Ils n'étaient que deux pour le moment, mais deux bien décidés, et ils pouvaient faire encore parler d'eux. Page prenait très au sérieux son implication dans les BR- un sérieux surprenant pour une première année, devait avouer William- et elle avait demandé l'aide de son complice pour une nouvelle action. Craignant d'être démasqués s'ils parlaient trop librement en salle commune, les deux adolescents s'étaient entendus à demi-mot pour se rejoindre dans un lieu plus sûr... Le nom de la salle sur demande n'avait pas été prononcé, mais William était certain que c'était bien là qu'était le rendez-vous.
A sept heures vingt-cinq, après avoir vérifié que le couloir du septième étage était désert, le préfet de Gryffondor passa trois fois devant un mur nu, en se concentrant sur une unique pensée :

*Il nous faut un endroit sûr pour préparer les actions des BR... un endroit sûr pour les BR...*

Une porte apparut, et William l'ouvrit sans hésiter ; il connaissait bien cet endroit, puisque c'était là que se tenaient les réunions de l'AD. Il ne s'était pas attendu, cependant, à ce que la salle ait pris un aspect différent de celui qu'elle avait pour l'AD ; et il eut une seconde d'étonnement en voyant les tentures orange qui lui faisaient face.

*Je me suis trompé d'endroit ou...*

Mais Page était là, un sourire aux lèvres. Le préfet referma soigneusement la porte et tourna un visage radieux vers sa complice :

-Tu es déjà là... C'est drôle, je ne m'y reconnaissais pas avec ces tentures. C'est comment, derrière ?

-C'est gentil de m'avoir attendu, fit William avec un sourire, en écartant la tenture en même temps que Page.

Il fit quelques pas dans la pièce, avant de s'arrêter béat d'admiration. Avec un tel QG, les BR n'avaient plus rien à craindre ! Rien ne manquait dans la pièce ; tout était organisé au mieux, de sorte que les deux conspirateurs puissent travailler sans se gêner, mais en restant assez proches pour se parler et se montrer leurs réalisations.
Machinalement, William souleva l'une des épaisses tentures orange et noires ; en-dessous apparut une sorte de coffre-fort serti dans le mur, une sécurité supplémentaire dans une pièce déjà inviolable. Ils pourraient y placer les documents compromettants ; en observant la porte du coffre, le rouquin devina qu'il devait exister une procédure magique pour que l'objet n'obéisse qu'à Page et à lui.
Le Gryffondor s'approcha de l'étagère aux livres, certain que la réponse s'y trouvait. Effectivement, un parchemin dépassant d'entre les grimoires attira son attention ; une simple inscription y figurait : "signez". En se tournant pour voir où était Page, Willam aperçut une plume et un encrier, et il alla les chercher en disant :

-Page, un autographe s'il te plaît !

Il signa le premier, en attendant que sa complice arrive, et sous ses yeux, une autre ligne d'écriture apparut : "William John Craig est le maître du coffre". Le principe de fonctionnement du coffre lui apparut alors aussi clairement que s'il venait de lire le mode d'emploi ; il suffisait de placer le parchemin dans le coffre, qui reconnaîtrait ainsi ses maîtres. S'ils voulaient qu'une autre personne puisse ouvrir le coffre, ils devraient lui faire signer la feuille... Magnifique.
C'est avec un grand sourire que le préfet tendit le parchemin et la plume à sa camarade, en demandant :

-Alors, on passe aux choses sérieuses ?

Le nez fourré dans les gadgets qui encombraient le plan de travail, Page n'avait pas regardé ce que faisait son préfet de complice. Elle s'imaginait déjà concocter de magnifiques potions qui feraient pâlir Rogue par leur stupidité, fabriquer d'immondes boules puantes qui n'auraient rien à envier aux farces et attrape Weasley... Plus elle fouinait, et plus les idées affluaient dans sa petite tête surexcitée.

Lorsque William la héla, la petite irlandaise sortit de ses pensées et se dirigea vers son compère, un grand sourire sur le visage. Mimant les manières de cette détestable Précieuse McLane, elle lui répondit :

- Mais bien sûr très cher, avec grand plaisir... Je vous accorde cet honneur.

La fillette apposa sa griffe sur le parchemin, juste sous la ligne de William, et ses yeux s'arrondirent à la vue des lettres qui apparaissaient.

