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 Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]
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MessageSujet: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptySam 14 Juin - 13:15:35

Tout était noir. Au cœur de cette obscurité totale frémissait des voix chuchotantes, des voix à peine audibles, lointaines et imprécises. Un véritable chaos de murmures indissociables. Un hurlement se faisait-il entendre qu’aussitôt les chuchotis s’arrêtaient tout aussi brusquement que le cri ayant rompu leur litanie.

Silence.

Un silence n’amenant aucune tranquillité car ce calme soudain était chargé d’attente. Quelques secondes passagères avant que les bruissements inhumains ne reprissent leur conciliabule affamé, de plus en plus précipité. L’excitation malsaine charriée par ces voix était palpable, elle faisait naître un sentiment d’horreur glacée, d’abord ténu, un découragement s’insinuant sournoisement dans les membres, recouvrant les os d'une gangue verglacée. Une exhalaison froide remontée d‘une vieille tombe exhumée, d‘un souterrain oublié. Puis ce froid se faisait plus présent, perçant un chemin jusqu’au cœur pour y faire ressurgir ce qu’il y avait de plus douloureux, ce qu’on avait oublié de nos anciennes terreurs, de ces plaies de l‘âme cicatrisées qu’il rouvrait sans peine comme le bois qui se fendille et éclate sous l’effet d’une violente gelée. Le froid surnaturel ramenait à la conscience endormie les lointains échos d’une existence passée et désormais interdite.

Mais il n’y avait pas de souvenirs accablants ni de remords dans son cœur, pas d‘amour à pleurer, pas de visage aimé qu’on aurait assassiné, pas d’enfant chéri couvert d’estafilades sanglantes à l’agonie dans ses bras, pas de chagrin désespéré. Il n’avait jamais connu que la colère et l’indignation, pour lui substituts de la tristesse. Les seules choses sur lesquelles le froid pouvait mordre étaient ses regrets: face au plaisir qu’il ne pouvait plus ressentir, plus aucune brise tiède ne frôlerait son épiderme, plus aucune douceur ne caresserait sa peau, que ce soit cette légèreté attrayante et aimable de la robe des jeunes filles ou la chaleur exquise, troublante, suscitée par un toucher féminin. Le froid ne pouvait que rendre plus vif et mordant son affaiblissement, l’apathie dans laquelle son esprit et son corps avaient fini pas se complaire, lui qui avait été si vivant, indomptable. Cette insulte à sa fierté, à sa liberté, cette insulte si cuisante était réellement ce qui pouvait mettre son cœur à mal. Les bribes de souvenirs revenant à sa mémoire n’étaient douloureux que par leur impossibilité à être à nouveau vécus, tout ce qu‘il avait acquis, accompli, réduit soudain à néant, les agissements d’une vie entière devenus vains. Plus aucun pouvoir, plus aucune personnalité. Plus que ce froid acéré. Et les regrets innombrables. Ce vide à la profondeur abyssal.

Les paupières de l’homme s’entrouvrirent. Il était dans la pénombre, mais sa vue, bien qu’encore voilée par le sommeil, ne lui imposa pas la sombre silhouette décharnée d’un Détraqueur. Les murs qui lui faisaient face se coloraient de la même grisaille que ceux d’Azkaban sans en posséder l’horrible exiguïté étouffante, à rendre fou, même s’ils les concurrençaient par leur délabrement, couturés de fissures et de plaques effritées. Plusieurs fenêtres s’ouvraient sur leur façade, laissant à peine entrer la nuit encore claire d’un début de soirée estivale. Dans le ciel dégagé, les étoiles luisaient faiblement à travers le feuillage des lierres bleutés recouvrant les ouvertures. Les yeux gris de l’homme sillonnèrent le plancher grêlé de tâches sombres dues au jeu de clair-obscur, revinrent sur les murs lépreux pour finalement se poser sur les draps étincelants de blancheur comparés à la morne décrépitude de la chambre. Toute l‘auguste demeure s‘étiolait sur le même modèle en vérité. Mais ce n’était pas comme si le choix lui était offert. Après tant d’épreuves passées, la saleté et le dénuement de la place ne le rebutaient pas, quand bien même il en avait extrêmement conscience. Pour rendre cet endroit réellement habitable avec une salubrité décente, il lui faudrait encore quelques mois. Si d’autres évènements fâcheux ne venaient pas le déloger de son refuge d‘ici-là.

Rod quitta l’étoffe pelucheuse et usée de ses draps pour s’avancer jusqu’au fauteuil défraîchi où reposait ses effets. Il ne craignait plus de les laisser à distance lors de ses moments de répit depuis qu’il avait pris certaines dispositions afin de garantir sa tranquillité. Les derniers miasmes de son rêve s’accrochaient encore à ses pensées, entremêlant leurs fils vaporeux à ses réflexions maussades, compagnes entêtantes de ses gestes pour se rhabiller. Il n’y prêta pas attention. Tout ceci était fini maintenant. Il songeait à l’avenir, à tout ce qui restait encore à faire…et qui ne se faisait pas. L’exaspérant Parchemin d’Alexandre trônait au centre de ses préoccupations ombreuses. Jugson ne savait pas exactement où se situer vis-à-vis de cet artefact issu d’une légende d’un autre âge depuis longtemps abandonné aux morts. Ce qui l’énervait prodigieusement avec cette quête était l’impossibilité de prendre le problème de front, il nageait en territoire inconnu et il ne voyait rien pour apporter une solution à leur problème. Il plaçait sa foi dans ses propres forces, dans le pouvoir né de sa volonté qui abattrait tous les obstacles ou se briserait s’il s’abandonnait à la faiblesse, n‘importe quel doute, n’importe quelle hésitation. Or ici, avec ce vieux reliquat, il ne suffisait pas de le vouloir pour que le cadavre de la dernière personne à l’avoir tenu en main se relevât de sa tombe, se traînât jusqu’à sa porte et que Rod lui arrachât son bien de ces mains putréfiées.

A cette pensée, une ombre traînante se profila dans l’embrasure de la porte apportant à ses narines l’odeur du charnier. Juste à point nommé. Le Mangemort coula un regard en coin à l’entité trébuchante qui continua son chemin de son pas monotone et emporta dans son sillage boiteux les effluves putrides de la décomposition. Pourtant, la lourde senteur écoeurante semblait ne pas vouloir lâcher prise et elle se mêla insidieusement à l’odeur du sale ainsi qu’à celle plus suave, mais non moins nauséabonde des marais alentours. Une grimace de dégoût involontaire déforma ses traits tant il avait l’impression de goûter cette horreur sur sa langue. Une saveur infecte s’était répandue jusqu’au fond de sa gorge, infestait ses papilles pareillement à l‘effluve atroce qui torturait son odorat. La saveur qu’aurait eu de vieilles chairs mortes ou malades sous une dent cariée.

Jugson ravala sa salive qui lui parut acide. Il ferma les yeux, visualisant l’image d’une ruelle étroite bordant des quais désertés aux larges pierres grises obscurcies par le peu d‘éclairage nocturne. Il percevait déjà le doux clapotis de l’eau contre les embarcations et la senteur du bois humide des appontements. D’irritants fourmillements parcoururent son corps, suivirent le tracé de ses veines, de ses membres en comprimant la matière pour la fractionner en une multitude de particules.

La première chose qu’il ressentit fut la fraîcheur du soir doublée de cette atmosphère agréable que l’on ne trouvait qu’auprès des points d’eau. Fussent-ils pollués de déchets moldus comme pouvait l’être la Tamise. Après l’aura suffocante de noirceur de son refuge, le plus enfumé des bars saturé de vapeurs alcoolisées aurait eu des airs de sommet du monde, vivifiant et inaltéré. Et c’était bien sa prochaine destination. Comme sommet il ne pouvait que s’offrir la moiteur lourde d’un cul-de-basse-fosse, là-bas, de l’autre côté des quais qui lui faisait face, au-delà de son allée abandonnée. Depuis toujours le Londres magique coexistait avec son misérable jumeau moldu, les installations de ces sous-hommes gangrenant leur espace comme une tumeur maligne, infectieuse maladie qui se révèlerait fatale à terme pour les rats colportant ce germe. De plus, quelques bonnes âmes telles que lui se faisaient guérisseuses de cette pestilence, l‘échéance s‘en retrouvait donc hâtée pour le mieux. "For the greater good" ainsi qu’aurait dit Grindelwald.

Son transplannage n’avait eu aucun témoin, non pas qu’une telle préoccupation fut autre chose qu’un détail trivial pour lui, et le Mangemort sortit de la ruelle étouffée par les vieux bâtiments trop rapprochés. C’est alors qu’il entendit un rire s‘élever en cascade par-dessus le léger remous des flots et son regard fut automatiquement attiré dans la direction de la charmante piaillerie. Au premier coup d‘oeil, il crut avoir retrouvé sa belle sans nom, la chère cousine de Lucius, tout aussi inconsciente que son cousin était lâche, mais il se rendit rapidement compte de son erreur. La silhouette féminine accoudée au rebord des quais, était plus…voluptueuse en dépit d‘une taille à peu près semblable à son autre petite oiselle. Ses cheveux avaient l’air plus sombre également, d’ici il pouvait en percevoir la masse ténébreuse réunie en chignon au dessus d’une nuque qu’on eut dit faite d’albâtre à la clarté des étoiles. Vêtue comme elle l’était, il aurait été impossible de la prendre pour une moldue, ce qui voulait aussi dire qu‘elle connaissait son visage. Par précaution, le Mangemort rabattit sa capuche afin de se dissimuler dans l’ombre et continua son chemin sans plus se préoccuper de la demoiselle guillerette.

Oui, comme la mystérieuse miss Morden. Il n'avait pu entendre le nom de cette fille, ne devrait-il jamais contempler le visage de celle-ci ?


[Je veux plus commencer de topic, c‘est monstrueux. >_<]
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MessageSujet: Re: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptyLun 16 Juin - 4:40:33

HJ: Mieux vaut toi que moi, ma petite biche. niarkhéhé Chanson issue d'un sketch des Inconnus sur les chansons rétros. :sifle:

-La gamiiiineu n’avait ni présent ni argent
Elle était au désespoirrrrrrrrrreu
C’est pourquoi à l’âge de ssssix ANS
Elle faisait déjà…..le trottoir !

Lorsqu’un passant lui dit :Tu es moche !
Tu n’as pas à faire ce boulooooot
Et sans raison il lui décocheu
Cent vingt-six coups de couteaux !


Contrairement à ce que pouvait suggérer les paroles de la jeune femme, elle n’était ni au bord de la dépression la plus noire, métaphoriquement représentée par le fond obscur d’un gouffre inextricable, ni désabusée par la froide et perverse indifférence du monde face à ses malheurs personnels, sentiment merveilleusement décrit par l‘expression "tous pourris" parmi les plus concises et néanmoins extrêmement juste. Son humeur aurait même pu être qualifiée de joyeuse, enjouée, portée à l’espièglerie, bref, son naturel festif et guilleret, en somme…La plupart des gens, soit les trois quart de cette planète, ne comprenait pas qu’Eslyne était en fait quelqu’un douée de malice, appréciant les bonnes plaisanteries et l’humeur légère. Seulement…Chaque chose en son temps et le temps des farces et des attrapes se réglait bien sûr à sa montre suivant le baromètre de ses humeurs. Point de vue certes égocentrique, mais aussi incroyablement pratique. La fin du monde n’arriverait que lorsqu’elle aurait décidé qu’elle serait prête pour la tragédie.

En réalité, la chanson si gaiement entonnée n’était pas une complainte pour accompagner les dernières heures d’un suicidaire sur cette chienne de terre : elle était à classer dans la catégorie "humour". Noir d’adjectif. Pour heureuse qu’elle fut, Lyn n’en chantait pas moins faux et ses paroles joviales s’élevaient dans l’air du soir avec au moins autant d’accord que si elle avait été saoule. L’effet n’était pas non plus le même que celui produit par un excès de boisson, elle ne braillait pas comme un veau, elle chantait juste affreusement mal, avec des accentuations brusques et des longueurs interminables sur certains mots, à plein poumon, de toute la réserve d‘air emmagasinée dans sa poitrine. Il fallait aussi préciser qu’elle était loin de son quartier et qu’il n’y avait pas de témoin à son récital, si ce n’est quelques moldus qui évitèrent de la lorgner. Ce n’était pas à cause des paroles de sa ballade, à moins que les trois quidams croisés n’eussent compter le français au nombre de leurs idiomes parlés car la jeune femme gazouillait dans cette langue. Peut-être pensaient-ils que la miss dans son accoutrement bizarre ne fut contagieuse par la seule portée du regard. De toute façon, qui se souciait réellement de ces gens ?

Parmi les choses qu’il faudrait changer si jamais elle parvenait un jour à avoir l’oreille des puissants de ce monde, la discrétion des sorciers à l’égard des moldus aurait été en tête de liste. Que pouvaient-ils bien craindre d’eux à se cacher dans leur ombre et à dissimuler leur magie ? Si la morale était laissée de côté et que les imbéciles parvenaient à faire le deuil de leurs bons sentiments, n’était-il pas évident que, eux les sorciers, soient supérieurs à ceux dénués de pouvoir magique ? Tout ceci était pensé sans extrémisme, il n’y avait là qu’une banale et plate constatation. Si un moldu était pris pour cible d’un sort aussi inoffensif, mais ô combien gênant, qu’était le Dentesaugmento, non seulement il ne pouvait pas en contrer les effets, mais il ne pouvait même pas riposter. Alors, quant à ce qui était de faire face à des sortilèges de découpe ou des Stupéfix…Nul besoin de consulter les cartes pour savoir qui sortirait vainqueur d'un combat opposant les deux races.


-Personne ne m’a jamais aimé
Petite môme de Pariiiiiis.
La vie ne m’a jamais rien donné-eu
Et la mort m’a touuuut pris.


Eslyne s’accrocha d’une main à un panneau de signalisation, sa paume crissant sur le métal froid alors qu’elle se laissait aller à exécuter un tour complet de la tige d’acier, à la manière d’une girouette en équilibre sur la pointe des pieds. Son autre main tenait serrée contre sa hanche un petit coffret laqué au bois joliment travaillé en arabesques hypnotiques. Lorsque la jeune femme sautilla sur les bandes blanches séparant une rue bétonnée d’un trottoir en pierre plus ancienne, le contenu de la boîte tinta en cadence et battit la mesure de ses enjambées rythmées. Activité qui n’était pas seulement enfantine, mais aussi fort à propos avec le couplet qu’elle entonnait à l’instant.

-A peine avait-elle traversé la rueu
Que la gamine cul de jatteu
Se fit écraser par uneu CHARRUE
Ce qui lui fit éclaaaater la rateu !


