Trois petites notes de musique (prio : Lynn) Terminé...

William s'assura qu'on ne le voyait pas, et passa trois fois devant le mur en répétant : "J'ai besoin d'un piano... j'ai besoin d'un piano..." Il se sentait un peu idiot, mais on lui avait affirmé que c'était la bonne méthode, et il ne coûtait pas cher de le vérifier. A son troisième passage, une porte apparut dans le mur, et le rouquin entra, perplexe, dans une salle de grandes dimensions, au centre de laquelle trônait un mangifique piano à queue. Il s'approcha de l'instrument, sans prendre garde qu'il n'avait pas complètement refermé la porte, et s'arrêta, béat d'admiration. Le piano était superbe, mais ce n'était pas tout ; des partitions étaient déposées sur le tabouret, et même un métronome semblait attendre qu'on le mette en route.
William fouilla dans les partitions, et en choisit une qu'il avait travaillée avec son professeur de musique, chez les Moldus ; un air lent, exactement ce qu'il lui fallait pour retrouver la souplesse de ses doigts.
D'un doigt léger, il appuya sur deux des touches du piano ; comme il fallait s'y attendre, il était parfaitement accordé. Le jeune homme s'assit, et les lumières se firent moins vives ; l'éclairage ressemblait à présent à celui d'une salle de concert, et toute la lumière était concentrée sur le pianiste.
William commença par faire quelques gammes, mais il avait hâte de jouer vraiment, et il attaqua rapidement le morceau. Il était un pianiste assez doué, et surtout, il aimait beaucoup jouer. La musique lui avait vraiment manqué, à Poudlard... mais c'était réparé. Il allait pouvoir recommencer à jouer, travailler de nouveaux morceaux (la salle regorgeait de partitions) même s'il savait que travailler sans professeur serait difficile.
Les notes s'enchaînaient sous ses doigts, avec une sensibilité assez étonnante pour un garçon de treize ans, population peu réputée pour sa délicatesse. Mais devant un piano, William était un autre. Ou alors, il était enfin lui-même...

Certains jours nous paraissent plus long que d'autres. Et d'autres particulièrement court. C'est étrange comme la durée d'une journée peut varier selon l'humeur, le temps, les gens que l'on cotoit. Un peu comme si le temps pouvait s'étirer infiniment, dans un sens comme dans l'autre....

Ce jour-là par exemple, la journée avait paru interminable à la jolie gryffondor. Entre le double cours de potions, sa dernière note -décevante- en metamorphose, le silence d'Aïlin et le fait qu'elle voyait peu ses amis, Lynn avait de quoi être préoccupé et fatiguée.
William l'évitait comme si elle était devenue une sorte d'hypogriffe enragé, Mathias était devenu un fantôme, Jaina était très occupée avec son petit ami secret, Nervia et Clarisse passaient leur temps à travailler, tout comme Lavande d'ailleurs, qui se remettait difficilement de leur été mouvementé... Cela faisait donc plusieurs jours, peut-être même semaines, que la jeune fille était seule la majorité du temps.

Alors qu'elle se dirigeait vers la tour des gryffondors après cette très longue journée, Lynn entendit soudain, au détour d'un couloir, un air de piano.

Intriguée, elle se laissa guider par le son et se retrouva bientôt devant la porte de ce qu'elle reconnu comme étant la salle sur demande, légèrement entrouverte.

Elle la poussa légèrement, sans faire de bruit et tressaillit en reconnaissant le pianiste.

Voilà encore une chose qu'elle ignorait sur le rouquin.... peut-être avait-il eu raison... peut-être était-elle égoiste et folle...

La raison la poussait à s'en aller avant que le morceau s'achève et qu'il ne la remarque, mais ses jambes refusèrent tout simplement de lui obéir. Elle resta immobile à le dévisager. Elle pencha sa tête sur le côté, pour reposer contre la porte et ferma les yeux.

Quand la musique s'acheva, elle ne les rouvrit pas tout de suite, sachant que ce beau moment prendrait fin à l'instant même où il la verrait.

Elle inspira profondément et ouvrit les yeux. Il la regardait, un air indéchiffrable sur le visage.

- C'était très joli.... souffla-t-elle.

Voyant qu'il ne disait mot, elle crut devoir s'expliquer:

- La porte était ouverte... je voulais juste...

Elle soupira et secoua doucement la tête:

- Ne te préoccupes pas de moi...

Et elle se détourna pour s'en aller.

