Souris en sucre...patacitrouilles...crapauds à la menthe...fizwizbiz...(soupir de plaisir). Véritablement, incontestablement, inévitablement, plein d’autres trucs en –ment, Honeydukes était un paradis sur terre. Le seul nom de l’enseigne suffisait à déclencher des crises de bavite et de Mamanjeveuxdesbonbonite aiguës chez les enfants, et de encorite et de Tuneveuxpastoutsimplementallervivredanslemagasinite chroniques chez leurs parents.
Bien sûr, quand ils proposaient à leurs adorables rejetons d’aller s’installer dans l’une des boutiques parsemées aux quatre coins de l’Angleterre, ils ne faisaient que plaisanter hein...parce que beaucoup savaient que ces garnements n’y réfléchiraient pas à deux fois s’il leur fallait vraiment choisir entre supporter des repas équilibrés (donc ennuyeux) assaisonnés des inévitables cinq fruits et légumes par jour (surtout que les légumes c’était forcément des brocolis) et s’empiffrer de licornes en pâte d’amande du matin au soir.

Et parmi ces gloutons qui feraient leur valise avec joie s’il en était vraiment question, figurait fièrement, est-il même nécessaire de le préciser, la jeune Lou. Aaaah, Lou. Une si petite fille, pour un si grand appétit. Il était surprenant qu’avec les tonnes de pâtisseries qu’elle engouffrait sans complexe jour après jour comme un éléphant, elle puisse toujours afficher la silhouette fine et délicate d’une libellule.
Quand elle la voyait se gaver ainsi, sa mère (qui lui passait presque tout mais ne pouvait se faire à son indécrottable gourmandise) lançait d’un ton méprisant qu’elle ressemblerait bientôt à une grosse patate trop cuite. Ce à quoi Conchita rétorquait qu’il n’y avait rien de plus beau qu’une femme avec des formes rondes et généreuses. Là-dessus, Mercedes ne manquait jamais de hausser les épaules et d’envoyer péter la femme de ménage.
Lou, qui avait remarqué que, quoi qu’elle en dise, sa mère ne se plaignait jamais d’avoir des formes quand les hommes l’admiraient d’un air appréciateur dans la rue, avait depuis longtemps décidé de continuer à manger sans plus s’occuper de leurs disputes. De toute façon elle aurait bien le temps de réduire la dose avant de se transformer en cachalot.

C’est donc sans complexe ni sans remord aucun qu’elle s’était ruée sur la petite boutique bondée et surchauffée, accompagnée de deux copains qui se promettaient eux aussi d’innombrables orgies de confiseries avant de s’inquiéter de leur poids (de toute façon, beaux et minces comme ils étaient, ils avaient le temps eux aussi).

Penchée depuis près de cinq minutes sur l’énorme tonneau rempli de Dragées, Lou hésitait sur celles qu’elle prendrait (le goût de bouse de vache de celle qu’elle avait avalée la dernière fois qu’elle en avait mangées lui était désagréablement resté sur la langue) quand elle sentit le coude de Harvey, le plus grand de ses deux copains, s’enfoncer dans ses côtes. Il attendit qu’elle redresse la tête pour lui montrer ce qu’il regardait avec un grand sourire. Blonde comme les blés, un nœud dans les cheveux, un balai dans le derrière...mais oui mais si bien sûr !
Wyncall la coincée ! Avant leur arrivée à Poudlard, Lou et Harvey l’avaient déjà aperçue à plusieurs reprises dans les ennuyeuses soirées (c’était d’ailleurs au cours de l’une d’elles qu’ils avaient fait connaissance) où leurs parents les trainaient parfois pour qu’ils aillent faire les beaux et montrer comme ils étaient sages et bien élevés (bien entendu, cet exercice s’avérait plus ardu que la moyenne pour certains), et elle donnait toujours l’impression d’avoir avalé une enclume de travers au dîner.

- La reine d’Angleterre fait ses courses elle-même maintenant ?, marmonna Lou avec un petit sourire en coin.

