Renouvellement de garde-robe

D'un pas de flâneur, James remontait le Chemin de Traverse, de retour de la boutique de Madame Guipure, prêt-à-porter pour mages et sorciers. La rue était, comme d'habitude, noire de monde, et le jeune homme prenait plaisir à détailler les gens qu'il croisait. On voyait des personnes vraiment étonnantes, sur le Chemin de Traverse. A quelques mètres devant James, un petit sorcier changeait de couleur de cheveux tous les deux pas, passant du vert au blanc- un sort de Métamorphose qui avait mal tourné, probablement. En sens inverse arrivait un mage qui rappela au jeune homme ceux qu'il avait vus en Inde, avec leurs turbans et leurs vêtements chatoyants. Le regard était également sollicité par les vitrines ; des objets hétéroclites étaient exposés, et le jeune Kirkby s'arrêta deux ou trois fois pour examiner des articles particulièrement étranges.
La visite chez Madame Guipure avait été brève- heureusement, car James n'aimait guère les essayages de vêtements. Par chance, il était le seul client, et l'affaire avait été vite conclue. Deux robes noires, une bleu marine, une vert bouteille, de quoi remplacer les vieux vêtements de voyage de James. Son père avait été formel ; pour commencer à travailler, il avait besoin de s'habiller avec plus de soin qu'il ne l'avait fait jusqu'à présent. La veille de son entrée au Ministère, le jeune homme avait donc dû rendre visite à madame Guipure, pour se conformer aux désirs paternels.
Il avait quitté la boutique les mains vides ; des retouches étaient nécessaires, et les robes seraient livrées chez lui le soir même par hibou expres. James pouvait donc s'adonner au plaisir de déambuler sur le Chemin de Traverse, une rue où il avait plaisir, étant élève, à acheter chaque année ses fournitures scolaires. Il passa devant les divers magasins qu'il fréquentait alors, en particulier Fleury and Bott, l'un de ses favoris. Il avait toujours beaucoup aimé les livres, et faillit un instant entrer dans la librairie- mais il se ravisa ; il avait ramené des livres de son voyage, et avait donc de la lecture à volonté.
Quittant la vitrine du libraire, James se remit à flâner, les mains dans les poches. Il était vraiment agréable de revenir à Londres, dans tous ces endroits qu'il avait maintes fois parcourus en compagnie de ses parents et de ses frères...
Le jeune Kirkby arrêta un vendeur ambulant pour lui acheter la Gazette du Sorcier, et s'adossa à un mur. Dépliant le journal, il en parcourut la une, sa main fouillant sa poche à la recherche d'un paquet de cigarettes. La cigarette enfin trouvée, il l'alluma du bout de sa baguette magique, en songeant qu'il devrait rapidement perdre l'habitude de fumer... Son père n'apprécierait certainement pas que son fils achète des cigarettes moldues.

En cette journée de novembre, le Chemin de Traverse était noir de monde, et s’y balader était devenu plus une épreuve qu’un plaisir. La jeune fille aux cheveux ébène, de taille moyenne, se faufilait et glissait entre tous ces sorciers qui déambulaient, avec ou sans but, entre les vitres colorées et bondées des magasins environnant. Elle n’avait pas pu finir d’acheter ses fournitures scolaire lors des grandes vacances, par un manque de temps et surtout d’organisation, et était aujourd’hui obligée de revenir pour fignoler quelques détails, tel qu’un bouquin d’Histoire de la Magie, une ou deux plume, des parchemins… Rien de bien distrayant, et c’était pour cette raison, en plus du monde, que la demoiselle n’appréciait que très moyennement cette sortie.

Sa visite chez le vendeur de plumes et parchemins fut bâclée en quelques minutes, désireuse de ne pas trop s’attarder dans la poussiéreuse boutique, et garder un peu plus de temps pour son ultime achat, celui du manuel scolaire. Non pas que le choisir soit long et fastidieux, elle n’avait qu’à tendre sa liste froissée ou tout simplement annoncer le lieu de sa scolarité et son âge pour qu’on le lui tende, mais elle aimait flâner entre les rayons où flottait une odeur presque imperceptible d’encre et de papier neuf. Ses doigts se promenaient avec légèreté et avidité sur les reliures de cuir, caressaient les pages parsemées de lettres noires manuscrites, survolant les titres pour ne s’arrêter que sur certains.

