Retrouvailles... [Terminé]

Nervia se réveilla, lentement, au fur et à mesure que le soleil emplissait le dortoir. Un petit plaisir que les Serpentard et Poufsouffle ne connaissaient pas, mais qui faisait le bonheur de Nervia, tous les samedi et dimanche matins qu'elle passait dans l'antique château de Poudlard. Oh les autres jours aussi, jusqu'à l'hiver, mais les autres jours il y avait en plus l'affreuse sonnerie du réveil de ses camarades, et l'obligation de se lever immédiatement. Alors que les week-end... Le soleil baignait son lit, allait presque atteindre son petit visage mais elle tira le rideau de son baldaquin avant d'être totalement éblouie. Elle pouvait à présent se rendormir, réchauffée par les rayons naissants. Elle n'avait aucune obligation, si ce n'étaient quelques devoirs à rendre pour la deuxième semaine de cours. Rien de très important, rien de très urgent, elle pouvait largement faire la grasse matinée tout ce samedi matin.

Deux heures plus tard, peu avant dix heures du matin, la petite blonde fut à nouveau réveillée, mais cette fois-ci par son ventre. Comme d'habitude, il criait famine en cette heure trop tardive pour lui. Poussant un petit soupir de résignation, elle se leva. Juste le temps d'ôter son pyjama, d'enfiler son uniforme aux couleurs de Serdaigle et de lacer ses chaussures, et Nervia était prête à prendre son petit déjeuner. Elle jeta juste un petit coup d'oeil au lit de Clarisse, qui était vide, et descendit quatre à quatre les marches de son dortoir, puis toutes celles qui menaient à la grande salle. Elle ye retrouva sa meilleure amie et déjeuna en sa compagnie.
Mais en ce samedi matin, d'apparence si parfait, quelque chose tracassait la jeune fille. Oh, presque rien, une petite idée qui avait germé dans son esprit le jour de la répartition des première année, lors de la première grande soirée à l'école, et qui avait crû tout au long de la semaine. Tous les jours, à toutes les heures, à tous les cours, les repas, les moments de détente et de révisions même, elle avait croisé Mathias. Et tous les jours, en début de matinée, ils s'étaient poliment adressé un bonjour, pour ne se reparler qu'en fin de soirée, se souhaitant bonne nuit. C'était tout. Pour d'anciens meilleurs amis, c'était léger, non? C'est ce que Nervia pensait. Et une semaine plus tard, forte de cette constatation, notre petite blonde avait décidé d'agir. Un an et demi après le terrible incident sur lequel nous ne reviendrons pas, elle avait décidé qu'il était temps de se reparler, vraiment. Il y avait eu cette tentative, en début d'année dernière, mais tout était encore trop proche. Il leur fallait plus de temps, ils l'avaient eu, et elle pensait qu'ils pouvaient à présent essayer de reconstruire quelque chose.

Nervia finit d'un trait son chocolat chaud, prit son reste de muffin et, s'excusant auprès de son amie, sortit de la grande salle. Elle remonta les marches quatre à quatre, entra dans son dortoir, s'assit sur son lit, une plume à la main et commença à rédiger un petit texte.

Citation :: Cher Mathias,
J'aimerai beaucoup que

*Non, ça ne va pas du tout.*

Citation :: Mathias,
Voilà environ un an et demi qu'on ne se parle quasiment plus, alors que nous étions très proches auparavant. Depuis tout ce temps, ton amitié me manque énormément. Serait-il possible qu'on en parle, qu'on se reparle, tout simplement, ce soir, samedi, dans la salle commune, ou dans un autre endroit plus à ta convenance?
Réponds moi, s'il te plait.
Nervia

