaient se mettre à cette sorte de magie. Ce que les sorciers appelaient quelquefois de la magie moldu.

Un coffre attira son attention, il s’y approcha… Et déclencha un mécanisme avec la pointe des pieds.

Un carreau d’arbalète se dirigea vers lui à toute allure. Il n’eut pas le temps de l’éviter…

Il lui perça l’épaule et Eliad s’écroula sous l’impact, respirant faiblement.

L'oreille dressée, Joy resta plusieurs minutes qui lui parurent des heures sur le pas de la porte. Aucun son ne parvenait jusqu'à elle, et elle hésitait de plus en plus. En elle grandissait un sentiment de peur et d'insécurité car elle savait pertinemment qu'elle n'avait rien à faire ici mais qu'en plus, cet endroit n'était pas un simple magasin vide. Ce n'était pas comme si elle s'était retrouvée chez Fleury & Bott en fraude. C'était nettement plus dangereux. Mais parallèlement à la peur qu'elle éprouvait, la curiosité et l'excitation de l'interdit la tenaient en haleine et c'était pourquoi elle était incapable de rebrousser chemin et de filer par la fenêtre, comme elle était entrée, ni vue ni connue.

Le sang battait à ses tempes et elle trouvait étrange que les coups sourds et réguliers de son cœur ne s'entendent pas à des kilomètres à la ronde. Sa main rencontra sa toute nouvelle baguette magique dans sa poche, dont elle était bien incapable de se servir. Et si sous le coup de la peur la tenir entre ses mains suffirait à ce qu'elle puisse jeter des sorts? Pas plus préoccupée que ça, la fillette bougea légèrement. Le plancher craqua mais elle se sentait engourdie, tant pis pour le bruit. Elle regarda une dernière fois la fenêtre ouverte du coin de l'œil, histoire de continuer ses recherches en connaissance de cause: plus elle restait là, plus elle était dans une situation dangereuse. Mais c'était trop bête de s'arrêter là alors qu'elle avait fait tout ce chemin! Chassant l'image de la fenêtre de son esprit, elle se coula doucement dans la pièce voisine.

Même bazar que dans l'autre, même fouillis d'objets hétéroclites et étranges, poussiéreux et bien différents de ceux en vitrine. Mais Joy ne s'y intéressa pas plus longtemps, car une tache sombre attira son attention au sol. La pièce n'était pas lumineuse mais suffisamment pour qu'elle distingue qu'une trappe s'ouvrait dans le plancher, débarrassée du tapis qui devait la cacher. La rouquine devina plus qu'elle n'entendit vraiment que quelqu'un se trouvait là, sous ses pieds. Que la silhouette qu'elle avait suivie fouillait à présent la "cale" du magasin. Joy sentit son sang devenir brûlant dans ses veines et propager dans ses veines un feu d'inquiétude; sa bouche devint sèche et sa respiration plus courte. Que diable venait faire la personne, et comment faire pour la voir sans être vue?

Centimètres par centimètres, elle s'approcha de la trappe. Puis elle s'agenouilla, prenant un temps infini dans chacun de ses mouvements. Mais il lui semblait que l'étoffe de ses habits faisait à elle seule un bruit tonitruant. Enfin, immobile, elle écouta. Des sons étouffés lui arrivaient nettement aux oreilles. Puis tout d'un coup, un bruit unique, perçant, rapide, se fit entendre et mit fin à tous les autres. Interdite, Joy se redressa légèrement. Quelques instants s'écoulèrent avant qu'elle ne décide de descendre. Sans savoir vraiment pourquoi elle faisait cela, alors qu'elle luttait contre des légers tremblement et une peur grandissante, elle emprunta l'échelle en bois.

Une fois en bois, elle retint un cri d'horreur car elle se trouva nez à nez à des bêtes mais il lui fallut un quart de seconde pour qu'elle comprenne que celles-ci n'étaient qu'inoffensives, à présent. Mais elle ne s'y attarda pas, car elle avait vu qu'au milieu un corps était étendu, le côté en sang - ses vêtements luisaient et un liquide sombre imbibait l'étoffe. C'était une jeune garçon, plus âgé que Joy mais pas adulte. Rassurée - car un jeune ne lui ferait pas de mal - elle se mit à genoux près de lui et n'osant pas le toucher de peur de lui faire mal, se pencha au dessus de lui:

- Ça va? Viens, je vais t'aider à sortir, il faut que tu te fasses soigner...

