Un Moldu du nom de Jean-Paul Sartre dit un jour : « Avoir faim… c’est conscience d’avoir faim ; c’est être jeté dans le monde de la faim, c’est voir les pains, les viandes briller d’un éclat douloureux aux devantures des boutiques ».

En effet, cet après midi là à Pré-au-Lard, la frustration de Lucretia était à son comble : les vitrines de chez Honeydukes brillaient de milles friandises, chocolat et sucreries en tous genre ; d’énormes blocs de nougats moelleux, des sacs entiers de confiseries fourrées au miel se vendaient à la pelle et Lucretia n’avait plus une seule Noise dans ses poches ! Elle était venue principalement se dégourdir les jambes en ignorant qu’un creux pareil à l’estomac la prendrait ainsi sans prévenir. Continuer sa route ? Rentrer au château pour aller chercher sa bourse ? Rentrer au château tout court pour réviser -_- comme une vulgaire Serdaigle ? La jeune fille hésita un instant puis décida de remonter le sentier pavé jusqu’à Poudlard, la vue de toutes ces denrées inaccessibles devenant de toutes façons insoutenable. Décidemment…la faim justifie les moyens, mais on a rarement les moyens quand on a faim. ( 8) Merci, merci. 8) )

Le jour commençait à décliner et Lucretia se résolut à terminer sa journée au château, éventuellement dans le Parc à la recherche de visages familiers… Mais pour l’heure, la préfète se dirigea vers sa Salle Commune dans l’intention d’aller enfiler un pull (désolée de vous faire subir ce suspense inhumain… ). C’est dans le couloir menant aux sous-sols, qu’elle empruntait pourtant tous les jours pour rejoindre sa Maison, que Lucretia se figea sur place devant un grand tableau représentant une coupe de fruits. C’était la toute première fois qu’elle y prêtait attention. Sartre avait raison Quand on a faim, on remarque même les fruits peints sur les tableaux ^^
Néanmoins, notre affamée voyait bien dans la disposition de ce tableau quelque chose de différent, hormis le fait qu’il représentait de la nourriture ( ). Il avait à peu près la même taille que les portraits qui gardaient l’entrée des Salles Communes, et que certains tableaux ouvrant des raccourcis à travers les dédales du château… Cette coupe de fruits devait sûrement mener quelque part ! Connaissant l’existence de la Salle sur Demande, Lucretia tenta de révéler une ouverture selon le même principe :

**J’ai faim… j’ai faim… j’ai faim…** pensa-t-elle avec la plus grande concentration possible en faisant les cent pas devant la représentation divine le tableau.

Rien n’y fit. Mais la préfète crut alors que cette faim lui jouait des tours : lorsqu’elle s’arrêta de marcher et reposa les yeux sur les fruits, il lui sembla que pendant une fraction de seconde la poire avait émis un petit sourire cynique.

- J’ai faim … ? dit-elle cette fois à voix haute, en fixant le fruit défendu (bon je sais normalement c’est une pomme et alors ?).

Mais la poire ne se fit pas avoir deux fois (elle veut bien être bonne mais pas poi..*déjà dehors avant même d’avoir terminé sa phrase*). Dans une sorte de pétage de câble spontané, Lucretia réunit alors toute sa volonté pour essayer de faire rire la poire et se lança dans une imitation d’un ananas qu’elle avait vu dans une publicité Moldue, qui dansait avec ses amies la pêche et la framboise pour essayer de faire tomber la pluie :

- Mai y est où mai y est où è rrradadadaddoudengdoudengdadoudadidada ! …
[Pour plus d’informations : http://www.pubzagogo.com/Vision_OasisSocold_Geiser.html ]

Des bruits de pas dans le couloir du sous-sol dut néanmoins mettre fin à cette petite mascarade (à moins que la préfète de Poufsouffle n’ait voulu pourrir sa réputation à jamais, ce qui n’était pas le cas) et la poire n’avait toujours pas ri.

- Alleeeez refait moi un sourire, rien que pour me rassurer ! La faim ne me rend pas totalement folle quand même ! Coucou ! Hihi ! Hoho… -_-‘ Guili-guili !!

Et le salut de Lucretia arriva enfin : l’imperturbable petite poire dévoila sa faiblesse au moment où les doigts fins de la jeune fille la chatouillèrent. Le fruit gloussa, se tortilla et… La porte du Paradis s’ouvrit :

Dans la pièce devant laquelle elle se trouvait, quatre grandes tables étaient disposées exactement de la même manière que dans la Grande Salle. Une multitude d’elfes s’affairaient autour, disposant des plats qui allaient probablement être envoyés directement par magie à travers le plafond lorsque le dîner serait prêt. Une grande cheminée en brique était bâtie tout au fond, et plusieurs marmites, d’où s’échappaient des fumets délicats, y étaient disposées. Au grand étonnement de Lucretia, les elfes ne semblaient pas du tout importunés par son entrée et continuaient leur besogne comme si de rien n’était, même quand elle se penchait par-dessus leur épaule pour observer la préparation des plats tous plus appétissants les uns que les autres.
En s’arrêtant devant un immense saladier de pâte à gâteau, elle se demanda s’ils la laisseraient même y plonger son doigt. :sifle: Son bras se tendit discrètement vers une cuillère posée à côté mais la jeune fille s’immobilisa et se retourna en entendant le tableau de la coupe de fruits pivoter à nouveau derrière elle. Visiblement, elle n’était donc pas la seule morfale de l’école à cette heure tardive de l’après midi…