Un livre attira particulièrement son attention, non pas pour son contenu, elle en ignorait le titre et le sujet, mais pour sa magnifique couverture de cuir, à peine décorée. Il s’intitulait « Sorts Oubliés », et alors qu’Erylis feuilleta quelques pages, elle y trouva des sorts inutiles tel que « comment guérir un veracrass » mais aussi certains qui, certainement pour le mauvais usage qu’on pouvait sans peine leur attribuer, avaient été consignés du programme scolaire. Ceux-ci avaient l’air pour le moins intéressants, et la Verte et Argent était de toute façon charmée par l’aspect du livre ; elle l’acheta.

En sortant de la boutique, se fondant à son tour dans la marée humaine qui poussait, trébuchait, piétinait, elle chercha un endroit pour respirer un peu et regarder plus attentivement son livre, le temps de quelques minutes seulement. Son achat à la main, elle découvrit une parcelle de rue qui, protégée par le kiosque de journaux à coté, semblait quelque peu épargnée par la nuée de sorcier. Tant bien que mal, se glissant entre les gens, n’évitant qu’avec peine quelques coups de coudes, les rendant avec plaisir, elle se fraya enfin un chemin vers l’endroit convoité. Seul un homme avait eut l’idée intelligente de s’abriter ici, et Erylis lui jeta un coup d’œil indiscret, avant d’acheter à son tour la Gazette des Sorciers.

Par les temps qui couraient, se tenir informer était la moindre des choses, et Erylis se réprimanda à nouveau sur ses oublis répétitifs d’abonnement au journal sorcier. Ce serait plus simple ainsi que de devoir, chaque matin, loucher sur celui de ses camarades… Un coup d’œil rapide sur les gros titre lui apprit que rien d’extraordinairement nouveau n’avait émergé, et elle referma le journal, le rangea dans son sac de cours et sortit le livre. Epoussetant songeusement son jean, la jeune fille explorait déjà la table des matières. Alors qu’un coup de vent soudain lui tirait des frissons de froid, elle rabattit la large et épaisse cape noire sur ses épaules et sentit une odeur de tabac qu’elle n’avait plus respiré depuis le décès de son père. Adepte de ces choses moldues, à la grande réprobation de sa mère, il lui arrivait souvent d’allumer une de ces cigarettes dans le salon familial et d’en tirer quelques ronds de fumée. Mais dans le monde sorcier, il était rare de voir des fumeurs de ce genre, et ce fut la raison pour laquelle la jeune fille leva vers son voisin un regard intrigué et curieux.

Reprendre contact avec la communauté magique britannique était finalement bien agréable. Au cours de son voyage autour du monde, James avait appris bien des choses, mais il avait quelque peu négligé de se tenir informé des nouvelles anglaises. Bien sûr, ses frères lui avaient fait part des informations les plus importantes- le retour du Seigneur des Ténèbres, en premier lieu. James avait entretenu une correspondance régulière avec George, l'aîné de ses frères, celui avec lequel il s'entendait le mieux... Celui-ci avait raconté à son frère cadet tout ce qui méritait d'être relaté : le retour du Tournoi des Trois Sorciers, le décès de quelques vieux sorciers amis de leur grand-père, et pour finir, la folle rumeur qui avait couru fin juin... Le grand mage noir était de retour, mais personne au Ministère ne croyait à cette information. Lord Kirkby, pour sa part, l'avait annoncée solennellement à sa famille, ce qui, compte tenu de ses connaissances dans le monde des Mangemorts, suffisait à confirmer la nouvelle.
Sa cigarette entre deux doigts de sa main gauche, James regardait le journal sans le lire. Il avait parcouru un article traitant d'un projet de loi en examen au Ministère, et il y avait retrouvé des noms connus, ce qui lui avait fait plaisir. Lorsqu'il avait quitté l'Angleterre, ces noms occupaient déjà les premières places, et rien n'avait changé...
Ou plutôt si : tout avait changé. Le Seigneur des Ténèbres était revenu, et le Ministère s'employait à démentir l'information. Une demie-page du journal était d'ailleurs consacrée à des jérémiades du genre "Ne croyez pas ceux qui veulent semer la panique, ne vous laissez pas démoraliser, ce ne sont que des mensonges"... De cette façon, le Seigneur des Ténèbres aurait les mains libres, songea James en souriant.
Le jeune homme tira une bouffée de sa cigarette, réjoui par l'idée que l'incompétence du Ministère facilitait la tâche de Lord Voldemort... C'est alors qu'un bruissement d'étoffe attira son attention. Une jeune fille se tenait près de lui, et le regardait... James se rendit compte soudain qu'il venait de lui envoyer la fumée de sa cigarette en plein visage. Sur le ton légèrement ampoulé qu'il prenait parfois, il demanda:

-Pardon, mademoiselle... La fumée vous dérange-t-elle ? Souhaitez-vous que je m'éloigne ?

Il lui arrivait de paraître assez coincé, dans sa façon de s'exprimer, voire maniéré... Son éducation stricte avait eu pour but de faire de lui un vrai gentleman anglais, et elle avait porté ses fruits ; face à des inconnus, James se comportait parfois avec affectation, au point de paraître manquer de naturel.
Avec un sourire poli, il observa un instant la demoiselle- une élève de Poudlard, à en juger par son âge- et s'appliqua, dans l'attente de sa réponse, à garder la fumée loin de son visage.

Que cette odeur lui rappelait des souvenirs, et combien elle aimait revoir les gestes empruntés de son père alors que, lui adressant un clin d’œil malicieux, il s’évertuait à créer pour elle des formes de fumée plus ou moins réussies. Ces instants de complicités faisaient parti de ces images dont elle aimait se souvenir, et, les yeux fixés sur son voisin sans se rendre compte de ce manque de politesse, elle se remémorait un peu de sa vie ultérieure. La voix du jeune homme, soudain, la tira de ses rêveries et elle se rendit enfin compte qu’elle l’avait regardé pendant tout ce temps. Ses joues prirent une couleur légèrement rosée, alors qu’elle secouait la tête en signe de négation.

« Non, non, pas du tout. Cette odeur me rappelait tout simplement quelques souvenirs… Il est très rare de voir des sorciers fumer ces cigarettes moldues. »

Le ton discrètement emprunté du jeune homme l’étonna un peu, et elle en conclu sans difficulté qu’il devait venir d’une famille sans doute traditionnelle. Elle esquissa un petit sourire d’excuse, avant de penser à se présenter. Bien qu’elle ignorait absolument tout de son interlocuteur, sa façon de fumer le lui rendait sympathique, et ce fut pourquoi elle engagea la conversation avec lui, sans hésiter.

« Je m’appelle Erylis Sayan, je suis élève à Poudlard. Enchantée. »

Son regard ébène se posa à nouveau sur le paquet de cigarette, avant de détailler le jeune homme, plus discrètement que précédemment. Lorsqu’elle annonçait son nom de famille, elle observait toujours son interlocuteur avec attention comme pour savoir s’il lui rappelait quelque chose. C’était un reflexe idiot, bien sur, ses parents étaient morts depuis longtemps, et croiser des mangemorts ne se faisait pas à chaque coin de rue, et quand bien même cela se faisait, il ne le lui dévoilerait certainement pas pour ses beaux yeux... Pourtant, l’espoir de retrouver un jour son frère, par n’importe quel moyen, était une idée qui ne la lâchait pas.

La jeune fille reprit ensuite sa Gazette du Sorcier, pour relire les gros titres, et un petit sourire amusé étira doucement ses lèvres. Le Ministère continuait à nier le retour du Sorcier Noir, et si Erylis ne savait pas exactement qui de Harry Potter ou des autorités avaient raison, elle s’amusait de voir combien ils essayaient de démentir cette idée. Comme s’ils avaient trop peur qu’ils y croient, comme si la nouvelle s’avérait vrai, finalement. D’un signe de la tête envers l’article qui traitait Dumbledore de vieux fou avec aplomb, elle reprit la parole, vaguement amusée, d’un ton ironique.