Il s’en voulait d’avoir été aussi bête. Il aurait du se douter qu’il y avait bien eu une raison pour qu’ils quittent la boutique apparemment les mains vides. Et tout ce sang sur la trappe expliquait clairement cela. L’un des mangemorts avaient dû se prendre le même carreau que s’était pris Eliad, mais à un endroit qui lui avait fait couler le sang bien plus vite… En essayant de panser la blessure avec sa main, il l’avait recouverte de sang, et en fuyant, avait marqué la trappe de son empreinte. Le deuxième mangemort par contre… C’était bien étonnant qu’il ne soit pas resté. Sans doute avait-il craint les pièges lui aussi. Eliad s’était péniblement assis contre le rebord d’un pied de table, se sentant trop faible pour tenter de se relever trop vite. Il souleva les yeux un instant pour apercevoir la bouche d’un chien venant sur lui, toute grande ouverte et les crocs sortis. S’il ne savait pas qu’il s’agissait d’une créature empaillée, il aurait vraiment pu s’inquiéter…

Il pansait sa blessure avec sa main, ses doigts légèrement écartés par le carreau d’arbalète qui était fiché dans son épaule ensanglanté. Maladroitement, avec sa main droite, il essaya de l’enlever, mais ses doigts glissaient dessus… Il n’avait pas une prise assez forte pour le moment. La vue du sang sur sa main l’amenait à une vision de plus en plus trouble. Etat de choc ou juste un malaise passager. Il n’avait pas eu l’idée de trouver un moyen de se mettre à l’abri d’autres carreaux, il était plus occupé à tenter d’arrêter les saignements. S’il savait ce qui avait déclenché ça… Mais ça n’était pas le cas, il ne voyait pas de dalle au sol, rien… Ni même ce qu’ils étaient venus chercher. Ah si, il y avait ce coffre. Qu’il ne se voyait pas parvenir à ouvrir même avec ses dons sorciers.

Décidément, cette journée était une mauvaise idée… Il faudra qu’il la raye du calendrier pour l’année prochaine. Il réprima un sourire qui aurait sûrement été malvenu dans cette situation. Il se contenta de se maudire et d’essayer de grimacer le moins possible.

Il ne devait pas rester longtemps ici à cause du ministère et le voilà qui gisait blessé…

C’est le regard vague qu’il vit descendre une silhouette des escaliers. Il pensa tout d’abord que c’était le ministère, mais il se retint de crier qu’il était innocent ou quelque chose du genre. Il remarqua la différence de taille flagrante entre cette forme et celle d’un adulte, et quand elle s’approcha, il s’aperçut aussitôt qu’il s’agissait d’une jeune fille, et très jeune.

Elle s’approcha de lui et il la repoussa aussitôt, avec un léger grognement et un rictus de la main.

« Ne t’approche pas, la pièce est peut-être encore piégée… J’ai déclenché le piège sans savoir comment et je ne voudrais pas que tu te fasses du mal… A part ça, oui ça va très bien… J’ai seulement. Oh, qu’est ce que c’est que ça ? Ah oui, j’ai une flèche dans l’épaule et je perds mon sang… »

Un peu d’ironie dans ses propos. Puis il se reprit, voyant qu’elle était vraiment jeune et facilement impressionnable…

« Ne t’inquiètes pas, ça va aller, je me sens mieux, je vais me relever bientôt. »

Il joignit le geste à la parole et en s’aidant de la table, se releva… Voir le chien empaillé ouvrir la gueule lui procura un instant de colère, et par un geste de rage, il lui donna un coup de poing. Le chien alla s’écraser contre le sol, alors qu’un papier sortait de sa bouche… Avant qu’un carreau ne se plante sur ce dernier…

« Moi et ma chance… Dis, euh… tu t’y connais en soin ? Et c’est quoi ton nom ? Moi c’est Eliad Midnell, ravi… »

Il aurait pu y avoir un meilleur endroit pour leur première rencontre, mais grâce à la curiosité qui l’avait fait le suivre ici, elle allait peut-être lui servir…