Il était quatre heures du matin bien sonnées lorsque deux jeunes hommes visiblement très excités vinrent troubler la tranquillité d'un immeuble bourgeois du centre de Londres ; leurs rires, leur conversation animée réveillèrent plusieurs voisins qui songèrent que décidément, l'alcool fait des ravages même dans les meilleurs quartiers. L'un d'eux, un homme d'âge mur, plutôt ventripotent, se leva, enfila en pestant une robe de chambre bordeaux, et alla se poster près de sa porte d'entrée pour cueillir les deux fauteurs de trouble au passage ; dès qu'il entendit leurs pas se rapprocher, il ouvrit brutalement la porte et s'exclama, très théâtral :

-Vous ne pouvez pas laisser les honnêtes gens dormir en paix, non ?

Il regretta ces paroles dès qu'elles eurent franchi ses lèvres, et qu'il regarda avec un peu plus d'attention aux deux hommes. Ils avaient un genre pas vraiment rassurant, avinés, pas très propres sur eux, des voyous, en un mot... Les deux hommes se concertèrent du regard, et l'un deux s'avança, un sourire méprisant aux lèvres, pour expédier un bon coup de poing dans le ventre du monsieur. Le voisin grincheux se plia en deux, cherchant son souffle, et battit en retraite tandis que les deux voyous l'avertissaient que la prochaine fois, ils seraient moins généreux. Ils éclatèrent de rire en entamant la montée vers le deuxième, où habitait le plus jeune des deux, et le voisin songea un instant à appeler la police- mais la sagesse lui conseilla d'y renoncer, et il retourna se coucher, ravalant son humiliation.
Cet homme ne se doutait certainement pas de la chance qu'il venait d'avoir ; plus tôt dans la nuit, les deux types qu'il avait croisés avaient commis des actes d'une atrocité qu'il n'imaginait même pas, et laissé derrière eux deux cadavres mutilés... Une maison avait été quasiment vidée de ses habitants, à cause d'eux ; les locataires du second assassinés, celui du premier gauche torturé et emmené prisonnier... le seul à s'en être tiré était le chat du premier droit, qui avait même eu droit à des caresses.
Ils avaient emmené Florian Fortarôme, glacier sorcier bien connu, et l'avaient enfermé dans une petite cellule du Repaire ; le Mangemort blond avait administré une potion au commerçant, pour le garder en vie et pouvoir l'interroger ; l'autre homme avait affirmé qu'il aurait du Veritaserum quelques jours plus tard, et les deux jeunes gens, éclatant de rire, avaient convenu de vider une bonne bouteille pour terminer la soirée. Un litre de vodka y était passé, et la fin d'une bouteille de whisky, après quoi James avait proposé, un sourire engageant aux lèvres :

-Que diriez-vous de terminer la soirée chez moi, Grim ? Les lieux s'y prêtent davantage à la fête...

Grim avait accepté, et les deux hommes, passablement ivres, avaient transplané ensemble ; le Repaire n'était pas le lieu idéal pour une nuit de beuverie et de débauche, l'appartement de James était tout indiqué. Il expliqua à son collègue qu'il vivait dans un quartier moldu pour dissiper d'éventuels soupçons ; il savait que Grim haïssait les Moldus, et tenait à clarifier les choses.

-Vous comprenez, un gars qui habite chez les Moldus, personne ne pensera jamais qu'il est Mangemort...

Grim était d'humeur compréhensive, et il s'était contenté de murmurer à l'oreille de son cadet un « montre-moi le chemin » des plus prometteurs. James était passé le premier, avait monté l'escalier devant son compagnon, et s'était arrêté, interdit, en tombant nez à nez avec l'acariâtre du premier. Dommage pour le cher voisin, l'alcool avait parlé...
Parvenu sur le palier du second, James sortit sa baguette, marmonna quelques incantations, et la porte s'entrouvrit dans un léger bruit.

-Après vous, mon cher, fit James avec un sourire en désignant l'entrée à son collègue. Chacun son tour d'être galant avec l'autre...

Pendant ce temps-là, au premier, un monsieur enveloppé prenait une aspirine en maudissant les ivrognes, les voyous, les homosexuels, les drogués et les blousons noirs. Il avait juste oublié assassins, dans sa litanie.