- Woaaaaa, génial. Franchement, j'ai l'impression d'être dans un film d'aventures, c'est trop fort.

L'entreprise qu'ils venaient de mettre en marche dépassait parfois la petite irlandaise. Elle se rendait bien compte que leur rôle de trublions avait un impact bien plus significatif que ce qu'ils avaient pensé au début, et elle avait l'impression que les BR étaient parfois trop... trop énormes à porter. Plus ils avancianet, et plus les moyens dont ils disposaient s'étoffaient, plus leurs plans prenaient de l'envergure, plus ils prenaient des risques. Et la fillette savaient que s'ils se faisaient prendre par malheur... La sentence risquait d'être terrible. Mais elle était fière de faire partie de tout cela, et elle irait jusqu'au bout de l'aventure, quoi qu'il puisse lui en coûter.

- Alors, on passe aux choses sérieuses ?
- Et comment. La dondon ne pourra plus dormir tranquille. Nous serons les ombres insaisissables de Poudlard, ses pires cauchemars !

Elle rendit le parchemin au jeune roux mais l'interrompit avant qu'il ne referme le coffre.

- Attends une seconde... Une association comme la nôtre mérite une charte, des commandements, enfin... Quelque chose qui fasse qu'on s'engage, tu vois. Un papier qu'on signerait, un serment qu'on ferait. C'est important je crois.

La première année prit donc un parchemin sur la pile posée sur l'établi, et, avec la même plume, commença à écrire de son habituelle écriture maladroite, et en tirant la langue :



Bon, c'était un peu pompeux et Page avait été rechercher l'inspiration dans les films qu'elle avait pu voir, mais elle était plutôt fière du résultat. Ca avait de l'allure. Ca sacralisait leur association.
Avant de signer, elle montra son chef d'œuvre à William.

- Qu'en penses-tu ? On rajoute quelque chose ? On modifie d'autres trucs ?

William allait ranger le parchemin signé et fermer le coffre, mais Page avait visiblement d'autres idées ; le préfet la laissa donc à ses travaux d'écriture, et entreprit, pendant ce temps, d'explorer les lieux en détail. L'établi comportait trois tiroirs, que William ouvrit tout à tour ; l'un contenait un appareil photo et un stock de pellicules ; le deuxième, divers articles de papeterie, notamment du Sorcier Collant Perpétuel, comme celui qui avait servi à afficher le faux décret d'éducation ; enfin, dans le troisième tiroir, le rouquin découvrit... un stock de friandises, en quantité suffisante pour soutenir un siège. Il attrapa deux Chocogrenouilles, en déposa une devant Page qui écrivait toujours, et croqua dans la tête de la sienne en poursuivant son inspection.
Des ingrédients pour potions s'alignaient sur des étagères, avec des balances et quelques livres de recettes ; mais le préfet songea avec amertume qu'il n'était guère un expert en potions, et que même si c'était le cas, les mélanges avaient souvent besoin de plusieurs jours pour être utilisables. Des potions toutes prêtes auraient été tellement mieux...
Pris d'une inspiration subite, le rouquin s'avança vers un petit meuble qui ne payait pas de mine, à l'autre bout de la pièce, et ouvrit la double porte ; des fioles pleines de liquides colorés s'y trouvaient, et William eut un large sourire en lisant quelques étiquettes. "Développement des photos"... "Philtre de Confusion"... "Fluide Explosif"... et tant d'autres...
L'activiste roux se redressa et alla rejoindre Page qui lui tendait son parchemin. Il le parcourut, toujours souriant, et affirma sur un ton légèrement McLanien :

-Très chère, j'approuve vigoureusement vos écrits. Et je promets de respecter ce serment, ajouta-t-il avec le plus grand sérieux.

Il n'y avait plus qu'à ranger tout ça, et à réfléchir à la prochaine action. Pour réfléchir à l'aise, il aurait fallu pouvoir s'installer confortablement... en tournant la tête, William aperçut deux fauteuils d'un orange sombre, et se demanda comment il ne les avait pas vus avant. Une table basse ne demandait qu'à recevoir l'indispensable stock de friandises des conspirateurs... Le préfet alla puiser dans le tiroir n° 2, et étala le tout sur le meuble en disant :

-Bon... une idée pour empêcher le crapaud de dormir ?

