C'est si étonnant de boire de l'eau ici? [PV Mathias]

Le mois d’août. Mi-août exactement. Le soleil, les vacances, la foule au chemin de traverse. Friday était de ces gens-là, qui forcément, voulaient profiter du dernier mois avant la rentrée, du moins les étudiants. Il est vrai qu’en tant que fonctionnaire, la jeune femme n’avait pas à se plaindre de son emploi du temps, évidemment. Elle ne travaillait pas durant les vacances scolaires, et juste quelques heures par semaine. Et le pire, c’est que ça rapporte pas mal. C’est ça, être prof. C’est être assez pépère finalement. C’est donc en ce beau week-end que Ylee’n s’était décidée à sortir de chez elle. Elle ne voulait pas l’avouer, mais la mort d’Albus Dumbledore l’avait bien trop choquée. C’était lui qui lui avait permis d’obtenir le poste de professeur de vol, et le voilà aujourd’hui décédé. Ca faisait mal quelque part.

La brunette, en ces grandes allées, faisait tache. Ou du moins, parmi les sorciers adultes. Parce que, les adolescents, c’est autre chose. Toujours est-il, qu’elle n’avait ni robe, ni cape. Oui, on a la classe, ou on ne l’a pas. Des rangers, un pantalon serré rentré dans ces fameuses rangers, un sweat à capuche, et une casquette. Toute vêtue du noir. On parle d’une femme là ? Non, évidemment que non. C’est donc ainsi que Friday voulait faire des petites emplettes. Des nouveaux habits, friandises, accessoires de quidditch. Mais elle ne trouva rien à son goût. Bien trop hantée par l’ancien chemin de traverse qui semblait gai et joyeux. C’était fini tout ça. A présent ce serait sûrement le mal qui allait prendre le pouvoir, et tous les sorciers étaient voués à accepter cela en silence. Oui, même Friday Ylee’n. En tant qu’ancienne Gryffondor, on aurait pu croire à un sursaut rebelle. Même pas, la jeune femme était lasse. Elle n’avait pas le courage de se battre. D’ailleurs, elle ne savait même pas contre qui. C’était les vacances qui affaiblissaient son cerveau, à tous les coups.
Elle passait ses journées à ne rien faire, lire des bouquins, fumer des cigarettes et dormir. Pas une fois elle n’avait touché son éclair de feu en deux semaines. Non, pas de dépression en vue. Elle avait juste besoin d’activité, c’est tout.

D’ailleurs, elle devait faire une crémaillère. Ca c’était une bonne idée. Dans son tout nouvel appartement tout joli. Tout rangé en plus. Oui, quand on a rien à faire on se surprend toujours à nettoyer quelque chose. Sauf qu’elle ne connaissait pas grande monde dans le voisinage, si ce n’est personne. Mais, ça restait tout de même une bonne idée.

Friday ne savait pas quoi faire. La rentrée, certes ça approchait, mais tout de même. Faire un tour à Poudlard, non mais. Puis quoi encore. Ca, elle le ferait plus tard. Non, pour le moment, il fallait qu’elle se décide réellement à prendre du bon temps.
C’est ainsi qu’elle entra dans la petite auberge qui faisait office de frontière entre les deux mondes : le Chaudron Baveur. Petite personnification, parce que oui, un chaudron, ben ça bave pas.
Elle poussa la lourde porte de bois, et entra dans le pub. Samedi midi. Rime forcément avec auberge remplie. Les boules. Ylee’n soupira doucement, manquait plus que ça. Voir du monde. Une troupe de mangemort qui débarque et hop, tout le monde y passe. Bizarrement, il y avait du monde, mais c’était bien trop silencieux. Reflet des temps qui courraient au dehors, certainement. Elle se mit donc à marcher en direction d’une petite table vide, et sale. Fallait s’en douter ça par contre. Ses rangers faisaient presque grincer le sol. Etonnant la jeunesse de cette bâtisse. Elle tira la chaise, et s’assit. Un petit homme vint la voir, un petit sourire narquois sur les lèvres. Que désirait-elle ?