Rien de semblable n’arriva à notre divine diva Eslyne et elle atteignit sa destination sans aucune perte de membre au milieu du parcours. Elle vacilla légèrement comme son talon fin se plaça entre deux pierres inégales. Mais loin de réitérer l’exploit des Trois Balais où la demoiselle avait fini par terre à cause d‘un sale mioche, d‘un interstice et d‘une chaise sur sa route, elle se contenta d’un tangage sur le côté fort disgracieux, comme une oie qui se serait soudain foulée une patte et qui aurait cherché à se stabiliser avec ses ailes. Les Trois Balais…Un visage masculin aux yeux noirs ressurgit d’un coin de sa mémoire. Ses doigts la picotèrent en souvenir de la barbe qu’ils avaient caressé et elle plaça une main dans son dos à la façon d’une femme enceinte. Les bras des hommes n’étaient définitivement plus ce qu’ils étaient. Nikolaï l’avait proprement laissé tomber et sa gaucherie l’avait conduit à la suivre dans sa chute. Son père, lui, l’avait toujours soulevée sans aucun problème, à bout de bras ou pour la hisser sur ses épaules. Et elle estimait être restée assez légère, même si elle ne faisait pas partie des plus fines à classifier dans le registre "espèce : princesse éthérée" et "variété : minceur de liane".

Désormais accoudée au rebord d’un pont antique s’arquant au dessus de la Tamise, Eslyne mira un instant la forme sombre de son reflet sur les eaux noires. A la lueur d’un réverbère, son buste et sa tête se dessinaient en ombre chinoise, la masse de ses cheveux roulée en boule, sa baguette passée en travers de ses mèches bouclées pour faire tenir le tout un rien bancale. La jeune femme ramena derrière ses oreilles les mèches libres encadrant son visage comme elle le faisait avant de s‘atteler à la concoction d’un filtre ou d’un onguent particulièrement délicat. Ses petites mains trouvèrent le mécanisme d’ouverture de la boîte et l’ouvrirent lentement.
A l’intérieur reposaient tels des serpents, divers bracelets et colliers, en argent, en or, garnis de diamants, de rubis, à motif en volute, lisses et étincelants, chargés d’émeraudes, de pierreries taillées en cœur ou en losange, et quelques broches lourdes et clinquantes perdues ici et là dans cette marée d’ostentation. C’était là le seul point commun de tout ce fatras rutilant et hors de prix: le mauvais goût qu’on n'aurait même pas pu qualifier de baroque, sauf quelques rares rescapés qui n‘étaient jamais portés. Au centre de cette débauche de richesse, un collier piqueté de différentes pierres fines trônait en maître incontesté.
Eslyne tendit la main vers le bijou et le soupesa, surprise par le poids d’un ornement aussi délicat. Car oui, de toute la collection de sa mère, il était certainement celui dont l’éclat ne devait rien à la surenchère de saphirs. Gracieux, coloré, printanier, lumineux sans être éblouissant, il devait enjoliver le cou qui le portait et habiller avec élégance les décolletés plongeants de sa mère. Ce collier, elle savait très bien qui le lui avait offert. Et ce n’était pas son père. Ni son suppléant.


*La tête roula dans le caniveau
Séparée de son corps en charpie…*


D’une seule détente du bras, la sorcière projeta la coûteuse parure le plus loin possible devant elle. Au milieu des légères virevoltes de l‘objet, les gemmes le parsemant reflétèrent un instant les lueurs de la nuit avant que le collier ne disparaisse dans l’onde avec un bruit étouffé lorsqu’il arriva à la fin de son gracieux plongeon. Pendant un instant, tout le contenu de la boîte fut proche de suivre le même chemin au fond des flots, mais quelque chose retint le geste d’Eslyne dont les mains s’étaient crispées sur les bords du coffret, prêtes à tout renverser dans la Tamise. D’un geste rapide, elle referma le couvercle et éclata de rire, un rire au moins aussi clinquant que toute la "quincaillerie" qu‘elle avait dans les mains. Elle avait finalement bien mieux que ça à l’esprit.

Lyn pivota sur ses talons et avisa une silhouette qui passait derrière elle. Oh, cet homme était un signe de la providence, placé sur son chemin à l’heure dite du bon moment. Il lui permettrait d’accomplir sa première bonne action depuis…des lustres !
Elle piocha un babiole quelconque, un bracelet d’or blanc rehaussé de saphirs, et sauta en bas du trottoir, sa robe légère virevoltant autour d’elle, pour s’élancer vers l’inconnu qui lui tournait le dos. Elle courait vers lui avec d’autant plus de plaisir qu’il était évident que cet homme était un sorcier. A moins que les moldus soient passés à une mode plus décente. Pour ce qu’elle avait en tête, il était inespéré de tomber sur quelqu’un comme elle en ces lieux ! Même si peu surprenant, elle savait que beaucoup de quartier du vieux Londres contenaient des ruches d’habitations sorcières. L’insupportable Kathy Beks devait même dormir dans un lit près d’ici, si elle n’avait pas quitté John pour Timothy.


-Monsieur ! Monsieur ! Hou !, s’exclama la jeune femme en tordant à nouveau son talon, ce qui ne l’empêcha pas de galoper vers l’inconnu avec tout l’entrain d‘un jeune chien appelé à la gamelle, Pour votre femme ou votre maîtresse ! C’est un cadeau !

Tout sourire, Eslyne releva le bracelet étincelant à hauteur de son visage et le tendit vers la figure encapuchonnée de l‘homme, le voile brodé de sa manche évasée se rabaissant pour découvrir son avant-bras. C’est qu’elle devait bien relever son bras. Il était plus grand, beaucoup plus grand qu’elle.
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MessageSujet: Re: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptyJeu 19 Juin - 20:29:06

Le Mangemort ne se retourna pas tout de suite à l‘appel de la jeune femme, cependant ses épaules se raidirent en raison de la clameur trop soudaine venue rompre le silence. Il ne s’était pas infligé l’écueil d’une paranoïa galopante, un de ces délires de suspicion qui chargeaient les ombres immobiles d’ennemis en surnombre et troublaient le sommeil au moindre crissement d’insecte. Il avait fait d’un ordinaire des situations bien plus violentes et dangereuses, des heures mortelles où la moindre seconde pouvait être fatale. Mais cette voix dans son dos arrêta un instant les battements de son cœur. Elle l’avait surpris. C’était inattendu, presque choquant, de penser que la voix d‘une gamine put lui faire ressentir ce creux au ventre lié à l‘inquiétude, à l’appréhension face à une menace périlleuse ou insidieuse. Au son de cette voix, sa main s’était rapprochée de sa baguette d’un mouvement compulsif qu’il avait réprimé, aussitôt conscient de l’inutilité et de la sottise de son geste, une réaction instinctive née de sa vigilance sous-jacente. A force d’être prêt à tout, il était aussi prêt à faire n’importe quoi pour n’importe quelle raison. Son identité n’était pas inscrite sur son ombre. Elle le prenait pour un passant, un simple passant, et il n‘y avait aucun intérêt à la détromper ou à l‘apeurer.

Aussi posément que possible, il se retourna pour voir la petite chavirer au beau milieu de sa course vers lui. Ne tenait-elle donc pas sur ses jambes la sautillante gazelle ? Le bruit de ses pas précipités sur les vieilles pierres du pont lui indiquèrent que la jeune femme était chaussée de talon, une mode féminine aussi plaisante que lamentable. Un tel attirail rendait toute surface qui ne fut pas plate et ferme impraticable, une preuve de plus que les élégantes harnachant leurs jolies jambes de bottines se devaient de préférer l’intérieur sans risque de leur salon où elles se cantonneraient à plaire. Mais elle, sa joyeuse inconnue, elle était charmante, si désespérément touchante lorsqu’elle trébucha qu’un sourire amusé naquit sur ses lèvres alors qu’apparaissait un certain intérêt pour ce qui jaillirait du gosier de cette fille. Quel babillage lui servirait-elle ? Quelle envie irrépressible tracassait sa radieuse petite tête, quelle folie la faisait ainsi accourir vers un parfait étranger ainsi que vers un ami en affichant ce sourire si adorable ? Quelque chose devait la démanger affreusement.

Quand il la vit de plus près, la joliesse soupçonnée de la demoiselle se transforma en beauté authentique. Elle était très belle, d’une harmonie singulière et peu commune sur laquelle on ne pouvait passer sans s‘arrêter. Elle jouissait de cet attrait supérieur que donnait l’exotisme, son origine indéfinissable touchait cette petite faiblesse du Mangemort pour le rarissime et Rod s‘en fit presque un jeu d‘en percer le secret. Cependant, il ne parvint pas à déterminer dans le contour de sa pommette ou le dessin de ses yeux la provenance de ce métissage heureux, l’arc particulier de ses lèvres pleines restait un mystère évoquant des pays lointains…et pourtant si proches. Car la peau de sa vis-à-vis était claire ainsi baignée par la lumière de la lune et son anglais était sans défaut, si ce n‘était une délicate intonation chantante.

La petite ne se limitait pas à offrir à l’œil de quoi se rassasier. Elle donnait à l‘esprit matière à se divertir également. Juste comme il les aimait, distrayantes pour le peu qu‘on aurait à en faire. Et il ne ferait probablement que la croiser. Toutefois, à la voir lui tendre un bijou si précieux en apparence, il s’interrogea sur l’état d’esprit de la jeune femme. Etait-elle atteinte de folie douce ou sous le joug de l’alcool assorti à d’autres substances briseuses de bon sens ?
Quelque peu incrédule, il tendit la main vers le bracelet et le saisit entre ses doigts sans faire mine de l’ôter à la prise de la belle et si étrange inconnue. Les brillantes pierres précieuses rejetèrent leur éclat bleuté sur leur peau, les facettes taillées s’irisant de lueurs indécises à chaque mouvement. Jugson passa son pouce sur la rangée de saphirs et reposa ses yeux sur le visage souriant de la miss. Il nota contre sa hanche, le coffret contenant sûrement encore d’autres "trésors" de ce genre. Inconsciente ? N’importe qui animé de pulsions vénales aurait pu le lui arracher de force à ses doigts sans vie pour peu qu‘elle n’eût pas voulu céder le reste de sa joaillerie, car, à l’aune de ses maigres connaissance en la matière, ce n’était pas de la pacotille. Elle lui offrait un bijou de grand luxe comme s’il se fut agi d’un simple mouchoir en dentelle. Intrigante.


-Je ne suis pas marié, mon cœur.

Jugson recueillit néanmoins le bracelet de la petite main gracile et le fit distraitement jouer entre ses doigts, les pierreries froides cliquetèrent sous son toucher, un son cristallin qui fit écho au tintement d’une cloche lointaine.

-Quant aux maîtresses…Il est vrai que ce serait parfait pour l’une d’entre elles.

Il serra brièvement le bracelet pour lui transmettre un peu de chaleur et l’accrocha au poignet de la demoiselle. D’une main, il retint doucement les doigts de la jeune fille entre les siens comme s’il s’apprêtait à lui accorder un baisemain, une mondanité stupide. Mais au lieu de se pencher vers elle, il laissa courir son autre main sur la peau que la manche avait dénudé, appréciant la douceur de l’épiderme satinée sous ses phalanges. Il descendit jusqu’à effleurer de son pouce le creux du bras rond et doux, puis remonta calmement, enserrant entre ses deux mains celle de sa gracieuse interlocutrice. Et certainement très fortunée à bien y réfléchir. Etait-il le jouet d’une lubie de princesse ? Croyait-elle faire la charité à un miséreux au coin d’une rue ? La belle était joliment vêtue, propre comme un sous neuf, et probablement que s’il s’approchait assez, posait la tête contre son épaule pour respirer l'incurvé de son cou ou les boucles de ses cheveux, elle devait répandre un parfum autrement plus agréable que les remugles de décomposition qu‘il avait quitté.

Momentanément distrait de son intention première par le curieux petit animal que le hasard avait placé sur son chemin, il releva une main pour effleurer de son index une mèche de cheveux noir ébène. Quel autre cadeau pouvait-elle encore lui faire, elle qui se sentait l’envie de faire plaisir ?


-Une humeur à ce point généreuse est extrêmement tentante, ma toute belle. Un si joli sourire pour un inconnu. C’est inciter à apprécier tous les trésors de ta personne sans attendre que tu en fasses l'aumône, sais tu ?

Il y avait une autre interrogation contenue dans cette question rhétorique: Ou alors es tu l'une de ces oies blanches ? Ces petites sottes s’agitant dans le monde sans jamais rien en comprendre. Celles qui aiguisaient elles-mêmes les crocs de la bête et trouvaient encore le moyen de récrier leur surprise en versant une larme lorsque les crocs se refermaient sur leur chair rose d’écervelée.
Comme si leurs sanglots avaient le pouvoir d’éteindre un incendie initié de leur propre fait. On ne guérissait jamais mieux la stupidité qu’avec la douleur. Encore y avait-il des incurables que même la mort ne pouvait déniaiser, mais s‘ils mourraient stupidement, ils ne mourraient pas heureux pour autant. Seulement gardaient-ils la certitude d’être une victime des circonstances injustes, sentiment gravé avec conviction dans leur cervelle d’incapables poussifs par leur inaptitude à comprendre l’évidence. Aussi vivaient-ils leurs derniers instants avec la conscience déchirante de ne pas savoir pourquoi et expireraient sans avoir trouvé de réponse autre que d’ultimes lamentations stériles sur leur sort.

La stupidité...Ce fléau qui ne permettait jamais d'aller bien loin pourtant coupable de l’avilissement de toute une vie.
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MessageSujet: Re: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptyDim 22 Juin - 16:40:40

Dix heures. Encore deux fois ce temps avant que l’heure du crime ne retentisse et sonne le glas de cette journée en tout point semblable aux autres. L’optimisme présent d’Eslyne n’enrobait pas pour autant sa soirée avec la résolution tenace que tout allait changer dans sa vie. Peut-être aurait-elle dû ? Au moins se présentait un élément nouveau, un revirement de la situation qui lui amena un petit coup au cœur. Rien de bien méchant, juste cette sensation étrange de sentir son organe musculaire soudain disparaître, s’envoler quelque part, loin, très loin au dessus de l’emplacement adéquat. Cette sensation, c’était la surprise. Une agréable surprise. Troublante par certains côtés, flatteuse pour sa vanité féminine et sûrement pour bien d’autres défauts de sa personne qu’elle n’avait jamais pris la peine d’identifier.
La jeune femme compta sur l’obscurité de la nuit pour cacher le soupçon d’embarra monté à ses joues, mais cette illusion entraînée par sa confusion ne pouvait tromper ses sens. N’eût été la capuche le dérobant à ses regards fureteurs, elle aurait pu distinguer les traits de cet homme aussi bien qu’il pouvait lui-même la détailler. Le fait qu’il fut en mesure de saisir la moindre de ses réactions alors qu’elle ne pouvait pas même percevoir la teneur de sa physionomie, comme dans toute conversation élémentaire, ajoutait un petit quelque chose. Sa curiosité s’en trouvait sans doute excitée…Troublant, était bien le mot. Troublant d’une façon qui n’étai pas renversante, seulement délicieusement inattendue.

La satisfaction succéda assez rapidement à la surprise sur le visage de la sorcière. Un sentiment complaisant et joueur chassa la lueur perplexe apparue à réception des mots de l’inconnu. Elle y avait perçu tellement de choses. Et ces choses n’étaient pas des petites banalités, encore moins des compliments galants sur sa fraîcheur ou sa joliesse. Il lui avait certainement reconnu assez de grâce pour amener la conversation sur ce terrain hasardeux sans se faire prier. Ou alors il était de ceux mangeant à tous les râtelier, un de ces porcs que même la pire des auges ne saurait rebuter.