Les yeux fermés, William posa tout doucement les doigts sur les touches du piano, pour jouer les toutes dernières notes avec légèreté... Il garda les paupières closes le temps que le son s'évanouisse complètement, puis, enfin, un sourire éclaira son visage auparavant tendu par la concentration. Finalement, il n'avait pas trop perdu la main... Il n'avait pourtant pas touché un piano depuis août, et son dernier cours remontait à plus de deux ans. William soupira d'aise et rouvrit les yeux, prêt à se chercher une nouvelle partition.
A peine eut-il relevé la tête qu'il s'aperçut que la porte s'était ouverte. Les lumières concentrées sur lui ne lui permettaient pas de bien voir, mais en plissant les yeux, il avisa une personne appuyée contre le montant de la porte. Son sourire retomba à l'instant où il la reconnut, mais il s'aperçut qu'il ne pouvait détacher son regard de la jolie brune. La colère et la peine qui s'emparaient ordinairement de lui lorsqu'il voyait Lynn n'étaient pas au rendez-vous ce jour-là... Simplement, il la regardait, songeant en désordre à mille petites choses- une partie de patin à glace, un baiser sur le terrain de Quidditch, un carnet de dessin qui brûle...
Il se rappela- et il en eut honte, tant il avait été discourtois- qu'elle avait essayé de lui parler, dans la tour de Gryffondor... Il n'avait pas voulu l'écouter, préférant se laisser guider par ces sentiments désagréables... Mais au cours des derniers jours, il s'était surpris plusieurs fois à penser à elle, et même à la regarder à la dérobée, en cours. C'était trop bête que tout prenne fin aussi brutalement... à cause d'Aïlin...
La brune devait sentir arriver l'orage, car elle s'excusa sur un ton presque craintif, et s'apprêta à filer. William sentait qu'il fallait dire quelque chose, mais rien ne lui venait... Ils ne s'étaient pas parlé depuis plusieurs semaines, et on ne reprend pas aussi facilement des relations interrompues si longtemps...
L'inspiration lui vint tandis qu'il regardait, immobile, la jeune fille faisant demi-tour. Reposant ses doigts sur les touches du piano, il joua lentement quelques notes...
Les premières notes d'une chanson moldue bien connue...
"Joyeux anniversaire".
Il ne savait plus si c'était exactement ce jour-là, mais c'était début novembre, ça, il en était sûr...

Lynn s'arrêta net dans son mouvement lorsque la musique reprit. Elle reconnut la chanson qu'on jouait habituellement lors des anniversaires. Jamais elle n'avait eut la chance d'en entendre une qui lui était destinée. Pourtant celle-ci l'était... il n'y avait aucun doute là-dessus...

William s'était souvenu que son anniversaire était dans cette période... elle ne lui précisa pas que c'était deux jours auparavant tant elle était heureuse de cette marque de reconnaissance..... Oui... Il s'en souvenait, et il lui faisait savoir... il avait finit de l'éviter semblait-il....

Elle se tourna à nouveau pour lui faire face, plongeant ses yeux dans les siens.

Elle se rapprocha doucement du piano et de William, sentant son coeur battre plus fort.

Un léger sourire se dessina sur ses lèvres et elle se frotta les bras, ne sachant à quoi étaient du les frissons qui la parcouraient.

- Merci...

Cette fois, c'est un peu brutalement que William joua les dernières notes... Il était très nerveux tout d'un coup, partagé entre deux aspirations ; d'un côté, la compagnie de Lynn lui avait terriblement manqué tout le temps qu'ils ne s'étaient pas parlé, mais d'un autre côté, il n'oubliait pas son sentiment d'être injustement traité par elle, et peut-être même manipulé... Sa fierté lui interdisait de faire comme si rien ne s'était passé. Il referma (doucement, cette fois) le couvercle du piano et, ses doigts courant frénétiquement sur le bois brillant, leva les yeux vers la brune. En la voyant sourire, il douta, une fois de plus, qu'elle fût une manipulatrice sans scrupule... Un tel sourire pouvait-il appartenir à une traîtresse, à une fille sans aucun sentiment pour lui?...
Mais peut-être souriait-elle simplement parce qu'il semblait bien parti pour revenir sous sa coupe?... Les propos qu'Aïlin lui avaient tenus dans la forêt revenaient insidieusement dans l'esprit de William. "Fais attention, elle est dangereuse... elle se fiche des autres..." Aïlin était son frère, il la connaissait... il n'avait pas dit ça à la légère...
C'est donc un véritable combat qui se livrait dans la tête du rouquin. A mesure que ces pensées lui venaient, il se sentait prêt à parler, tantôt pour lui dire de dégager, tantôt pour l'inviter à s'asseoir (un autre tabouret qu'il n'avait pas remarqué auparavant se trouvait près du piano).
Elle s'était avancée vers lui, et il put sentir son parfum- ce parfum qu'il avait tant aimé, mais qu'il associait désormais au souvenir pénible de leur dispute.
Rouvrant sans nécessité le couvercle du piano (simplement pour regarder autre chose), il demanda sur un ton abrupt:

-C'était vrai ce que tu m'as dit l'autre jour, dans la salle commune?

Elle lui avait dit que leur dispute la rendait malheureuse, et qu'il s'était trompé sur son attitude. Mais le souvenir de la dispute était encore trop cuisant pour que William consente à l'écouter...

Lynn ne savait trop quoi penser et par conséquent hésitait à agir.

William quant à lui semblait se livrer au même combat intérieur que celui qui la ravageait.

Il lui manquait c'était certain, mais elle se sentait particulièrement blessée qu'il la croit capable de tout ce qu'il l'accusait...

Le regard du garçon oscillait entre elle et le piano, comme s'il hésitait à fixer son regard sur la jeune fille. Il finit par lui demander un peu abruptement, si elle pensait ce qu'elle lui avait dit en salle commune.

Que lui avait-elle dit au juste ? Qu'il lui manquait...? Qu'elle n'aimait jamais voulu lui faire de mal...? Que tout ça n'était qu'un terrible mal entendu...? Bien sûr que tout était vrai... elle ne lui avait jamais sciemment mentit... mise à part quand elle voulait le protéger...

- Bien sûr que oui...

Elle soupira et murmura d'une petite voix:

- William... je ne sais pas quoi dire pour que tu me crois....

Sans trop penser à ce qu'il faisait, William posa un doigt sur une des touches du piano, et appuya dessus... Fa. fa... fa fa fa fa fa... Sans nécessité, d'un air absent, il joua plusieurs fois la note, sans savoir quelle réponse faire aux propos de Lynn- sans même savoir s'il devait la croire ou pas. Elle semblait sincère, mais quelque chose lui disait de se méfier, de ne pas se mettre dans une position où elle pourrait de nouveau lui faire de la peine... Finalement, le rouquin cessa de jouer son fa, et toujours sans regarder Lynn, il reprit d'une voix sourde:

-J'ai l'impression que... que quoi que je fasse, ce n'était jamais bien. Empêcher Ultan de te frapper, tu me l'as reproché en disant que je prenais des risques... Me défendre contre Aïlin, tu me l'as reproché... Je n'ai jamais fait ce qu'il fallait.

Il avait longtemps hésité à prononcer ces mots, mais il était assez content de l'avoir fait. Jamais auparavant il n'avait osé donner son opinion à Lynn ; il s'était toujours effacé devant elle, et il estimait que son dévouement avait été mal payé...
Elle ne répondit rien, ce qui arrangeait William qui avait encore quelque chose à dire. Sans lever les yeux, la voix de plus en plus assourdie, il poursuivit:

-Tu t'es toujours comportée comme si tu n'avais pas confiance en moi... Toujours à me reprocher de me mêler de ce qui ne me regardait pas, jamais une explication, comme si ce n'était pas important.

Il se sentait soulagé d'avoir pu dire ce qui le peinait- ça n'avait pas été facile ; d'habitude, William gardait ce genre de choses pour lui, pour ne pas faire de peine aux autres. Mais cette fois, il sentait qu'il irait mieux s'il le disait... quoi qu'il lui en coûtât.

Alors qu'il jouait presque machinalement la même note en boucle, William lui expliqua ce qu'il ressentait. Lynn se mordit la lèvre. Il avait raison d'une certaine façon... elle avait mal agit...

- Je voulais simplement... te protéger... je ne voulais pas que tu ais d'ennuis à cause de moi... je voulais que tout aille bien entre nous... sans que ma famille n'ait rien à voir là-dedans...

Mais ils avaient tout à voir...

Non... William n'avait pas tort... ce n'était pas qu'elle ne voulait pas lui faire confiance... simplement... son passé lui avait appris à être toujours méfiante... même envers ceux qu'elle aimait ou appréciait...