« De l’eau. »
« De l’eau ? »

La jeune professeur(e) de vol fronça les sourcils, le serveur devait être sourd, ou vraiment surpris.

« Vous n’avez pas un verre d’eau à m’offrir monsieur ? »
« Bien sûr que si… oui… je vous ramène ça de suite. »

Les clients d’ici devaient avoir l’habitude de prendre une bière ou du whisky. Pas Friday, bizarrement. Elle avait peut-être une tête à fumer, se droguer et boire, mais ce n’était pas le cas. Bien heureusement.
Quelques instants plus tard, son verre d’eau fraîche était devant elle, elle hocha la tête en guise de remerciements. Elle ferma les yeux. Si elle avait accepté ce fameux poste de batteuse, elle ne serait pas là à se faire chier comme une larve. Mais non, elle avait préféré enseigner. Ce n’était pas plus mal, mais durant les vacances, c’était bien chiant quand même. Elle leva son verre jusqu’à ses lèvres et but quelques gorgées. A la rentrée.

"J'ai faim, connard !"

"Putain, change de disque !"

Une tongue jaune et verte traversa le petit salon pour aller s'écraser sur la tête d'Haddock. Le chartier ne se démonta pas pour autant.

"Le disque est rayé, enc*lé !"

Là, ça devenait trop. Mais pourquoi Mathias avait-il accepté de reprendre cette sale bestiole ? D'abord, c'était Livious qui avait hérité de ce caprice de Sia. Mais la mésentente avec Archimède le fléreur avait amené le frangin à trouver un autre pigeon : Deryn Cadell. Mais après six mois de solitude, le nouveau Langue-de-Plomb avait dû se rendre à l'évidence : impossible que ça dure... Haddock était revenu au bercail.

"Ok ! Tu vas avoir à bouffer !"

Se levant d'un bond du canapé sur lequel il était avachi, le jeune homme alla vers le coin cuisine, sans manquer au passage d'envoyer un coup de pied dans le flanc de la créature. Avec le pied auquel il restait une tongue, bien entendu. D'ailleurs, il récupéra celle qui lui avait servi de projectile.

"Noooooon ! Y a plus de bouffe ! Aaaaargh !"

Le chartier mangeait comme quatre, les stocks de nourriture diminuaient donc à grande vitesse. Et là... c'était la rupture. Plus rien. Désemparé, Mathias fit une pause. Respirer. Voilà, inspirer, expirer.

"Alors ? Tu te bouges le cul ?"

Ah... qu'est-ce que cette voix ne lui avait pas manqué... Mais si Mathias continuait à refuser de nourrir Haddock, l'autre continuerait aussi. Et ça, non, il ne supporterait pas. C'est donc de mauvaise grâce qu'il se traîna dans sa chambre, passant un pantalon vert sur son caleçon à fleurs, ajoutant une chemise à rayures vertes et rouges. Il garda ses tongues, parce qu'il faisait chaud. Et n'oublia pas ses clés, pour enfermer le chartier dans l'appartement. N'aurait plus manqué que la bébête se casse...

"C'est parti..."

Après avoir soigneusement verrouillé, Mathias transplana. Directement sur le Chemin de Traverse. Il fit quelques pas, avant de stopper net. Mais non ! Il avait déjà prévu ! Après avoir tiré de la poche arrière de son pantalon un jeu de cartes, qu'il se mit machinalement à manipuler, il marcha jusqu'à la ménagerie magique.

"B'jour, j'voudrais un sac de Char'quettes, siouplaît."

Etant plutôt de mauvaise humeur, il n'était pas capable de bien plus. Il fut servi quand même et, après avoir payé, sortit de la boutique. D'un coup de baguette magique, il envoya le paquet directement chez lui. Maintenant que c'était fait, pourquoi ne pas profiter un peu de sa tranquillité, sans Haddock ?

Le Chaudron Baveur pourrait aller. Lentement, sans cesser de faire passer les cartes entre ses doigts, Mathias avança jusqu'au mur de briques. Après l'avoir ouvert, il passa dans la petite cour, puis dans le pub lui-même. Bondé. Mais aussi silencieux. Ah, cette ambiance qui régnait sur le monde magique...