Devait-elle se sentir offensée et monter sur ses grands chevaux ? Ne venait-il pas de l’identifier à une future et potentielle maîtresse par son geste et ses paroles ? Si seulement elle avait pu voir son visage, l’expression de son regard. Qu’elle sache s’il s’agissait réellement de l’avance luxurieuse qu’elle voulait bien comprendre ou simplement d’une plaisanterie masculine. Une manière assez terrienne de lui dire qu’elle était belle et désirable. Sans plus. Etait-ce une proposition ? Ou bien monsieur se sentait-il gêné par un tel cadeau, réaction type du banal quidam intègre ne voulant pas profiter de sa générosité soudaine et, il est vrai, complètement incompréhensible pour qui n’avait pas accès à ses pensées enfiévrées. Elle ne faisait pas cela par charité pourtant. Son anonyme lui aurait fait une bien plus grande faveur en acceptant le bracelet, ne serait-ce que pour le revendre. Au lieu de faire ce qu’il était en train de faire.

Mais n’était-ce pas agréable ? Le discret sourire confiant qu’affectait la demoiselle démontrait que, quelque ait pu être son éducation depuis sa plus tendre enfance, et celle absurde de rigidité administrée sur le tard pour se conformer aux préceptes britanniques, en dépit de ce que disait la morale sur ce genre d’échange scabreux entre jeune fille et monsieur d’un certain âge, elle appréciait la caresse. La simple intensité du geste lorsqu’il avait accroché le bracelet à son poignet, ce qu’elle avait ressenti alors dans le creux de son ventre, le picotement sur ses joues rougies, les frissons de sa peau lorsque ses doigts avaient parcouru son bras, si doucement et pourtant fermement. Elle le savait, s’il l’avait voulu il aurait pu le lui tordre, ce bras. Aussi facilement qu’on plie une brindille. Et elle s’était sentie proche de plier en effet. Lorsqu’il passa son pouce sur la voûte de son coude, le tressaillement qui la saisit alors indiqua qu’il venait de toucher un point sensible. Qui n’avait jamais fait montre d’autant de sensibilité jusque là. Presque gênée par ce qu’elle ressentait, Lyn amorça un mouvement avorté pour lui retirer son bras, bien qu’elle n’en ait guère eu l’envie au plus profond d’elle-même. En son fort intérieur, elle voulait bien plus que cette délicatesse, que ce simple effleurement.


*Mais pas avec n’importe qui.*

Pinçant les lèvres dans une tentative visant à se ressaisir, elle détailla la silhouette en face d’elle, usant d’un regard critique où planait une bonne dose de défiance et de défi. Oui, elle se méfiai de lui. Et oui, elle se demandait réellement si ces mains-là ne devaient leur toucher en or uniquement à cause de son imagination et du saisissement qui l’avaient mise à fleur de peau. Il l’avait déstabilisé et elle s’était presque offerte l’espace d’un instant. Seulement, il en faudrait plus, beaucoup plus s’il désirait qu’elle se livre.
Il semblait tenir à éprouver plus intimement de quoi elle était faite, n‘était pas le premier et ne serait sans doute pas le dernier. Y réussirait-il ? Ça, c’était une tout autre histoire. Elle ne refusait pas cette possibilité, cependant. Pourquoi pas ? Pourquoi ne serait-il pas capable de la surprendre et d’obtenir ce que tant d’autres avaient échoué à remporter ? Une éventualité admissible. Presque une chance.


Le sourire présent sur sa frimousse s’incurva un peu plus tandis qu’elle inclinait légèrement la tête pour regarder par en dessous l’emplacement probable du visage dans l’ombre .

-Je sais, dit-elle en frottant doucement sa joue contre les doigts enserrant sa main dans leur étreinte tiède, Mais je compte sur votre évidente âme de gentleman pour vous contenir et ne les apprécier qu’avec les yeux. Dans un premier temps.

Avec une petite moue faussement réprobatrice, elle donna une chiquenaude à l’index venu effleurer les boucles de ses cheveux. Trop près de son visage, le mouvement subtil de la mèche lui avait chatouillé la joue. Et puis…à quoi ressemblait-il donc, lui qui osait la palper comme un beau fruit ? De ce qu’elle pouvait concevoir et de ce qu’elle avait sous les yeux, l’homme était hypothétiquement agréable à l’œil. Son corps semblait présenter une certaine fermeté qu’elle avait éprouvé par son toucher, visuellement il donnait l’impression d’être athlétique, puissant sans offrir un aspect ridiculement baraqué. Qu'en était-il de son visage ? Etait-il laid à faire peur ? Ou pire que disgracieux : banal. Les traits fades et mous des anonymes au rabais, sans rien pour accrocher le regard, ni pour retenir l’attention. Eslyne méprisait ces visages qui ne savaient susciter aucun intérêt, sur lesquels ses yeux verts passaient ainsi que sur un mur blanc, sans brillant ni lézarde. Sans qualité permettant de s’extasier sur cette perfection, ne serait-ce que sur un seul trait de la face, ni même de s’attacher à un défaut physique donnant tout son charme, le sel et le piment de la personne.

-Si vous voulez que je roucoule en chœur avec vous, il va falloir me faire voir votre visage. Qu’est-ce que vous cachez là-dessous ? Du vilain ? Ou votre timidité ?

La demoiselle ramena son coffret sur sa poitrine, ses deux mains jointes sur le bois ciselé, parodie d’un geste d’attente pieuse. Ses sourcils sombres s’incurvèrent au dessus de ses paupières bien relevées sur ses yeux, comme une petite fille qui attendrait innocemment d’être émerveillée par le cadeau déballé devant elle.

-Montrez moi et peut-être que dans mon infinie largesse je vous agréerai d’une récompense…,le challengea-t-elle d’une voix au ton toujours saupoudré par l’ironie et le sarcasme.

La cerise sur le gâteau ou la carotte pour faire avancer l’âne.
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MessageSujet: Re: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptyMer 2 Juil - 17:50:30

Jugson observa le rouge monter aux joues de la jeune femme et colorer de touches vives cette peau rendue trop pâle par la lumière de la lune. Le contraste occasionné était séduisant, mais il pouvait être porteur d’une amère et banale déception quant à la jugeote de cette fille. Devrait-il la prendre pour une mijaurée trop facilement troublée par un sous-entendu quelconque, par une pauvre caresse comme celles données aux chiens ? Les tendrons de cet âge avaient de ces réticences prudes et de ces pâmoisons stupides, s’affolant pour un rien et s’amourachant d’un homme comme elles s’accrochaient à une nouvelle robe: simplement parce que les deux flattaient leur apparence.

La rougeur diffuse ornant le visage de la belle trouva pourtant un écho favorable en lui, et le Mangemort s’autorisa un sourire suffisant en réponse à celui de l‘inconnue. Il était bassement satisfait de cette réaction. De ce qu’il avait su provoquer en elle et plus encore, de la lueur de désir qu’il détectait dans son beau regard vert, ô combien brillant et révélateur, cette lueur qui promettait tellement de bonnes et belles choses. Ce n’était pas une ingénue, cette malice au fond des yeux et son sourire complaisant de connivence venaient contredire l‘empourprement dont elle avait été victime, le changeant en un réflexe tout à fait délicieux. Une réactive, une petite allumette qui s’enflammerait aisément et quel plaisir surpassait celui de sentir une femme frémir sous ses doigts, de l’entendre gémir aux baisers sur la chair palpitante ? Toutes n’avaient pas la chance d’avoir été faites pour l’amour et d’éprouver la sensualité de gestes trop subtiles ni de vivre pleinement les ébats, ne cédant rien de leur raison à la volupté. Les intellectuelles et les vertueuses ne le séduisaient pas plus que les glaçons et les murs de fer.

Mais elle, toute joueuse, toute savoureuse, elle présentait tout l’attrait d’un instrument de musique aux mains d’un mélomane. Saurait-il bien en jouer pour obtenir ce qu‘il voulait de ce corps jeune et adorable ? Ses doigts sauraient-ils trouver où et comment la caresser pour tirer de ces lèvres les notes qu’il désirait entendre ? La petite sembla justement recouvrer un bout de cette sempiternelle morale qui grignotait l’esprit des demoiselles avant qu’elles n’aient le temps d’effleurer des draps autres que ceux de leur lit de dentelle. Il sentit la mince, mais si vive flammèche de l’abandon vacillée sous l’effet des réflexions infantiles qui devaient s’agiter à l’intérieur de la jolie petite tête brune. L’agacement menaça de s’emparer du Mangemort, déjà bien trop attiré par la jeune femme pour revenir sur ses désirs sans ressentir la morsure de la frustration et tout ce que cette émotion soulevait de fâcheux pour l’imprudente. Par son sourire qui succéda bientôt au court instant de réflexion, elle balaya le contrariant sentiment, l’apaisant jusqu’à ce qu’il déserte son corps, au fur et à mesure que sa joue glissait sur les doigts du mage noir. Elle savait de quoi il était question, elle le comprenait et faisait durer l’instant simplement pour le rendre plus agréable. Ainsi donc, elle pensait être de celles que l’on savourait ? Il ne pouvait que lui reconnaître avoir les arguments nécessaires à une telle prétention.


-La naïveté n’est malheureusement pas une bêtise passée de mode, je vois. J’aurai quelques remords à briser ces illusions de petite fille. , déclara t-il le plus sérieusement du monde. De cette sévérité professorale qui n’abusait jamais personne dans ce genre de situation.

Rod marqua un temps et imprima une légère pression suggestive sur les doigts retenus prisonniers entre les siens.

-Je soupçonne déjà le plaisir dont me priverait ton désarroi.

Il laissa lentement filer la petite main hors de la sienne, l’index trop audacieux de son autre main enregistrant la réprimande taquine de la jeune fille. Sous sa capuche, Jugson haussa les sourcils, amusé par les manies de cette belle enchanteresse. Elle le faisait sourire, trouvait de quoi distraire son esprit aussi facilement qu’elle réjouissait ses yeux. Il jouerait à ce jeu s’il lui était plaisant…Dans un premier temps. Un temps qu’il voulait et ferait assez court. Se conformant aux règles établies, il suivit lentement du regard les courbes appréciables sous l’étoffe légère, s’attarda sur les rondeurs de la poitrine faiblement animées par le mouvement calme de la respiration et ne remonta au visage souriant que lorsqu’elle lui parla de lui dévoiler le sien. Une requête fâcheuse.

A la vérité, ses pensées n’avaient rien de menaçant à l’encontre de la jeune femme, le contraire ce serait appliqué plus justement à ce qu’il ressentait à son égard. Cependant, ce questionnement indirectement soulevé aurait surgi tôt ou tard car, s’il mettait en lumière qui il était, il en allait de même de ses croyances et idéaux. Le dégoût pour le sang impur imprégnait à ce point la conscience du Mangemort, que la vague idée de profiter du corps d’une de ces créatures infectées euthanasiait toute pulsion charnelle. Elle si enjouée, elle qui le charmait déjà n’était-elle qu’une vulgaire chienne des rues, une bâtarde ? Nul besoin de préciser son degré de mortification si le cas devait s’avérer être vrai. Ce besoin de savoir déclanché par la question de l’inconnue prit le pas sur le reste. Son visage ? Elle n’était pas en mesure de réclamer quoi que ce soit. Le jeu venait de trouver abruptement ses limites. Il n’était pas son esclave pour se trahir ainsi et satisfaire son bon plaisir, la curiosité imprudente qu‘elle désirait étancher.


-Je cache ce qui pourrait heurter ta petite sensibilité de jouvencelle, ma toute douce. , lui rétorqua-t-il sur le même ton d’ironie.

Il pourrait la laisser là. Il pourrait la laisser en vie, toujours aussi belle et rayonnante. Et c’était certainement ce qu’il ferait si la réponse sortie de ces lèvres ne lui convenait pas. Il regretterait même ces quelques minutes qui auraient pu aboutir sur d’autres passe-temps plus indécents. Comme il aurait volontiers troqué cette innocence de surface pour ressentir toute la brûlante réalité sous l’amusette, ce que leurs mots, leurs regards suggéraient, promettaient.

-Voilà qui est tout à fait tentant et pour bien peu d’effort. Vraiment, chérie, tu es très généreuse…cependant…

Le Mangemort étendit le bras jusqu’à ce que sa main fût en mesure de toucher la peau fine du menton féminin qu‘il comprima entre son index et son pouce, le bout de son doigt frôlant le rebord ourlée de la lèvre veloutée. Il releva doucement l’exotique visage d’une poussée ferme afin de mieux distinguer ses jolis yeux brillants.

-Dis moi plutôt: as-tu de la race ou sors-tu du fumier ? Aussi alléchante que soit une gourmandise, je ne goûte guère la vermine qui patauge dans la bourbe de son propre sang.

Le ton était plus froid malgré la note d’ironie perceptible des paroles. Elle avait bien le droit au bénéfice du doute. Elle pourrait même mentir: jeu dangereux où il valait mieux que le tricheur reste indécouvert et sur ce genre de sujet rare étaient ceux qui savaient travestir bien longtemps la vérité. Plus surprenant encore: rare étaient ceux qui souhaitaient travestir cette vérité par un manque aberrant de lucidité. La stupidité crasse devait être inscrite, incrustée tel un chancre dans les gènes de ces bêtes.
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MessageSujet: Re: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptyVen 4 Juil - 1:08:14

Quels mots auraient pu résumer au mieux le tempérament de son mystérieux inconnu ? De toute évidence, il aimait se divertir et si elle n’était pas assurée de sa beauté physique, au moins était-elle convaincue de l’intelligence qui était la sienne. Il lui servait les réparties qu’elle aimait entendre, les plaisanteries qui l’amusaient, même si à chacune de ses répliques elle entendait le double sens croustillant. Ces sous-entendus rajoutaient du piquant à la conversation, elle en savourait le cynisme sans pour autant trouver cela dégoûtant, épicé sans être scabreux. Après tout, ils étaient adultes, non ? Il lui plaisait pour le peu de temps qu’ils auraient à passer ensemble et c’était tout. Etait-ce l’incurable zeste de romantisme rescapé de son adolescence qui lui agitait le leurre d’une complicité factice devant son bon sens ? Elle ne se faisait pas d’illusions, pourtant. Les intentions de monsieur étaient claires et nettes. Il s’agissait là de quelque chose qu’elle savait apprécier. Elle ne pouvait souffrir les timorés ou les mielleux, ceux qui vous apportaient des fleurs pour vous acheter sans avoir la sincérité de le reconnaître, faisaient semblant de s’intéresser à votre nouveau collier simplement pour mieux pouvoir reluquer votre décolleté, ceux qui prêchaient avoir été séduit par votre beauté intérieure au premier regard, en bref les cafards hypocrites. Certainement, les rangs de ces spécimens étaient-ils peuplés de réels naïfs et de vrais idéalistes, touchants à leur façon. Mais s’émouvoir n’attisait jamais le désir.

Avec lui, il y avait déjà tant à faire seulement en l’écoutant parler. Eslyne prenait un plaisir particulier à voir les gens rentrer dans son jeu, peut-être car cela signifiait qu’elle partageait quelque chose, qu’elle était capable de tisser des liens avec autrui. Des liens superficiels, limités à l’amusement et à la distraction procurés, au besoin de confidences, toujours effectuées à moitié, l‘envie de sortir quelque part: night-club, exposition, match de Quidditch. Chaque visage un tant soit peu familier trouvait son utilité par une facette de sa personnalité qui satisfaisait la jeune femme au moment où elle faisait appel à cet "ami". Même Kathy Beks avait droit à son quart d’heure : lorsqu’Eslyne voulait rire un bon coup aux dépens de quelqu’un et se prouver que sa condition aurait pu être vraiment misérable. Généralement indifférente à cet état de fait, celui d’être toute seule au milieu d’un groupe dit de "proches", il n’en restait pas moins qu’elle aurait apprécié un réel alter ego. Comme son père avait su l’être pour la petite fille d’autrefois, mais pas seulement.