Si elle ne lui avait pas donné d'explication c'était justement parce que c'était bien trop important... elle ne voulait pas le mettre dans une telle situation... c'était injuste de lui imposer ça...

Elle plongea ses yeux embués dans les siens et s'assit près de lui. Elle referma le couvercle du piano pour se donner contenance et se décida à lui donner une partie de l'explication qu'il attendait.

Elle n'avait plus vraiment le choix... c'était le seul moyen de lui prouver qu'il l'avait mal comprise.... mais... il était fort possible qu'il prenne ses jambes à son coup en réalisant combien il était dangereux de la fréquenter....

-Mon père est mangemort. Dit-elle soudain d'une voix faible. Mon frère aîné également....

Elle aurait voulu ajouter qu'ils l'avaient battus, mais ces mots refusaient de sortir alors elle en prononça d'autres:

- Ils ont fait... et font... des choses horribles... je n'ai pas remit les pieds chez moi depuis que je suis entrée à Poudlard...

Elle sentit ses yeux la brûler davantage et sa voix s'enrailler mais elle poursuivit:

- Ils veulent me faire revenir... ils veulent me séparer d'Aïlin... et ils sont prêt à faire du mal aux gens que j'aime pour ça... Torin s'en est prit à Kael et Lavande ! Mon père a utiliser l'imperium sur Aïlin ! Tous les gens que je fréquente sont en danger... je ne voulais pas... je ne voulais pas te mêler à ca... je voulais te protéger... je voulais que rien ne change...

Elle se passa une main sur le visage et soupira:

- J'ai cru... j'ai cru que si je te tenais éloigné de tout ça... ce serait moins dangereux... j'esperais qu'Ultan ne parlerait pas de toi... que Père n'apprendrait jamais ton existance... je voulais tellement... avoir une vie normale....

Pour la première fois depuis le début de son récit, elle regarda le rouquin et murmura:

- Je suis désolée....

William ne s'enfuit pas en courant en entendant lorsque Lynn lui révéla l'identité de son père, mais il éprouva cependant un sentiment de malaise. Un Mangemort, ce monsieur qui lui avait adressé une lettre d'excuses et quarante Gallions lorsque Ultan avait brisé sa baguette?... Un Mangemort, un de ces sombres personnages qui tuaient, torturaient et répandaient la terreur autour d'eux?... Bien sûr, William se doutait de quelque chose dans ce genre. Il suffisait d'observer le comportement d'Ultan, d'entendre Kael raconter que l'aîné des Bower l'avait torturé... Mais entre se douter et entendre la confirmation de ses soupçons, il y avait un pas... Savoir que le père et le frère de Lynn étaient réellement des Mangemorts, des partisans de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, qu'ils étaient capables de tout... tout cela donnait un coup au moral du rouquin, mais malgré tout, il préférait le savoir. Un homme averti en vaut deux, surtout lorsqu'il est un Sang-de-Bourbe et qu'il fréquente une fille et soeur de Mangemorts... Car à n'en pas douter, Mr Bower et son fils aîné devaient haïr les Sangs-de-Bourbe, encore plus qu'Ultan, encore plus que n'importe qui d'autre. Les Mangemorts étaient connus pour leur mépris à l'égard des enfants de Moldus, et Will savait que certains de ses semblables avaient été tués ou torturés, simplement parce que leur sang n'était pas pur... Se décidant enfin à regarder Lynn, le rouquin déclara:

-Tu aurais dû m'en parler avant... C'est en gardant le silence que tu m'as fait prendre des risques. Tu te rends comptes que je n'ai pris aucune précaution, que je me suis baladé à Pré-au-Lard et à Londres sans me douter de ce qui pouvait arriver... Tu imagines, s'ils avaient voulu s'en prendre à moi... Je ne savais même pas de quoi me méfier...

Quelque chose lui disait que Lynn avait sincèrement cru bien faire, mais Will était choqué de se rendre compte, soudain, du danger qu'il avait couru... Les deux Mangemorts auraient pu l'attendre n'importe où, n'importe quand ; il ne s'interdisait aucune promenade, puisqu'il n'avait pas idée du danger qu'elles pouvaient représenter...
Les yeux à nouveau baissés sur le piano, il poursuivit:

-Je suppose qu'ils détestent les Sangs-de-Bourbe... Tout le monde croyait qu'on sortait ensemble... Si ton père l'apprend, je suis bon... Tu aurais dû me le dire...

Lynn secoua la tête. Elle n'avait jamais imaginé les choses ainsi...