"Une Bièraubeurre." commanda-t-il, en s'approchant tant bien que mal du bar.

Sa bouteille à la main, il chercha ensuite où s'asseoir. Toutes les tables étaient prises... C'était malin, ça. Cherchant éventuellement une place quelque part, il aperçut une femme seule. Avec une chaise vide juste en face... Après tout, pourquoi pas ?

"Hum, bonjour. Il semble qu'il n'y ait pas de place ailleurs, cela vous ennuierait-il si par hasard je m'asseyais ici ?"

Sans ses lunettes, il aurait pu utiliser son regard. Il se contenta donc de sourire. Sa bière à la main, ses cartes tournant et retournant dans l'autre, il attendait à présent que la femme daigne lui répondre...

Friday venait tout juste de poser son verre. Et un homme se tenait déjà devant sa table. Le jeune femme leva doucement les yeux, et sourit. Durant un instant, elle avait failli dire « vous avez un truc sur l’œil là. », mais elle se retint. Elle fixa le nouvel arrivant. Il avait l’air d’un clown avec sa chemise verte et rouge, non, d’un lutin. Bref. A tous les coups, c’était un comique. Enfin, tous ces instants de réflexion pour savoir si oui ou non il pouvait s’asseoir près d’elle. Ce n’était pas une femme méchante. Elle croisa les bras sur la table et répondit :

« Bonjour. Ce n’est pas ‘il semble qu’il n’y ait plus de place ailleurs’. Il n’y a plus de places ailleurs, c’est un fait. Ce n’est pas du hasard puisque vous avez choisi de venir ici. Mais essayez vous, je vous en prie. »

Tout ça accompagné d’un charmant sourire. Si elle avait peut-être parue impolie, ce n’était qu’une idée.
Une seconde plus tard, elle se demanda tout à coup si lorsqu’on acceptait que quelqu’un s’assoit près de vous, ça voulait dire obligatoirement qu’on devait parler avec. Sauf que la jeune professeur(e) ne savait pas quoi dire à un parfait inconnu. Mais finalement, si on ne rencontre personne, après, on ne connaît personne. Il fallait toujours partir du point zéro. Alors c’était parti.
Ylee’n but une nouvelle fois quelques gorgées d’eau. Si elle était timide ? En aucun cas. Enfin si, peut-être un peu. Mais là question n’était pas là.

« Bon. Nous allons, je suppose, commencer par les présentations. Friday Ylee’n. Je suis enseignante. Enfin, depuis peu mais tout de même. Professeur de vol. Et vous ? »

Une chose était sûre, c’est qu’il n’était pas enseignant. Avec son tatouage sur l’œil. Quoi que, pour elle on avait bien accepté son piercing, pourquoi pas. Ca devait faire bizarre tout de même. Deux traits sur l’œil. Enfin, les goûts d’autrui ne la regardaient pas. Du moins pas tant que ça. Mais finalement, le jeune homme était quelqu’un qui ne passait pas inaperçu. Avec cette fameuse chemise et son excellent tatouage. La vie ne devait pas être facile tous les jours.
Friday se reprit alors à fixer les deux traits verticaux. Ca ne se faisait pas. Mais elle se demandait qu’elles étaient les raisons qui pouvaient pousser à faire ça. Etrange tout de même. Finalement, elle ne se retint pas :

« Le tatouage. C’est fait exprès ou une erreur de jeunesse ? Si ce n’est pas trop indiscret, bien entendu. »

Oui. Voilà. On ne pouvait avoir des réponses seulement en posant des questions. Mine de rien, ce n’était pas si difficile de faire la discussion à quelqu’un. Même si cela faisait un mois et demi qu’on n’avait pas parlé.
Finalement, la brunette reporta son attention sur son verre d’eau. Avant de jeter un coup d’œil aux alentours. C’était bien trop silencieux. Pas un bruit. La peur qui régnait dans le pub était presque étouffante. L’ancienne Gryffondor se dit alors que si ces gens-là avaient peur, ils ne pouvaient s’en vouloir qu’à eux. D’avoir accepté de se faire marcher sur les pieds comme ça. Les mangemorts auraient le contrôle tôt ou tard de toute manière. Il n’y avait qu’à regardé qui était le nouveau Ministre de la Magie. Ca craignait, à mort. L’enseignante soupira doucement. Elle savait qu’à Poudlard elle ne serait pas plus en sécurité qu’ailleurs. Elle ignorait qui était le nouveau directeur, mais ça n’y changerait rien. Le monde commençait doucement à sombrer, autant chez les sorciers que chez les moldus. C’était partout pareil.

