Non, il n'aurait pas particulièrement pu dire "je t'avais prévenue", mais il n'avait jamais été très loin de la vérité. Kael n'avait à aucun moment senti le bon dans l'événement concocté par Elena Pinkstone. C'était comme une grande porte ouverte à tous les ennuis, sans rien que de positif n'ait pu faire le trajet inverse. Le Celte l'avait dit à Lavande, sans trop insister non plus, parce qu'elle tenait à ce projet d'ouverture et aux idées véhiculées. Peut-être que Kael connaissait un peu trop la vie moldue citadine, et pour le coup, il ne s'était pas mêlé au défilé, simplement parce qu'il sentait que ça pouvait mal tourner. Et c'est exactement ce qui s'était passé. Comme il l'avait pressenti, les problèmes étaient venus des deux côtés, même si la responsabilité globale était à imputer aux Sorciers. Ce sont bien eux qui étaient apparus en pleine rue pour manifester à grand coup de magie. Qu'auriez-vous fait, vous, face à quelque chose d'aussi inattendu et surnaturel ? D'autant qu'il y avait eu des plaisantins spécialement organisés pour qu'il y ait une vraie pagaille, quitte à mettre en danger les personnes présentes, Sorciers et Moldus confondus... La licorne, passe. Mais le dragon ? Heureusement, le Ministère, aveugle de n'avoir pas vu venir la manifestation, avait réussi à rattraper le coup. Et les sanctions étaient tombées. Certains avaient même écopé de lourdes peines de prison. Et parmi les punis, Lavande.

Lorsqu'il avait appris la nouvelle, le fait que Lavande avait dû payer une grosse amende, et qu'en conséquence, elle était condamnée à rester chez elle par ses parents, Kael était longtemps resté devant un parchemin vierge, sans savoir par où commencer. Incapable d'écrire quoi que ce soit, il était simplement allé se coucher en espérant que rien n'était arrivé. Et le lendemain, la Gazette lui avait rappelé la triste vérité, ajoutant un élément capital : l'UMA était fermée. Jusqu'à nouvel ordre, l'Université n'accueillerait plus les étudiants. Les conséquences étaient trop graves pour qu'on permette que ce genre de catastrophe puisse se reproduire. Et il n'était même pas certain qu'elle rouvre pour la rentrée ! Finalement, puisqu'il n'y avait rien d'autre à faire qu'attendre, Kael avait écrit à Lavande, pour la rassurer, lui dire qu'il la soutenait, et surtout, qu'il voulait la voir. Ce n'était peut-être pas idéal pour le moral, mais c'était vrai. Il ne fallut pas moins de trois semaines, trois longues et interminables semaines, pour qu'enfin l'occasion arrive.

Juste après le déjeuner, le Celte avait devancé l'heure à laquelle il devait se rendre au rendez-vous. Fortarôme, le glacier, serait le cadre des retrouvailles. Il transplana directement sur le Chemin de Traverse, espérant presque tomber nez à nez avec Lavande, mais non, il était en avance. Le temps était doux, presque chaud, il n'y avait pas de vent, et une glace pouvait bien être adaptée à la météo, finalement. A grands pas, Kael se présenta devant la boutique. Il y avait une couple attablé sur un côté, mais personne d'autre. Choisissant une table à l'opposé, il s'installa et commença à regarder autour de lui. On vint lui demander ce qu'il voulait, et il répondit qu'il attendait quelqu'un, qu'il commanderait après. Plusieurs minutes passèrent, et son attention retomba. Viendrait-elle ? Sa mère n'avait-elle pas fini par changer d'avis ? Kathy Brown était une femme adorable, mais il avait eu l'occasion, par éclats, de voir que son caractère pouvait se faire plus dur, plus intransigeant. Non... papa Brown serait forcément intervenu pour calmer le jeu. Elle allait venir. D'ailleurs, il entendit qu'on l'appelait.