La sorcière releva un œil critique sur la sombre silhouette devant elle. Non pas seulement. Puisque chacun avait pour elle un rôle défini, celui-ci, cet inconnu, ne saurait-il pas devenir l’élément distrayant de ses nuits ? Il était plaisant jusque là, peut-être serait-il également délicieux, tout à fait indispensable. Il empruntait le bon chemin pour le devenir, mais s’en soucierait-il ? S’il ne désirait qu’une femme quelconque, un peu de compagnie pour réchauffer son lit, il y avait bien peu de chance qu’elle devienne une régulière. Un sourire madré s’esquissa de lui-même, donnant à son visage une expression presque calculatrice. A moins de le prendre au piège et de le retenir dans ses filets. Si jamais il se montrait totalement satisfaisant, bien sûr.

Sa naïveté ? Oh, comme elle aimait le voir jouer avec elle. Insolent, dépouillé de l’acceptation puérile et flambeuse du terme pour ne garder que le défi à relever. Délicieusement insolent. L’inconvenant se cherchait-il une effrontée ?


-Comment ? Mais si je pleure mes illusions déçues, vous serez là pour me consoler, n’est-ce pas ? Vous me prendrez sur vos genoux, m’offrirez une sucette à l’anis et sortirez un mouchoir blanc de votre poche pour sécher mes jolis yeux plein de larmes. Tous les gentlemen ont un mouchoir blanc dans leur poche !

La demoiselle s’était récriée innocemment sur ce qu’une petite dinde anglaise prépubaire sevrée aux contes fabuleux aurait cru être la règle inviolable de bonne conduite. Avant de poursuivre dans son rôle, elle hissa une lippe enfantine à sa lèvre en tant que drapeau de son mécontentement et croisa résolument les bras.

-Oh, mais je vois bien que ce ne sont pas mes états d‘âme qui vous intéresse. Infâme profiteur, j’ai presque cru à votre commisération, naïve que je suis ! Je devrais commencer par vous bouder pour vous priver du plaisir de ma conversation !

Et il s’agissait peut-être de sa prochaine étape, effectivement. L’inconnu ne montrait pas la moindre inclination à se découvrir et son ton un peu plus condescendant lui fit comprendre que cette action ne ferait certainement pas partie des dix prochaines minutes de leur échange. Cette fois, la jeune femme s’était sentie prise de haut, comme s’il était le dépositaire d’une science infuse qu’elle était loin d’effleurer du doigt. Ses sourcils se froncèrent légèrement et son sourire se changea en moue dubitative. Elle se sentait un peu agacée, même si elle savait que les jeux d’ironie finissaient souvent par vexer, elle avait tellement eu envie de le voir accéder à sa requête qu’elle se trouvait frustrée de sa dérobade.

-Ma sensibilité, je m’arrange avec elle. N’ai-je pas survécu à la désacralisation de votre âme immaculée ? Et encore…Quelque chose me dit que je n’ai pas d’ores et déjà touché le fond. Si vous devez calciner ce qui me reste d’illusions, allez-y tant que je suis préparée.

Sa propre voix avait gagné en piquants pour venir flanquer le bouquet empoisonné qu’elle lui tendait. Etait-ce si dramatique ? Il n’aurait qu’à relever sa main pour lui donner ce qu’elle voulait. Avait-il peur d’être rejeté une fois sa trogne mise en évidence ? Voilà, qui n’était pas pour l’encourager à être sympathique. Superficialité ou arrogance, Lyn avait déjà une idée arrêtée de ce à quoi il devait ressembler pour lui plaire. Non, elle n’avait pas brossé le portrait de son héros comme la dernière des têtes de linotte, elle n’avait pas son profil idéal gravé dans un coin de son cerveau, enrubanné de rose et scintillant comme un Gallion tout neuf. La seule raison qu’elle avait de lui parler était cette infime similarité dans le cynisme qu’elle sentait et le charisme qu’elle lui prêtait. Exigeante ? Peut-être. Cependant, vu la teneur de leur conversation, n’était-ce pas légitime de vouloir donner une réalité à ses désirs projetés sur de l'incertain ? N’était-ce pas légitime, étant donné ce qu’il désirait obtenir d’elle ?

En une seconde, sa résolution fut prise. Une pensée surgie de nulle part venait de lui traverser fortuitement l’esprit, remportant d’un seul coup tout le suffrage de sa raison sans avoir besoin d‘un référendum avec sa conscience.


*On est jamais mieux servi que par soi-même.*

Tendue, la demoiselle sentit l’appréhension se lover au creux de son ventre, comme si ce qu’elle voulait faire était une mauvaise action répréhensible d’une punition. Cette légère crainte coexistait avec un sentiment plus joyeux. L’excitation. Comme en essayant de deviner le contenu d’un cadeau derrière un emballage coloré et dissimulé avec soin par quelques sortilèges de camouflage sous le lit de ses parents. D’abord on le regardait, les mains jointes, à l’écoute du moindre craquement, du moindre pas s'annonçant dans le couloir, craignant de voir rentrer son père ou sa mère dans la pièce. Ensuite on le touchait, on le secouait, on le remuait dans tous les sens pour en écouter le bruit.
Eslyne tendit la main vers l’épaule de l’homme au moment où celui-ci saisissait son menton, un discours nettement plus froid à la bouche. Coupée dans son élan, sa main resta un instant suspendue avant d‘amorcer un retour en arrière et d‘entourer lentement le poignet au bout duquel se trouvait la main oppressante.


-N’essayez pas de me creuser une fossette, c‘est abominablement laid et peu féminin.

Encore et toujours, il se révélait très clair, frontal. Il brisait sans considération l’univers d’allusions feutrées qu’ils avaient bâti tous les deux. Devait-elle lui répondre ? L’inquiétude de son anonyme était légitime. Elle ne voulait pas d’un idiot ni d‘un mal fichu sans éclat, il ne voulait pas d’une impure. Doucement, la jeune femme remonta sa main, qu’elle vienne se poser sur celle de son vis-à-vis, légère, un toucher d‘aile d‘oiseau. La remarque qu’il venait de faire ne prêtait pas à rire ou à miser plus avant sur sa bonté d’âme. Peut-être se donnait-il un genre. Peut-être y croyait-il. Quelque part, elle était mal à l'aise. Et que pouvait-elle faire d’autre sinon l’amadouer ? Son pouce commença à caresser la main de l’homme, ses doigts redessinant les sillons entre chaque tendon.

-Alors vous allez vous régaler avec moi.

Et sans attendre, elle se haussa sur la pointe des pieds, quelque peu gênée dans son geste par la prise de l’inconnu, étendit le bras en direction de la capuche insupportable et la rabattit vers l‘arrière. D’un seul coup, sous l’impulsion d’elle ne savait quelle lubie. Elle avait projeté de le faire, mais pas aussi soudainement. Et l’instant suivant elle sut que sa petite imprudence était en faite une belle, une véritable, une très, très grande connerie.

D’abord, sa curiosité avide s’étancha sur les traits de son inconnu dans la fraction de seconde où il lui demeura encore étranger. Mais très vite, elle posa un nom sur ce visage, sur ces yeux argentés. Et cette cicatrice. Elle n’avait prêté qu’une attention désinvolte aux portraits des évadés. Vraiment, ce n’était pas avec ce qu’elle faisait qu’elle aurait pu en rencontrer un. Elle ne risquait rien, n’était pas en danger, elle n’était pas une Auror à leur courir après. Elle n’entrait pas dans la catégorie de leurs cibles. Pourtant, elle était saisie au suprême degré, peut-être trop hagarde et abasourdie pour être terrifiée, mais certains symptômes firent néanmoins leur apparition. Son cœur s’était tu, ratant plusieurs battements et des petits tremblements nerveux parcouraient son corps de saccades électriques. Elle se sentait enterrée vive, un peu hors de tout comme on se sent une fois que son destin a pris un virage qui menait dans une impasse. Elle aurait dû faire quelque chose au lieu de rester à le dévisager. Elle devait faire quelque chose.

Un bruit de ferraille monta à ses oreilles lorsqu’elle lâcha inconsciemment son coffret et que la boite répandit ses bijoux et ses perles sur la chaussée. Plus morte que vive, Eslyne jeta un bref coup d’œil à la marée étincelante.


-Quelle maladroite.

Quelle ahurie. Comment pouvait-on agir alors que l’on ne s’appartenait plus, que son corps était pétrifié, et qu’au lieu de plaider sa défense, s’excuser ou jurer son soutien total à la cause du Seigneur des Ténèbres on sortait des platitudes fatales ?
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MessageSujet: Re: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptyLun 7 Juil - 0:16:29

Amusant. Elle rendait tout ceci plus amusant. L’art de la conversation stérile, mais exécuté avec tant de grâce et de charme qu’il se laissait prendre au jeu de cette fille. Il y trouvait un plaisir inattendu, une sorte de satisfaction tranquille. Aucun trouble, aucune menace, aucune inquiétude, aucune frénésie. Seulement un calme quasiment dépouillé de méfiance, ce qui pouvait se rapprocher au plus près de la sérénité ou de la paix de l’âme dans cette situation. Ce n’était qu’une gamine, après tout.

-Petite fille…Si tu n‘as pas ma commisération, tu as tout mon intérêt et mon…dévouement à ton bien-être. Je ne te refuserai aucune gourmandise si tu ne me boudes pas.

Délicate, légère, mais si peu innocente. Des fleurs blanches seraient soudainement apparues pour éclairer ses boucles noires qu’il ne lui aurait pas prêté une once de vraie naïveté.

-Tout ce que tu voudras., renchérit-il.

Dernière futilité de la soirée ? Possible. Il en aurait presque poussé un soupir de dépit, mais malgré son mécontentement, il ravala déception et vexation. Habitué il l'était, bien sûr, cependant toute habitude devenait lassante lorsqu'elle commençait à ressembler à l'expression d'une fatalité d'opérette.

Amusant, oui. La façon dont les choses finissaient toujours par se gâter. Le plus beau des fruits était voué à se flétrir, les mots s’effaçaient des pages trop vieilles et des lettres oubliées, le temps n’épargnait pas les corps destinés au tombeau et à la pourriture, de ce fait il n’en allait pas autrement des plus charmants sourires. Pareille à une charpente se craquelant sous l’effet de la vermine rongeant son cœur, la gamine quittait imperceptiblement ses joyeuses manies pour une humeur plus acide. Etrange propriété que la sienne que de toujours être le catalyseur des pulsions les plus sombres et des sentiments les moins amènes. Toujours les rapports de force s’installaient sur les bases les plus anodines: un simple refus, une plaisanterie irréfléchie, une réflexion insignifiante suffisaient souvent à hérisser ses relations d‘éclats coupants si par négligence fusait le "mot de trop". Etait-ce réellement lui et son caractère insouffrable, ou y’avait-il une part de responsabilité féminine ? Un fond d’hyperhystérie commun à toute créature femelle qui les conduisait inévitablement à s’échauffer par période, pour des broutilles ou lorsque leur vanité était atteinte. Une cause attachée à leur condition de femme car toutes, toutes sans exception, enduraient les mêmes maux, aussi bien que les impurs traînaient les mêmes tares.

Jugson eut un tendre sourire en considérant la petite chose devant lui. D’autres aventureuses avaient fait le pari de gagner contre lui, de soumettre sa volonté à la leur, à leur charme ou à cette invisible douceur d’âme qui habitait les plus sottes d’entre elles. Les plus combatives connaissaient des fins violentes, quant aux manipulatrices, qu’elles fussent séductrices ou avides de lui offrir sa rédemption, il arrivait que leurs manigances n’en soient pas moins bien récompensées. Toutefois, il ne refusait pas l’émulation, il accueillait même la confrontation avec une complaisance certaine et un certain enthousiasme. L’ennui était que la plupart des demoiselles franchissaient sans mesure les limites, aussi aisément qu’on retroussait une robe, et lorsque les conséquences de leurs actes meurtrissaient leur précieuse délicatesse ou leur peau si fine, elles ne savaient que pleurer et s’interroger sur l’injustice d‘une telle correction.

A la décharge de celle-ci, il devait reconnaître avoir porté le premier coup à leur distrayante conversation. Le Mangemort accorda une pensée aux rafraîchissantes minauderies enfantines de la jeune femme alors que s’installait quelque chose de plus amère. Encore demeurait-elle agréable, piquante sans être irritante, mais d’expérience il doutait d’en rester là. Pas avec ce qu’il pressentait de sa personnalité d’entêtée et ce qu’il savait de la sienne, des fichus défauts de son caractère. Il voyait s’amorcer les prémices d’une descente inexorable du ton de leur petite causerie, un scénario mille fois vécu. Ou peut-être pas ? Peut-être saurait-elle encore le surprendre ? Une attente…ou un espoir. Quel mot étrange. Trop étrange pour être fondé ? Pourtant, il avait pris goût à ces puérilités dévoyées et aurait souhaité les prolonger encore un instant. Il pouvait se le permettre. Le sang de sa vis-à-vis était pur, s’il devait se fier à la musique qui sortait de ses jolies lèvres qu'il ne demandait qu'à croire. A ses yeux, elle n’avait pas besoin d’autres vertus que celle-ci pour se rendre désirable, l’intelligence et l’esprit vif venaient en prime de cette qualité, la rendaient plus attrayante encore que toutes ces autres bécasses trop insipides, trop niaises, trop exaspérantes, les banales objets uniquement destinés à sa satisfaction.

De ses yeux, il suivait le tracé cajoleur de la jeune fille sur sa main, et son visage s’éclaira d’un sourire appréciateur alors qu’il relâchait la pression pour simplement soutenir le menton de la belle du bout des doigts. Elle prenait les choses de la bonne façon, la manière caressante, et sa douceur était aussi efficace, sinon plus, que des tenailles de métal pour lui faire desserrer sa prise. Finalement, elle avait su s‘y prendre. Sa main glissa sur la peau de l’inconnue, recouvrant amoureusement sa joue et sa pommette au galbe parfait. Finalement, tout irait bien.

Elle se mut avec une agilité surprenante, aussi prompte qu’une chatte donnant un coup de patte joueur et négligeant, assurée de son succès par l’avantage traître que donnait la surprise. Une fois de plus, désarmé et étonné, il ne put que relever la main pour intercepter son poignet, mais trop tard, bien trop tard pour l’empêcher de découvrir son visage. Dans le bref intervalle de cette pulsion inconsidérée, Rod avait ramené son autre main à l’épaule de l’inconsciente, ultime tentative destinée à la tenir éloignée, hors de portée. A présent, ils restaient là à se regarder, le poignet de la jeune femme inutilement serré entre ses doigts crispés. Les remous du fleuve comblèrent le silence, soudainement tombé entre eux deux, chacun accusant le coup de sa propre consternation: lui se désespérait du geste inconsidéré de la sorcière et elle, ses yeux si largement ouverts révélaient son angoisse derrière cette atonie, la langueur égarée du regard de ceux recevant un choc, qu'il soit mental ou émotionnel. Le Mangemort, perçut une vibration contre la chair de sa paume, un frissonnement ténu, réflexe provoqué par la peur et témoignant mieux que par milles prières bafouillées, suppliques précipitées et autres idioties insupportables, des craintes de sa captive. Si elle n’était pas en pleine crise de larmes telle une vierge éplorée, tout en elle traduisait la seule vérité envisageable: elle l’avait reconnu. Et elle le craignait quand il ne lui voulait aucun mal.