Elle regarda alors son interlocuteur avec un bien pâle sourire. La vie n’était plus comme avant. Avec ou sans balai.

Ah, une fille avec de l'humour. La réponse le démontra immédiatement, puisqu'elle joua sur les mots. Un peu rapide, peut-être, mais certains avaient du mal à appliquer l'adage 'chassez le naturel, il revient au galop'. En effet, le naturel ne pouvait même pas être chassé... Mais finalement, Mathias obtint ce qu'il était venu chercher : la possibilité de s'asseoir. Et il ne se fit pas prier, déposant sa bouteille, afin de libérer une main pour tirer la chaise.

"Merci."

Une fois installé, il but une gorgée de Bière, alors qu'elle faisait de même avec... son eau ? De l'eau dans un pub ? Quelle drôle d'idée... Et commença quelque chose qu'il avait senti venir rien qu'à la façon dont elle lui avait parlé : c'était une bavarde, et donc, il fallait bien qu'elle lance les présentations. Friday Ylee'n, professeur de Vol... Et bien, avec sa dégaine, on aurait plus facilement pu la cataloguer en 'étudiante rebelle' que 'enseignante'. Mais comme on dit, "l'habit ne fait pas le mage". Après une hésitation, Mat' répondit :

"Hum... Mathias Sullivan. Je suis Langue-de-Plomb, au Ministère. Depuis peu également..."

Puisqu'il sortait à peine de l'UMA... Après avoir pris un peu de Bièraubeurre, le jeune homme se mit à observer l'endroit. C'était plein, mais il régnait une ambiance d'église... Sentant le regard de Friday sur lui, Mathias resta un moment à fixer un point vague derrière le comptoir. Et la question vint, à propos du tatouage. La réponse était toute prête, puisque la question avait déjà été posée un grand nombre de fois...

"Exprès." commença-t-il, en tournant la tête vers elle. "Nous sommes trois frères à avoir un tatouage sur l'oeil."

En revanche, il ne donnait presque jamais la raison. Puisqu'il parlait famille, Mathias enchaîna :

"D'ailleurs, vous connaissez peut-être Livious, qui est étudiant à l'UMA, ou Nils, qui entre en Sixième Année à Poudlard... Vous êtes professeur dans quel établissement ?"

Ne se tenant pas au courant du mercato des professeurs, il ne savait pas qui enseignait quoi et où. Par contre, il savait que certains, comme le vieux Bachelard, avaient un poste à Poudlard et à l'UMA.

"Avec leurs tatouages, ils ne passent pas inaperçus..."

Quoiqu'ils n'auraient pas eu ce tatouage, ils n'auraient eu aucun mal à se faire remarquer... Mathias but une longue gorgée de sa bouteille puis posa le jeu de cartes sur la table. Depuis le début, il n'avait cessé de les faire tourner dans sa main. Main qui commençait à fatiguer. Après un peu de repos, il reprendrait ses manipulations...

Oh ! Un(e) langue de plomb ! C’était drôle ça comme nom tout de même. Elle fit un grand sourire avec ses dents bien blanches. Non, il ne fallait pas qu’elle laisse aller sa curiosité. Quoi que, c’était le moment ou jamais. Puis bon, elle, elle n’avait pas sa langue dans sa poche, c’est ce qui faisait son caractère n’est-ce pas ?
Bon, autre information notable. Il s’appelait Mathias, bon, elle avait déjà oublié le nom de famille mais ce n’était pas si important que ça. Elle le laissa répondre à toutes ses questions, et but une autre gorgée de son magnifique vers d’eau.