Tout ceci était un peu guindé mais ça plaisait à Nervia. Elle plia donc le morceau de parchemin, le glissa dans sa poche, rangea sa plume et sortit. Que faire maintenant? Lui donner le mot en maisn propres? Mais où le trouverait elle? Il n'était pas dans la salle commune, elle ne l'avait pas vu dans la grande salle et ne souhaitait pas aller voir dans son dortoir, au cas où un de ses camarades soit présent. Il était de notoriété publique que les deux jeunes Serdaigles avaient eu des problèmes et qu'ils ne se parlaient presque plus. Donner ce petit mot en public serait donc extrèmement louche. Non... la meilleure solution était de lui envoyer par hibou. Elle fonça donc vers la volière.
Cet endroit était toujours aussi sale... La petite fille n'aimait pas tellement les animaux, sauf dans le cadre des soins aux créatures magiques, et tous ces hiboux en liberté lui fichaient la trouille. Elle avait quand même réussi à s'y habituer, au fil des ans. Ne repérant pas la chouette qu'elle utilisait habituellement, elle s'approcha au hasard d'un hibou aux plumes rousses, qui lui paraissait sympathique. Elle tendit son bras vers lui, doucement, pour le faire venir, sa main révélant quelques dragées de miamhibou. Celui-ci s'envola immédiatement et se posa sur son poignet, commençant à picorer les bonbons. La petite blonde farfouillait dans sa poche pour en sortir son feuillet lorsque, dans son dos, elle entendit la porte s'ouvrir.

[HJ]J'espère que ça te va ^^

HJ: Parfaitement^^

Après une semaine de cours harassante, le week-end, si attendu par l'ensemble de la communauté Poudlardienne était enfin arrivé. Bilan: cette année, le cours de Défense contre les Forces du Mal se révèlerait bien pénible, de même que l'arithmancie à la difficulté croissante. Les Sortilèges demeuraient son principal point fort, l'Etude des Runes devenait de plus en plus passionnante, et il se découvrait quelques talents en Divination. En bref: l'année promettait d'être intéressante.

Ayant dans l'idée de raconter tout cela à sa petite maman, Mathias s'était muni de papier et d'encre, ainsi que d'une plume que lui avait offert William pour ses treize ans. Il se dirigeait vers la volière, de bon matin, sans pensée ni humeur particulière, bien que l'idée de pouvoir écrire à sa mère demeurait une joie, lorsqu'on savait que l'année passée, elle était gravement malade. Dans sa tête, il repassait les mots qu'il pouvait employer, il affinait sa rédaction.

Il ouvrit la porte.

Nervia était là, devant la fenêtre, un hibou sur le bras. Alors qu'il la voyait en cours tous les jours depuis la rentrée, alors qu'ils trouvaient toujours le moyen de se dire un simple "bonjour", Mathias prenait pour la première fois conscience des années passées. Ils s'étaient connus à onze ans. Ils en avaient aujourd'hui quatorze, et les deux enfants étaient devenus deux adolescents. La jeune fille était très belle, songea Mathias, mais elle irradiait aussi de cette fragilité qui la rendait si douce. Curieusement, rien ne se passa pendant plusieurs longues secondes. Les deux Serdaigle se regardaient, simplement. Et Mathias savait. Il savait qu'elle savait. Et il savait aussi qu'elle savait qu'il savait. Trop d'années étaient passées. Ils avaient forgé un premier lien lors de leur première année. Un lien solide...qui pourtant était venu à se briser pour laisser place à un autre, plus irréel, et dont l'existence était devenue flagrante un soir de Noël, lors du bal. Aujourd'hui, après plusieurs, trop de mois passés dans le silence et l'oubli, Mathias et Nervia se retrouvaient seuls. Et le Serdaigle était persuadé, en son âme et conscience, que le moment était venu. Il était prêt.

Il fit quelques pas dans la pièce éclairée par le soleil du matin, se rapprochant de la plus si petite blonde. Ils avaient été amis. Ils avaient été meilleurs amis. Le temps d'un baiser volé, ils avaient même été plus que ça. Aujourd'hui, où en étaient-ils?

Salut.

Comment entrée en matière, il y avait mieux. Mais ils ne pouvaient plus rester sous silence plus longtemps.

Je...te dérange?

