"Voilà, le bureau de Mr. Yaxley est là." dit Celestina en désignant un grande porte massive "Je dois y aller. A ce soir."

Après avoir déposé un baisé maladroit sur le front de sa fille, Mrs Rynn s'en alla. Mais au bout de quelques pas, comme après une hésitation elle se retourna.

"Et essaie de ne pas tout rater." lâcha-t-elle dans un soupir de lassitude.

Puis elle poursuivit son chemin dans le dédale des couloirs du Ministère de la Magie, faisant résonner les talons de ses chaussures sur le sol marbrés. Lorsque le silence revint, Amaranth fixa la porte et déglutit avec difficulté.

La veille, encore ça allait. Elle venait de rentrer de Poudlard et après avoir rangé toutes ses affaires, elle en ressortait déjà d'autres en prévision de la journée du lendemain. Elle avait donc dormit paisiblement, la conscience tranquille d'avoir tout fait comme il le fallait.

Le matin aussi tout allait correctement. Il faut dire que Mrs Rynn était un véritable cordon bleu, tout spécialement pour les pancakes. En sentant la délicieuse odeur qu'ils dégageaient, personne ne pouvait rester insensible, pas même lorsque l'on a son premier jour de stage au Ministère.

Le trajet n'avait pas non plus posé de problèmes. Transplanage. Simple, claire, spontané. Même dans le hall bondé, la fillette n'avait pas eut le temps de se perdre en pensées angoissantes tant il était laborieux de suivre sa mère sans la perdre dans la foule tumultueuse qui s'activait au rez-de-chaussée. Amaranth avait occupé toute son attention à tenir fermement cette main blanche et osseuse qui la guidait dans le labyrinthe de couloirs et d'ascenseurs.

Mais maintenant, elle était seule. Plus de main pour la guidée. Le couloirs même dans lequel elle se trouvait était désert. La fillette observa ce qui l'entourait. A la riche décoration, on pouvait deviner que seuls les directeurs de département et les gens les plus hauts placés devaient traîner dans le coin.

Après son tour d'inspection, la jeune Rynn revint à la contemplation de la porte. Les nuances sombres du bois massif avaient quelque chose d'hypnotique. Amaranth ne pouvait s'empêcher de penser à toutes les erreurs qu'elle pourrait commettre dans les cinq prochaines minutes. Oh, bien sur, il y avait toutes celles que sa mère lui avait rabâchées depuis qu'elle avait arrangé ce stage, accompagnées au passage de l'indispensable couplet expliquant à quel point cela ruinerai les espoirs de chacun si quoi que ce soit tournait mal pendant ces deux mois. Mais la petite Serdaigle était plus imaginative que sa mère et pouvait quant à elle entrevoir scénarios encore bien plus catastrophiques.

Une partie d'elle même voulait s'enfuir au plus vite et retrouver son lit pour pouvoir se cacher sous ses couvertures. Mais une autres partie voulait en finir au plus vite pour pouvoir regretter au lieu d'angoisser. Ce fut manifestement cette partie qui gagna puisque la main de la fillette se leva toute seule et frappa trois long coup à la porte, devant la stupéfaction de la petite Rynn qui assistait passive à la scène.

"Plus question de reculer maintenant…" s'encouragea-t-elle en prenant une grande inspiration.

Elle entendit une voix derrière ma porte mais ne distinguant pas un traître mot de ce qu'elle disait, Amaranth ne pu que supposer qu'on la sommait de rentrer. Elle appuya donc de tout son poids de poupée sur le panneau de bois massif, passa le bout de son nez dans l'embrasure et déclara d'une voix qui était plus timide que ce qu'elle aurait voulu :

"Bonjour…hum… Monsieur."

Yaxley se réveilla lentement, observant longuement la boule jaunâtre et le ciel orangé que lui affichait la fenêtre de sa chambre. Il avait bien dormi. Il dormait très bien depuis l’opération dans le département des mystères et le retour officiel du Lord noir en Grande-Bretagne. Non seulement il avait de plus en plus de travail au repaire et il avait vraiment l’impression que la guerre éclaterait prochainement, mais en plus l’agitation au ministère était démentielle et on sentait bien que le règne de Fudge n’était plus assuré. Les murs ont des oreilles, au ministère, des oreilles qui renvoient des bribes de conversations, des murmures, des rumeurs, toutes sortes de choses qui finissent par lui parvenir, à lui, Yaxley, et à lui assurer toujours un peu plus que la machine était moins stable, moins cohérente.

Une fois sa crème de blé mangée, sa douche prise et ses vêtements mis, Yaxley transplana directement au ministère. D’une tête plus grand que la plupart des gens, Yaxley parcourait les couloirs avec assurances et empruntait chaque ascenseur comme s’il l’aurait conduit lui-même. Toutes ces têtes folles, tous ces gens perdus… Et lui il savait tout, il connaissait absolument tout de l’histoire et il savait ce qui se passait. Il pouvait aisément prévoir comment la transition se ferait, comment les mangemorts prendraient le commandement du ministère… Mais il fallait attendre un peu, encore un peu, attendre que Fudge soit finalement destituée.