Cette situation il l’avait déjà connu de nombreuses fois dans sa vie et il n‘y avait pratiquement jamais eu la même issue à chacune d‘entre elles. Son expression hermétique se troubla à peine au fracas du bois contre la pierre, des bijoux cliquetants roulant sur la chaussée, autour de leurs pieds, une rutilante cascade de reflets fauves sur la grisaille sale du sol londonien. A l'image de la pauvre petite qui croyait voir une calamitée arriver pour si peu: un joyau parmi tant d’autres fausses pierrailles peinturlurées, tant d’autres cailloux dans sa chaussure.


-Maladroite, oui. Si seulement il n‘y avait que ça. Ne t'avais-je pas prévenu ?

S‘avançant d‘un pas vers la jeune femme, il posa une main au creux de la cambrure de son dos et la pressa lentement, mais impérieusement, contre lui, savourant les courbes gracieuses de ses formes ainsi comprimées. Il déposa un baiser au coin de ses lèvres, un suivant plus léger vint effleurer sa joue, puis il en appliqua un autre, plus appuyé à la base de son cou. Sa main libre vint soutenir la nuque lisse, parfois traversée d'un frisson, tandis qu’il se penchait un peu plus sur la petite silhouette. Sa bouche détrôna bientôt sa main animée d’un faible mouvement apaisant et laissa filtrer de l’air chaud entre ses lèvres, frôlant l'épiderme sans pouvoir résister au désir de le goûter de la pointe d'une langue lascive. Conjointement, les doigts du Mangemort tracèrent des vagues sinueuses le long de son échine, sur ses épaules, cherchant à amener de la chaleur et de la sorte faire cesser les tremblements nerveux. Comme si tout était dû à un simple petit refroidissement. Il se redressa au bout d’un certain temps, sans toutefois s’écarter de celle qui demeurait une inconnue pour lui.

-Tu as l’avantage sur moi, ma chérie, de toute évidence tu sais qui je suis, mais je ne connais même pas ton prénom.

Rod l'observa d'un oeil attentif, d'autres réflexions sur le point d'être formulées titillant sa langue. Réaliser qu’il éprouvait assez d’intérêt envers elle pour ressentir l'envie de lui poser des questions sur son étrange comportement de tantôt troubla son esprit, une gêne fugace qui disparue aussi rapidement qu’une étincelle jaillissant hors du feu.

-Pourquoi trimballes-tu tout ce fatras ? ,demanda-t-il en repoussant une rivière de diamant avec son pied.
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MessageSujet: Re: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptySam 26 Juil - 2:15:29

Comment tout ceci avait-il pu se produire aussi vite ? Comment était-ce même possible ?

L‘instant d‘avant, elle était encore accaparée par ses minauderies familières avec un inconnu tout à fait électrisant. "How sweet you are" aurait-elle dû lâcher pour rester dans le bon ton ouaté de la brumeuse contrée anglaise lorsqu‘il s‘était engagé à la satisfaire. Mais rien de ce qui se disait n’était en réalité très innocent et cette fois, elle n’avait pas eu envie de poursuivre ces faux enfantillages. Au contraire, son expression était devenue sibylline alors que l’émeraude veloutée de ses yeux s’avivait d’impatience. "Je prends note de tout ce que vous me dites", avait dit l’éclat de son regard luisant et son sourire promettait d’appréciables suppléments s’il voulait bien lui faire la faveur demandée. Déjà, Eslyne avait ressenti une certaine nervosité, une excitation craintive, où le plaisir éprouvé jouxtait l’appréhension d’être brusquement déçue. Dans son ignorance, elle avait cru que s’il y avait quelque chose en mesure de lui chiffonner son humeur, c’était bien ceci : rester sur sa faim après tant de belles promesses. La déception légère, mais toutefois désagréable de croquer dans un savoureux beignet à la framboise ou à la délicieuse crème chocolatée pour se retrouver avec de la purée de hareng collée entre les dents et sur le palais. Lors, tous les désirs de la jeune femme n’allaient plus que dans une seule, unique, direction : l’homme en face d’elle. Il était devenu sa petite marotte pour une nuit et l’empressée l’avait voulu à la hauteur de ses fantasmes. Physiquement, il l’était.

Si seulement elle avait su. Si seulement elle avait pu prévoir ce qui l’attendait sous l’exaspérante capuche. Si seulement en voyant cet homme au visage dissimulé dans l’ombre se retourner vers elle, la sage et d’ordinaire avisée employée du Ministère avait pu se dire "Hey, mais c’est Rod Jugson !" et transplaner dans l’instant. L’action la plus sensée, celle qui permettait de continuer à vivre. Dire que ce n‘était même pas ce qu’il y avait d’inscrit sur ces connes d’affiches ministérielles. Quelle était la marche à suivre déjà ? "Notify immediately by owl the Ministry of Magic" . Aussi incertaine que soit sa situation, la jeune femme sentit monter une exclamation moqueuse qui resta bloquée dans sa gorge nouée. Quelle directive ridicule prise au pied de la lettre ! Et c’était le cas de le dire. Elle se voyait écrire, plume vaillante à la main, le dos du Mangemort comme support de fortune, puis elle cachetait son parchemin et l’envoyait diligemment comme elle était enjointe à le faire. Ceci accompli, elle retournait un sourire désarmant de niaiserie au tendre Rody, battait des cils et lui décrétait dans un souffle : "Vous pouvez y aller mon cher monsieur Jugson. Mon âme est en paix, je suis prête à mourir dignement ou à me faire charcuter. Qu’importe ! J’ai fait mon devoir de citoyenne." Et pourquoi ne pas aussi lui dire qu’il était un vilain qui serait forcément puni un jour ou l’autre ? Ou pire, monter un cran au-dessus dans la sottise et jouer l’héroïne intrépide en lui collant sa baguette dans le nez avec un bon Incendio afin de lui calciner le cerveau. Mais pourquoi pas ? A cette distance, la prouesse consisterait véritablement à ne pas toucher au but. Après tout, il restait un homme, rien qu’un homme.

Un homme aussi mortel qu’elle pouvait l‘être, mais le choc de la surprise engourdissait son esprit et paralysait ses facultés. Dans l’intervalle de secondes que dura leur latence confuse, ses yeux passèrent du visage reconnu aux doigts enserrant son poignet. Il fallait réfléchir. Réfléchir et rester calme. Si seulement ses tremblements spasmodiques avaient bien voulu lui faire la grâce de disparaître avec son ahurissement de stupéfixée ! Eslyne sentait confusément que ce n’était certainement pas la bonne attitude à adopter. Faire montre d’une peur aussi évidente face à un individu que tous les journaux qualifiaient de détraqué était un peu comme agiter une plume devant un chat particulièrement "joueur". Pire, si elle tremblait, n’était-ce pas qu’elle avait des raisons de le craindre ? Au cas où une mauvaise conclusion se serait implantée dans l’esprit du Mangemort, Eslyne risqua un demi sourire tout sauf naturel. Sous cette tentative d‘amadoueuse, elle était prête à se défendre, tendue comme devait l‘être l‘animal qui se voit bloquer l‘entrée de son terrier par un prédateur que son instinct reconnaît plus dangereux et plus puissant que lui. Contrainte de faire face, elle n’esquissa pas un geste, rien qui eût pu la trahir, rien qui eût pu ressembler à une rebuffade ni à un mouvement de recul. Il lui avait démontré ne pas être une espèce de bête primitive et sanguinaire qui tuait à vue, de plus ses intentions envers elle ne devaient pas avoir bougé d’un iota. Son identité n’aurait pu rester secrète de toute façon. Ou peut-être avait-il prévu de lui brouiller les sens et l’esprit, la transformant en jouet docile asservi à ses quatre volontés ? Peu importait tout cela à présent…la question demeurait. Jusqu’à quel point pouvait-elle être assurée de son équilibre mental et des pulsions qui l’animaient ?

La sorcière ouvrit la bouche pour parler, mais Jugson la devança. Ses mots la plongèrent dans une perplexité indescriptible, au point de lui faire vaincre sa prudence craintive, allant jusqu’à consulter son regard d’acier de ses prunelles inquiètes et de le dévisager dans l’espoir de déchiffrer l’expression qu’arborait le Mangemort. Entre deux mèches de cheveux, elle ne distingua pas ce qu’elle craignait d’y voir, tout comme elle ne distingua pas ce qu’elle souhaitait y lire. Elle ne pouvait savoir s’il s’agissait d’un reproche annonçant une représaille ou d’un simple constat tant son visage était inexpressif. Cette incertitude la tuait. Des fourmillements le long de son bras se mêlèrent aux indomptables frissons, ses doigts se crispèrent comme pour raffermir leur prise fantôme sur sa baguette actuellement piquée dans sa chevelure sombre. Sa nervosité serait-elle la plus forte ? Non, non pas d’idiotie, surtout pas d’idiotie qui pourrait être la dernière !


-Je n’ai pas menti, vous savez, je suis bien ce que j‘ai dit…Pure…Et vous, v-vous faites ce que vous voulez, vous êtes libre, enfin, je veux dire que tout ce que vous…ça ne me regarde pas, bredouilla-t-elle dans un mélo de mots précipités.

Sa langue pesait des tonnes, articuler le moindre son relevait d’un combat acharné entre sa volonté et son traître de corps. Elle n’eut cependant pas le temps d’ajouter quoi que ce soit. Il posa ses mains sur elle, coupant court à ses réflexions. Son dos se raidit, et la jeune femme se cabra à son insu, ainsi qu’une biche l’eut fait pour déloger les crocs du prédateur plantés dans sa chair, ne cherchant rien d’autre qu’à éviter un contact aussi rapproché entre elle et lui. Et rapproché était un bien léger euphémisme. Soudés l’un à l’autre aurait été un terme plus juste. La façon dont il la tenait serré contre lui montrait plus que clairement ses intentions, pourtant, c’était à peine si elle osait respirer, rebutée à l’idée qu’il puisse sentir le mouvement de sa poitrine aussi bien qu’elle percevait la cadence de sa respiration à travers celui de son torse. Et il était aussi calme qu‘elle était agitée. Inutilement agitée. Tellement de contradictions s’évertuaient à lui remplir la tête qu‘elle se retrouvait doublement troublée. Rod Jugson, Mangemort, insanité, meurtrier, danger, autant de mots associés sur les pages des gazettes, autant de mots qu’elle ne retrouvait pas dans son étreinte ferme sans être brusque, dans sa chaleur et ses gestes assurés loin de toute hostilité.

Une esquisse de sourire incertain répondit au premier baiser apposé au coin de sa bouche, la main d’Eslyne remontant pour effleurer le visage si proche du sien, comme si elle soupçonnait qu‘il ne se soit en réalité penché sur elle que pour la mordre. D’incertain, son sourire s’élargit franchement lorsque les lèvres de Rod se déposèrent sur sa joue et une moue gourmande remplaça bientôt sa joyeuse expression en sentant son souffle chaud sur sa nuque suivre la sensation plus pleine d‘un autre baiser. Soulagée et prête à rire de son incroyable imbécillité, elle appuya son front contre l‘épaule masculine, s‘abandonnant entièrement à ces caresses apaisantes, paupières docilement closes. Sous les doigts du Mangemort, les frissonnements incontrôlables se muèrent bien vite en frémissements de plaisir, une chair de poule autrement plus agréable, toujours plus vive à chaque vague de chaleur qu’il exhalait entre ses lèvres comme une petite brise australe. Après toute cette angoisse ressentie, ce contact bienveillant ne pouvait qu’être extrêmement confortable. Toutes les résolutions guerrières ou esquivistes de la jeune femme s’effondrèrent royalement, écrasant son idiotie sous leurs décombres. Oui, elle s’était emportée comme la pire des imbéciles, à trembler telle une enfant chétive devant le grand méchant loup alors qu‘elle avait, par de simples cajoleries, le pouvoir de le museler.
Ses bras se nouèrent aussi fermement que possible autour de la taille de l’homme en une ceinture affectueuse de manière à lui montrer qu’elle désirait ce rapprochement autant que lui. Depuis le début, le souaffle avait été dans son camp. Rod ne devait qu’attendre des réactions de sa part à la faveur desquelles il serait plus à même de décider quoi faire de sa petite imprudente. D’une main distraite, elle reproduisit le tracé de Jugson le long de son échine, s’agitant faiblement au passage de sa langue sur sa peau, une sensation incroyablement sensuelle malgré sa légèreté. Sa main descendit encore, dépassant la limite du dos, et, d’une lenteur calculée, s’aventura sur des contours plus alléchants de son anatomie. Elle se trouvait aussi bien qu’à rêvasser à la chaleur du soleil et l’aurait gracieusement autorisé à continuer encore un instant. Mais il se redressa et lui posa une question auquel il serait plus avisé de répondre. Ne point trop abuser de la chance inconstante.


-Mm ?

Encore quelque peu réticente, la jeune femme fit un effort pour donner un aspect détendu à son visage lorsqu’elle le releva vers lui. Plonger son regard dans le sien restait intimidant. Elle soutint néanmoins l’éclat de ces deux disques d’argent, non sans ciller, tandis qu’elle se faisait la réflexion de ne pas trahir son identité. Certes, monsieur Jugson n’était pas omniscient, mais si le nom de son père adoptif aurait potentiellement pu la mettre hors de tout soupçon, le frère de celui-ci avait contracté un mariage du genre moldu. Non qu’elle crut franchement que ce "détail" sacrilège, soigneusement dissimulé en sus, lui vaille des problèmes. Elle ne souhaitait simplement pas attirer l’attention dessus et causer un malheur. Au cas où. Même l’aveu de son prénom ne lui sembla pas la meilleure des initiatives. En admettant que d’autres Eslyne aient fleuri sur les terres de Grande-Bretagne, elles devaient se compter sur les doigts d’une seule main estropiée de son quintet et la fauche serait vite faite jusqu’à elle si jamais les choses tournaient mal.

-Taliana.

Prenant un air enjoué, elle releva un sourcil et ramena ses mains sur la poitrine de l’homme afin de se donner un léger recul et de le considérer de façon plus aisée, se rassérénant à l’intérêt enfin visible dans ses yeux clairs. Leur conversation ne semblait ne jamais avoir été interrompue. Il reprenait les choses comme si de rien était. Comme si…comme s’il cherchait à désamorcer la moindre action regrettable. Aucun risque en ce qui la concernait.

-Je rend la justice., répondit-elle sans quitter Jugson des yeux, Ils sont à ma mère., continua-t-elle sans accorder un regard aux bijoux renversés à ses pieds.

Pour le moment, elle ne pensait pas réellement à ce qu’elle était en train de faire, ni avec qui elle jouait le jeu de la discussion normale, laissant loin derrière elle le questionnement moral et ses éventuels ressentis.