Pendant qu’Harvey éclatait de rire, elle tournait à nouveau la tête pour revenir aux Dragées quand, du coin de l’œil, elle remarqua un détail qui attira son attention. Wyncall était face à une étagère, juste en dessous d’un étal placé un peu plus haut. Et cet étal portait, entre autre, un gros bocal de plumes en sucre. Avec un tout petit peu d’aide, il pourrait bien – quelle horreur – tomber sur la tête de la personne qui se trouvait juste en dessous. Et là...plus il y a de coups, plus on rit !

Sortant discrètement sa baguette de la profonde poche de sa cape, Lou se cacha derrière Harvey et la pointa tout aussi discrètement sur le bocal en chuchotant un Wingardium Leviosa qui, après des mois de pratique, avait enfin fini par se révéler parfait.

La suite, vous la connaissez.

Un bruit de chute, des cris de surprise, quelques gloussements, et, après avoir rapidement fait disparaître sa baguette dans sa poche, Lou s’avança vers Wyncall que beaucoup s’étaient mis à regarder avec un mélange d’inquiétude et d’envie d’éclater de rire.

Elle leva les yeux, l’air de chercher d’où pouvait bien venir le bocal, avisa l’étal, et reporta son regard sur la blonde.

- Euh...la gravité ?, lança-t-elle avec un sourire moqueur au milieu des éclats de rire qui fusèrent.

- Euh...la gravité ?

Cette voix moqueuse au possible, ce regard ouvertement narquois, c’était pour Hayden, le portrait parfait et tordu d’une Serpentard commune, ou plutôt le portrait d’une parfaite petite peste, qui aurait pu d’ailleurs aussi bien débarquer à Gryffondor selon la fillette.

Une peste donc, comme on en voyait à tous les coins de rue, d’une banalité affligeante, une petite fille pourrie gâtée qui avait de la méchanceté à revendre.

Son regard légèrement froid lui faisait penser à quelqu’un, mais elle ne la reconnut pas directement ; il lui fallait toujours une sorte de « temps d’adaptation » afin qu’elle puisse se remémorer correctement le nom des personnes qu’elle connaissait. Les cours passaient dans sa mémoire, mais pas les visages, et cela reflétait assurément sa personnalité… un peu particulière.

Cette fillette devait avoir son âge, et elle était entourée d’autres de ses comparses. Hayden la détailla méticuleusement de haut en bas, scrutatrice. Une future femme du monde qui s’accrocherait désespérément à son mari riche et fortuné. Enfin, ça c’est ce qu’Hayden espérait pour elle, principalement à cause l’offense qu’elle avait osé commettre (à savoir faire tomber sur son adorable et honorable personne un bol de sucreries !)

Cette fois la Serdaigle reconnut cet « adorable » petit minois. Miss Brady, une de ces filles de son âge qui s’ennuyait incroyablement pendant les soirées de la haute. (société, j’entends bien) Là où Hayden acceptait sans rechigner, cela faisait seulement quatre ans qu’elle supporterait ses soirées, rappelons-le, la Serpentard, elle, jacassait avec ses imbéciles d’amis. Jalouse ? Bien sûr que non, Hayden était toujours très… sociable en amitié. N’est-ce pas ?

Une fois son étonnement passé, la colère froide, propre à la jeune Wyncall, pris le dessus. On ne se moquait pas aussi impunément de la fillette. Comme disait le dicton (enseigné par Archibald premier du nom) ; œil pour œil, dent pour dent. Elle jeta tout d’abord un regard noir, qui n’impressionna pas pour un sou Miss Brady, revêtit, son plus grand sourire hypocrite tout en jetant un sort de lévitation à un bol de patacitrouille. Elle ne cachait point le crime qu’elle allait commettre.

Le bol tomba, oh malheur, sur la jeune Serpentard. Hayden prit une mine plus que contrite, et lança à la fillette ;

-Tu as raison, Brady, la gravité fait des siennes aujourd’hui.