Edward Royce entra finalement dans son champ de vision, il venait tout juste de le remarquer. Le mangemort plaça une de ses mains puissantes entre les deux grilles de la cage d’ascenseur et il en attrapa une pour la replier. Royce accéléra le pas au coût d’un grand effort et s’immisça entre les deux grilles de l’ascenseur, arrivant à se faire une place en obligeant tout le reste des utilisateurs à embrasser les parois. Sauf Yaxley. Royce était un gros bonhomme au visage dur, presque aussi grand que Yaxley mais une fois et demi sa largeur d’épaule et sûrement deux fois son poids. Le pauvre homme… le travail de bureau l’avait rendu tellement gras ! Il ressemblait maintenant à un immense tonneau monté sur deux solides échasses, un tonneau fait pour être sévère, sans pitié et pour annihiler tout ce qui pouvait rendre son département non productif et occasionner des problèmes de communication.

Royce était responsable en chef de la coordination de tous les départements et il dirigeait une partie du Département de Tireurs de Baguettes d’Élite. Il détestait Fudge pour le chaos qui régnait constamment au ministère ces derniers temps. L’autre chose qui rendait Royce si exceptionnel, c’était la faculté qu’il avait à ne pouvoir s’empêcher de raconter tout ce qu’il savait à quiconque. Bien entendu, il savait faire preuve de discernement et il ne raconterait rien à des « civils » ou a des gens de grade inférieur au sien ou à la personne concernée mais cela ne l’empêchait pas d’être un vrai panier percé. Comme c’était pratique.

Les grilles de l’ascenseur se joignirent finalement en un bruit métallique et la cage s’éleva rapidement.



- Pourquoi ne pas passer à mon bureau pour que l’on parle de ce qui se passe ? demanda Yaxley.
- Oui, dit Royce. Il y a trop de gens que ça ne concerne pas, par ici

Le mangemort parlait maintenant depuis une bonne heure avec Royce. Ils avaient discutés de ce qui se passait au ministère, de la situation dans toute la Grande-Bretagne, d’à quel point toute cette histoire du retour du Lord était horrible. Yaxley prit tranquillement une gorgée de son thé en regardant distraitement les feuilles que la secrétaire avait laissées sur son bureau. Royce poussa un soupir et un silence s’installa enfin.

- Alors l’opération « Carreliak » a été un échec ? On n’a pas attrapé le gars ? dit Royce d’un ton incrédule.
- Même pas ! lui répondit Yaxley. Les Aurors n’étaient pas au courant et la moitié de l’unité de Tireurs de Baguettes avait été réquisitionnée par Fudge.
- Quoi ?! s’indigna Royce. Pourquoi ceux-là en particulier ?!
- C’étaient les seuls disponibles au moment ou son filleul quittait sa maison pour se rendre à la demeure de campagne de ses parents.
- Incroyable !
- Oui. Heureusement que Monsieur le Ministre avait fait reporter la date de l’opération car si Correliak s’y était trouvé, il aurait pu y avoir des blessés.

Royce grogna et un silence inconfortable s’installa. Yaxley était très satisfait de cette conversation. Ce bon vieux Edward ne pourrait s’empêcher d’aller raconter tout cela au reste du département et même aux autres, pourquoi pas … Il déplorerait sans doute l’échec de l’opération, effleurant seulement le fait que c’était la faute de Fudge, agissant comme un laveur de cerveau, implantant son message subliminal dans le cerveau de ses interlocuteurs.

- Des dossiers chauds, aujourd’hui ? demanda Royce à son confrère.
- Tout plein, répondit vivement Yaxley sur son meilleur ton intéressé. Mais aujourd’hui c’est différent, il y aura une élève de Poudlard qui fera un stage.
- Ah ! Les jeunes ! Et elle va faire quoi ?
- Rien de bien utile, je crois bien. Un peu de classage, archivage et elle me rapportera ces fameux dossiers chauds. Elle devrait d’ailleurs arriver dans quelques minutes.
- Eh bien, si tu n’as plus de travail à lui faire faire pendant la journée, envoie moi là. Elle apprendra de la façon dur mais elle apprendra.

Yaxley s’abstint de répondre. Il détestait quand Royce faisait cela, déjà qu’il ne l’aimait pas beaucoup. Des coups faibles retentirent sur la porte et le gros homme détourna la tête en direction du panneau de bois. Yaxley contemplait l’idiot observer la porte et finit par se lever. S’il ne faisait rien, Royce serait bien capable de passer la journée à observer cette fichu porte et à l’ennuyer avec des histoires inutiles.

