[Suite du topix dans les couloirs !]

Kael s'était complètement arrêté lorsque Will lui avait parlé... En Français... Heureusement que le Celte parlait à la fois les langues de Shakespeare et de Molière, sinon il aurait eu du mal à comprendre ce que le Gryffondor venait de lui sortir... Pour couronner le tout, ce dernier lui demanda si ce qu'il avait dit avait été bien dit... Et cela ne manqua pas de faire rire le Poufsouffle, peu habitué à un tel accent... Il se mit en marche, direction l'escalier de marbre, et fit un signe de la main pour que le Rouge et Or le suive, ne pouvant pas trop parler au milieu de son fou rire... Ce ne fut qu'arrivé au pied des marches que Kael daigna enfin se calmer, et il se tourna vers le Deuxième Année.

"Excuse-moi, vraiment, je voulais pas me moquer, mais c'était bien drôle quand même..." dit-il en essuyant ses yeux, humides, car il avait pleuré de rire...

Puis il reprit un air sérieux tout en descendant un nouvel escalier.

"Sinon, si on met l'accent à part, c'est vraiment bien ! C'est pas la perfection, la langue française est super dure, mais c'est bien !"

Le Jaune et Noir souriait... Personne n'aurait pu croire que quelques minutes auparavant il avait été vexé... Mais c'était dans sa nature de retrouver aussi vite la banane... En parlant de banane, les deux camarades se retrouvèrent devant le fameux tableau, entrée des cuisines de Poudlard...

"C'est là !" s'exclama-t-il.

Il se mit alors à chatouiller la poire. Celle-ci pouffa, et dans la seconde devint une poignée de porte... Le Celte la tourna et révéla la fameuse pièce, copie de la grande salle, mais en dessous...

"Après toi !" dit-il avant d'emboîter le pas de Will... "Bienvenue à la caverne aux merveilles !"

Aussitôt, des dizaines d'elfes vinrent les accueillir.

"Demande-leur ce que tu veux ! Ils te l'amèneront tout de suite !"

Après une courte pause, le Préfet s'écria, en Français :

"J'ai faim !"

Puis de nouveau en Anglais :

"Vous avez du gâteau au chocolat ? Avec de la chantilly ? Des fraises ? Avec du café pour moi !"

Il ne se préoccupait plus trop de Will, son estomac passait en premier, dans ces cas-là... Et en même temps, il servait d'exemple au Gryffondor...

William ne se vexa pas. Il savait que son accent était déplorable, et était habitué aux réactions qu'il suscitait. Mathias, auparavant, avait déjà éclaté de rire en l'entendant parler français... et c'était la même chose, chaque été, lors des traditionnelles vacances des Craig en France. Le père de Will ne cessait d'encourager ses enfants à parler avec les Français, chose qu'il faisait lui-même avec un accent nettement meilleur que celui de William. Andrew Craig était un fou de la France, de la culture et de la langue françaises, et il avait inscrit ses enfants dans une école primaire proposant une initiation au français. Il ne cessait de dire qu'un jour, il irait s'installer outre-Manche, et Will lui répondait invariablement: "Du moment que tu ne m'obliges pas à te suivre..." Non que le Gryffondor n'aimât pas la France, mais la langue de Molière lui avait toujours posé de gros problèmes. Imprononçable, incompréhensible, impossible à apprendre. Lorsque Kael eut réussi à cesser de rire, il s'excusa et William répondit en souriant:

-Si un jour on se bat en duel, rappelle-moi de parler français, ça te mettra hors combat!

Les deux garçons reprirent la direction des cuisines, toute mauvaise humeur ou tristesse oubliée... c'est exactement ce que William avait espéré. Raconter sa retenue chez Rogue n'avait pas été tellement agréable, et changer d'humeur ne pouvait que lui faire du bien. Tout en marchant, il expliqua:

-Mon père veut que je continue à travailler mon français, alors je profite de ta présence... mais en fait, je n'ai rien étudié depuis un bon moment... c'est trop dur comme langue... Pauw-whe papa si twiste, conclut-il dans son français des grandes occasions, pour essayer de réveiller le fou rire de Kael.

Le Poufsouffle s'écarta pour laisser Will entrer le premier dans la plus immense cuisine que le Gryffondor ait jamais vue. William eut à peine le temps de jeter un coup d'oeil aux longues tables déjà chargées de plats pour le repas du soir, qu'ils furent littéralement assaillis par les elfes de maison. Les créatures s'inclinaient et ne cessaient de demander: "Que pouvons-nous faire pour vous, monsieur?". Will hésita puis, suivant l'exemple de Kael, demanda:

-Euh... est-ce que je pourrais avoir du thé, s'il vous plaît, et un gâteau... une Forêt-Noire, par exemple?