Quel appartement agréable.
Grim n'aimait pas ces habitations bourrées de souvenir, bien proprettes, dans lesquelles les gens exposaient leur vie aux invités qui n'en avait pour la plupart du temps, rien à faire.
Ce n'était pas pour autant impersonnel, il y avait du bordel dans tous les coins, un joyeux bordel, et partout, des signes qui semblaient indiquer que James était un travailleur acharné.
En fait, presque tous les endroits de l'appartement sur lesquels le russe posait ses yeux étaient plein de parchemins, de livres, et de trucs en rapport avec le travail ou les études.
Ma foi, c'était un bon point pour son cadet.
De sa démarche peu sûre, il vint s'asseoir sur le confortable canapé en cuir, tout en observant James sortir un bon nombre de bouteilles d'alcool.
Il l'observait tandis qu'il faisait cela, détaillait ses moindres gestes.
Parfois, une bouteille manquait de lui glisser des mains, signe évident qu'il était au moins aussi bourré que lui.
L'envie de boire le tenaillait. Mais il ne savait pas comment son collègue avait prévu de finir la soirée, et il préférait...rester en état.

-Vodka polonaise? Ça doit avoir un goût atroce et être nocif pour la santé. Il faut que je goûte.

Avec un geste lent, il vint attraper ce qui ressemblait fort à une bouteille de vodka polonaise. En gros, ça ressemblait à rien. En tout cas pas à une vraie bonne bouteille de vodka russe. C'était ce que lui soufflait sa fierté russe, le vague grain de patriotisme qu'il avait.
L'ouvrant, il commença par renifler, prudemment. Une douce odeur d'alcool bien connue vint lui chatouiller les narines. Oui, l'odeur était quasiment la même. Restait à voir pour le goût.
Il fit sauter le bouchon, en prit une petite gorgée, l'air perplexe.
L'alcool lui réchauffa l'estomac, et il se rendit compte qu'il était un peu trop alcoolisé pour pouvoir vraiment dire si cette fameuse vodka étrangère était buvable ou non.
Un peu blasé, il reposa la bouteille. Le jugement attendrait.
La main de James, sur sa cuisse, le réveilla un peu. C'était donc cela, qu'il voulait.
Évidemment, c'était ça. Le blond ne travaillait pas demain, ils avaient toute la nuit.
Ce serait avec un grand plaisir qu'il accorderait à son cadet ce qu'il...quémandait, mais pas tout de suite.
D'abord, il voulait le voir boire, et s'enfoncer. Même s'il avait été docile et s'était laissé faire, il y avait un petit quelque chose...Grim sentait qu'il voulait, mais il avait l'impression que s'il tentait maintenant, son collègue serait gêné.
Inhibition? Gène? Refoulement?
Ainsi donc, il voulait le pousser. Le pousser à bafouer un peu plus ses valeurs, en ne réagissant que très peu à ses insinuations. Si l'autre mangemort le voulait vraiment, il faudrait qu'il s'abaisse à se montrer très convainquant, et qu'il vienne chercher ce qu'il désirait vraiment.
Et pourquoi? He bien par simple plaisir sadique, le russe allait adorer le regarder se débattre avec ses valeurs et ses propres limites. Pendant qu'il attendrait sagement de voir jusqu'où son cadet irait, jusqu'à quel point il pouvait tomber dans la décadence.

Sans rien laisser paraître de ses projets un peu malsain, il imita son comparse en se servant un petit verre de whisky et porta un toast avec lui, buvant son verre cul-sec. La tête lui tourna quasiment instantanément. C'était parfait, il ne fallait pas boire plus. Grim se refusait toujours de finir dans des états pathétiques à cause de l'alcool. La, il gardait le contrôle minimum acceptable sur ses actes et ses émotions. S'il buvait plus, il aurait tout de l'authentique bourré insupportable, le genre qu'on fuit en soirée.
Et puis, il détestait perdre le contrôle, c'était une des rares choses à pouvoir le mettre vraiment mal à l'aise. Heureusement pour lui, ça n'arrivait pas souvent.
La main sur sa cuisse était maintenant posée plus haut, et avec un sourire charmeur, il regardait James d'un air narquois pendant que celui-ci répondait à sa question.
Ses yeux disaient : Viens, oublie tes principes, osera-tu? Je ne ferai pas le premier pas.
Un véritable défi, en fait.

-En effet, cette odeur de cuir est plutôt agréable...elle réveille des instincts..bestiaux.

Il ne fit rien de plus que de continuer de le regarder ainsi, comme un maître observe son esclave. Comme un prédateur observe une proie, et se demande quelle va être sa réaction. La prise de James sur sa cuisse se fit plus ferme et le sourire de Grim s'élargit en signe d'encouragement.