- Non... non... jamais ils n'auraient.....

Elle s'interrompit. En était-elle vraiment sûre...? Peut-être avait-il raison après tout... peut-être l'avait-elle plus mis en danger en le laissant ignorant....

Néanmoins, elle persista:

- Ils ne te feraient pas de mal... pas physiquement du moins... sinon père l'aurait déjà fait lorsqu'il a mit Aïlin sous imperium.... murmura-t-elle pensive. Il veut simplement me faire peur... et...

*Il veut que je sois seule... complètement seule...*

- Je... j'avais peur... je... je ne voulais pas... jamais je n'ai pensé que...

Elle s'interrompit et posa une main sur sa bouche, se sentant soudain paniquer alors que les paroles du rouquin prenaient tout leur sens...

Elle sentit les larmes se mettre à couler sur ses joues. S'il était arrivé quelque chose à William, jamais elle ne se le serait pardonné...

- J'ai été tellement égoiste.... je voulais pas arrêter de te voir ou de te parler... je voulais continuer à passer du temps avec toi... j'esperais que tout se passerait bien... qu'ils ne le sauraient jamais.... je suis désolée...
Elle baissa les yeux et murmura, presque pour elle-même:

- Je... j'aurais dû... je croyais que... pourquoi est-ce que j'ai fait ça...?

Elle sanglota dans ses mains. Elle avait passé tant de bons moments avec William... elle aurait du y renoncer dès le début pour le protéger...

Oui... elle avait été très égoiste...

En temps normal, William n'aurait jamais osé parler aussi franchement à Lynn. Tant qu'ils s'entendaient bien, il avait refoulé ses sentiments profonds, pour ne pas ennuyer ou peiner la brune... Mais leur récente dispute avait creusé un écart entre eux, et le préfet avait réussi à parler... et à dire ce qu'il avait sur le coeur... Il sentait que cela lui avait fait du bien, même si la réaction de Lynn le désarçonna un peu. La Gryffondor tenta de répondre, mais des sanglots l'empêchèrent de terminer, et Will sentit qu'elle partageait ses propres craintes.
Cette fois, les larmes de Lynn ne laissèrent pas William indifférent, comme le soir de leur dispute. Sur le terrain de Quidditch, les larmes lui avaient semblé feintes, destinées uniquement à attendrir un rouquin trop sensible... Aujourd'hui, il voyait bien qu'elles étaient sincères, et il regretta de les avoir suscitées. Bien sûr, une petite partie de lui-même clamait encore que Lynn n'avait que ce qu'elle méritait, et que ses larmes à lui n'avaient reçu aucun écho... Mais il ne résista pas longtemps, et murmura:

-Je sais bien que tu ne voulais pas ça... Je le sais, Lynn...

Sans s'en rendre compte, il redevenait le William d'avant- le garçon attentionné qui avait embrassé la jolie brune sur le terrain de Quidditch, qui avait toujours fait preuve de tendresse envers elle... Lynn allait croire qu'il regrettait ses liens avec elle, par crainte des représailles de la famille Bower- mais ce n'était pas le cas ; s'il regrettait quelque chose, c'était seulement leur dispute, et ce qu'il ressentait encore comme un manque de confiance de la part de Lynn... Fixant son regard bleu sur la brune, il répéta:

-Je sais bien que tu n'as jamais voulu me mettre en danger....

Il la croyait... même s'il ne lui pardonnait pas, au moins la croyait-il...

Avant qu'elle n'ait pus s'en rendre compte, Lynn avait glissé ses bras autour du cou du rouquin et se serrait contre lui, la tête reposant contre son torse.

- Tu m'as tellement manqué... souffla-t-elle.

Elle redressa finalement la tête, légèrement genée et retira ses bras, essuyant courageusement ses larmes.

- Je sais que j'ai eu tort... je regrette ! Je ne savais pas comment réagir...

Elle quitta le siège et se leva, voulant mettre un peu de distance entre lui et elle, le temps qu'elle retrouve ses esprits.

Elle rassembla ses longs cheveux en une queue de cheval qu'elle ramena sur son épaule, les lissant machinalement...

- Je sais que les choses ne peuvent plus être comme avant entre nous... tu as raison de m'en vouloir... et je comprendrais que tu ne veuilles plus rien avoir à faire avec moi... mais il faut que tu me crois... jamais j'ai voulu te faire du mal ou de la peine...