Voyant le gérant arriver avec une tête peu amène, le Serdaigle s’esquiva et se dirigea vers la devanture du magasin, près de la porte. Un malheur était si vite arrivé, elle voulait toute les cartes en main pour fuir, au cas où.

Ses lèvres pleines étirées en un rictus méprisant, sa main serrant fermement sa baguette toujours cachée dans sa poche, SuperLou contemplait son ennemie avec un mélange d’amusement et de pitié. Quoi ? Ce misérable et répugnant insecte croyait vraiment lui faire peur, avec ce regard torve ? La coincée pensait-elle vraiment que Lou n’avait pas déjà deviné ce que sa pauvre petite cervelle atrophiée mijotait ? Et pourtant, il fallait bien se rendre à l’évidence. La super-héroïne était dotée de tels pouvoirs supranormaux, même pour une sorcière, qu’elle s’étonnait souvent elle-même.

Car sans son double don de lire et dans les pensées d’autrui et dans l’avenir, couplé à sa faculté de se déplacer à une vitesse proprement stupéfiante, comment aurait-elle été en mesure de se jeter sur Wyncall, de la saisir dans ses bras d’airain et de la placer de force (oui parce qu’elle est très forte aussi, ct’évident ) pile sous le pot de patacitrouilles juste à temps pour que ce dernier explose sur la tête trop gonflée de son ennemie ? Il fallut une bonne dizaine de secondes à l’assistance muette de stupeur pour comprendre ce qui venait de se passer, dix secondes au bout desquelles le silence assourdissant fut brisé par un tonnerre de cris de joie et d’applaudisse...

Euh...*fronce les sourcils, efface le tout*...non personne va jamais gober ça...


Ses lèvres pleines tremblant d’un effroi qu’elle n’essayait même pas de cacher, sa main pinçant impitoyablement sa cuisse dans le fol espoir que tout ceci n’était qu’un effroyable cauchemar dont elle n’allait pas tarder à se réveiller en criant, haletante et droite comme un piquet, la pauvre Lou suppliait sa tortionnaire de son regard plein de pitié pour elle-même. Pourquoi ? Pourquoi ? Si elle doutait encore des intentions proprement malveillantes de la coincée, le regard torve qu’elle lui lança suffit amplement à dissiper tout malentendu. Il lui fallait se rendre à l’évidence. Elle allait la maraver en beauté. Elle se ferait massacrer à une vitesse honteuse, surtout pour une sorcière.

S’étant déjà résignée à son triste sort, Lou ne fut donc pas surprise, quand elle se hasarda à lever les yeux, de voir un énorme pot de patacitrouilles fondre sur elle comme un aigle sur sa proie. Un aigle ! Ha ha. Quelle ironie. Dans un fracas abominable, le gros bocal heurta violemment sa petite tête, l’enfonçant à dix mètres sous le sol comme un marteau qui enfonce un clou. (Ou un c-lou. Vous comprenez la blague ? C-Lou. Ca fait clou, et y a aussi Lou dedans. Ouais c'est ça la blague. Maintenant faut que je trouve comment faire entrer Hayden dans le mot marteau...demain j'arrête la drogue promis.) Il faudrait bien une dizaine d’heures pour que les secours réussissent à la tirer du gouffre profond où la vitesse et la violence du choc l’avaient expédi...

Ouais...*se ronge l’ongle, efface rageusement le tout*...c’est carrément n’importe quoi là...



- Lou ? Lou ?...Lou !

Ses beaux traits de futur Adonis empreints d’un mélange de terreur et d’incompréhension, Harvey retenait dans ses bras le corps inanimé de la petite brune. Le bocal ne l’avait pas ratée (témoin l'énorme bleu qui était apparu sur son front et commençait déjà à enfler), l’assommant d’un seul coup en déversant les confiseries qu’il contenait dans un tonnerre de cris d’effroi.

Beaucoup avaient préféré se précipiter dehors en entendant la voix du gérant dominer le vacarme, se tassant à l’extérieur, sur le pas de la porte, pour ne pas rater une miette du spectacle.

