Nom : Rusard
Prénom : Argus
Poste souhaité : Concierge de Poudlard
Age de votre personnage : environ 50 ans
Age du posteur (en HJ) : 27
Comment avez vous connu le forum? : Double-compte...
Poudlard... enfin, la célèbre école de sorcellerie se dressait devant les yeux éblouis d'Argus Rusard. Il en avait tant entendu parler... il avait tant espéré y entrer, lui-même, en tant qu'élève... Gamin, il ne jurait que par la prestigieuse institution : quand je serai à Poudlard, répétait-il... Secrètement, il rêvait même de devenir préfet de sa maison- et joueur de Quidditch, et capitaine de l'équipe... Il se voyait déjà, nouant la cravate verte de la maison Serpentard- ou la bleue de Serdaigle ?- , arpentant les couloirs, sa robe d'uniforme flottant derrière lui... Ses deux soeurs aînées, lorsqu'elles rentraient pour les vacances, s'employaient à décrire l'école à leur jeune frère, avec force superlatifs :
-Tu ne peux pas imaginer, Argus ! Il y a des passages secrets partout !
-Et le parc ! Si tu voyais le parc !
-Tu verras, il y a plein de fantômes ! Tu vas adorer !
Le petit garçon écoutait, les yeux ronds, les propos enthousiastes des deux filles, de deux et cinq ans ses aînées. Il connaissait Poudlard, certes, par ouï-dire, pour en avoir vu des représentations dans des livres, mais d'après ce qu'en disaient ses soeurs, il était impossible de rendre compte de ce qu'était la vie au château par de simples mots. Ce qui ne les empêchait pas de raconter, inlassablement, le quotidien de l'école de magie, sans parvenir à assouvir la curiosité de leur frère.
Dans la famille, parler de Poudlard était chose banale ; tous les adolescents y effectuaient leur scolarité, et il y avait toujours un cousin ou un neveu en train de passer ses BUSE ou son permis de transplaner... Tout naturellement, Argus attendait donc de prendre sa place à l'école des sorciers, où tant de membres de sa famille l'avaient précédé. Le hic- mais le petit ne s'en rendait pas compte- était qu'aucun signe de magie ne se manifestait en lui, et que l'inquiétude de ses parents grandissait de jour en jour.
L'été de ses onze ans, l'excitation du jeune Rusard atteignit des sommets. Ses soeurs avaient reçu une lettre de Poudlard, durant les grandes vacances, et la sienne ne pouvait pas tarder... Il ignorait qu'à son âge, la situation était déjà désespérée ; si la magie ne s'était pas déjà révélée, c'est qu'elle était absente... tout simplement..
Il attendit donc, et ne se résolut à l'affreuse évidence qu'au matin du premier septembre, lorsque le Poudlard Express quitta la gare de King's Cross, emportant ses soeurs, et le laissant, complètement désemparé, avec ses parents... Le soir venu, son père et sa mère lui expliquèrent gravement la situation : il était un Cracmol, et jamais il n'étudierait la magie...
Il lui fallut plusieurs jours pour digérer la nouvelle, entre colère, amertume et désespoir. Un Cracmol... pourquoi fallait-il que ça tombe sur lui ? La famille n'avait toujours compté que des sorciers... il était impossible qu'une telle malchance pût exister...
La nouvelle s'était répandue parmi le cercle de familles sorcières que fréquentaient les Rusard, et l'on évoquait le « pauvre petit Argus » à voix basse, comme on eût parlé d'un malade. On s'apitoyait sur le sort de la famille, à grand renfort de « pauvres gens, quel coup dur... » chuchotés sur le passage du garçonnet. Et il y avait toujours un maladroit pour lui donner une bonne tape dans le dos en s'écriant :
-Mais c'est pas grave, mon gars, on t'aime quand même !
À force, le petit garçon devint un adolescent hargneux, taciturne, profondément jaloux de ceux qu'il nommait « les porteurs de baguettes ». Dire qu'un médiocre comme son cousin Gawain avait été admis à Poudlard, avec son intelligence de crustacé ! L'imbécile était à peine capable de savoir de quel côté d'un balai il fallait monter, alors étudier la magie...
Et la petite voisine, cette pimbêche de Margareth... Sa seule ambition en entrant à Poudlard était de rencontrer le prince charmant et d'apprendre à confectionner des philtres d'amour... Pathétique, songeait Argus, qui s'estimait beaucoup plus digne d'entrer dans cette école.
Il devait toutefois se contenter d'un collège moldu où tout le monde se moquait de son nom, et qu'il abandonna, avec soulagement, le jour de ses dix-sept ans. En six années de scolarité dans cet établissement, il ne s'était fait aucun ami ; son caractère grincheux et amer faisait fuir les foules, et le jeune Rusard prenait plaisir à entretenir sa réputation de mauvais coucheur. La compagnie des autres ne lui importait guère, au contraire ; et avec le temps, il avait fini par prendre en grippe jusqu'à ses propres soeurs, coupables d'appartenir pleinement au monde de la magie. Il demeurait obstinément célibataire ; quelle sorcière aurait voulu de lui ? Et lui-même n'aurait pas voulu d'une Moldue ou d'une Cracmol, qui l'aurait renvoyé à sa propre insignifiance... Il compensait ce désert affectif par l'élevage de chats, Persans abâtardis avec lesquels il lui semblait pouvoir converser plus à son aise qu'avec les humains.