-Je pense que vous serez d’accord pour dire que chacun a ce qu’il mérite. Quant à moi, je considère que ce genre de bijoux sur une traînée comme celle-là est aussi superflu que d’accoutrer une truie avec de la dentelle. Elle se roulera dans la boue de toute façon, même avec un collier à vingt-quatre carats.

L’âpreté (mal) dissimulée de son discours sous une distante froideur ironique ne dura que le temps de le déclamer. A peine le point final avait-il été posé qu’elle se remit à couver d’un œil rieur le beau visage qui la surplombait. Lyn était peut-être d’une présomption monumentale, malgré cela il lui semblait qu’il n’avait rien fait d’autre que de vouloir la rassurer, pas pour la préserver, mais parce qu’il ne tenait pas à faire une croix sur la nuit qu’il s’était imaginé.

-Tout homme a ses faiblesses, dirait-on.

La remarque insouciante franchit ses lèvres le plus naturellement du monde, pourtant son teint pâlit légèrement. Apparemment alanguie dans les bras de l‘homme qui la retenait, elle laissa son index parcourir nonchalamment la ligne du menton recouvert par une fine barbe de trois jours. Se présenter comme une faiblesse n’était pas non plus la meilleure des défenses.
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MessageSujet: Re: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptySam 9 Aoû - 13:57:26

Les lèvres de la belle reflétèrent une expression purement feinte, affectée, parfaite de conviction prudente et attentive, les coins de sa bouche voluptueusement dessinée se retroussèrent, frémissants, hésitants, esquissant une ombre de sourire timide sur son visage éteint par le voile de l’inquiétude. Aucune moue craintive n’était venue altérer l’harmonie de ses traits, aucune ride soucieuse n’avait osé rompre l’équilibre des lignes qui lui créaient cette beauté charmante et étrangement lointaine. Seuls ses yeux s’étaient troubés et avaient trahi l’ampleur de son anxiété par leur brillance soudaine, si semblable à celle qu’arborait les fous. Son regard auparavant joueur et onctueux, irradiait sa tension avec une rare acuité, presque avec fièvre, et malgré tout, malgré cela, elle lui souriait, un sourire de circonstance comme peu d’hommes en avaient reçu. Oui, comme toutes les mimiques des élégantes de salon, celle-ci était destinée à lui plaire, mais quelle force jetée dans cette parade ! A croire que sa vie dépendait du degré de satisfaction du Mangemort…Que pouvait-il faire sinon lui retourner la pareille, un demi-sourire nettement amusé par ses bredouillages, même s’ils auraient pu le piquer au vif par leur stupidité. Libre…Quel malheureux impair, imprudence qui n‘aurait pas résonné de façon aussi évidente si la demoiselle ne s’était pas reprise, cafouillant encore plus dans son anglais à l’accent indéfinissable. Libre…avec une telle créature dans ses bras, Azkaban et ses Détraqueurs lui semblaient bien lointains. Libre.

Plus que jamais.

La tenir tremblotante contre lui était un plaisir rare, sentir sous ses doigts la tension dans son dos, l’écart involontaire qu’elle fit pour l’éviter comme si son toucher était insoutenable, de feu, éprouver la sensation grisante de tout son être concentré sur les gestes qu’il allait faire, tout cela conjugué à sa peau, sa chaleur, la douceur de ses cheveux, de sa main chatouillant sa joue, légère, encore hésitante, puis sentir enfin son abandon soudain, total: autant de préludes à l’ivresse des sens qu’il s’était promise dès l’instant où le charme de l’inconnue avait ravi sa vue. Et il n’y avait pas que cela.
Certes, il avait accepté de se prêter à son petit jeu, sans suspecter qu’il y prendrait goût lui aussi, sans prévoir qu’il souhaiterait le prolonger, qu’il serait même fâché d’avoir à lever la main sur cette fille autrement que pour la caresser. Il n’avait d’abord apprécié que son enveloppe charnelle, tout à fait séduisante et peu commune, mais en outre il y avait cet allant qui émanait de sa personne, cette gaieté et cette jeunesse qu’il n’avait pu totalement savourer. Enjolivée de ce lustre, elle lui apparaissait plus belle, plus désirable, et ses premiers instincts visant à profiter au plus vite de ce qui l’intéressait chez n’importe quelle autre femme s’étaient transformés en une attente consommée et pleinement désirée. Il voulait que chaque seconde entre eux ait le temps d’être éprouvée avant d’être irrémédiablement perdue.
Toutes ces années qu’on lui avait arraché lui donnaient finalement une sorte de patience extatique, cette capacité à aimer passionnément la simple pression de ces bras souples autour de sa taille, à en extraire plus de contentement qu’il ne l’aurait fait avant, encore fallait-il savoir comment éveiller cette exaltation…Et la petite avait justement la capacité de rendre délectable une proximité seulement agréable avec une autre. Elle était là, vivante, le choyant de ces petits rien, anodins d’apparence, mais qui promettaient tellement plus. Elle continuait son jeu, en acte comme en parole, dérapant à dessein de l‘innocence à un abord plus osé. La main aguicheuse de la jeune femme fit fléchir le contrôle qu’il exerçait sur lui, ses doigts devinrent plus pressants et se positionnèrent à la naissance de ses fesses sans outrepasser la limite qu‘il s‘était fixé. Pas encore, pas tout de suite.

Il avait toujours aimé le contact des femmes pour mieux les oublier par la suite. Et cette façon d’être n’avait pas changé, les mois s’étaient amoncelés, pourtant les donzelles étaient restées les mêmes, avec leurs petites préoccupations futiles, leurs tracas absurdes, histoires assommantes, idées amoureuses et autres pitoyables valeurs. Sauf quelques unes. Les petites merveilles qu’il prenait plaisir à revoir de temps à autres, mais qu’en définitive il ne traitait pas mieux que des belles de nuit. Ce qui l’attendrait elle aussi, une fois le bouillonnement de son sang apaisé, une fois qu’il l’aurait eu, elle perdrait de son éclat, deviendrait tout simplement attrayante, jolie, comme cent mille autres. Mais en attendant, c’était elle qui le possédait, pas tout à fait complètement, cependant il voulait se perdre dans cette sensation le plus longtemps possible. Depuis combien de temps cela ne lui était-il pas arrivé ? Même la petite Morden ne l’avait poussé à s’oublier qu’une brève minute seulement et il n‘avait alors pas les mêmes besoins que ce soir.

Toutefois, bien qu’il fût sous le charme de cette jeune personne, il n’était pas à ce point subjugué qu’il en oubliât le bon sens. Docile entre ses bras, il émanait néanmoins d’elle une certaine gêne dont il n’était pas difficile de deviner la ou les sources.


-Taliana. Née de nulle part ? Veux tu que je t’aide à te souvenir ?, demanda-t-il en tapotant doucement de l’index la tempe de la sorcière.

Il n’avait pas mis de menace particulière dans sa voix, mais qu’elle lui dissimulât son nom de famille pouvait signifier de nombreuses choses, aucunes n’étant particulièrement agréables pour elle et seraient tout pareillement très irritantes pour lui. L’idée d’être pris pour un imbécile facile à duper avait un caractère d’autant plus dégradant s’il se trouvait à être le jouet de ceux qu’il méprisait tant. Et dans ce cas, Rod n’était pas sûr que la gracieuse frimousse de la miss lui fût d’une grande aide pour éviter le bris de sa nacelle de mensonges sur les écueils qu’engendrait la colère. Même si elle semblait afficher la volonté de suivre le ton qu’il donnait: ses sourires regagnaient en spontanéité et elle recouvrait sa délicieuse nature enjouée. Son regard émeraude se fit même plus assuré, il captura le sien et il put pleinement apprécier la nuance particulière de ses iris. Oh, il en avait déjà croisé des yeux verts et finalement, il s’attachait moins à la couleur qu’à la forme de l’œil. Ceux de la ravissante étrangère étaient fendus à l’oriental et associés à ses pommettes saillantes, ils lui conféraient cette aura mystérieuse par leur incroyable profondeur. Et ils étaient certainement tout aussi impénétrables que ses pensées.

Le Mangemort n’avait pas réellement réfléchi au pourquoi des actes de la gamine. C’était pour lui une fantaisie de plus dans sa personnalité, une lubie de princesse folâtre, une mesquinerie un peu plus excentrique que la moyenne de celles se perpétrant chaque jour. Ce qu’elle lui révéla aurait pu paraître une banale et dérisoire querelle opposant la mère et la fille, des histoires de jalousie, d’amants chapardés, d’enfance malheureuse et d’absence de ces sentiments que le monde considérait innés entre ceux de même sang: amour, protection et autres joyeusetés. Assurément, ces chicaneries figuraient parmi les grands classiques des disputes familiales, pourtant la verve de la petite rendait ces turpitudes savoureuses en plus de se révéler d’une justesse implacable. Une langue de vipère qui ne se contentait pas de cracher son venin, mais qui en plus l‘enrobait de sucre, pire, ce qu’elle disait était d’autant plus drôle qu’il n’y avait rien à contrer, c’était la vérité nue sous son aspect le moins flatteur. Autant prétendre retenir l’eau avec une passoire plutôt que d’espérer conserver la fidélité de l’épouse volage en la parant à outrance d’attentions et de présents si la nature de celle-ci était trop embrasée. On assistait même à l’opposé de l’effet attendu. Persuadée d‘être suffisamment adorée, la dame prenait ses aises et rejetait les draps conjugaux avec une ardeur toute renouvelée. Étonnamment, il s’agissait d’un discours qui aurait pu tomber de ses propres lèvres et le Mangemort rit de bon cœur à ces déclarations.


-Ah, tu me plais vraiment, ma chérie. Tu as l’art de tourner les choses comme il faut. Mais à ce propos et pour rester dans le ton: Sais tu comment on appelle les femmes qui se vautrent dans les draps des inconnus d’un soir ?

Elle qui avait tant d’esprit et d’humour devrait apprécier sinon saisir l’allusion. Jugson plissa lentement les paupières, mais derrière la langueur de ce masque à peine trompeur affleurait une brillante étincelle de cynisme. L‘éclat de celui qui s‘attend à avoir fait mouche et en retire du plaisir par avance s'était accroché à son regard ainsi qu’à son sourire discret. La petite lui avait quant à elle d’ores et déjà porté la première estocade victorieuse. Attrapant la main qui redessinait le contour de sa mâchoire, il considéra un instant le visage de Taliana, la douce carnation de ses joues ayant laissé la place à une teinte plus fade, triste effet de l’inquiétude sur l‘épiderme fragile des femmes. Ainsi, elle pensait qu’il serait fâché de sa perspicacité ? Il y avait bien longtemps qu’il connaissait le revers de son attirance pour la gent féminine et qu‘il savait avec la certitude de l’expérience que cela ne demeurait qu‘une "faiblesse" de surface. Celles qui s’étaient leurrées à croire le contraire étaient douloureusement revenues sur leur aveuglement insensé.

Rod inclina paresseusement la tête vers elle, les mains posées sur les épaules de la jeune fille comme pour la soutenir et prévenir une pâmoison intempestive.


-Ne le dis à personne. , lui souffla t-il à l’oreille avant de se redresser.

Ses mains glissèrent le long des bras de la belle jusqu’à aller trouver leurs semblables, plus petites et plus fines, qu’elles emprisonnèrent dans leur étreinte. Autour d'eux, le silence de la nuit était à peine troublé par les murmures du fleuve en dessous de leurs pieds, tout, des maisons alentour au minois devant lui, semblait figé dans une sorte de transparence bleuâtre à peine avivée par les taches dorées que jetaient ça et là des lumières faiblardes. Ce sempiternel décor lunaire qui recouvrait sa vie. Quelle chaleur les lueurs artificielles pouvaient-elles offrir au grain de peau opalescent de sa vis-à-vis ? Il recula de deux pas, entraînant avec lui les mains de Taliana afin de l’inviter à le suivre le long du pont.

-Viens…
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MessageSujet: Re: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptySam 16 Aoû - 22:40:09

Coincée. Mordre le doigt qui tapotait sa tempe ne serait pas le fin du fin et pourtant ce geste était agaçant...Tête de linotte lui martelait-il en langage des signes. Un bon coup de crocs et elle pourrait s’écarter, mais Jugson pourrait tout aussi vite lui allonger les frères jumeaux de son index en pleine face, s’il n’y allait pas carrément avec le poing. Assommée, il y avait peu de chance que la jeune femme réunisse assez de concentration pour pouvoir transplaner en sécurité. La métisse ne voulait pas de son "aide" qu’elle suspectait être de l’ancienne école, l’efficace, celle qui faisait mal.

Eslyne se demanda un instant si elle ne devait pas revenir sur l’identité qu’elle s’était choisie et lui avouer la vérité. Le meilleur moyen pour le faire tourner en bourrique. Un revirement risquait en effet de décrédibiliser toutes ses paroles : "En fait je vous ai menti, grosse buse. Parce que vous comprenez, j’ai quand même peur que vous ne soyez qu‘une personnalité instable capable de me faire la peau pour un oui à la place d’un non ou si jamais le programme de la soirée ne me plait plus. Et moi, comme je tiens à la vie, je m’enfuirai si j’ai de la chance, et fatalement, vous voudrez me retrouver, alors ce n’est pas dans mon intérêt de vous faciliter la chasse. Mais à part ça, vous pouvez avoir confiance, ni moi ni un des miens ne font partie de la population cible de votre programme d’épuration.". Un beau petit mensonge. Du reste, elle doutait que ce fût la confirmation de la pureté de son sang qui était vraiment recherchée. Donner le nom de quelqu’un figurant sur la liste noire de cet homme ou, à l’inverse, d’intimes, par un débordement de malchance, avait tout de l‘entreprise risquée…Autant viser des horizons plus reculés.


-Melnikowa.,déclama-t-elle en féminisant le nom d’un ancien voisin, née dans un pays lointain, très lointain, meniñ gadyrly., ajouta Lyn en lui adressant une œillade mutine et un sourire coquin à peine esquissé.

Il y avait peut de chance que le dénommé Melnikow ait jamais posé un pied autre part qu’en Asie Centrale, si ce vieil homme déjà plus que centenaire à l’époque de son enfance était encore de ce monde depuis treize ans qu’elle ne l’avait plus vu, après toutes ces guerres et le reste. Inopinément, penser à lui amena un petit pincement désagréable au cœur de la jeune femme. Elle revoyait ses vieilles mains parcheminées lui tendre un bol crémeux d’agaran ou des balkaimaks au goût de caramel. Elle l’avait toujours bien aimé, de cette affection d’enfant qui ne se soucie souvent que de la gentillesse accordée sans apprécier ni comprendre la personnalité. Son image était floue dans sa mémoire et ses mots des bribes incompréhensibles dans une langue qu’elle ne parlait dorénavant plus que pour insulter. L’échec de ses souvenirs à lui offrir un portrait plus juste de cet homme la rendit nostalgique. Une image indistincte qui n’était peut-être pas vraiment la sienne.