C'est fou comme les choses peuvent changer vite... Sans que rien le laisse prévoir, Lynn abandonna toute distance et vint se lover dans les bras de William- comme avant. Ces deux mots faisaient de la peine à Will, qui se demandait à quoi ressembleraient ses relations futures avec la brune... car il semblait évident qu'ils ne pourraient s'éviter et se bouder toute leur vie. Lynn venait de murmurer à Will qu'il lui avait manqué, et le rouquin ne pouvait pas dire que pour lui, l'absence de Lynn avait été agréable... Il allait répondre qu'elle aussi lui avait manqué, mais la Gryffondor se dégagea, s'éloigna, et affirma, une fois de plus, qu'elle n'avait pas voulu lui faire de peine. Le préfet se sentait vraiment mal à l'aise, et il se borna à répéter:

-Je sais...

C'était comme s'il n'avait plus rien eu à dire à Lynn. Avant leur dispute, ils parlaient de tout et de rien, riaient, et Will n'avait aucun mal à trouver des choses à dire... Mais là, il avait beau chercher, rien ne venait. Est-ce que ça allait durer?... est-ce que Lynn allait devenir une simple connaissance, avec qui l'on parle de la pluie, du beau temps ou du Quidditch, mais de rien de vraiment intéressant?... Une chose était certaine, c'était que, si l'absence de la brune avait été pénible pour William, sa présence le bloquait à présent. Il ne pensa pas que c'était probablement parce que les événements étaient trop récents, et qu'il fallait du temps pour regagner leur complicité... Il pensa, comme Lynn, que ce ne serait plus jamais comme avant, et il en éprouva un grand regret.
Il rouvrit le piano, et joua quelques notes... distraitement d'abord, puis il se rendit compte qu'il était en train d'attaquer une valse qu'il avait apprise avec son professeur. Il l'avait tellement travaillée pour la jouer devant du public qu'il pouvait désormais se passer de partition.
Tiens, la musique venait facilement, plus facilement que les mots... Conscient que la musique pouvait être un langage, et que Lynn la comprendrait sans doute, le rouquin s'appliqua à jouer sa valse, aussi sérieux que si son professeur de piano avait été près de lui. Son visage trahissait sa concentration, et ne laissait pas percevoir le plaisir qu'il avait à jouer... Jusqu'aux dernières notes, il arbora ce masque tendu, puis se tourna vers la brune au moment où il joua le dernier accord, le visage enfin plus détendu.

Lynn secoua la tête, se disant qu'elle devrait peut-être s'en aller le temps qu'ils reflechissent à tout cela. Mais William s'était remit à jouer et elle n'eut pas le courage de partir alors que la mélodie s'élevait dans les airs.

Un sourire se dessina sur ses lèvres. Jamais elle n'avait vu William aussi concentré. Il ne semblait pas vouloir lui parler et elle-même éprouvait des difficultés. Après tant de semaines de silence, cela était normal, mais ca n'en était pas moins genant...

- C'était vraiment beau...

Son esprit vagabonda quelques instants et elle finit par reculer sans le quitter des yeux pour autant...:

- Je... je vais y aller....

Elle se sentait oppressée. Le silence de William la pesait et c'était presque pire que de l'entendre crier. Elle savait qu'il la croyait et c'était le principal... elle ne s'attendait pas à ce qu'il la pardonne... mais elle ne savait pas quoi faire pour rendre la situation moins incomfortable... ils avaient besoin de temps.. La nuit leur porterait conseil...

Elle hésita encore une seconde, comme si elle esperait qu'il dirait quelque chose, n'importe quoi, qui la ferait se sentir un peu mieux...

Oui, jouer était beaucoup plus facile que de parler... Tout le temps qu'avait duré la valse, William avait été absorbé par la musique, et il n'avait pas songé un instant à ce qu'il pourrait bien raconter à Lynn. Mais maintenant que l'écho de la dernière note s'était tu, le rouquin éprouvait de nouveau ce sentiment de malaise qu'avait suscité en lui la présence de Lynn... Pas facile, de se trouver ainsi à côté de quelqu'un qu'on a beaucoup aimé, qu'on aime peut-être encore, mais à qui on ne sait pas quoi dire...
Lynn semblait aussi gênée que lui, et elle eut quelques difficultés à trouver quelque chose à dire lorsque le pianiste eut terminé. Elle parvint néanmoins à sourire, et adressa un compliment timide à William qui ne put articuler qu'un :

-Euh... merci...