William avait une drôle d'impression en signant les deux parchemins ; c'était comme donner une existence officielle aux BR, et s'imposer de nouveaux devoirs. Le rouquin ignorait ce qui pourrait bien arriver si l'un d'eux trahissait son serment, mais il était certain qu'il se passerait quelque chose... Ils avaient signé une sorte de contrat, et devraient en payer les conséquences s'ils ne le respectaient pas. Cette Salle sur Demande était bien la preuve qu'ils avaient mis en branle quelque chose dont l'ampleur les dépassait... D'un sens, c'était rassurant ; William avait parfois l'impression que le château lui-même les aidait dans leur tâche. Mais c'était surtout vertigineux ; ils ne contrôlaient pas tout, ils n'étaient que les maillons d'une chaîne...
Son stock de sucreries déposé sur la table basse, William s'installa dans le fauteuil face à celui de Page, et lança négligemment un "Accio" pour faire venir un paquet de bonbons. Rien ne se décidant, le préfet se résolut à se servir d'une façon plus traditionnelle, et piocha une poignée de friandises qu'il étala sur ses genoux. Il se renversa ensuite sur son fauteuil, avec un sentiment de parfaite volupté. Tandis que Page se servait elle aussi, le rouquin précisa :

-Je n'ai rien dévalisé du tout, Miss... C'est le tiroir là-bas qui m'a aimablement fourni ces quelques subsistances. Il ne nous manque vraiment rien.

Bon, passons aux choses sérieuses... Page s'était mise à écrire nerveusement sur un parchemin, et William réfléchissait en silence, respectant sa concentration. Lorsque sa complice lui tendit la feuille, il prit également la plume, et ajouta quelques annotations, quelques idées de son cru... de quoi rendre la vie du crapaud proprement impossible. Désignant le parchemin, le rouquin suggéra :

-On devrait le garder en lieu sûr, c'est notre premier... et puis comme ça, on pourra comparer ce qu'on fera et ce qu'on avait prévu...

Désormais, ils pouvaient venir séparément, chacun selon ses disponibilités ; William reprit :

-Je pense qu'il faut tout mettre dans le coffre, tout ce qu'on écrira, tout ce qu'on préparera. Comme ça, ce sera en sécurité... et en arrivant, il suffira de regarder dans le coffre pour voir si l'autre a laissé quelque chose de nouveau.

Même plus besoin de parler trop ouvertement de leurs activités... magnifique, vraiment...

Au sourire de Page après son Accio raté, William répondit d'une mimique d'excuse, l'air de dire : "même un super préfet peut rater un sort"... Pour rire, bien sûr, car il n'était pas à ce point étouffé par l'amour-propre et la vanité. Simplement, il se sentait en confiance avec l'Irlandaise, et retrouvait par moments cette envie de plaisanter qui l'avait quitté en grande partie depuis plusieurs mois- depuis l'annonce de la maladie de sa mère, et aussi depuis sa dispute avec Mathias.
Avec de grands gestes obséquieux, le préfet se leva, s'inclina devant le parchemin, le prit délicatement et le conduisit lentement vers le coffre. On aurait dit qu'il s'agissait de l'objet le plus précieux de tout le château, d'une sorte de Bible des BR.
La porte du coffre se referma, avec un drôle de bruit, sur la charte des BR et leurs projets d'actions. William regagna sa place et se laissa tomber sur son fauteuil, plus vautré qu'assis. C'est fou comme c'était confortable, ces trucs-là... surtout quand on commençait à avoir sommeil...
Page annonça qu'elle allait partir, et William se redressa. Elle avait raison ; ce n'était pas le moment de s'endormir dans ce fauteuil. Il regarda sa montre et haussa un sourcil ; l'heure du couvre-feu était passée, pas de beaucoup, mais cela suffirait pour valoir des ennuis à Page si elle se faisait prendre. Lui avait beaucoup moins à perdre ; en tant que préfet, il pouvait toujours prétexter une ronde de nuit, chose qui plairait beaucoup au crapaud rose. William se leva et proposa :

-Vas-y en premier, si tu veux... mais fais attention... ne te fais pas prendre par l'Ennemi... Attends-moi dans la salle commune, discrètement, juste pour que je voie que tu es bien rentrée. Je te suis dans trois minutes.

Si en rentrant il ne savait pas si sa complice était rentrée, il était certain qu'il allait s'inquiéter toute la nuit. Autant qu'elle reste un peu en salle commune, à faire semblant de se réchauffer avant de monter par exemple...