Le rire franc de Jugson contrastait avec ses réminiscences brumeuses. Etonnée de l’entendre se livrer à une telle spontanéité, Eslyne le fixa un instant avec une certaine incrédulité, comme si cette marque de gaieté et d‘insouciance lui eut été impossible. Et pourquoi ? N’était-il pas un homme lui aussi ? Sujet au même plaisir et au même désagrément que les autres. Le premier effet passé, elle sourit de son amusement. Peut-être son premier sourire sincère depuis qu’elle savait qui il était. Qui il était…un Mangemort, un homme scandaleux qui donnait dans la boucherie et pourtant elle ne parvenait pas à le mépriser. Bien au contraire. Peut-être un peu de dégoût encore, tout au fond, très léger. En vérité, Jugson possédait une grandeur en lui, un charisme légitimant tous ses crimes, une aura de force éclipsant toutes ses exactions, on ne pouvait que suspecter un caractère hors du commun de la basse pègre en le regardant. Tout au moins avec ce qu’il lui laissait croire, tout au plus avec ce que son imagination idéalisait, mais même si tout ceci n’était qu’un mensonge, qu’importait ? Sa personnalité réelle mise entre parenthèse, libérée de la poix des interdits sociaux et moraux qui collait à Eslyne, elle se sentait…mieux, comme si on l’avait débarrassé d’une masse qui oppressait sa poitrine. Paradoxalement, elle pouvait respirer plus librement auprès de lui. Et…il était beau. Vraiment.

Dieu, mais que pensait elle ? A quoi jouait-elle avec lui sous le masque de Taliana ? Qu’elle se prétende être une autre n’enlevait pas tous ses torts à cet homme, tous ces meurtres, tout ce sang qu’il avait sur les mains, ces mêmes mains qui enserraient sa taille. Elle ne tournait plus avec l’ancienne logique du monde.

Par certains côtés, elle se sentait flattée d’avoir retenu son attention. C’était idiot, mais indéniable. Elle aimait par-dessus tout sa façon si intense de la couver des yeux. Il lui semblait qu’aucun autre homme jusque là n’avait posé un tel regard sur elle, elle se faisait l’impression d’être une œuvre d’art à admirer. Orgueilleuses pensées qui n’avaient jamais trouvé une telle prise où s’accrocher ni été aussi loin dans ces délires vaniteux. Souvent elle s’était considérée mieux qu‘autrui, aussi bien mentalement que physiquement, mais avec ces yeux là sur elle…Elle voulait se dévoiler sous toutes ses coutures, lui montrer jusqu’à quel point elle pouvait être parfaite, simplement pour conserver un peu plus longtemps cette étincelle de désir et de ravissement dans ses prunelles si vives.

Mais comment la considérait-il au fond ? Le regard de la sorcière se rétrécit, ses paupières venant à moitié recouvrir son iris, recopiant sans vraiment s’en rendre compte l’expression de Jugson. A ceci près que celle du Mangemort était empreinte d’une satisfaction maligne alors que celle de la demoiselle se rapprochait plus de celle qui jauge la portée de l’insulte subtile dont elle venait d’être la cible. Cherchait-il à la rabaisser au rang d’une couche-toi-là ? Croyait-il la descendre à ce niveau indigne ? A lui montrer qu’elle ne valait pas plus que sa génitrice qui trahissait l’amour vrai qu’on lui portait pour s’ébaudir dans les draps des plus beaux et des plus riches ? Le fossé entre les traînées et les "Doña Juana" était profond et pourtant indéfinissable, peut-être une affaire de classe, de jeu, de combat. Elle avait bien souvent flirté sans jamais rien donner, car pas suffisamment emballée, trop méprisante et exigeante peut-être. Etait-elle une chienne de céder à une envie parce qu‘il lui semblait digne d‘intérêt ? Il faudrait que les hommes soient considérés comme des chiens lorsqu‘ils couraient renifler sous les jupes des belles en ce cas. Cependant et tout compte fait, elle avait plus l’impression d’être mise à l’épreuve que véritablement injuriée. Son sourire se fit plus sucré et elle prit une voix veloutée pour lui offrir sa réponse sur un plateau d’argent.


-Seriez vous en train de me donner une leçon de vie monsieur Jugson ? Vous ? Pour vous répondre, je pense que cela dépend de la qualité de ces draps et de ce que la femme y trouvera : elle sera une chanceuse ou une malchanceuse. Le danger de s’en remettre aux inconnus…Surtout la nuit où les ingénues dans mon genre se figurent mille et une fantaisies prometteuses.

D’un ongle distrait, elle retraça la cicatrice barrant le visage de Rod, de la pommette à la mâchoire, lentement, lentement. D’où lui venait une telle marque ? Les tissus mutilés de sa peau auraient dû le défigurer, le rendre hideux, pourquoi ne le trouvait-elle pas repoussant ? Les sinueuses brûlures rosâtres dissimulées au creux de la paume de sa main droite étaient plus offensantes à ses yeux que cette balafre.

*Peut-être parce que tu portes mal le côté viril qu’elles te donnent* commenta la partie cynique de son être. A travers sa pâleur inquiète, la jeune femme sourit plus largement.

Les mains du sorcier vinrent recouvrir ses épaules et lorsqu’il se pencha sur elle, Eslyne inclina légèrement la tête pour mieux recevoir sa confidence, ne pouvant toutefois se départir de l’image persistante de ses dents morganant jusqu’au sang l’hélix fragile de son oreille. Pourtant ce ne fut que la douceur caressante de ses mots murmurés, presque perdus dans le souffle qui les animaient, la titillation de ses lèvres qui chatouillèrent son oreille dans leurs mouvements, une sensation étrange, mais agréable. Se fut à son tour de rire et de poser un doigt sur sa bouche en signe de connivence, de façon à sceller leur entente secrète. Si le Ministère savait qu’il suffisait de lui envoyer ses plus séduisantes traqueuses de mages noirs pour avoir une chance de le renvoyer à Azkaban… Quoique…Si elle se souvenait des gros titres de cet hiver, ceux qui avaient suivi l’évasion massive, elle se rappelait l’histoire d’Helena Jenkins, Iona elle-ne-savait-plus-trop-comment de son vrai nom, et mister Jugson n’avait pas hésité à régler ses comptes, femelle ou pas. De quoi s’agissait-il exactement ? Une histoire de vengeance qui la confortait dans son idée qu’il était mortellement obstiné et rancunier derrière sa prévenance.

Ses yeux verts se posèrent sur les mains recouvrant les siennes avant de remonter jusqu’au visage de leur propriétaire. Une émotion insondable et déconcertante était venue se lover dans son ventre, comme si la chaleur qui unissait leurs mains s‘était transmise au reste de son corps pour la nimber de cette impression sans nom, comme si elle prenait physiologiquement conscience de ce dont il était question. Elle se sentait nouée, mais à la différence de tantôt, ses entrailles avaient été entortillées avec des cordes en satin plutôt qu’avec des chaînes. Voulait-elle le suivre ? Oh, oui.


-Je ne savais pas que je m’étais égarée près de votre garçonnière…,s’amusa-t-elle, Je reprends la boîte, c’est du travail artisanal.

Elle libéra précautionneusement une de ses mains et s’agenouilla à demi au-dessus de la chaussée tapissée de pierreries éclatantes de reflets dégringolant en cascades folles du trottoir, alanguies en grappes lourdes de diamants, fins filets dorés et bagues délicatement travaillées. Un peu étourdie, elle farfouilla sans raison parmi l’onéreuse quincaillerie.

-Si vous voyez quelque chose qui vous ferait plaisir, n’hésitez pas. Vous pourrez peut-être le refiler à quelqu’un.
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MessageSujet: Re: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptyLun 1 Sep - 1:03:38

Taliana Melnikowa.

Son pouce erra sur la lèvre inférieure de la jeune femme. Une parfaite étrangère dont le patronyme complet évoquait une de ces beautés froides venue de l‘Est autant que son visage offrait la sensualité de l‘Orient mêlée à d‘autres épices inconnues. Le son de sa voix et les quelques mots prononcés dans une langue ignorée du Mangemort, ne lui rappelait pourtant aucunement l’accent et le parler pour le moins guttural des rares slaves qu’il avait pu croiser. Les vêtements de la petite, s’ils étaient princiers dans leur confection simple et soignée, n’étaient pas différents de ceux portés par les riches anglaises qu’il approchait parfois ou observait de loin. Attrayant mystère que cette fille…De quoi le distraire un instant avant qu’elle ne lui cède son plus charmant secret quand viendrait le délectable instant de la posséder entièrement. Que lui avait-elle dit ? Avec un regard aussi malicieux elle avait tout aussi bien pu l’insulter, goûtant le plaisir de le voir s’animer en pensant recevoir quelques mots sensuels, que lui susurrer une grisante minauderie. Son ignorance lui plaisait, l’excitait même, cette langue hermétique à sa compréhension ne faisait qu’ajouter à sa conquête une pincée de ce charme indéfinissable qui lui plaisait tant. Au moins était-il certain qu’elle saurait lui murmurer des sottises qu’il n’avait encore jamais entendu…

Par habitude, il enroula autour de son index une mèche couleur nuit échappée de la coiffure de sa vis-à-vis, lui retournant son petit sourire avec davantage de chaleur que d‘amusement, un sourire en définitive bien plus destiné aux pensées affriolantes constellant son esprit qu‘à la belle jeune femme. Sa main restée dans le bas de son dos accentua sa pression comme s’il cherchait à traverser le tissu en la caressant, frustré de ne pouvoir apprécier ses formes que dissimulées sous la fine étoffe bleutée, sans être en mesure de savourer la chair nue qu’il devinait agréablement ferme à travers sa robe, cette nippe inutile lui refusant le plaisir de juger plus précisément du velouté de sa peau. De manière à tromper son empressement, il ramena une main vers le poignet de la gamine et l’enserra doucement, imaginant ce que le textile lui dissimulait encore. Ses doigts s’égarèrent, vagabondèrent sur le bras voilé de transparence, éloquents, fiévreux, et entortillèrent le bracelet scellant leur accord. Leur complicité ?

Jugson l’observa avec une intensité toute particulière. Elle était jeune, elle aurait parfaitement pu être la fille ou la parente quelconque d’une de ses vieilles connaissances, ennemis ou accointances. Une coïncidence qu’il avait déjà tâté sous les traits de la petite Morden, laquelle s‘était empressée de lui parler de son Mangemort de cousin, espérant s‘épargner le pire avec ce genre de révélation. N’eut été Lucius, l’entreprise ne manquait pas de mérite…Cependant, ni le saisissant visage de celle-ci ni son nom ne ramenaient de souvenir à sa mémoire entretenue par Azkaban au cours de ces interminables années d‘emprisonnement, lorsqu‘il ne lui restait plus que son passé et l‘ombre de ses regrets. Il s’était imaginé extraire une jouissance très spéciale de l’entrecuisse de cette inconnue si d’aventure elle s’était révélée être la gosse d’un ancien adversaire venue se perdre dans son lit…Aussi séduisante qu’ait pu être cette théorie hasardeuse, rien ne la corroborait dans l‘attitude joueuse ou la parlotte de miss Melnikowa. A moins que la petite ne fût bonne actrice. Elle avait bien assez de bon sens et de vivacité pour cela…Et Rod ne pouvait que prendre goût à ce rare nectar.

L’expression mi-calculatrice mi-pensive tombée sur la physionomie souriante de Taliana prêta un air félin à son adorable figure et accrut la satisfaction du sorcier. Il était parvenu à la toucher selon ses désirs, selon ce qu‘il avait anticipé d‘elle. S’il s’avérait impossible de parler de connivence entre eux, il était en revanche évident qu’ils partageaient une grande compréhension, assez pour qu‘elle pût suivre ses raisonnements et parvenir aux mêmes conclusions.

Affichant l’air de celui qui attend d’être contredit mais qui n’affecte d’y croire que par fausse courtoisie, il s’apprêtait à plonger sa main dans la masse ondulée de cheveux noirs ainsi qu‘on flatte la fourrure d‘une bête de concours particulièrement méritante. Peut-être pour l’énerver un peu plus et découvrir l’apparence que donnait la colère étouffée à ses traits. Pourtant il retint ce geste ironique. Le sourire de la jeune femme s’étirait presque triomphale à présent, dessinant l’agaçante moue narquoise de celle sachant avec certitude qu’elle vient de se montrer plus fine et plus retorse que son émule, mais qui prétend ne pas toucher au trivial contentement engendré. Une minette devant son bol de crème. Elle pouvait en effet se pourlécher les babines avec ceci: non seulement elle esquivait l’insulte sans perdre la face, mais en plus elle retournait à son compte le côté injurieux des sous-entendus, toujours avec cette légèreté qui l‘empêchait d‘être déplaisante. Non, elle était juste extrêmement stimulante pour un amateur de ce genre de passe-temps. Une fois encore, il fut bien forcé d’en rire, cible de sa propre pique, surpris de cette réponse habile, appréciateur, déjà "amoureux" de ce corps et près de succomber au charme de cette personnalité remarquable jusqu‘à la désirer toute entière, elle, son accent, la caresse de son regard, sa finesse d‘esprit, tout ce qui la constituait et la rendait si particulière. Au moins pour cette nuit.


-Je le prends comme un défi, ma belle. Méfie-toi en attisant la braise. Tu pourrais allumer un feu que je ne saurais contenir et que tu serais incapable d‘éteindre…jeune fille. Je me ferai une joie d’être ton professeur pour t’enseigner cette "leçon de vie": La flamme qui dévore et le plaisir qui la suit jusqu‘aux dernières étincelles…

Qu’en savait-elle au juste du haut de sa jeunesse et de ses petites agaceries ? Le grattement de son ongle sur sa cicatrice déclancha une série de fourmillements sur sa joue à l‘épiderme déjà échauffé par la promiscuité de sa distrayante exotique, ni désagréable ni plaisant, presque provocant par la lenteur affectueuse du geste et l‘irritation qu‘il laissa sur sa peau une fois le contact rompu. Les yeux gris de Jugson s’accrochèrent à l’index délicat qui semblait lui interdire d’embrasser les lèvres rieuses de Taliana autant que marquer cette complicité soupçonnée entre eux. A sa chaleur répondit le trouble de la demoiselle, quelque chose dans son regard, qui émanait d’elle, une aura palpable sur sa peau, qui parlait aux sens et l’attirait avec la même force magnétique que produisait l‘aimant sur le fer. Oui, c’était cela, la primitive, banale et si forte attirance.

Il resta là, à la considérer en silence, serrant plus fort la main restée dans la sienne lorsque la jeune femme se pencha, babillant ces petites banalités habituelles, insistant une fois de plus pour lui refourguer une de ces luxueuses pierreries. A qui la donnerait-il ? A des idiotes qui potentiellement y verraient le gage d‘un fervent amour inavoué ? A ses gentils compagnons ? Un ricanement lui monta aux lèvres. Quelle scène aurait-il là. "Tiens Goyle, tu donneras cette parure de saphirs à ta femme, leur lustre habillera peut-être son regard vide.". Vu sous cet angle, il y aurait un certain charme à cette idée…Moins cependant que la petite dérangeant colliers de perles et autres breloques sans toucher au but à quelques malheureux centimètres de sa main. Rod poussa négligemment la boîte du pied afin qu’elle rencontre les doigts tâtonnant à sa recherche, lui-même détaillant le profil de la belle, son attention cheminant rapidement de son visage, où le souvenir de ses joues rougissantes se mêla à la pâle réalité, glissa sur la ligne de sa nuque frôlée de boucles brunes, pour ensuite s’attarder aux rondeurs exquises de sa poitrine. Effectivement, il voyait quelque chose qui lui ferait plaisir.