Il n'avait plus très envie de jouer, à présent... plutôt d'aller prendre l'air, d'aller réfléchir à tout cela... Il ne savait pas exactement s'il était véritablement réconcilié avec Lynn, ou s'il était encore fâché avec elle... Il ne voulait pas rester en froid, mais se réconcilier lui coûtait également... Même s'il était persuadé que la brune était sincère lorsqu'elle disait qu'elle n'avait pas voulu le peiner, il n'en demeurait pas moins qu'il avait souffert de cette attitude, et un restant de fierté l'empêchait de plier aussi facilement...
Lynn allait partir, en laissant William dans cette incertitude ; réconciliés, fâchés? Le rouquin ferma doucement le couvercle du piano, et murmura d'une voix étouffée :

-Content que ça t'ait plu... même si ça ne vaut pas tes dessins...

Le carnet de croquis que Lynn avait jeté au feu recelait de véritables petits chefs-d'oeuvre, mais il avait fait les frais de leur précédente discussion- et William éprouva un sentiment de culpabilité en repensant au carnet.

Lynn ne savait pas exactement à quoi elle s'était attendue. Sûrement pas à de grandes effusions, non pas après leurs précédentes discussions, mais elle avait esperé des reconcilliations un peu plus chaleureuse... Elle n'était d'ailleurs même pas certaine qu'ils se soient réconciliés, mais au moins, William ne s'était pas enervé... c'était une amélioration certaine....

Elle s'apprêtait à partir, incertaine lorsqu'il fit soudain allusion à ses talents de dessinatrice. Elle le regarda, surprise et repensa au carnet qui avait finit au feu. En plongeant son regard dans le sien, elle comprit qu'il pensait exactement à la même chose.

Elle haussa les épaules, ne sachant pas quoi répondre à ça:

- A dire vrai... je ne dessine plus... depuis... quelques temps...

Depuis leur dispute exactement... elle n'y arrivait plus... il faudrait probablement un peu de temps avant qu'elle ne s'y remette...

- Will..iam.... Je suis vraiment désolée pour ce qui s'est passé avec Aïlin... je ne comprends pas pourquoi il a réagit comme ça...

Elle se frotta les bras, essayant de trouver une façon de formuler ce qu'elle voulait dire...
Elle avait envie de lui dire qu'elle avait aimer qu'il l'embrasse, mais le moment n'était pas approprié... et cela lui paraissait déplacé...
Elle aurait tellement voulu que personne n'assiste à ca... que ce moment reste le leur...

Elle ferma les yeux et alors qu'elle se rememorait le bal de rentrée, la même musique que celle sur laquelle ils avaient dansé s'eleva dans la pièce. On n'appelait pas cet endroit la salle sur demande pour rien...

Elle rougit légèrement et rouvrit les yeux, etonnée:

- Je... je ne sais pas pourquoi...

Elle s'interrompit, ne voulant pas s'enfoncer davantage et resta là, debout à quelques mètres de ce rouquin adorable qui la regardait comme s'il cherchait à sonder son âme, ce qui expliquait sûrement les longs frissons qui la parcouraient...

Ainsi, Lynn ne dessinait plus... Bizarrement, cette nouvelle n'étonna pas William. Depuis leur dispute, lui-même avait pratiquement laissé tomber le Quidditch qui était pourtant, à ses yeux, son activité la plus importante... Malgré l'insistance de Lellia, le rouquin avait séché toutes les séances d'entraînement, sous des prétextes divers, et sa capitaine lui avait officiellement signifié que son poste de poursuiveur risquait de lui être retiré... Mais même cette menace n'avait pas suffi à ramener le jeune homme sur le terrain de Quidditch. Revenir sur ce stade lui semblait insurmontable ; et de toute façon, moins il voyait de monde, et mieux il se portait. C'est la raison pour laquelle le préfet passait désormais le plus clair de son temps enfermé dans son dortoir, à ruminer ses pensées, les yeux au plafond ou fixés sur le parc. Cette étrange attitude en disait long sur le changement qui s'était opéré en lui... La veille, il s'était couché en pensant qu'il serait content de jouer du piano- quand il ne se sentait pas bien, il aimait bien faire de la musique... cela faisait du bien, et jamais il ne jouait aussi bien que dans ces moments-là...
Lynn aussi avait changé ses habitudes, donc... Les deux adolescents étaient donc aussi malheureux l'un que l'autre, au point d'abandonner ce qui leur était le plus cher... Mais William ne se sentait pas encore assez attendri pour recommencer à se comporter normalement, et il se contenta de marmonner:

-Tu ne dessines plus... dommage...