- Ce doit être elle, justement. Nous poursuivrons notre discussion plus tard.
- Oui… oui ! Absolument, répondit Royce. Et puis, il y a du travail à faire.
- Oui, oui. Par contre, j’aimerais cela que tu ne racontes ce dont nous…

Il était en train de lâcher sa bombe, en train de placer l’ultime coup. Il finissait le puzzle, il achevait Royce. Jamais le bon vieux Edward ne pourrait se retenir, après ça. Impossible. Mais ses yeux dérivèrent de ceux de son interlocuteur pour se poser sur la porte qui s’entrebâillait pour laisser apparaître le visage d’une jeune fille. Yaxley retint une grimace. Il savait bien que c’était elle, il n’était pas sourd et un collègue ou une secrétaire se seraient contentés d’ouvrir la porte et de poser les dossiers sur son bureau. Il ne pouvait tout de même pas se laisser interrompre et rater l’amorcement de la bombe « Ed Royce ».

- … avons parlé à personne, acheva-t-il de dire lentement, reportant finalement ses yeux sur le visage de son confrère.

Royce acquiesça du chef et ouvrit la porte, invitant la jeune fille à entrer avec ce qu’il avait de plus beau à offrir comme sourire : un visage inquiétant mêlé à un air quelque peu carnassier. Il quitta finalement la pièce et Yaxley s’empêcha de se détendre lorsqu’il se rappela la présence de la petite. Il la considéra un moment et tapota une pile de feuilles parfaitement empilées du bout de sa baguette, fixant toujours la fillette dans les yeux. Un sourcil se souleva lentement au-dessus de son regard froid et un mélange de perplexité et d’amusement s’afficha sur son visage. Il n’avait rien de rassurant.

Il tira une feuille de la pile et elle se raidit complètement tandis qu’il la posait devant lui. C’était cela qu’on lui envoyait, donc ? Cette couleur de cheveux… c’était un peu agressant… Et sa mère n’était-elle pas blonde ? Quel genre de bâtard pouvait donc être son père pour lui avoir laissé une tête semblable en héritage génétique ?! Yaxley se racla la gorge et baissa les yeux sur la feuille. Il n’y avait aucun autre siège dans la pièce mais il invita la petite à s’approcher d’un simple et bref mouvement de tête.

- Vous êtes donc Amaranth Rynn, la fille de Celestina Rynn ? Je suis monsieur Yaxley. C’est moi qui m’occuperai de votre stage.

Il ne lui présenta même pas la main. Il parlait toujours d’une voix calme mais incroyablement froide et sévère.

- J’espère que vous êtes bien compétente. Vous êtes prête à commencer immédiatement ?

Son ton ne laissait place qu’à une seule réponse et il continuait toujours de la dévisager. Si petite… et elle voulait déjà faire une stage au ministère, en plein moment de crise. Elle ne devait même pas être consciente de ce qui se passait en Angleterre, en ce moment. C’était sûrement l’ambition, c’était probablement pour s’assurer un travail dans les années à venir. Yaxley ricana… les années à venir… si elle s’avérait assez compétente, peut-être n’aurait-elle jamais pu trouver mieux que lui pour assurer sa survie et son emploi dans les années à venir…

Visiblement, Amaranth arrivait au mauvais moment. Toujours cachée derrière la porte entrebâillée, elle se demandait si elle ne pourrait pas s'enfuir, lorsque brusquement, quelqu'un ouvrit la porte en entier. La fillette se retrouva nez à nez avec une véritable montagne humaine qui affichait un sourire d'ogre. Elle eut un mouvement de recul et aperçu un autre homme, de taille imposante lui aussi.

"Oh non, ils font tous trois fois ma taille… T-T"

La jeune Rynn s'avança à pas de sourie et le colosse quitta la pièce, enfermant la fillette avec l'homme assis au bureau. Ce dernier examina la jeune fille, marquant un léger temps d'arrêt sur ses cheveux, et finit son inspection et la regardant droit dans les yeux.

"Ah non! Pas ça!" s'affola Amaranth intérieurement "Je déteste qu'on me regarde dans les yeux! J'ai l'impression qu'il peut lire dans mes pensées! Bon du calme. Souvient toi des leçons de cet imbécile de Diggs. Surtout ne cligne pas des yeux! Ne cligne pas des yeux!"

Après un affrontement silencieux, les yeux de la petite Rynn était tellement asséchés qu'elle baissa finalement le regard pour pouvoir cligner des paupières. Lorsqu'elle releva enfin le visage, l'homme portait son attention sur une feuille et la somma d'approcher. La fillette obtempéra timidement.

Il se présenta brièvement et sa voix ferme résonna dans la pièce. Étrangement, cette démonstration d'autorité détendit un peu Amaranth. C'était le genre d'homme meneur, qui donnait des ordres claires et précis. La jeune fille n'aurait pas à prendre d'initiative ni à résoudre des problème seule. On ne lui demanderai sans doute que d'obéir mécaniquement à ce qu'on lui demanderai. Et pour ça, les Rynn étaient très forts. C'était même un spécialité familiale.

Citation :

Vous êtes prête à commencer immédiatement ?

"Oui monsieur." répondit-elle simplement.

Sa voix avait retrouvé son ton neutre habituel. Elle sortit une plume et un carnet de la poche de sa veste et regarda Mr. Yaxley, prête à prendre note de la moindre des consignes qu'il lui donnerai.