Lentement, doucement, afin de ne pas effrayer le hibou qui était venu se percher sur son bras, la petite fille se retourna, afin de faire face au nouvel entrant. Il ne devait rien y avoir à craindre, personne n'était réellement méchant à Poudlard et au pire elle passerait un mauvais moment en compagnie d'une petite brute de Serpentard. Rien de très grave en soi. Mais lorsqu'elle eut achevé son demi-tour, Nervia se retrouva face à Mathias. Oui, le Mathias à qui elle s'apprétait à envoyer une lettre pour qu'ils puissent enfin se retrouver seuls tous les deux. Le Mathias dont elle voulait redevenir l'amie.
Les deux aigles, se regardaient, s'observaient et rien ne se passait. Le temps semblait s'être arrêté dans la Volière. Nervia prenait le temps d'admirer les moindres détails de son ancien ami. Il était toujours aussi beau, plus encore, même, puisque son corps commençait à changer, à s'étoffer. Il devenait un homme. Sa coupe de cheveux lui plaisait, ses habits aussi, toujours d'une élégance que possédait naturellement le français. Et son visage... calme, doux, agréable. La jeune fille lui sourit et le garçon la salua en retour.

"-Salut."

La voix de Nervia était douce mais pleine d'assurance. Elle poussa un soupir inaudible. Ce n'était qu'un salut de plus, et lorsqu'il sortirait de la volière, il se diraient quelque chose comme "a plus", comme toujours, et comme toujours le contact entre eux ne se serait pas rétabli. Mais non. Pas cette fois. Le garçon rouvrit la bouche, et, pour la première fois depuis longtemps adressa plus d'un mot à la fois à Nervia. La dérangeait-il? Bien sur que non puisqu'elle n'était qu'en train de...

*Oh merde! Faut absolument pas qu'il voie ce que je voulais faire!*

La jeune fille avait arrêté de trifouiller dans sa poche lorsque la porte s'était ouverte et heureusement elle n'en avait pas sorti le morceau de parchemin qu'elle comptait envoyer. Elle sortit brusquement sa main et comme,ça à bafouiller.

"-Non, non tu ne... tu ne me déranges pas du tout. Je ne... faisais rien de particulier. Juste une petite lettre à euh... mes parents. Pour leur dire que la première semaine s'était bien passée. Mais non tu ne... m'embêtes pas du tout. J'avais fini..."

Nervia était la pire menteuse du monde. Cependant, afin d'appuyer son geste, elle décida de lancer son hibou, sans lui avoir rien attaché à la patte.

"-Allez, va à la maison, à Londres. Passe par derrière et t'auras du miamhibou. Promis."

L'animal refusa de décoller, lui lançant un regard curieux. Elle écarquilla les yeux, et étendit vivement son bras afin de faire comprendre à cet animal stupide qu'il devait à présent partir. Résigné, celui-ci prit son envol et Nervia se retourna vers Mathias, un petit sourire désolé sur le visage. S'était il rendu compte qu'elle n'avait rien attaché à la patte de son messager? Elle espérait que non.

"-Désolée je... tu veux que je te laisse seul?"

Non, il ne la dérangeait pas. Mathias ne sut pas trop comment prendre ces quelques mots. Il espérait au fond de son coeur que cela signifiait qu'elle lui avait pardonné, mais que sa présence n'était plus pour elle source de douleurs et de larmes. Mais il était peu probable que cette interprétation n'ait ne serait-ce qu'effleuré la pensée de la jeune fille. Elle voulait plutôt dire qu'il ne la dérageait pas dans l'instant présent, alors qu'elle s'apprêtait, visiblement à envoyer une lettre par hibou, elle aussi. A ses parents.

Ah... Tant mieux, alors...

Détournant le regard, Mathias se dirigea vers un autre coin de la volière ou un hibou était perché. Celui-ci ouvrit ses yeux ronds, et le fixait, attendant la lettre qu'il devrait délivrer. L'ancien Préfet était sur le point de commencer à écrire, mais il se résigna. Il savait qu'il ne pouvait pas se soustraire à ce qu'il devait faire. Depuis trop longtemps. Il posa à terre le papier, l'encre et la plume, et se retourna de nouveau vers Nervia, s'avançant vers elle, sans avoir remarqué le hibou qui s'était envolé.