Les doigts du rouquin ne touchaient plus les touches du piano, mais une musique s'éleva dans la pièce, à sa grande surprise... Il lui fallut quelques instants pour reconnaître cet air ; lorsqu'il eut identifié la musique sur laquelle ils avaient dansé ensemble pour la première fois, il se leva précipitamment et croisa les bras, sur la défensive. Il n'avait aucune envie de danser, surtout avec Lynn qui venait d'évoquer Aïlin... Le simple souvenir du Serdaigle suffisait à mettre Will en rage, et il répondit, les dents serrées:

-C'est un imbécile, voilà tout... Quel besoin avait-il de venir mettre son gros nez dans les affaires des autres?

Lynn n'apprécierait probablement pas qu'il critique son frère, mais il éprouvait encore une telle rancune envers cet importun qu'il ne pouvait guère se retenir.

William se redressa assez brusquement lorsqu'il reconnu la musique et croisa les bras avec colère, un air de défi sur le visage. Elle regretta d'avoir mentionné Aïlin à la façon dont il lui répondit.

- William... dit-elle d'une voix triste presque suppliante.

Elle ne voulait pas qu'ils recommencent à se disputer. Ca n'avait pas de sens... elle n'était pas responsable des agissements de son frère... elle s'excusait, que pouvait-elle faire de plus...? Qu'il critique Aïlin n'était pas le problème même si cela provoquait un pincement au coeur de la jolie lionne. Elle se sentait simplement blessé de son comportement et réalisait à quel point son propre comportement avait pu être mal interpreté par lui....

Il n'avait pas l'air de vouloir danser mais la musique ne s'arrêta pas pour autant.

Ellle lui jeta un regard plein d'incompréhension. Ils n'arriveraient probablement jamais à arranger les choses. Mieux valait sûrement abandonner...

Elle soupira, se detestant de capituler ainsi mais ne voyant pas d'autres solutions...

- Au revoir, William... murmura-t-elle alors d'une voix qui sonnait comme un adieu.

Et elle se retourna pour quitter la pièce et la vie du gryffondor, puisque c'était ce qu'il semblait désirer... et pourtant elle aurait tant souhaité que tout s'arrange... mais même la salle sur demande ne semblait pas capable d'un tel miracle...

Pourquoi avait-il fallu qu'elle parle d'Aïlin? Les choses ne se passaient pas trop mal, jusque-là... si elle n'avait pas parlé du Serdaigle, qui sait comment leur entrevue se serait terminée?... La musique cessa brusquement, à l'instant précis où Lynn passa la porte... William comprit alors ce qui avait suscité cette musique, et il s'en voulut. Il éprouvait une terrible amertume, au point qu'il eut envie, inexplicablement, de cracher par terre pour marquer ce mauvais moment. Il se retint et referma violemment le piano à la place, provoquant un vacarme qui allait certainement attirer Rusard dans le secteur. Mais lorsque le concierge arriverait, il ne trouverait personne à punir...
Ravalant des larmes (décidément, il avait trop tendance à pleurer, ces temps-ci), William venait de quitter la salle sur demande à toutes jambes, en direction de la tour de Gryffondor. La seule chose à faire était d'aller s'enfermer dans son dortoir, seul.... seul...
Le jeune préfet claqua la porte de la salle sur demande, et il se mit à courir. Eperdument... une sorte de vertige s'était emparé de lui, et courir lui permettrait sans doute de le dissiper. Un instant, il songea à aller courir dans le parc pour bien se fatiguer, mais il était trop tard- et la perspective d'aller se vautrer sur son lit à ruminer était bien séduisante aussi.
Au détour du couloir, William bouscula une jeune fille brune qui se hâtait, elle aussi, vers la tour de Gryffondor- et, les yeux embués de larmes, il ne reconnut pas Lynn. Sans prendre la peine de s'excuser, il poursuivit sa course à toute allure, jusqu'au portrait de la grosse dame. Il vociféra le mot de passe plutôt qu'il ne le donna, et le tableau pivota de mauvaise grâce pour le laisser entrer. Le préfet traversa au pas de course la salle commune bondée et s'engagea dans l'escalier menant au dortoir des garçons. Sur la palier, il heurta un première année un peu empoté qu'il agonit d'injures, et, laissant le petit garçon médusé, s'enferma enfin dans son dortoir, en claquant la porte avec une vigueur injustifiée.