Rien de tel qu'un gros gâteau au chocolat pour se remonter le moral. Will se demanda vaguement si les elfes sauraient ce qu'était une Forêt-Noire, mais déjà ils arrivaient, chargés de plateaux. Les commandes des deux adolescents étaient déjà là. William remercia les elfes qui s'inclinèrent de plus belle, planta sa cuillère dans le gâteau, et enfourna une bonne part de chocolat et de crème.

-Exchellent, commenta-t-il la bouche pleine, adressant un sourire béat à Kael.

Non, Kael n'avait pas oublié tout ce qui s'était dit entre le pied de l'escalier de marbre et la cuisine, en tout cas tout ce que lui avait dit le Gryffondor, mais quand on a un gros "objectif cuisine, manger" dans la tête, il n'y a pas de place pour autre chose... Après sa propre commande, le Celte observa Will à son tour demander ce qu'il voulait aux elfes... En quelques secondes, les deux camarades furent servis. Le Poufsouffle avait légèrement levé les yeux lorsque le Rouge et Or avait demandé du thé... Ces Anglais... Finalement, il s'attaqua au gâteau au chocolat, sur lequel il mit de la Chantilly, et prit une énorme bouchée qu'il compléta avec une fraise... Imaginez le bordel dans cette bouche... Bref... Après avoir soigneusement mâché et avalé, Kael reprit le fil de la conversation laissé sur le pas de la porte ("accio fil de la conversation !" ) :

"Oui, le Français est dur, mais si tu as l'occasion de l'apprendre, ne la rate pas !" s'exclama-t-il, en Français, encore, mais cette fois assez lentement et intelligiblement pour être compris du petit British...

Après une gorgée de café, il poursuivit, sans abandonner la langue de Molière :

"Si tu t'améliores, peut-être que ton accent disparaîtra peu à peu, et du coup tu me feras pas autant rire..."

Il avait dit la fin de la phrase avec un air faussement dépité, comme si cela lui faisait mal au coeur de penser qu'il ne rirait plus quand Will parlait Français...

"T'as tout compris ?" demanda-t-il enfin, cette fois en Anglais...

Le Préfet profita du fait que ça n'était pas à lui de parler pour repartir à l'assaut de son gâteau et ses partenaires de jeu... Le temps, c'est de la bouffe !

William ne savait vraiment pas comment se comporter avec les elfes de maison. Plus il les remerciait, plus ils s'inclinaient, et plus il se sentait embarrassé et les remerciait de plus belle... une séance de politesses qui aurait pu durer longtemps si un autre elfe n'avait appelé ses camarades pour qu'ils aillent préparer le dîner. Les créatures s'inclinèrent une dernière fois devant les deux garçons et s'éloignèrent. William se tourna alors vers son ami, et le regarda, effaré, manger son gâteau- ou plutôt s'empiffrer... ce devait être une attitude bien française, songea William en plantant posément sa cuillère dans son gâteau pour en découper une bouchée de deux centimètres cubes. Ben quoi... il avait toujours appris à manger de cette façon, à toutes petites bouchées, et il ne se voyait pas se mettre à bâfrer comme Kael. Le rouquin avala sa bouchée miniature et but une gorgée de thé en écoutant attentivement Kael. Le préfet de Poufsouffle parlait français, une fois de plus, mais cette fois, il prenait soin de bien détacher ses mots pour permettre à Will de suivre. Le seul souci fut qu'il employa un terme pas tellement académique, "rate"... Will n'avait jamais appris ça... et il crut entendre "rat". Lui-même prononçait le t de rat, et pourquoi diable les Français ne le feraient-ils pas?... Bon, du coup, la phrase ne voulait plus rien dire... Reposant sa tasse, il répondit dans son français laborieux:

-Oui, je comprends un peu... tu dis que l'accent va perdre si je practique le français, c'est ça?

Une phrase complète, et presque correcte, il en avait la certitude. Tout fier de lui, il sourit largement à son ami et mangea une nouvelle bouchée de gâteau. Puis, saisi d'une idée soudaine, il demanda, en anglais cette fois:

-Mon père m'a acheté un livre d'exercices de français... il pense que je suis assez fort pour les faire et les corriger moi-même, mais en fait, j'ai du mal... Tu accepterais d'y jeter un oeil pour me dire où je me trompe?

Après seulement quelques minutes, Kael n'avait plus rien à manger... Lorsqu'il leva la tête de son assiette, Will avait à peine commencé... En même temps, vu comment il s'y prenait, ça n'était pas étonnant d'avancer aussi lentement... La question du Gryffondor, posée en Français, fit sourire le Celte, mais pas rire, et il acquiesça avec un air plutôt satisfait... Il pouvait parler plutôt bien quand il voulait, le Rouge et Or ! Il s'était presque tellement habitué à entendre parler Français qu'il fut surpris lorsque Will reprit sa langue natale... Après tout, personne ne peut être aussi doué que Kael pour les langues...

"Si tu veux ! C'est une bonne idée les bouquins comme ça ! Moi j'en ai jamais vraiment eu besoin, mais pour apprendre une langue, ses irrégularités, ses tournures particulières..."