- C’est elle, m’sieur !, lança Charles, le deuxième copain, en pointant un doigt accusateur sur Wyncall, la blonde avec le nœud noir dans les cheveux.

Du pas de la porte, ou des coins de la boutique où ceux qui étaient trop avides de détails pour sortir s’étaient terrés, les Serpentard présents acquiescèrent vigoureusement et renchérirent, pendant qu’Harvey secouait timidement une Lou désespérément inconsciente en répétant « Elle bouge plus, elle bouge plus... ».
Il semblait ne pas oser en faire plus. Lou était peut-être une fieffée grande gueule, mais quand on la voyait immobile comme ça, on se rendait soudain compte de sa fragilité.
Elle avait l’air si petite, dans cette cape ! Et puis, quand elle la fermait enfin, elle tenait plus de la gentille petite fée que de l’affreux lutin malfaisant.

En découvrant le spectacle, le gérant fit volte-face et alla se planter devant Wyncall.

- Mais qu’est-ce que c’est que ces manières ?, lui demanda-t-il d'un ton outré, il y a assez de bonbons pour tout le monde, pas besoin d'attaquer les gens comme une sauvage.

Hayen vit avec une lugubre satisfaction son adversaire du jour. Miss Brady l'avait provoquée et on n'embêtait pas impunément une Wyncall. Ce petit sourire supérieur qu'arborait la jeune Wyncall se perdit bien vite face aux conséquences de ses actes. Cette jeune fille-là, celle qu'elle avait "agressé" et accessoirement celle qui l'avait agressée aussi, était une sang-pure…

Or, si ce minuscule incident, que dis-je, cet insignifiant incident arrivaient aux oreilles de ses grands-parents, elle était bien partie pour ne plus pouvoir sortir avec ses dix-sept ans, dans le meilleur des cas bien sûr. Les grands-parents Wyncall en auraient fait, comme d'habitude, toute une montagne, et elle en aurait pâti…

Un des camarade de Lou fit une horrible, et ô combien honteuse délation, qui valut à Hayden une petite moue agacée face à ce comportement puéril. Néanmoins, elle admira la loyauté dudit Serpentard envers la fillette. Le gérant arriva en colère, et la jeune Serdaigle leva les yeux au ciel. Une petite bagarre, et l'incident diplomatique était arrivé! Il ne valait mieux pas le contrarier, puisqu'Hayden nécessitait son aide pour ramener Lou à Poudlard.

- Mais qu’est-ce que c’est que ces manières ?, lui demanda-t-il d'un ton outré, il y a assez de bonbons pour tout le monde, pas besoin d'attaquer les gens comme une sauvage.

Une sauvage, comment osait-il ce goujat? *Calme-toi Hayden, rappelle-toi que tu as besoin de lui*. Elle répondit donc très calmement à l'homme d'un certain âge, d'ailleurs:

-Écoutez, Monsieur, elle et moi ne sommes que des enfants. Vous savez ce que c'est., dit-elle avec un sourire faussement contrit, Hayden sortit une bourse de gallions. C'est de ma faute, je tiens à rembourser les dégâts, et…. Je voudrais savoir si vous pourriez éventuellement m'aider à ramener Miss Brady à Poudlard.

Malgré un léger grognement de sa part, l'homme accepta sans plus rechigner. Il écarta les élèves, lança un stupéfix à Lou et un petit levicorpus. Le trajet se passa sans encombre. Arrivés à l'infirmerie, l'homme partit, après avoir confié la fillette à Madame Pomfresh. La Serdaigle lui demanda la permission de rester jusqu'à son réveil. Oh non ce n'était pas parce qu'elle se sentait coupable, pas du tout, ni par gentillesse, c'était juste par intérêt. Et puis, Hayden ne se mentait jamais à elle-même, n'est-ce pas? La fillette s'installa donc sur une chaise, située non loin du lit de la patiente, et commença son nouveau livre, Les animaux fantastiques.