« Le ministère a tellement peur qu’on croit au retour de ce sorcier qu’on pourrait penser que c’est effectivement son cas, vous ne trouvez pas ? »

Erylis haussa les épaules dans le signe d’une désinvolture qu’elle était loin de ressentir. Le retour de ce sorcier pourrait précipiter bien des choss et l’obliger à prendre une décision plus vite que prévue. La Verte et Argent, qui ne savait quelle voie choisir, s’était laissée porter par ses études, ses amis, ses devoirs pour ne plus penser à ce choix, et s’était dit, comme maigre défense, que de toute façon, comme il n’existait plus de maitre, elle n’avait pas vraiment à choisir.. Mais voila qu’on annonçait un hypothétique retour, et elle ne savait plus qui croire…

La jeune fille venait de mettre le doigt sur le point le plus problématique de la situation de James : il était très rare de voir des sorciers fumer des cigarettes moldues, et cela risquait d'irriter le père du jeune sorcier. Thomas Kirkby n'aimait guère que ses fils se fassent remarquer, et encore moins de cette façon, en se conduisant comme des Moldus. James en avait fait la douloureuse expérience plusieurs années auparavant, en se présentant devant son père vêtu d'un jean. Il avait dû filer se changer, mais pas avant d'avoir reçu une mémorable correction. Il était désormais majeur, mais cela ne le mettait pas à l'abri du courroux paternel. A la pensée de la réaction de Thomas, la main qui tenait la cigarette trembla légèrement, et James décida qu'il était en train de fumer la dernière.
La jeune fille venait de lui permettre de fumer, expliquant même que l'odeur lui était plutôt agréable ; d'un sourire, le brun la remercia, et il tira une nouvelle bouffée. Lorsque son interlocutrice se présenta, James cilla légèrement ; le nom qu'elle portait ne lui était pas inconnu. Sayan... Son grand-père lui avait parlé du couple Sayan, avec l'estime qu'il réservait généralement aux mages noirs. Ils avaient été exécutés par des Aurors, dans des conditions troubles... La jeune étudiante pouvait-elle être leur fille ? Le coursier ne savait pas si les Sayan avaient des enfants, et il songea qu'il devrait s'en informer auprès de son père ou de son grand-père. Il sourit à la demoiselle et se présenta à son tour, inclinant le buste avec raideur :

- James Kirkby, ravi de vous connaître.

Il ne précisa pas qu'il était coursier au Ministère ; le titre était peu prestigieux, et ne méritait pas d'être mentionné. De toute façon, la jeune sorcière souhaitait parler de choses plus intéressantes... Désignant un article que James avait remarqué dans la Gazette, elle railla l'obstination du Ministère à nier le retour de Lord Voldemort. Le jeune Kirkby savait que ce retour était bien réel, et il s'en réjouissait. Il ne répondit pas immédiatement à Erylis, cependant ; il resta silencieux quelques instants, cherchant ses mots, puis dit lentement :

- Le Ministère s'acharne à nier le retour du Seigneur des Ténèbres, mais je pense comme vous que cet acharnement est très révélateur...

Tout comme était révélateur le titre de Seigneur des Ténèbres qu'il venait de donner à Lord Voldemort, et qui désignait immanquablement un sympathisant. Seuls ses Mangemorts ou les partisans du Mage noir lui donnaient ce titre, avec toute la déférence nécessaire ; les autres le désignaient par une expression que James trouvait ridicule et insultante : "Vous-Savez-Qui". Ces trois mots, aux yeux du jeune homme, étaient un manque de respect, la négation de la puissance du Lord. Jamais, chez lui, on n'aurait employé cette formule déplacée pour désigner le plus grand mage noir de tous les temps...