Ce fut à peine si les mots de la jeune femme eurent le temps d’expirer dans le silence qu’il passa son bras autour de sa taille pour la redresser et rapprocher leurs corps, son autre main recouvrant sa nuque, ses doigts cherchant les bouclettes délimitant le rivage entre le velours de sa peau et le satin de ses cheveux. Ses lèvres avides de trouver les siennes s’emparèrent de leurs jumelles convoitées, s’y pressèrent savourant leur dessin ourlé, s’enivrèrent de leur douceur onctueuse, moelleuse, voluptueux attribut des lèvres pleines, devinrent plus chastes, à nouveau passionnées, jouèrent un instant avec elles, du bout de la langue, puis plus profondément, lui donnant un baisé chargé de ce désir qui réchauffait ses reins. Il voulait connaître toutes leurs saveurs, s’approprier tous les plaisirs qu’elles pouvaient offrir jusqu‘à ce que son souffle se perdît, jusqu‘à ce que sa main ait éprouvé assez de douceur de ses cheveux, sa joue, son cou, ses épaules sous le tissu, des courbes de son buste. Dans son embrassade, il n’avait conscience que de la chaleur la reliant à lui, attentif aux éventuels soupirs et caresses qui accueilleraient son initiative.

Lorsqu’il se redressa enfin, il appliqua un dernier baiser ardent sur ce joli cou de cygne avant de presser son visage contre celui de la jeune femme, câlinant sa joue de la sienne. Le rythme de sa respiration s‘apaisant, il plongea son regard avivé dans les prunelles émeraudes, à la recherche d’un éclat traduisant le désir où la pupille dévore l‘iris qui la cerne.

Après l’avoir admiré quelques secondes, il commença à marcher vers l’extrémité du pont, sans rien ajouter de superflu, son bras toujours confortablement enroulé autour des hanches de l‘étrangère, sa main chanceuse comblant le creux entre la naissance des côtes et le bassin. Dire que le hasard ne l‘avait conduit ici que par ce besoin de tuer le temps qui agitait ceux contrariés dans leur projet et ne pouvant rien faire d’autre qu’attendre passivement. Cette rencontre faisait de lui un bienheureux, lui que beaucoup voueraient à ce qu’il y avait de pire. Preuve était faite que la justice n’imprégnait pas ce bas monde s‘il pouvait profiter d‘autant de splendeur quand de braves types irréprochables n’avaient pour satisfaire leur appétit que des laideurs à faire tache à côté de sa jeune beauté. Lequel d’entre eux ne lui envierait pas sa bonne fortune ? Lequel ne lui échangerait pas son oie grasse farcie de bonté pour effleurer ce corps vibrant de sensualité ?

Arrivé au niveau d’un escalier qui menait à un petit quai jeté de quelques mètres dans le fleuve où n'était arrimée qu'une barque piteuse, il relâcha la taille de la jeune fille pour lui reprendre la main et descendit deux marches afin d'amener son visage à hauteur du sien.

-Tali…Dis-moi pourquoi tu me suis. A ce point découragée par les freluquets de ton âge qui suçotent les deux jolis bourgeons de ta poitrine comme leur tétine ?
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MessageSujet: Re: Ne le dis à personne[PV my Poison Lily]   Ne le dis à personne[PV my Poison Lily] EmptyMar 2 Sep - 21:30:21

"Si vous voyez quelque chose qui vous ferait plaisir, n’hésitez pas."

Jamais l’expression "être prise au mot" n‘avait trouvé de meilleure illustration. Le silence du Mangemort l’avait plongé dans une trouble sensation de malaise. Les dernières paroles d’Eslyne n’ayant été prononcées que pour donner le change au stress croissant lentement mais sûrement en elle, son mutisme ne fit qu’aggraver cette impression d’attente impatiente et d’appréhension délicieuse qui transformait son ventre en une étrange boule de nerfs. Sentir son regard scrutateur ainsi posé sur elle diffusa ce sentiment de gêne et de flottement à travers tous les pores de sa peau et exacerba ses sens, le moindre frôlement d‘une mèche sur son oreille ou sa nuque l‘amenant à frissonner. Une petite montée de ce stress l’envahit soudain, un peu comme un marche qu’on aurait manqué lors d’une chute onirique, quand le bout de ses doigts glissa sur le couvercle ouvragé de la boîte que le sorcier venait de déplacer dans un doux cliquetis. Sachant son émoi découvert, elle le regarda en coin, doucement, un léger sourire sur ses lèvres prêtes à rire de son affolement de petite demoiselle surprotégée, tellement désireuse de voir ses mains si chaudes suivre son beau regard clair et parcourir sur son corps ce qui lui plaisait tant. Bien qu’elle ait senti le désir de Rod répondre au sien et devenir plus intense de seconde en seconde, sa réaction la surprit, même si elle n’eut pas le temps de s’appesantir sur cet agréable étonnement qu’il était déjà remplacé par une autre perception beaucoup plus charnelle.

Par réflexe, Eslyne entrelaça ses bras autour du cou de Jugson, laissant une main s’aventurer dans ses courts cheveux châtains, savourant toute la chaleur qui émanait de lui. Elle se laissa d’abord totalement guider par son initiative, suivant le rythme de ses lèvres et de son ardeur, s’appliquant à y répondre, un peu simplement au début, puis de plus en plus artistiquement, en élève appliquée, cherchant à se faire désirer, refusant sa langue à celui qui l’appelait sur l'ourlet de sa lèvre, titillant brièvement la sienne de petites attaques en réponse à ses invitations, frôlant sa langue experte par moment, et bien sûr, finissant par céder, incapable de résister à ce flot impétueux de stimuli délectables.

Elle avait balayé d’un sourire faussement sceptique les vantardises sur le "professorat" de ce paon, une lueur de défi au fond de ses prunelles étincelantes, cette irrévérence brillante qui disait "à voir, mon cher", pas assez dubitative pour retenir ses frissons, toutefois. Elle venait d’avoir sa première, sa très instructive preuve.

Il lui avait fallu attendre près de vingt ans pour goûter au plaisir d’un vrai baiser. Ce n’était pas un bécot concédé du bout des lèvres par quelques jeunes hommes se piquant d’un respect si grand pour elle qu‘ils n‘en osaient pas la toucher, juste pour lui montrer que, eux, c’était sa beauté intérieure, pas son physique qui les intéressait. A croire que ce genre de garçon ne trouvait pas les femmes désirables au bout du compte. Sage, modéré, Rod n’en était pas moins extraordinairement voluptueux, elle se sentait fondre de tant de douceur, de ce souffle court sur sa joue qui contrastait avec cette retenue toute stratégique, de la main égarée sur son sein qu’elle encouragea amoureusement de la sienne, qu‘il puisse sentir à quel point son cœur battait la chamade.
Et il ne s’agissait pas non plus d’une horreur de patin à la "je tourne follement ma baveuse dans ta bouche", pratique dégoûtante qui méritait bien plus le nom de galoche que de baiser. Fougueux et passionné, il ne cessait jamais d’être nuancé, sans mécanique, il la rendait pantelante, fiévreuse et éveillait son appétit, son envie de lui. Jamais elle n’avait ressenti un tel bonheur à être embrassée, jamais elle n’avait autant voulu rendre ce plaisir accordé, étourdie de désir, offerte à tous ses caprices. Elle s’abandonnait toute entière à ces mains quelles qu’elles fussent, elle ne pensait plus au Ministère, elle se fichait des gens assassinés ou torturés par ce Mangemort, chiards dans leurs langes ou pauvres filles, justiciers ou pères de famille. Ils n’étaient que des gros titres qui faisaient moins sensation que cet homme sur ses sentiments. Si le corps et ses plaisirs perdaient les hommes, les femmes ne valaient guère mieux.

Emoustillée par les errances de la main sur ses courbes, elle se haussa sur la pointe des pieds, nouant et dénouant ses bras autour du cou de son futur amant, passant doucement ses ongles sur sa nuque, les imprimant plus profondément parfois, laissant des traces en demi-lune sur la peau brûlante. Ses petites mains redessinèrent les épaules masculines, s’y accrochèrent comme seul îlot de stabilité au milieu du tumulte de ses envies en ébullition, jusqu’à ce qu’elles viennent trouver son beau visage et prendre en coupe ses joues recouvertes d‘un collier de barbe. Déjà tant de passion pour un "banal" baiser. Un baiser multiple, quintessence de tous ces baisers qu’elle n’avait jamais reçu, une suavité qu’elle aurait voulu prolonger jusqu’à ce que son cœur explose de contentement, jusqu’à ce qu’elle s’embrase corps et âme, mais il fallait déjà se séparer, rompre ce contact si exaltant...indescriptible.

Les lèvres sur son cou semblèrent laisser l’empreinte rougie de leur passage, la joue contre la sienne, rose d’excitation, l‘électrisa par sa douceur associée de rugosité. Les doigts de la jeune femme vinrent taquiner le côté opposé du visage caressant le sien, cajolant avec bienveillance cette rudesse doucement irritante avant qu’il ne se redresse. Elle plongea elle aussi son regard dans celui du mage noir, soutenant son intensité, s’en grisant, satisfaite des prometteuses ardeurs qu’elle y décelait et ne put résister à apprécier une fois encore de sa main les traits tellement séduisants de cet homme, ses dents roulant la lèvre qu‘il avait effleuré tantôt sous l‘étui de sa lèvre supérieure, comme pour ne rien perdre de ce goût de lui qui pouvait se volatiliser dans l‘air. Ils restèrent à s’entreregarder un instant, en silence, puis ils s‘acheminèrent vers l‘extrémité du vieux pont. En silence. Ça n’aurait servi à rien qu‘il lui parle de toute façon, elle devait avoir perdu toutes ses notions d’anglais et n‘aurait pu lui répondre clairement.

Au cours de cette tranquille petite flânerie, Lyn ne put penser à rien d’autre qu’au bras autour de sa taille et aux enivrements à venir. Il lui avait dit qu’il ne lui refuserait rien, mais lui, qu’aimerait-il recevoir, qu’est-ce qui lui plairait le plus ? Son propre bras imita le geste de Rod et enserra paresseusement sa taille, vivante image du gentil petit couple en promenade au clair de lune. La boîte délaissée sur le trottoir enseveli de bijoux vint titiller son bien-être, mais elle n’avait aucune envie de s’arracher à cet homme pour courir la chercher. Tant pis, elle y retournerait plus tard dans la soirée. Ou demain, si jamais les réjouissances se prolongeaient. Eslyne se retint de sautiller bêtement à cette idée. Il fallait croire qu’elle n’avait pas encore exterminé tous les réflexes de l’engouement d’une adolescente.


*Petite chanceuse.*

Jusqu’à quel point ? Il lui tardait de le découvrir. Mais…où allaient-ils ? Elle se laissait conduire, docile, perdue dans des rêveries qui n’étaient pas innocentes, pourtant elle n’avait pas le plus petit indice sur leur destination finale. Sous une plaisanterie, elle avait plus ou moins essayé de l’apprendre et à présent elle se demandait si elle n‘était pas incroyablement stupide. Quelle garantie avait-elle qu’il n’allait pas lui faire du mal à un moment ou à un autre ? S’il n’était pas un aliéné peut-être sa perversité se situait-elle à un niveau plus obscur ? Peut-être cherchait-il à l’attirer dans un endroit où il ne lui serait pas possible de s’enfuir, peut-être qu’il attendait d’avoir assouvi sa concupiscence pour se débarrasser d‘elle, il avait ce fleuve noir juste à côté à sa disposition. Pire…Il portait peut-être des slips roses.

La petite brunette posa sa tête contre l’épaule de Jugson, souriant à cette réflexion si différente des précédentes. Si elle avait voulu refuser, il aurait fallu le faire avant. Il était trop tard maintenant, il avait quasiment vaincu toutes ses réticences qui ne tenaient plus qu’à un maigre fil de raison. Une autre étreinte suffirait aisément à le couper. Cependant…Elle ne parvenait pas à chasser ses appréhensions. Légitimes selon elle : il s’agissait tout de même d’un évadé d’Azkaban sur qui on avait fait tant de tapage et déversé tellement d’horreurs. Rod était un meurtrier, pas de toute. Mais était-il aussi fou que les journaux le prétendait ? Il n’avait rien d’un psychopathe et la jeune femme avait déjà croisé les lueurs du fanatisme dans les yeux de certains de ses pairs, si loin en Turkménie, elle savait parfaitement que tous ceux exaltés à leur cause étaient souvent considérés comme des forcenés par certains et coiffés de l’auréole du héros par d’autres. Et ces hommes si promptes à basculer dans l’extrémisme n’en avaient pas moins une femme qu‘ils protégeaient, des enfants qu‘ils emmenaient jouer entre les dunes, des amis qu‘ils appuyaient avec la même fidélité et loyauté qu‘ils mettaient à suivre leur philosophie, les élans de leur âme. S’il y avait bien une chose que la petite secrétaire préposée à la coopération internationale savait, c’était que les analogies culturelles étaient rarement heureuses et certaines...Malgré cela, jusqu’ici tout allait bien. Très bien même.

Alors qu’il descendait les marches en la tenant par la main, elle jeta un coup d’œil derrière son épaule, découvrant le lieu où leurs pas les avaient mené et ne comprenant toujours pas où il voulait en venir. Ses préoccupations furent brusquement interrompues par les mots du Mangemort et totalement dispersées par l’éclat de rire échappé de sa gorge. Elle n’avait jamais expérimenté cette chose en particulier, mais la plaisanterie était drôle et certainement pas loin de la réalité ! Les braves garçons ne manquaient pas de volonté, mais ce n’était jamais la bonne.

Par jeu elle enroula à nouveau ses bras autour du cou de ce bel homme si distrayant, front contre front.


-C’était très joliment dit. Mais prenez garde monsieur Jugson ! Parce que les petites jeunettes de l’âge de ces freluquets téteurs pourraient très bien agiter un certain appendice de votre anatomie comme un hochet.

Si elle n’avait pas déjà quelques infimes bases de psychologie Rodienne, elle aurait presque cru qu’il voulait être considéré pour lui et pas en objet de déniaisage à l’usage des petites gourdes curieuses de connaître une saillie sauvage dans le lit d’un très vilain monsieur.

*Si tant est qu’il y ait un lit*, songea-t-elle en avisant la petite barque à quai.

-Pourquoi, hein ? Peut-être parce que j’ai envie de toi. , répondit-elle à mi-voix en lui volant un baiser, furtif, léger, de peu d’importance, les yeux langoureux et le sourire sensuel.

Se coulant sur le côté pour descendre plus bas que lui, elle laissa une main lascive, apparemment tombée là par hasard tracer une ligne désinvolte d’un rein à un autre. Perplexe elle se rapprocha de l’embarcation pauvrette, une bâche bleue dans son fond et un seau flottant à son tribord. Etait-ce vraiment ça ? Non. Il devait y avoir quelque chose, quelque part. Un portoloin ? Elle se doutait d’un mystère.

Faisant comme si elle ne supposait rien, elle posa ses mains sur ses hanches et apostropha son compagnon sans se retourner.


-Elle a l’air de prendre l’eau ta coquille de noix. Ça risque d’être acrobatique pour colmater les trous avec nos pieds si on ne veut pas couler. Et ne compte pas sur moi pour maintenir la bâche au-dessus de nos têtes, j‘aurai mieux à faire.
, minauda-t-elle en tournant légèrement sa frimousse mutine vers lui.
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