Quand on mange entre les repas, on culpabilise un peu… Mais quand quelqu’un nous surprend, on culpabilise encore plus ! C’est souvent comme ça… non ? En tout cas, c’était le cas de Lucretia en ce moment même, lorsqu’elle se trouva face à face à un charmant première année qui venait d’entrer, alors qu’elle avait encore une cuillère en bois tendue vers la pâte à gâteau. Lorsqu’il la salua avec un sourire, elle entreprit de mélanger maladroitement le contenu du saladier tout en lui répondant :

- Salut ! Tu… t’as eu un petit creux toi aussi ? Oh, à vrai dire, ne t’inquiète pas, je suis tombée ici un peu par hasard… Je ne suis pas une voleuse de nourriture ! Euh…

Elle s’aperçut bien vite qu’elle n’avait aucun moyen de justifier cette cuillère en bois qu’elle avait dans la main, et avec laquelle elle prétendait mélanger la pâte alors qu’un nombre considérable d’elfes étaient là pour le faire. D’ailleurs, l’un d’eux se tenait derrière Lucretia, les bras croisés et manifestement agacé qu’on fasse les choses à sa place. Gênée, elle lui rendit l’ustensile et l’observa s’éloigner avec le saladier dont il versa le contenu dans un moule avant de faire disparaître l’onctueux trésor dans les ténèbres du four…

- Apparemment, ils n’ont pas besoin d’aide, fit remarquer la jeune fille à l’intention du nouveau venu, avec un petit sourire amusé qu’elle espérait convaincant. ……. Bon d'accord j’avoue, maintenant que je suis ici, je ne peux pas m’empêcher de…

Elle s’interrompit, regardant autour d’elle les étagères remplies de denrées de toutes sortes. Elle attrapa une pomme dans laquelle elle croqua sans pouvoir attendre plus longtemps. Elle s’efforça tout de même de terminer sa bouchée avant de reprendre la parole.

- Tu ne trouves pas qu’ils servent le dîner tard ici ? J’ai souvent du mal à tenir tout l’après-midi moi… Tu veux quelque chose ?

Comme pour se déculpabiliser d’être la seule à se goinfrer moins d’une heure avant le dîner, la préfète décida de se saisir d’une autre pomme pour la donner à James. Elle avait prit la sienne au sommet d’une petite montagne de fruits sur une étagère assez élevée. Mais cette fois-ci son bon sens n’était plus de la partie (c’était trop beau pour que ça dure trop longtemps ) : sa main se referma sur une des pommes qui constituaient la base de la pyramide. A peine l’eut-elle sortie du tas que celui-ci s’écroula comme au ralenti, une multitude de fruits dévalant la grande étagère pour aller s’écraser à leurs pieds ou (pour les survivants ) rouler un peu plus loin sur le sol de la cuisine. Quelques elfes s’interrompirent dans leur travail pour se retourner et les regarder d’un œil sévère. Lucretia, figée, attendit que les choses se calment, ce qui n’allait sûrement pas tarder… En effet, la dernière poire tomba accompagnée d’un petit *splatch* et le calme revint, les elfes reprenant leurs occupations en se contentant de jeter au passage un regard noir aux deux élèves.
Mais en levant les yeux vers l’emplacement où se trouvait le tas de fruits quelques secondes plus tôt, le cœur de la Poufsouffle repartit de plus belle. En effet, se tenait tout au bord de l’étagère un énorme ananas qui hésitait encore à mettre fin à ses jours en faisant le saut de l’ange comme ses congénères, et qui, finalement, bascula lentement dans le vide. Impuissante, Lucretia observa le fruit qui vint heurter une casserole dans le compartiment d’en dessous. Celle-ci, dans sa chute, rencontra le manche d’un couteau dont la lame était enfoncée au beau milieu d’un pudding au chocolat... par système de levier, le gâteau fut projeté dans les airs en direction d’un mur quelques mètres plus loin tandis que le couteau, libéré des ténèbres chocolatées exécutait quelques pirouettes dans les airs avant d’aller se planter à quelques millimètres du pied gauche d’un elfe qui poussa un cri suraigu, alertant toute la pièce que de terribles évènements étaient en train de se produire. Et pendant ce temps, l’ananas continuait sa chute inexorable en renversant des gros sacs de sucre, de poivre et d’épices variées, des pots remplis de couverts en argent, des assiettes, verres, coupes, bouteilles, services à raclette, pains de toutes sortes, coupelles, louches, poêles, deux éponges, du papier toilette et des raviolis, également quelques plats en porcelaine finement peints à la main dont la noble existence se termina par terre sous la vulgaire forme de petits morceaux, et autres mets et pâtisseries dont la crème et les nappages allaient sûrement se révéler assez marrants à nettoyer par la suite. Puis, au bout d’un temps qui parut à Lucretia être une éternité, le choc de l’ananas sur le sol marbré donna la note finale au vacarme assourdissant qui avait accompagné le tout.

La préfète osa à peine regarder le Gryffondor, vers qui elle avait toujours le bras bêtement tendu pour lui donner sa pomme. Quelques murmures courroucés commencèrent à percer le silence de stupéfaction qui s’était installé. Les murmures s’intensifièrent jusqu’à devenir de véritables cris de protestation, et la jeune fille eut alors la très désagréable impression que les elfes commençaient à se presser autour d’eux… au mieux, pour les sortir de là à coups de pied aux fesses, au pire, dans le but de les servir comme dîner en ce paisible soir de week end…

Dans l’esprit de Lucretia, trois solutions se présentaient alors :

1) Courir vite pour aller se cacher sous une table
2) Sortir mais essayer d’emporter le maximum de nourriture possible
3) Tout lécher pour se faire pardonner

En tout cas, il semblait que la jeune fille n’avait certainement pas l’intention de sortir d’ici le ventre vide… Désemparée, elle finit par lever les yeux vers James, dans l’espoir qu’une âme plus raisonnable qu’elle aurait quelque chose à proposer…