« Vous êtes langue de plomb ! C’est géant ! C’est quoi ? Enfin j’veux dire. Je sais où vous travaillez itout itout. Mais ça consiste en quoi ? Dites moi pas que c’est un secret inh. »

Ah non non non. Elle ne s’incrustait pas dans la vie des gens, pas du tout.
Bon, parlons frères et sœurs. Famille quoi. Enfin, dans le cas présent c’était plutôt des frères mais soit. Parlons tout de même. Si elle connaissait un truc et un machin avec un tatouage sur l’œil ? Non du tout. Et sur ça elle ne pouvait mentir, ça ne se faisait pas d’ailleurs.
Elle haussa les sourcils. Elle ne voyait pas comment elle aurait pu les connaître.

« Aaah mais nen ! J’commence le boulot d’enseignante à la rentrée ! A Poudlard et à l’UMA. Oui oui, j’suis une professionnelle du balai. J’ai joué dans beaucoup d’équie d’Europe. Au début de ma carrière je nettoyais même les balais dans un petit magasin en Ecosse. Bon, c’était pépère quoi, un peu ennuyeux oui… J’ai été batteuse dans Les Gargouilles de Gorodok en Lituanie. Mon meilleur poste ! Des vrais tueurs qu’on était ! Véridicte ! On démontait tout ! Bon après j’suis partie, parce que fallait que j’creuse mon trou dans le Quidditch inh. J’ai fait des photos aussi dans quelques magasines anglais. Avec mon look punk je fais beaucoup parler inh. J’me suis installée un peu en Ethiopie. Les gens sont drôlement sympa là-bas. Dans l’équipe les Tueurs de Géants de Gimbi. C’était pas mal. Quatre mois en Afrique ! Mais bon, la nourriture bof. Puis y’a eu des problèmes avec le ministère aveec Tu sais qui là, les rumeurs toussa toussa. Donc je suis revenue en Angleterre. On m’a proposé un poste de titulaire et remplaçant capitaine mais j’ai préféré enseigner à des mioches, c’est plus drôle. Bien sûr, j’espère rentrer au ministère l’année prochaine en gardant mon rôle de prof. Tu sais, dans le département des sports là. J’aurais la côte. Puis passer en couverture du magasine magique gallois : « Les Femmes du Quidditch ». Ca serait vraiment top. Mais bon, être une star c'est pas facile. Enfin, j’ai une belle vie. »

Elle regarda alors les cartes de son interlocuteur. Ca c’est drôle. Il était venu ici pour être seul avec des cartes. Etonnant. Quoi que, y’existe des accros inh. C’est rare mais pas impossible. Elle sourit. Elle était bien parti pour raconter sa vie. Elle aurait bien voulu parler de sa famile de sang-pur, tous des joueurs de Quidditch, enfin presque. Depuis le tout début. Mais y’a des exceptions dans la famille. Soit. Elle baissa la tête. Attendant une réaction de Mathias.

« Au fait, tu peux me tutoyer et m’appeler Friday inh, y’a pas de souci »

La jeune femme respira un bon coup. Ouais, elle avait une belle vie. Quoi que, elle voudrait bien être ambassadrice de Quidditch en étant professeur et joueuse professionnelle. Ca serait le mieux du mieux du luxe. Mais c’est pas facile, à vingt-six ans, on peut pas tout avoir dans la vie. Mais, y’a de l’espoir. Elle finit son verre d’eau et fit signe au serveur d’en apporter un autre. Ce qui est bien avec l’eau, c’est que c’est pas encore trop cher. Bon, sûr dans cent ans ce sera autre chose avec tous les problèmes de la planète mais bon. C’était pas le moment.

Et voilà. Dire qu'on est Langue-de-Plomb est le meilleur moyen pour que les gens s'intéressent à ce que vous faites, alors que le principe même de cette profession, bien spécifié par le nom, est de ne pas être divulgué. Ainsi, Mathias avait déjà préparé sa réponse, qui en disait un petit peu mais cachait l'essentiel :

"Navré, mais un Langue-de-Plomb ne doit pas parler de son travail. Les recherches effectuées sont secrètes, et il nous est interdit de révéler quoi que ce soit."