Evidemment, il avait parlé... en Anglais... Imaginez un peu le pauvre Will en train d'essayer de déchiffrer tous ces mots compliqués en Français... Malheureux... Le Préfet termina sa tasse de café, avant de se rendre compte qu'il avait encore la place pour un petit quelque chose avant le dîner...

"Je pourrais avoir encore des fraises, s'il vous plaît ?" lança-t-il à la cantonnade des elfes qui s'affairaient...

L'un deux sortit alors du lot pour apporter au Poufsouffle ce qu'il désirait... Après une révérance, il repartit à son travail, laissant le Jaune et Noir attaquer ses fruits...

"J'adore ça, les fraises !" s'exclama-t-il, en Français...

Ca, le Rouge et Or devrait savoir ce que ça voulait dire, normalement... Dans sa hâte de manger vite ( ), Kael perdit légèrement l'équilibre, et avant d'avoir pu se rattraper, s'étala au sol...

"Put*** !!" cria-t-il, dans un Français bien français...

Avant de se relever... Il avait l'habitude de tomber, mais ça faisait toujours aussi mal... Tout en se frottant le postérieur, il vint s'installer, à genoux, à côté du Gryffondor...

"Excuse-moi, c'est sorti tout seul !" dit-il, après avoir retrouvé le sourire...

"Oui, je mange toujours tant ! Dis donc, pas de faute !" répondit Kael, avec un grand sourire.

Puis le Celte regarda l'elfe partir et revenir avec de la glace à la vanille... Il avait fini de manger, mais bizarrement, de voir que Will mangeait toujours, ça lui faisait mal au coeur de voir que le Gryffondor mangeait tout seul... (ça fait beaucoup de 'manger' dans la phrase, mais on s'en fout ) Il héla donc un elfe pour lui demander de la glace aussi. Puis le Deuxième Année parla, en Français, et cela réveilla le fou rire de Kael, qui fit sursauter l'elfe qui revenait avec la commande... Le Poufsouffle bascula encore une fois et se retrouva par terre, mais il ne s'arrêta pas de rire... Au milieu des 'hahaha', on pouvait distinguer les mots français 'vraiment' et 'merveilleuse', prononcés avec le même accent que le Rouge et Or... C'était méchant de se marrer comme ça, mais c'était nerveux, il ne pouvait rien y faire... Se relevant, mais toujours hilare, le Celte attrapa la coupe de glace mais ne l'entama pas, au risque de s'étouffer... Ce ne fut qu'après trois bonnes dizaines de secondes de plus qu'il se calma un peu et dit :

"Excuse-moi, mais ça, c'était vraiment drôle..."

Il prit une bonne cuillérée de glace et reprit :

"Ah, tu me fais bien rire... Un vrai boute-en-train !"

Le dernier mot avait été dit en Français, mais dans le Français de Will, ce qui donnait un 'boot-en-twaïn'... Et ça le fit rire de nouveau... Il ne regrettait vraiment pas d'être venu ici avec le Gryffondor et se disait qu'il avait été bien chanceux de le rencontrer à son arrivée... Un autre aurait eu l'occasion de faire ça à sa place...

Déconcertés, les elfes se tournèrent vers William, craignant visiblement de lui désobéir s'ils lâchaient Kael. Le Gryffondor rassura les créatures d'un large sourire, et d'un "merci, ça ira" qui sembla les réconforter. Ils posèrent Kael, s'inclinèrent et s'éloignèrent... et le Poufsouffle bondit sur ses pieds avec une vivacité surprenante pour quelqu'un qui venait de manger autant. Probablement vexé, il menaça Will de lui retirer des points, mais il ne parvenait pas à tenir ce rôle de distributeur de punitions... Il affirma à Will qu'il n'en enlèverait pas, et le Gryffondor répondit doucement:

-Bah, tu peux en enlever, tu sais... au point où on en est, même les Serpentard vont nous passer devant. (Il eut un sourire désabusé, après tout le nombre de points dans un sablier n'était pas si important que ça... il fallait s'en convaincre...) Tu crois vraiment que je les aurais laissés te ramener dans ta salle commune? demanda-t-il en désignant les elfes. Après... après tout ça? ajouta-t-il, sans pouvoir détailler davantage ce que signifiait le "tout ça", mais Kael comprendrait.

Comment aurait-il pu faire ça à un gars qui, un moment avant, l'avait serré contre lui pour le réconforter?... Il aurait vraiment fallu être le dernier des derniers pour se conduire de cette façon...
Le sourire de Kael était revenu, signe qu'il n'en voulait pas à son ami. Après tout, chacun son tour de se moquer de l'autre... William sourit à son tour, mais son visage redevint grave lorsqu'il affirma:

-Ça m'a fait du bien de te parler, tu sais. Et puis comme ça, maintenant, je sais comment entrer dans les cuisines, ajouta-t-il pour essayer de paraître moins solennel.