Alors qu’elle lui disait que la fumée ne la dérangeait pas, le jeune homme la remercia d’un sourire auquel elle répondit spontanément. Elle lui annonça ensuite son nom, et observa sa réaction comme pour y trouver un signe de reconnaissance. Il lui sembla, l’espace d’un instant, le voir ciller. Mais qu’st-ce que cela voulait dire ? Une poussière dans l’œil, l’étonnement d’être abordé si facilement… Pourtant, tout au fond d’elle, Erylis espérait bien qu’il lui dise connaitre sa famille, son nom, son frère… Ce ne fut pas le cas. Il se présenta à son tour, et ce fut son nom de famille qui évoqua quelques brumeux souvenirs.

La Verte et Argent avait la vague impression de connaitre ce nom, de l’avoir déjà entendu. Elle était pourtant sure de ne jamais avoir rencontré ce garçon, pourtant… En un flash, elle se souvint. Elle revit sa mère qui discutait légèrement avec son père à propos d’une de leur réunion dont elle ignorait tout, malgré les multiples questions qu’elle avait rabâché à ses parents. Un certain Thomas Kirkby, que ses parents semblaient beaucoup estimer. Et si la demoiselle, plus jeune alors, avait d’abord cru que, puisqu’il était un des amis de ses parents, que ce devait être quelqu’un de bien, elle avait vite deviné, plus tard, ce pourquoi ils admiraient cet homme…

Le regard qu’Erylis lui jeta alors devint tout autre, empli de méfiance et de questionnement. Qui était-il, quel était son rôle, savait-il que leurs parents se connaissaient. Toutes ses questions tourbillonnaient dans sa tête, à une vitesse folle, sans qu’elle n’ose encore dire quoique ce soit. Elle ne pouvait pourtant laisser passer cette piste qui la mènerait peut-être vers Manuel. Ce fut d’un ton faussement dégagé qu’elle reprit alors la parole, cachant ainsi l’importance de la réponse.

« Kirkby ? Oh, je crois que nos parents se connaissaient. Votre nom de famille me dit vaguement quelque chose. »

C’était presque de la provocation, pour le pousser à en dire plus. Pourtant, elle n’eut pas besoin de ça pour qu’il lui parle à demi-mots de certaines allégeances. Alors qu’elle se moquait du ministère qui insistait sans cesse sur les fabulations de Dumbledore et d’Harry Potter, le Brun l’approuva, admettant qu’elle avait raison, mais surtout évoqua un nom qui ne pouvait tromper sur ses préférences. Le Seigneur des Ténèbres. On ne connaissait qu’une seule catégorie de personne qui appelait ainsi ce sorcier ; les mangemorts.

Ce fut un regard encore plus curieux qu’elle lui lança, se demandant pourquoi il lui faisait cette révélation. Etait-il inconscient, était-ce une erreur ou bien son nom de famille qui le poussait à agir ainsi ?

« Le Seigneur des Ténèbres ?! » Releva-t-elle, avec défi et curiosité. « Seriez-vous un de leurs partisans ? »

Sa dernière question était posée d’une voix neutre, comme si cela n’avait aucune importance. Bien au contraire. Mais Erylis doutait encore qu’il lui réponde franchement, et ne voulait pas tomber dans ce qui pourrait être une blague de mauvais gout.

[ Pas le temps de relire, désolée, je corrigerais ça plus tard ! ]

James écrasa sa cigarette en écoutant la jeune fille expliquer que leurs parents se connaissaient. Cela ne l'étonnait pas plus que ça ; son père connaissait tant de monde... Pas une famille magique fréquentable du Royaume-Uni qui ne figurât parmi les relations de Thomas Kirkby, pas une institution importante où il n'eût ses entrées... Mais dans le cas des Sayan, c'était différent ; s'ils se connaissaient, c'est qu'ils partageaient des convictions, une allégeance même ; si Thomas ne portait pas la Marque des Ténèbres, il n'en considérait pas moins Lord Voldemort comme le maître légitime du monde magique britannique. La curiosité de la jeune sorcière était perceptible, et même si James n'en comprenait pas la raison profonde, il décida de la satisfaire, en partie du moins :

- Je crois effectivement que mon père a été en relation avec vos parents... Je crois même qu'ils partageaient certains points de vue...