Je ne veux pas rester seul avant de t'avoir dit quelque chose, Nervia. Je crois que je me sens prêt, maintenant. Alors... Ecoute, je suppose que tu sais ce que m'ont dit Lynn et Clarisse... Et je voulais te dire que... Je sais que ce n'est pas beaucoup, mais... Je suis sincèrement désolé. Te faire du mal était...est l'une des dernières choses que je souhaite. Alors quand j'ai su que tu avais pleuré...à cause de moi... Je me suis senti très mal, mais je n'osais pas t'approcher. Ta présence me gênait, et j'étais sûr que tu ne voulais plus me voir. Alors je fuyais. Aujourd'hui je suis prêt à assumer, alors que tu m'en veuilles encore ou non, je voulais seulement que tu saches que j'étais désolé. Et si les choses ne pourront plus jamais être comme avant...je souhaite qu'elles s'arrangent au mieux.

A présent, le Français était face à la blonde. Un pas les séparait. Il avait dit tout ce qu'il avait à dire. D'un coup, sans faute d'Anglais malgré l'accent français. Il se sentait mieux, libéré...enfin pas totalement... Il ne savait pas quelle réaction pouvait avoir Nervia. Et il savait que tout ce qu'il venait de dire scellait la fin de leur amitié, quelque soit celle-ci. Jamais Mathias ne pourrait de nouveau être ami avec Nervia à cause de ce qu'il avait fait.

Il y avait encore une chose, en revanche, qu'il était prêt à faire. Son cœur battait la chamade tandis qu'il repassait dans sa tête... Non, il fallait être sincère, ne pas réfléchir.

Tant mieux alors... Sur ces quelques mots, le garçon se détourna et avança vers un hibou qui voletait dans un coin obscur de la volière. Il était étrange. Nervia le connaissait bien, malgré tout ce temps qu'ils avaient passé éloignés, et elle savait qu'un tel comportement chez lui n'était pas normal. Il semblait dans le vague, ne calculant pas très bien ses mouvements, ne sachant pas quoi faire. Il n'avait même pas remarqué son mensonge pourtant si pitoyable. A la limite de l'inquiétude, la petite blonde resta là, debout, à attendre pour voir si Mathias allait vraiment bien. Soudain, il s'arrêta, posa son matériel à terre et se retourna vers elle. Il commença à débiter une longue tirade.

Il avait quelque chose à lui dire. Qu'il était désolé pour le mal qu'il lui avait fait, qu'il n'avait jamais voulu ça, qu'il n'osait pas lui parler depuis, de peur qu'elle ne veuille plus de son amitié. Il se sentait prêt, aujourd'hui, à assumer ce qu'il avait fait, et espérait que "les choses s'arrangent au mieux". Wow. Une telle déclaration, débitée d'un coup, était la dernière chose à laquelle s'attendait Nervia. Prise par surprise, elle ne sut pas quoi répondre. Et en même temps, le silence qui durait depuis quelques secondes maintenant devait être plutôt gênant pour lui...

"-Ton... Ton anglais s'est drôlement amélioré..."

Oui c'était extrèmement banal, mais elle n'avait pas su quoi répondre. Il lui fallait digérer tout ça. Alors oui, elle s'apprétait, quelques minutes plus tôt, à lui envoyer un message pour qu'ils prennent le temps de se parler, mais elle comptait sur la journée pour réfléchir à ce qu'ils allaient se dire. Si elle avait su... Oh et après tout, elle pensait à tout cette histoire en quasi permanence depuis des mois. Elle arriverait donc bien à trouver les mots.

"-Mathias, je... En fait j'envoyais pas de lettre à mes parents. C'était un mot pour toi... Parce que je voulais te dire que... que ça me manquait de plus te parler, et que je voulais qu'on prenne le temps de discuter de tout ça... Pour que... pour que tu sache que ça fait des mois que je ne t'en veux plus, et que j'ai compris depuis un moment que tu n'avais pas voulu me faire du mal... Sauf que, en fait, je croyais que tu m'en voulais, pour ce que les filles t'ont dit, surtout Cyanur, apparement... Désolée pour ça, je voulais pas qu'elle s'en mêle... Et aussi... je me sens toujours stupide pour tout ce que j'ai pu te dire, il y a deux ans... et faire, aussi..."

La petite blonde laissa sa phrase en suspens. Bien sur qu'elle se sentait stupide. Gacher de cette manière une amitié si durable, juste parce qu'elle s'était sentie si bien dans ses bras et qu'elle s'était dit que plus que de l'amitié serait mieux... Ses joues étaient rosies, par le vent qui s'engouffrait dans la pièce, mais aussi par l'émotion. Elle sentait ses yeux se gonfler, les larmes monter, mais elle ne voulait plus pleurer, plus pour cette histoire, trop ancienne.