Voilà, "recherches" et "secrètes" montraient à la fois que le Ministère avait un département consacré aux recherchent et que rien ne pouvait être dit à ce propos. D'ailleurs, n'était-ce pas le Département des Mystères ? Ensuite, le moulin à paroles fut lancé, et Friday monologua pendant quelques instants sur sa vie. Mathias se demanda sarcastiquement qui pouvait bien avoir mis une pièce dans la machine alors l'histoire du Quidditch de Mademoiselle Y'leen s'étalait devant lui. A moitié seulement attentif au discours, alors que sa main triturait toujours les cartes, il mit un peu de temps à se rendre compte qu'elle avait fini.

Sortant de sa rêverie, il allait parler lorsqu'elle ajouta, en le tutoyant, qu'il pouvait faire de même, tout en l'appelant pas son prénom. Ah, c'était rapide. On en rencontrait, des drôles de gens, à cette époque ! Et alors qu'elle demandait un autre verre d'eau, Mathias but une gorgée de Bièraubeurre. Enfin, il prit la parole :

"Et bien, il t'en est arrivé, des choses. C'est un parcours plutôt atypique pour une femme de ton âge."

Il lui donnait une vingtaine d'années... pas plus, à cause du look.

"Donc, tu commences à la rentrée ? Etre professeur doit être difficile, il faut une certaine rigueur, pouvoir se faire respecter... Je crois que je n'aurais pas pu faire ça."

Et d'ailleurs, il n'avait pas fait ça.

"J'imagine qu'enseigner le Quidditch laisse plus de libertés que la Métamorphose ou les Potions. Mais je te souhaite bien du courage. Plus avec les plus jeunes, peut-être..."

Vingt mioches à peine sortis de l'enfance, la plupart n'ayant jamais touché un balai de leur vie, rien que d'y penser ôtait toute envie de devenir enseignant... Le verre d'eau de Friday arriva, le serveur jetant un drôle d'oeil à Mathias, qui le fusilla du regard par-dessus ses lunettes.

"L'atypie est mal vue de nos jours..." lâcha-t-il, dans le dos de l'homme qui retournait au comptoir.

Rangeant ses cartes, il appuya ses coudes sur la table.

"Je te parlais de mes frères, je te conseille juste de ne pas les sous-estimer."

Reprenant une position confortable, il n'ajouta rien. Sa remarque resterait une énigme, car il ne dirait rien de plus, sur ce qui ne devait pas être sous-estimé...

« AH ! Donc tu es un chercheur puisque tu fais des recherches ! T’as vu, tu viens dévoiler ton activité au Ministère. Merci. »

Un parcours atypique. Friday haussa un sourcil. Elle qui avait galéré pour se faire une place dans le monde de Quidditch. Non, ce n’était pas si atypique que ça. C’était dur. Mais bon, en même temps la jeune enseignante sortait de la normalité. C’était donc logique qu’on la considère comme atypique. Elle sourit, attendant son verre d’eau. C’était assez étrange, elle parlait beaucoup en temps normal oui. Mais pas à des gens qu’elle connaissait depuis une petite dizaine de minutes. Mais bon, dans la vie faut se lancer inh. Sinon on reste coincé, et ça, c’est pas bien.
Puis en fait, malgré son look, et son visage enfantin Ylee’n n’était plus toute jeune inh. Faut pas faire attention à l’apparence, c’est trompeur paraît-il.

« Hé ! J’ai trente ans dans quatre ans. Etonnant non ? J’me sens vieille »

Etre professeur, c’est difficile. En fait, la punk n’en savait trop rien. Elle voulait apprendre à des gens, rien de plus. Mais c’est vrai que ça demandait des certaines méthodes, technique de pédagogies. Et ça, Friday n’y connaissait rien, mais elle était sûre que ça viendrait, avec le temps. Elle ne pouvait pas tout savoir du premier coup. Puis bon, être un bon professeur tout de suite, souvent ça n’existe pas. Il faut de l’expérience. Ylee’n elle, était juste une très bonne joueuse de Quidditch. C’était tout ce qu’elle aimait, et ce qu’elle voulait faire de sa vie. La pédagogie, elle s’en soucierait bien plus tard. Il faudrait que les gosses se bougent le cul, c’est tout.