Étendu sur le ventre, dans la position la plus commode pour observer Grim et se remémorer ses pratiques, James récupérait après plusieurs heures d'extase. Jamais auparavant il n'avait connu semblables sensations, semblable abandon ; d'ordinaire, lorsqu'il faisait l'amour, il mettait un point d'honneur à garder la tête froide et à conserver, quoi qu'il advienne, la totale maîtrise de la situation ; mais là, avec Grim, ç'avait été différent. Le brun avait assez rapidement perdu la tête et la conscience exacte des événements ; le Russe avait tout fait pour cela, et il avait semblé apprécier l'état second qu'il avait provoqué chez son cadet. Tout le temps qu'avait duré l'attente, l'excitation, la hâte, la crainte et la honte s'étaient mêlées en James, et le jeune homme avait fini par ne plus savoir où il en était. Tout son corps s'était mis à réclamer Grim, le privant de toute capacité de réflexion et même de toute retenue. Pour convaincre son aîné de lui accorder ce qu'il désirait, James s'était abaissé à des choses terriblement avilissantes, qu'il n'aurait jamais pensé pouvoir faire et qu'il considérait comme l'ultime audace ; aller plus loin encore lui semblait tout simplement impossible.
Au cours de la nuit, cependant, James avait bien dû se rendre compte qu'il n'avait fait qu'un pas, un tout petit pas dans l'appartenance à Grim, et que son amant pourrait lui faire faire des choses bien moins reluisantes... sans vraiment se soucier s'il était consentant ou pas, d'ailleurs, Grim saurait faire de lui exactement ce qu'il voulait.
Le corps de James continuait à brûler, mais le désir n'était plus en cause ; cette fois, c'était le plaisir, l'assouvissement, et quelques douleurs également qui asticotaient le jeune Mangemort. Lentement, à gestes précautionneux, il porta une main à sa nuque, et tâta l'endroit où Grim l'avait mordu, à plusieurs reprises. C'était douloureux, mais James sourit en ravivant légèrement la douleur infligée par son amant lors de ses plus violents assauts.
Le Russe n'avait pas tourné la tête, mais le geste ne lui avait pas échappé ; sa main douce vint jouer dans les cheveux de son cadet et flatter, elle aussi, sur la nuque endolorie, la marque qu'il avait gravée avec ses dents- la marque de sa souveraineté sur le brun. À la manière d'un chat, James s'abandonna aux caresses de Grim, fermant les yeux pour savourer cette tendresse. Grim n'avait pas vraiment été tendre avec lui pendant la nuit, il n'avait pas hésité à user de contrainte, il lui avait parlé avec une dureté humiliante ; parfois, mais seulement par moments, il avait su être doux, pour mieux violenter son cadet ensuite... En bref, il avait traité James sans réelle considération, comme une fille facile... mais le brun se sentait bien, pleinement dominé, possédé, mais épanoui. L'image réprobatrice des hommes de sa famille passa dans son esprit, le traitant de sale tata, mais le jeune Kirkby n'y accorda aucune importance. Il n'était plus temps d'avoir honte, alors qu'il venait de recevoir tant de plaisir. Il offrit un sourire de reconnaissance à son amant, et répondit un “non” presque inaudible à sa question. Il avait tant hurlé au cours des heures précédentes que sa voix n'était plus qu'un murmure... Grim devait être satisfait d'avoir à ce point affirmé sa domination.
Non, il ne voulait pas dormir... il ne voulait rien d'autre que rester là à s'offrir au regard conquérant de son amant... ou peut-être voulait-il retrouver cette sensation si étrange, faite de jouissance et de douleur mêlées... se sentir aimé, possédé, manipulé- et presque contraint...
James repoussa doucement la couverture et se leva, encore nu, sans la moindre gêne. Grim avait désormais tous les droits sur ce corps, et en premier lieu celui de le regarder, de le détailler, sans retenue. Lentement- pour laisser à son amant le temps de se rincer l'oeil- l'Anglais traversa la chambre, et alla récupérer quelques bouteilles d'alcool au salon. De retour dans la chambre, toujours sans hâte, il déposa la vodka et l'armagnac sur la table de chevet, du côté de Grim, posa un baiser furtif sur les lèvres du Russe, avant de reprendre place à son côté, la bouteille de whisky à la main. Son compagnon lui avait fait signe de s'appuyer sur son torse, et le brun ne se fit pas prier. Telle une femme comblée, le jeune Mangemort vint poser sa tête sur la poitrine de son amant, et avala une gorgée de whisky. Un long silence passa, durant lequel James, décidément très femelle, prit délicatement la cigarette de Grim pour en tirer une taffe, avant de la rendre à son mâle en caressant ses lèvres au passage...
Après un bon moment de silence, James déclara enfin, de sa voix cassée :

-C'était bien, Grim...