"-Ca me fait tellement plaisir, d'entendre ce que tu viens de me dire..." Elle esquissa un sourire. "De savoir que... tu aimerai que les choses s'arrangent entre nous... Redevenir amis, peut être?"

Mathias parvenait à garder une respiration normale, étonnant lorsqu'on remarquait la vitesse à laquelle battait son cœur. Il fixait Nervia de ses yeux marrons, espérant de toutes ses forces qu'elle ne l'enverrait pas balader. La réaction de la blonde alla au delà de toutes ses espérances! Elle lui disait qu'il parlait mieux Anglais! Ça alors, un grand pas venait d'être fait! Une fois cela dit, tout ce qu'elle ajouta ensuite semblait dérisoire. Plus sérieusement, le brun tentait de rester inexpressif face à tout ce que lui disait la jeune fille, mais il n'y parvint pas. Ses yeux s'éclairaient, en entendant qu'elle ne lui en voulait plus, que sa présence lui manquait, même. Il eut un pincement au cœur, encore un, lorsqu'elle lui avoua qu'elle même croyait qu'il lui en voulait, alors que c'était lui qui l'avait faite tant souffrir. Il ne tiqua même pas lorsqu'il entendit le nom de Cyanur, à peine se rappela-t-il de sa conversation avec Orion.

En revanche, la lumière qui s'était allumée dans ses yeux s'éteint aussitôt, en comprenant que Nervia regrettait de lui avoir que...qu'elle... Il sentait sa tristesse, et pouvait presque voir les larmes lui monter aux yeux, la jeune fille était si sensible, si fragile... Etait-il possible que ses sentiments pour lui aient changé? Que le temps qu'il s'apprête, qu'il réalise ce qu'il ressentait, elle-même ait décidé de tourner la page? Mathias préféra être honnête avec son ex-meilleure amie, à égalité avec Ambre. Il ne pouvait pas laisser de fausses illusions à celle qui comptait tellement pour lui.

N...Non, Nervia... dit-il la mort dans l'âme, en imaginant déjà ce que pouvait penser la jeune fille.

Un silence pesant s'installa. Mathias choisit de le briser à peine trois secondes après qu'il ait démarré, pour ne pas laisser le temps à Nervia de mal interprété ce qu'il voulait dire. Le Serdaigle décida de mettre sa gêne, sa timidité de côté. Il devait le dire.

Doucement, il prit la main de Nervia dans la sienne, la serrant encore plus doucement.

Je...Je ne veux plus qu'on soit amis, Nervia... Parce que... Parce que ce que tu m'as dit, justement... Je t'ai dit que j'avais besoin de réfléchir, et maintenant ça y est! Moi, le grand sentimental, j'ai mis trop de temps à comprendre que...que... C'était déjà le cas quand tu m'as dit... Mais il fallait que je m'en rende compte par moi-même. Je veux que tu sois plus qu'une simple amie, Nervia. Tu es une fille formidable, douce, généreuse... Mais tu es si sensible, si fragile! Je ne veux plus te faire souffrir, Nervia, je veux te rendre heureuse... Parce que... J'ai mis tellement de temps à mettre des mots sur ça: mais je t'aime, Nervia, plus que n'importe qui...

La chose était dite. Le romantique Serdaigle venait de faire la déclaration la plus à l'eau-de-rose possible, mais les mots étaient venus d'eux-mêmes. Il disait simplement ce qu'il ressentait, au fond de lui. La main de Nervia était si douce entre ses doigts... Cette aura de fragilité qui touchait tellement le Français.

Je ne pourrais pas me résoudre à être ton ami, Nervia. Parce que je t'aime plus qu'une amie. Depuis longtemps, en fait.

Jamais Mathias ne s'était autant livré sur ses sentiments. Cet amour qui le brûlait de l'intérieur, qui l'avait poussé à faire cette déclaration, en transmettant toute sa tendresse. Finalement, les deux Serdaigle se ressemblaient beaucoup. Ils avaient à la fois un nombre incalculable de différences, et un nombre incalculable de points communs. Mathias ne pouvait pas se résoudre à fréquenter Nervia si, dans ses yeux, il ne voyait que le reflet d'un ami. Il lui faudrait du temps pour accepter.