Une façon détournée de dire à Erylis que son père estimait ses parents Mangemorts, une façon de montrer qu'ils appartenaient tous deux à la grande famille des mages noirs... En espérant, toutefois, que la jeune fille ait embrassé les mêmes idéaux que ses parents. James eut un instant de doute, jusqu'à ce qu'Erylis relève avec curiosité l'emploi de la formule "le Seigneur des Ténèbres". Elle ne s'y était donc pas trompée ; le jeune Kirkby avait bel et bien utilisé ces mots pour démontrer son respect envers Lord Voldemort, et il les avait prononcés avec une sorte d'adoration. Il minimisa cependant son adhésion à la cause du Mage noir :

- Un partisan, c'est beaucoup dire... Mais comment ne pas admirer un tel sorcier ? Il a accompli beaucoup de choses, il a repoussé plus loin que quiconque les limites de la magie...

Il fallait vraiment être borné pour ne pas comprendre qu'un mage noir aussi puissant finirait forcément par dominer tout le Royaume-Uni, et même au-delà s'il le voulait... James éprouvait presque de la pitié pour les esprits faibles qui s'imaginaient pouvoir le combattre, voire le vaincre. En ce sens, il était un sympathisant de la cause du Seigneur des Ténèbres, en attendant de devenir, un jour prochain, un de ses serviteurs...

Le nom de famille du jeune homme, Kirkby, éveilla en Erylis des souvenirs troubles qu'elle avait oubliés, et elle fit part à son interlocuteur de sa "découverte". James confirma bien vite ses dires, et un fin sourire étira les lèvres de la demoiselle, curieuse d'apprendre peut-être de la bouche de ce jeune homme des confidences que jamais ses parents n'avaient voulu lui faire. Dans quelles conditions s’était déroulée leur adhésion au cercle fermé des mangemorts ? Quelle place occupaient-ils ? Mais de cela, il n'en fut pas question. James Kirkby lui fit pourtant, par une fine insinuation, part des intérêts communs de leurs parents, de la façon la plus naturelle qu'il soit.

D'un côté, la demoiselle ressentait un certain soulagement; il était un peu comme elle, fils de mangemorts, connaissait peut-être les troubles, les questions qui pouvaient venir naturellement quant à la nature réelle de leurs parents, de leurs véritables sentiments, intentions. Mais c'était un fait qui l'effrayait un peu aussi car Erylis ne souhaitait pas qu'un inconnu puisse comprendre tant de chose sur elle et ses doutes par une simple révélation. C'était trop tard, bien sur. Il savait le rôle de ses parents, elle connaissait maintenant celui des siens.
" Des intérêts communs, oui... Des intérêts sombres et nébuleux."Commenta-t-elle, laissant ainsi comprendre qu'elle n'avait que très peu d'informations sur les actes de ses parents. " On dit beaucoup de chose, mais sait-on réellement ce qui se passe dans cette branche de la magie ?"

Peu lui importait finalement de révéler ces faiblesses si elle pouvait en apprendre un peu plus à propos de la magie noire, des mangemorts et de leur maitre. James laissa ensuite échapper le nom de Seigneur des Ténèbres, habituellement utilisé par ses partisans, et la demoiselle releva cet indice donné, cherchant à connaitre ainsi la position du jeune homme. Il lui avoua ainsi admirer la puissance et les recherches qu’avait menées cet homme, tout en minimisant son adhésion à ce parti.

« Il est évident que c’est un homme qui possède une force et un pouvoir peu commun. Personnellement je le trouve fascinant. »

Fascinant, c’était bien le mot ; un mélange de crainte et d’attirance envers un sorcier exceptionnellement dangereux et doué. Après tout, son nom était aujourd’hui considéré presque comme une malédiction et rares étaient ceux qui osaient encore le prononcer. Et cela, combien de sorcier pouvait se vanter d’en avoir autant ? Mais pour autant, ses actes, ses meurtres continuels la faisaient hésiter sur le chemin à prendre. Il y avait d’un côté le pouvoir et des réponses, de l’autre l’absence de ces trop nombreux crimes…

« L’avez-vous déjà rencontré ? »Demanda-t-elle, de but en blanc après un court silence.