L'aveu était difficile à faire, et le brun avait choisi la formulation la plus aisée. Il aurait pu dire qu'il avait aimé ça, qu'il avait joui comme jamais, qu'il lui était reconnaissant de cette découverte... mais c'était trop demander.
James avait changé, pourtant, il avait pris de l'assurance, en une seule nuit, sous la poigne de fer de Grim. La preuve ; en rendant ce laconique hommage à son amant, la main droite du garçon, sous les couvertures, avait commencé à caresser le Russe à l'intérieur des cuisses- en attendant mieux.

Distraitement, James laissait vagabonder sa main sur la cuisse de Grim, sans vraiment chercher à l'exciter, pour le simple plaisir d'un geste tendre. Il avait eu du mal à s'abandonner, mais maintenant qu'il avait franchi le pas, il se sentait bien, incroyablement en paix avec lui-même et avec le monde... Il n'avait plus d'autre envie que de rester là, sa tête reposant sur la poitrine de Grim, et sa main se promenant sur sa cuisse. L'alcool aidant, James n'avait mal nulle part, pas même à l'endroit de sa nuque que Grim avait mordu si fort qu'un peu de sang avait coulé... Le brun sourit en se remémorant cet épisode. Le goût du sang avait semblé décupler les forces de Grim, qui avait mordu de plus belle et accentué sa charge... Si les voisins avaient pu dormir, le mérite en revenait aux charmes d'insonorisation dont James avait pourvu son logement, car il avait hurlé de toute la puissance de sa voix... et chaque cri, chaque supplication avait renforcé la détermination et l'ardeur de Grim.
Oui, ç'avait été une bonne et riche nuit... à tous points de vue, et les dernières heures n'avaient pas été les moins intéressantes. James avait découvert de nouvelles jouissances, de nouvelles pratiques, et il avait repoussé ses propres limites... Le Russe semblait satisfait, d'ailleurs ; il lui était arrivé, dans la nuit, de complimenter son amant à chaque progrès, d'une voix sourde que James associait, désormais, à la promesse d'une imminente jouissance.
Non, il ne regrettait rien, si ce n'est ces scrupules qui lui avaient gâché le début de la soirée- mais Grim, lui, avait l'air de trouver très excitant le dilemme intérieur que vivait son cadet. Il ne regrettait aucun des mots qu'il avait prononcés, pas même les plus avilissants, il ne regrettait aucun de ses cris, il ne regrettait même pas la douleur qui, il le savait, s'emparerait de son corps au réveil.
Grim jouait avec ses cheveux, tandis que l'Anglais massait doucement sa cuisse musclée... une cuisse puissante, sportive, charpentée, très différente des siennes. James avait encore une carrure frêle d'adolescent, mais il était probable qu'il ne serait jamais vraiment bâti comme un homme ; il resterait menu et fin, loin de la silhouette virile de Grim.
Le Russe lui donna un baiser, un très long baiser, et cette fois James s'enhardit à le lui rendre ; il avait promis, dans un état second, de s'appliquer, de progresser, de faire honneur à l'amant hors pair qu'il avait eu la chance de dénicher, et il tenait parole. Grim prenait congé, en affirmant, encore une fois, sa domination. C'est lui qui menait la danse, lui qui interrompit le baiser, lui qui se leva. James ne bougea pas et le regarda s'habiller, sans retenue, sans vergogne ; il aimait détailler le corps de celui qui l'avait possédé, apprivoisé, conquis. Grim capta son regard, et eut une expression que l'Anglais prit pour un encouragement silencieux...
Wolkoff se rapprocha du lit, pour prendre congé et donner une fiole à son amant. James remercia d'un sourire et d'un baiser sur la main qui tenait la bouteille, et murmura :

-Tu es ici chez toi, Grim. Reviens quand tu veux, tout le plaisir sera pour moi. En attendant, compte sur moi pour me reposer... Tu m'as épuisé.

Toujours souriant aux anges, il suivit du regard son amant qui partait, et, de sa voix rauque, le rappela quand il fut sur le pas de la porte, pour préciser :

-J'oubliais, Grim.... Tu peux transplaner du palier, pas de l'appartement. A bientôt, j'espère, acheva-t-il en réponse à un geste d'adieu de son amant.

James avait vingt ans, l'âge où on est indestructible, où une nuit blanche agitée n'use guère... mais où on s'endort comme un bébé à la moindre occasion. La fatigue n'avait pas pesé sur les épaules du brun, mais il s'endormit quelques instants après avoir entendu Grim verrouiller magiquement sa porte. Il enchaîna dix heures d'un sommeil voluptueux, ponctué de rêves licencieux. Lorsqu'il se réveilla, tout son corps lui reprochait ses turpitudes de la nuit, et l'antidouleur laissé par Grim révéla bientôt toute son efficacité. Ce fut l'occasion d'une nouvelle pensée émue et reconnaissante pour son nouvel amant.