Au fur et à mesure que la petite blonde avait débité sa tirade, tout ce qu'elle avait sur le coeur depuis si longtemps, elle avait senti un grand poids s'ôter de ses épaules. En même temps, elle voyait le regard de Mathias s'illuminer, retrouver sa vivacité, sa joie. Nervia laissa un sourire naitre sur son visage qui gardait encore quelques rondeurs caractéristiques de son enfance. Ils allaient enfin redevenir amis. Ils allaient pouvoir rattraper ce temps perdu à cause de ses bêtises, de ses faux espoirs. Repartir à zéro, en revenir à ce qu'ils étaient au moment du fameux bal... Elle cesserait d'eviter sa compagnie, comme la veille, lors de la grande fête Serdaigle, où elle n'atait restée que deux minutes. D'ailleurs, Clarisse lui avait signalé que l'ancien préfèt n'avait pas fait long feu non plus... Fini tout ça. Fini.

Finis également ses espoirs. Elle venait de déclarer qu'elle voulait qu'ils redeviennent amis et le garçon la coupa net. Non. Non? Comment ça non? Pourquoi... pourquoi disait il tout ça s'il ne voulait pas qu'ils redeviennent amis. Ce n'étaient pas les larmes qui montaient en Nervia mais bel et bien la colère. Qu'avait il dans la tête celui là? Qu'est ce qui ne tournait pas rond chez lui? lle s'apprêtait à ouvrir la bouche, afin de protester, quand Mathias s'approcha d'elle et prit sa main dans la sienne. Que... La Serdaigle allait la retirer lorsqu'il reprit la parole. Son discours n'avait aucun sens mais la douceur dans sa voix la calma. Elle lui laissa sa main et écouta ce qu'il disait. Il faisait référence à quelque chose qu'elle avait dit, qu'il lui avait fallu du temps... De quoi parlait il? S'en suivit un bon tas de compliments, sa volonté de ne pas lui faire du mal, de la rendre heureuse...

Et ces mots. Des mots d'une puissance incroyable. Des mots qu'elle attendait depuis si longtemps. Des mots qu'elle avait dit, qui n'avaient alors pas trouvé de réponse. Ces trois mots la bouleversaient comme jamais rien ne l'avait bouleversé. Les tragiques évènements qui mettaient en émoi le monde sorcier au grand complet n'avaient pas provoqué des sentiments d'une telle intensité chez la jeune fille. Mathias... il... l'aimait. Elle. Pas comme une amie. Elle ne s'en remettait pas. Nervia reprit sa main et se détourna de lui. Elle fit quelques pas en direction de la fenêtre et s'y accouda, observant le paysage.
Le parc était ensoleillé, verdoyant, seulement parsemé de quelques points jaunes et rouges, marquant l'arrivée imminente de l'automne. Belle journée... Parfaite journée. Que répondait-on, au juste, à une déclaration d'amour? Sa seule expérience dans ce domaine était celle qu'elle avait faite à Mathias, près de deux ans auparavant. Elle n'allait certainement pas s'inspirer de la réponse qu'elle avait reçu elle. Quoi que... ça lui ferait les pieds. Son sourire revint. Jamais elle ne ferait ça, jamais elle ne laisserait passer ça, et elle ne voulait plus jamais perdre son ami. Petit ami? Ca sonnait bizarrement.

Toujours dos à Mathias, la blondinette ouvrit enfin la bouche. Elle s'était apaisée, son ton était calme. Les mots sortirent naturellement, comme si elle avait répété toute sa vie.

"-J'ai mis peu de temps à comprendre ta réaction, à savoir que tu n'avais pas voulu me faire de mal. Trop peu de temps pour que mes sentiments disparaissent. Je n'ai pas cessé de t'aimer une seule seconde, Mathias."

Son coeur avait retrouvé son rythme habituel et elle souriait au parc, au monde. C'était une belle journée que ce premier samedi de septembre.