Ses yeux sombres s’accrochèrent à ceux du jeune homme comme lui défendre dérisoirement de lui mentir.

Fascinant, oui... c'était le mot... James éprouvait pour le Seigneur des Ténèbres de la fascination, et même davantage, une véritable dévotion. Il avait lu tout ce qu'il avait trouvé au sujet de ce Mage, et tout cela avait alimenté son admiration et sa volonté de devenir un jour un des serviteurs de ce sorcier si puissant. Il ignorait, bien entendu, bon nombre d'éléments de la vie et de l'oeuvre du Lord, mais il en avait pris son parti ; jamais il ne pourrait tout savoir. Bien souvent, les livres consacrés au Mage noir ne pouvaient fournir d'informations, et le jeune homme devait se contenter d'un "A ce sujet, nous en sommes réduits aux hypothèses"... Auparavant, lorsqu'il était adolescent, ce genre d'aveux d'ignorance le faisait enrager ; il était si avide de savoir qu'il ne supportait pas de se retrouver face à une impasse. Désormais, il acceptait ces zones d'ombre et, encore mieux, il en admirait davantage le Lord. Personne, par exemple, ne savait comment le Mage noir avait survécu durant treize années après avoir reçu son propre sortilège de mort, destiné à Harry Potter ; survivre à ce sort, renaître des années après, tout cela était la preuve d'une puissance hors du commun, et James le prenait comme tel.
Le jeune sorcier sourcilla légèrement lorsque la demoiselle utilisa le terme "homme" pour qualifier le Seigneur des Ténèbres. Dans sa fascination aveugle, James avait presque oublié que le Lord était un homme, un simple homme, mais un homme qui avait su acquérir une puissance inégalée. Le coursier prit soudain conscience que non, le Lord n'appartenait pas à une espèce distincte, mais qu'il était bel et bien un sorcier... Pourtant, jamais James n'aurait dit "un homme" en parlant de lui. Il lui semblait que c'était faire injure à ce Mage noir que de le ramener à ce maigre titre.
James avait entendu la première question de la jeune fille, mais il ne savait guère comment y répondre. Il préféra, dans un premier temps, répondre à mi-voix à l'autre interrogation de son interlocutrice :

-Non, je ne l'ai jamais rencontré... Mais j'avoue que j'en serais très heureux, et très honoré.

Un jour, il en était certain, il pourrait rencontrer le Seigneur des Ténèbres, et lui jurer fidélité... Le plus tôt serait le mieux, et pourquoi ne pas lancer un message à cette demoiselle ? Elle était fille de Mangemorts, peut-être avait-elle conservé quelques contacts... Le regard de James s'égara un instant, tandis que le jeune homme rêvait à cet avenir, puis il fixa à nouveau Erylis et reprit :

-Il est vrai que ce milieu est assez obscur et nébuleux, mais je crois que ceux qui veulent s'en donner la peine peuvent connaître ce qui s'y passe... Pas tout, sans doute, mais je pense qu'on peut déjà se faire une idée...

En prenant le temps de chercher des contacts, en choisissant ses interlocuteurs, il n'y avait pas de raison qu'elle reste dans l'ignorance... James sourit, comme pour dire à la jeune fille qu'avec de la volonté, elle parviendrait à s'informer, puis demanda :

-Ce milieu vous intéresse ? Peut-être pourrais-je vous faire partager mes connaissances ?... Elles ne sont guère étendues, mais ce serait déjà un départ...

Accompagnant cette offre d'un léger signe de tête, James fouilla dans sa poche, et en ressortit son paquet de cigarettes. Il en tira une hors du carton, et tendit le paquet à Erylis pour qu'elle se serve si elle le souhaitait, et précisa :

-Prenez le temps de la réflexion... Vous pourrez toujours me recontacter plus tard, lorsque vous aurez pris une décision...