« J’vais essayer de leur forger un caractère à ses gosses. A la fin de l’année, ils voleront comme des petits zoziaux. »

Oui, en un an, tout était possible. Y’avait pas de raison pour que Friday échoue. Quoi que, avec le personnel qui allait s’installer, on n’est plus sûr de rien inh. Tout n’était plus vraiment pareil depuis la mort de Dumby.
Les frères de Mathias étaient donc atypiques, sortaient de la normale. C’était étonnant. Enfin, pas réellement. Les jeunes voulaient tous se démarquer les uns des autres. Alors un tatouage sur l’œil ou pas. Bouaf. Friday soupira et sourit doucement, tout en prenant son verre d’eau dans ses doigts fins. Elle but une gorgée.

« Ce n’est pas dans ma nature de sous-estimer les gens. On verra ce que tes frères valent. Je me ferais mon propre opinion. »

C’était la pure vérité. Il fallait voir si quelqu’un valait le détour. Ou non. Et ça, ce serait Ylee’n qui verrait. Maintenant, chacun fait ce qui veut inh.

« Vous êtes proches tes frères et toi non ? »

Question de famille, c’est tout.

Un chercheur qui fait des recherches. Exactement. Perspicace et logique. Mathias aurait pu lever les yeux au ciel, mais il ne le fit pas. Parce qu'il n'en avait pas envie. En fait, il n'avait pas dévoilé son activité, contrairement à ce que pensait Friday. Pourquoi ? Parce que la grande majorité des sorciers se doutait que le Département des Mystères était un département de recherches. Seulement, personne ne pouvait dire sur quoi étaient portées ces recherches. D'où le nom du Département. Mais passons. La jeune prof poursuivit, donnant de sa façon détournée son âge. Vingt-six ans.

Se sentir vieux à seulement vingt-six ans, ça promet pour les années à venir. Mais le Langue-de-Plomb maintiendrait qu'elle avait un parcours fourni et atypique pour son âge. Mais il n'en fit pas la remarque à voix haute. A la place, il prit une gorgée de Bièraubeurre. Le moulin à paroles, en face, continuait de tourner. A présent, on parlait de l'enseignement du Vol sur balai.

"Je suis certain que tu parviendras à leur inculquer des bases solides pour qu'ils soient à l'aise dans les airs."

Quelque part, voler était contre-nature pour l'être humain. Mathias n'avait jamais apprécié cette discipline. Les balais ne l'avaient jamais vraiment apprécié, et il le leur avait rendu. Sa place était sur la terre ferme. Un point c'est tout. Mais il en fallait, des gens pour voler, sinon l'industrie du balai s'effondrerait... Dommage.

Nouveau virage, direction la fratrie. Friday se ferait sa propre opinion sur les deux autres Sullivan. A priori, elle se la forgerait rapidement. A moins qu'ils ne décident de ne pas se présenter à son cours. Mais là aussi, elle pourrait juger les deux zigotos, rien que par leur absence. Mathias se contenta d'hausser les épaules.

Puis vint une question plus personnelle, concernant ses frères et lui-même. Etaient-ils proches ? Si on prenait en compte le fait qu'en tant qu'aîné, il s'était substitué à leur père absent, oui, ils étaient proches. Après, ils ne se voyaient que durant les vacances, puisque l'un était à Poudlard, l'autre à l'UMA.

"Plutôt, oui. On a quelques années d'écart, mais comme notre père à une carrière plutôt... accaparante, les responsabilités m'ont échu. Je ne me plains pas, mais j'aurais préféré qu'il y ait plus d'équilibre."

Il se tut. Pourquoi racontait-il sa vie comme ça ? Ca n'était pas son genre et, surtout, il la connaissait à peine. Du coup, il enchaîna, renvoyant la question :

"Et toi, tu as des frères ou des soeurs ? Tu viens de quel coin ?"

Ca n'était pas juste par politesse, ni même pour se débarrasser du bébé, il était quand même curieux. Sinon, il aurait tout simplement mis fin à la conversation.

[hj : désolé pour le grooos retard ^^"]