Tout doucement, Nervia retira sa main. Elle alla s'accouder sur le rebord de la fenêtre. Curieusement, Mathias se sentait serein, et non pas bouleversé comme il l'aurait cru. Bien sûr, lorsqu'il avait dit les fameux mots, ceux qu'il avait eu tant de peine à trouver, son cœur avait battu à un rythme inhabituel. Mais à présent, on pouvait à peine dire qu'il attendait la réaction de Nervia, tant il se sentait apaisé de lui avoir dit. C'était fait. Les dés étaient jetés.

Et le sentiment était partagé. Une vague de chaleur se répandit dans le corps de Mathias, qui pourtant ne put réprimer un léger frisson. C'était inconcevable. Cela allait au delà de toute raison. Et pourtant, le fait était là. Gardant les yeux fixés sur la chevelure blonde de la Serdaigle, le cœur du jeune Français mis tout de même quelques secondes à enregistrer l'information. Tant de larmes. Tant de souffrance. Tant de courage, et de force, aussi. Des cheveux blonds, son regard se porta alors sur l'horizon. Si lointain... Doucement, tout doucement, comme s'il flottait dans une bulle, Mathias s'approcha de Nervia. Avec une tendresse qu'il avait conservé depuis toutes ces années sans avoir pu la transmettre, il posa ses mains sur les épaules de la jeune fille. Mais il regardait toujours ce ciel, cette ligne, avec l'intime conviction que Nervia regardait le même point que lui.

Tant d'années gâchées, dit-il dans un soupir, ses yeux marrons s'illuminant à la lumière de l'astre.

Puis, baissant le regard, il tomba à nouveau sur elle. Doucement, il se pencha vers son oreille, mais sa tête restait droite, et il regardait dans la même direction que la blondinette.

Maintenant, on a tout le temps, lui murmura-t-il, en tout amoureux qu'il était.

Sans rien se dire, les deux Serdaigle restèrent ainsi longtemps. Longtemps, c'était une heure? Deux heures? Toute une année? Ou à peine quelques secondes? Le temps ne comptait plus. Seul comptait ce ciel, cet horizon, que Mathias et Nervia continuaient à regarder, en pensant qu'à présent, ils pourraient enfin vivre ce sentiment infini qu'ils partageaient. Pas besoin de mot, ni de gestes. Seul comptait leur sentiment commun. Une nouvelle page se tournait. Sur une autre heureuse...

Nervia était bien. Apaisée, calme, ce qu'elle désirait depuis si longtemps s'était enfin produit. Les deux Serdaigle s'étaient mutuellement avoué leur amour, tout était au mieux. Toujours à la fenêtre, la petite fille sentit son ami, non, son petit-ami, elle devrait s'y faire, s'approcher d'elle. Il ne la touchait pas encore mais elle sentait la chaleur de son corps dans son dos, sa présence rassurante derrière elle. Elle s'était toujours sentie à l'aise lorsqu'il était avec elle, comme si tout pouvait s'écrouler.
Il posa ses mains sur ses épaules et ils restèrent comme ça, sans parler, observant tous deux l'horizon. Elle n'aurait jamais su dire combien de temps ils restèrent ainsi, mais le temps n'avait plus d'importance. Mathias verbalisa immédiatement cette pensée qu'elle venait d'avoir, comme si leurs esprits étaient à présent connectés. C'était trop beau...

Rien ne se passait. Ils regardaient le parc, la nature, leurs camarades qui occupaient leur matinée comme ils voulaient en ce début d'année. Et puis Nervia repensa au bal. Après tout, si elle n'avait pas osé ce geste, jamais elle n'aurait osé lui avouer ce qu'elle ressentait, et si pas mal de larmes auraient été évitées, c'eut été une souffrance bien plus forte qu'aurait connu la jeune fille durant toutes ces années d'amitié, de frustration. Et ce baiser avait été si doux, si tendre. Elle avait envie de connaitre à nouveau cette sensation. Elle avait... le droit de le faire maintenant, non?