Tous ces pénibles souvenirs remontaient par bouffées tandis qu'Argus remontait à grandes enjambées l'allée qui menait au château. Après des années de petits boulots et de galère, il s'était décidé à écrire au directeur de Poudlard, Albus Dumbledore, avec qui il avait rendez-vous ce matin-là. Parcourir ce parc splendide, franchir ces portes de chêne, pénétrer dans ce hall était infiniment douloureux pour lui. L'injustice de sa situation le faisait frémir de rage, tandis qu'il regardait une bande d'élèves en uniforme courir dans le couloir. Sales petits garnements, qui ne savaient même pas quelle chance ils avaient... L'une des filles éclata d'un rire sonore, et Argus pensa immédiatement qu'elle se moquait de son allure de faucheux, de ses cheveux noirs pendants, et de son allure de marginal... ou alors, elle riait car il était un Cracmol- et il se demanda soudain si cela se voyait.
De son pas traînant (un accident dans Londres lui avait laissé une jambe un peu raide), il monta jusqu'à l'endroit que Dumbledore lui avait désigné dans sa lettre, et prononça le mot de passe d'une voix éteinte. La gorge nouée, il monta jusqu'au bureau du directeur, écarta une mèche de ses cheveux gras de devant ses yeux, et frappa.
Dumbledore l'attendait, son éternel sourire bienveillant aux lèvres, et l'accueillit avec chaleur. Argus le connaissait vaguement, comme tout le monde dans le monde de la magie, et il se sentit rassuré par l'attitude du vieillard. Il saurait le comprendre, l'aider.
En quelques mots, autour d'un verre d'hydromel, Rusard expliqua sa situation ; il essaya de dire à quel point il était frustré de ne pas pouvoir vivre parmi les sorciers, combien il se sentait mal à l'aise parmi les Moldus- bref, il exposa à Dumbledore le problème qui minait sa vie, et qui était de n'avoir sa place nulle part. Il y avait quelque chose de désespéré dans sa voix, au point que Dumbledore lui posa la main sur l'épaule et demanda d'une voix douce :
-Et que puis-je faire pour vous aider, Argus ?
Il y avait longtemps qu'on ne lui avait pas parlé avec tant de bonté, et il n'hésita plus une seule seconde à formuler la requête pour laquelle il était venu.
-Le poste de concierge, Monsieur... On m'a dit qu'il se libérait...
Dumbledore se rassit, la mine grave, le menton posé sur ses mains jointes, et observa l'homme qui lui faisait face. De toute évidence, il cherchait à dire quelque chose sans blesser Argus. Il garda le silence quelques instants, puis demanda, en ayant l'air de choisir très soigneusement ses mots :
-Et... vous ne pensez pas que cela risque d'être difficile pour vous... moralement ?
Rusard s'attendait à cette question, et il répondit immédiatement :
-Non, Monsieur le directeur. Je préfère vivre parmi les sorciers, même si je n'en suis pas un...
-Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, Argus. Je vous confie le poste, à l'essai, mais sentez-vous libre de partir à tout moment si vous ne vous sentez pas à l'aise.
Un sourire- chose rare sur ce visage fermé- passa sur les lèvres minces d'Argus, qui s'empressa de remercier le directeur. Dumbledore semblait heureux de le voir enfin satisfait, et il accorda sans rechigner la permission d'installer Yersin, la chatte du moment, au château. L'animal était une véritable compagne pour Rusard, et Dumbledore l'avait bien compris... Il offrit même de la faire venir par magie, mais Argus refusa, craignant qu'elle ait peur de se voir traitée si étrangement.
-Dans ce cas... Vous n'avez qu'à rentrer chez vous la chercher et faire vos bagages, mon cher Argus, conclut Dumbledore. Vous commencerez votre travail lundi matin, soyez là dimanche dans la journée. Je vous ferai visiter les lieux, et je tiens à dîner avec vous dimanche soir.
Il se lasserait bientôt de la compagnie lugubre du nouveau concierge, mais la courtoisie avait ses obligations, et Dumbledore n'y dérogeait pas. Flatté, malgré tout, par cette marque d'attention, Rusard accepta la poudre de Cheminette que lui proposait son nouveau patron, et prit la direction du Chaudron Baveur, d'où il regagnerait son domicile londonien. Yersin l'y attendait, tendre et tranquille, comme à son habitude, et cette pensée refit sourire Rusard.
Deux sourires dans la même journée, c'était vraiment trop. Il faudrait qu'il se surveille.
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