HJ : En fait c'est libre mais avec priorité à Jason.

Un midi

Côtelettes de veau, pommes de terre frites, boulettes de viande, dinde farcie...Ce midi, Lou ne se refusait rien.

En fait, question nourriture, elle ne s’était jamais rien refusé. Pour elle, la vie ne valait pas le coup d’être vécue sans une bonne cuisse de poulet bien juteuse dans la main, et elle n’avait jamais compris tous ces squelettors qui, même déjà maigres comme des cure-dents, s’affamaient volontairement.

Quand vous mangiez avec elles, elles se contentaient d’ « une petite salade verte, sans vinaigrette, merci », vous faisant passer pour un ogre avec vos trois cheeseburgers et votre grande frite.

Et en attendant, elles étaient les premières à baver quand elles vous voyaient enfourner vos burgers avec délices, pendant que l’unique feuille de salade de leur assiette se battait en duel avec une tomate cerise rachitique. Et ça, c’était quand elles ne hurlaient pas d’effroi à l’idée de mettre les pieds dans un fast-food.

Non, vraiment, Lou ne comprendrait jamais ces filles-là.

Et elle ne ferait jamais rien pour leur ressembler.

Car quoi qu’en pense sa mère, la grande prêtresse du régime au Pur Feu et au cigare panaméen, pas besoin de ressembler à un cure-dents pour ressembler à quelque chose. Surtout que venant d’une femme aux courbes aussi rebondies que les siennes, ce genre de commentaire était très malvenu.

Le truc c’est que si la journée elle criait sur tous les toits qu’il ne fallait rien manger sous peine de se retrouver transformé en éléphant, la nuit Mercedes faisait des razzias dans le frigo. Donc forcément, question régime, elle ramait un peu. Mais ça, elle ne le reconnaîtrait jamais.

D’une main ferme et bien déterminée, Lou se resservit une énième part de hachis Parmentier.

La cuillère pleine de hachis s’immobilisa dans les airs, tandis que le regard brun de Lou vrillait celui de Jason.

Trop occupée à avaler son propre poids en tourte au bœuf, elle n’avait même pas prêté attention à ce qui se passait autour d’elle. Elle n’avait pas vu les filles se chuchoter des secrets qu’on leur avait fait jurer de garder, elle n’avait pas vu les garçons se donner des coups de coude discrets en voyant passer une fille particulièrement canon.

Et elle n’avait pas non plus vu Jason arriver.

Et maintenant il était là, celui à qui elle avait pensé tant de fois depuis le bal...parce qu’elle rêvait de lui mettre un bon taquet dans la tête.

Il était quand même gonflé de débarouler là comme une fleur, après l’avoir planté au milieu de la salle de bal sans aucune explication !

« Oh mais oui, ma matinée était divine, comme c’est gentil à toi de demander. En fait j’ai passé mon temps à raconter à mes amies quel cavalier exquis tu avais été au bal. Mais que t’est-il arrivé à toi, pauvre amour ? Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour apaiser ta souffrance ? »

C’est ce que Lou aurait pu dire, si elle avait été une effroyable hypocrite ou si elle avait été au moins une fois dans sa vie capable de tourner sept fois sa langue dans sa bouche.

Mais Lou n’avait pas pour coutume de mâcher ses mots, et quand quelque chose l’énervait, le coupable ne tardait pas à être mis au courant.

- Ca allait jusqu’à ce que tu te pointes avec ta sale tête, cracha-t-elle en laissant tomber sa part de hachis d’un geste sec.

C'était pas bien de gâcher la nouriture se fit-il comme remarque intérieurement. Il dévisagea le hachi parmentier puis dévisagea froidement la petite de première année en face de lui. Il ne savait pas ce qui c'était passé avec elle mais il n'avait rien à se reprocher !!! Du moins, sa mémoire ne lui permettait pas de s'en souvenir. Il haussa mentalement les épaules et un soupir blasé s'échappa de ses lèvres à peine entrouvertes. D'ailleurs ça lui faisait penser au bal...

Tiens, ça me fait penser... Où étais-tu passée au bal ? J'ai essayé de te rejoindre après avoir aidé ma soeur et je t'ai vu en compagnie d'Ange mais après, tu étais introuvable... J'ai pensé que tu étais retournée avec ton petit-ami. J'ai eu tort ? Dit-il dans un de ses sourires lumineux.

Il mangea tranquillement sa purée et attendit la réaction de sa voisine. Ce qu'il venait de dire était vrai, et si elle était en colère contre lui, c'était sûrement parce qu'il avait râté quelque chose lors du bal. Donc en en parlant, il saurait avec exactitude ce qu'elle lui reprochait. Il se passa pensivement la main dans les cheveux et jeta un coup d'oeil à Lou qui le regardait toujours avec un air de dragon enragé.

La plupart des Serpentards savaient et se devaient de garder un visage impassible, qui plus est elle avait un tempérament de feu. Bien sûr qu'elle n'était pas la seule dans ce cas dans la noble maison du Serpent mais elle était l'une des rares à pouvoir cocher les deux cases dans un questionnaire. Elle lui faisait penser à une Gryffondor mais si elle était dans la maison des Verts et argents c'est qu'elle devait posséder des qualités appropriées.

Si elle était véritablement en colère, elle se vengerait. Et il verrait bien comment. Mais surtout il ne voyait pas pourquoi elle était en colère contre lui. Il n'avait rien fait de mal au bal pourtant... Il avait même été un cavalier agréable... Du moins, il s'était efforcé de l'être...

Ah !? Elle allait parler... Il resta immobile avec un visage de glace s'attendant à ce qu'elle lui hurle dessus le pourquoi de son ire.

Où elle était passée au bal ? Où elle était passée au bal ????? Non mais il était né comme ça ou il faisait exprès d’être con ? Qui est-ce qui avait abandonné l’autre pour aller faire le beau devant une espèce d’asperge frisée comme un mouton dépressif ?

- Mais t’es gonf..., commençait Lou, ses petits poings posés de par et d’autre de son assiette remplie se serrant déjà de colère, quand le reste des paroles de Jason fit mouche.

Oh. Sa sœur. Ooooooh, c’était sa sœur ! Le mouton dépressif était sa sœur !
Ce n’est qu’en sentant une immense vague de soulagement l’emporter qu’elle réalisa à quel point le comportement grossier de Jason l’avait vexée.

Parce que ouais, même si Jason ne lui plaisait pas plus que ça (c’est vrai qu’il était beau mais il était en sixième année quoi !), c’est quand même la honte de se faire planter sur place au beau milieu d’un bal par son cavalier, fût-il le dernier et le plus attardé de tous les trolls du pays.
Alors combien de fois si, en fait d’un troll monstrueux, c’est un beau blond grand et musclé à la voix grave qui vous offre des chocolats (Lou on t’a dit qu’il est en sixième année !) ?

Tout ça pour dire que sous le coup de la surprise et du soulagement, Lou se surprit soudain à éclater de rire.

- Ouais, t’avais carrément trop tort, répliqua-t-elle en plantant sa fourchette dans une frite qui semblait vouloir échapper à son sort funeste en tentant de tomber discrètement de l’assiette, pourquoi j’aurais accepté d’être ta cavalière si j’avais déjà eu un copain ?

Ouais...en fait, beau gosse ou pas, le troll n’était jamais très loin...