Doucement, tout doucement, elle leva la main vers son épaule et saisit celle de Mathias. Elle se retourna, encore plus lentement, jusqu'à se retrouver face au torse du garçon. Elle était si petite, par rapport à lui. Elle refit les mêmes gestes qu'elle avait fait, il y a si longtemps, alors qu'ils étaient si jeunes, elle s'en rendait compte maintenant, bien trop jeunes pour de tels sentiments. Ce n'était finalement pas plus mal d'avoir attendu. Elle se mit sur la pointe des pieds, sa main tenant toujours la sienne, l'autre venant se poser sur son torse. Elle était maintenant plus grande et un dernier effort lui permit de venir poser ses lèvres contre les siennes. Elles étaient si douces, si chaudes... La petite blonde ferma les yeux et se laissa aller à cette délicieuse sensation.

Flottant dans un rêve (un rêve, pas un cauchemar cette fois) Mathias se demandait s'il allait se réveiller. Mais non. Il savait que cette fois, rien ne viendrait perturber cet instant. Il sentit la main de Nervia se poser sur la sienne, tandis qu'il embrassa son amie, petite amie?, sur la joue. La jeune fille se retourna, si petite par rapport à lui qu'elle dut lever la tête pour trouver son regard. Puis, s'appuyant sur la pointe des pieds, se stabilisant en prenant appui sur la poitrine du garçon, elle prit une nouvelle fois l'initiative de l'embrasser. Cette fois ce n'était pas à la commissure des lèvres, comme elle l'avait fait deux ans auparavant, ni furtif.

Curieusement, Mathias n'était absolument pas surpris, et passant sa main dans la blonde chevelure de Nervia, il prolongea le baiser initié par celle-ci. Jamais il n'aurait osé imaginer une chose pareille, et pourtant, peut-être qu'il l'avait toujours souhaité, au fond. Finalement, il se disait que les mots étaient bien faibles, pour transmettre ce sentiment, et que des moyens comme celui-ci étaient plus intenses, et plus explicites. Finalement, Mathias écarta ses lèvres de celles de Nervia, ouvrant les yeux, fixant ceux noisettes de son amie, de sa petite amie. Il la serra dans ses bras, et remit les pieds sur terre en s'apercevant qu'ils étaient toujours dans la volière, le lieu le moins romantique de l'école après les cachots, et la salle commune des Poufsouffle. Mais qu'importait, finalement?

Tu veux faire un tour dans le parc? lui dit-il tout en passant sa main doucement dans ses longs cheveux blonds.

Finalement, ça avait une certaine importance... Ils seraient bien mieux dans le parc, au grand air, au soleil, que confinés dans une tour puante. Et qu'importait la lettre, il l'écrirait plus tard. Il voulait juste montrer à Nervia à quel point il l'aimait, et partager avec elle de doux moments...

Nervia décolla enfin ses lèvres de celles de son petit ami et laissa ses talons reprendre contact avec le sol. Elle n'était pas si vieille mais pouvait aisément classer le moment qu'elle venait de passer comme faisant partie des plus beaux moments de sa vie. Elle se recula légèrement, pouvant ainsi voir l'endroit où ils se trouvaient. Elle l'avait presque oublié... elle avait presque arrêté de sentir l'odeur des crottes de hibou pendant ces quelques instants où Mathias lui avait avoué son amour, où elle lui avait avoué le sien, où ils s'étaient enlacés, embrassés.
Le Serdaigle semblait lui aussi s'en être rendu compte. Il lui caressa les cheveux et lui proposa d'aller se promener dans le parc. Elle jeta un dernier coup d'oeil à la volière, qu'elle comptait quitter sans aucun regret, d'autant plus que sa venue en ce lieu n'avait plus aucune utilité, maintenant que les deux jeunes gens s'étaient parlé, et même plus que ça, au delà des espérances de la petite blonde.

"-Oui... avec plaisir. C'est pas l'endroit le plus agréable du monde même si... j'y ai plein de bons souvenirs maintenant."

Elle lui sourit de toutes ses dents. Nervia prit dans sa main celle de Mathias et, tout doucement, se dirigea vers la porte. Soudain, son regard se posa sur les feuilles de parchemin que le garçon avait posé par terre, avant de lui avouer son amour.

"-Tu les récuperera plus tard? Allez, viens."

Les deux Serdaigle étaient entrés dans la volière fachés, séparés depuis tellement longtemps... Ils en sortirent réconciliés, main dans la main, amoureux. Belle journée...