Le Celte pivota, et il la vit, accourant vers lui. Il eut à peine le temps de se lever qu'elle était déjà sur lui et l'embrassait à pleine bouche. C'était plus que de la passion, il y avait là une forme de soulagement, comme un drogué qui a enfin sa dose après un long sevrage. Ce ne fut que le manque d'air qui les poussa à rompre le baiser. Ils purent alors se regarder dans les yeux, et Kael vit que ceux de Lavande étaient emplis de larmes. D'une main, il lui prit la joue, et du pouce, en chassa quelques-unes. Et il sourit lorsqu'elle prit la parole. Il ne répondit pas tout de suite, profitant simplement du contact, contact qui ne s'était pas produit depuis trop longtemps.

"Je ne sais pas si je peux l'imaginer ou non, mais je peux te dire exactement la même chose."

Puis il s'écarta et attira une chaise afin qu'ils soient assis vraiment l'un à côté de l'autre. Une fois installés, il l'attira contre lui, un peu comme s'il avait peur qu'elle s'envole déjà. Il devait bien y avoir une heure limite pour rentrer, et ce devait être bien plus tard, mais sait-on jamais... S'il devait l'empêcher de partir, il le ferait.

"Alors, finalement, tu as joué les héroïnes, non ?" dit-il, décidé à commencer la conversation en partant sur quelque chose de positif.

Et là, en l'occurrence, sa capacité à garder la tête froide et tenter de limiter les dégâts quand tout partait en vrille. Car c'est bien ce qu'avait retenu le Magenmagot.

-Je ne sais pas si je peux l'imaginer ou non, mais je peux te dire exactement la même chose.

Voilà exactement ce qu’elle avait eu besoin d’entendre durant ces trois semaines. C’était ce genre de phrases qui entretenait le sentiment de bien-être qui s’emparait d’elle lorsqu’elle pensait à son petit ami. Car peu de garçons de leur âge se permettaient une telle liberté de parole concernant leurs sentiments. Rares étaient ceux qui auraient su trouver les mots pour lui remonter le moral sans tomber dans les clichés ni le pathos et, pourtant, c’était bien ce que les lettres de Kaelir avaient réussi durant ces trois interminables semaines. Lui remonter le moral, lui rappeler que tout en étant loin, il pensait encore à elle et qu’il ne l’oubliait pas. Démontrer à travers quelques phrases que le monde au-delà des murs de sa chambre continuait de tourner mais qu’il ne le faisait pas sans elle. Que, quelque part, des gens se souvenaient encore d’elle et savaient que, si elle avait fait une erreur -et elle était la première à le reconnaître-, cela ne signifiait pas pour autant qu’elle était un cas désespéré, comme certaines formulations mal choisies de sa mère pouvaient le lui faire penser de temps à autres. Car, s’il y avait bien une chose dont Kathy Brown manquait sincèrement, c’était de tact. Il s’agissait certes d’une femme aimante et adorable, mais si quelque chose lui déplaisait, elle ne prenait pas de pincettes pour le dire et au diable les sentiments des personnes concernées …

Mais, blottie dans les bras de Kael, l’heure n’était pas à déprimer sur l’opinion fort peu élogieuse que sa mère avait d’elle en ce moment. Non, elle se devait de profiter de chaque seconde passée en compagnie de son petit copain car Merlin seul savait lorsque l’occasion se représenterait. Elle se permit donc un petit rire mi nerveux-mi amusé à l’écoute de la question du garçon.

-Oui, on peut dire ça comme ça. Personnellement, j’avais plus l’impression de nager à contre-courant en sauvant du mieux possible les meubles, mais il faut croire que le jury a été convaincu par le plaidoyer de mon avocat. En même temps, tu l’aurais entendu, dans sa bouche, c’est tout juste si je n’avais pas sauvé l’Angleterre d’une mise sous tutelle.

Elle leva légèrement les yeux au ciel en se souvenant de l’amour inconditionnel de l’avocat qui lui avait été commis d’office pour les hyperboles et exagérations en tout genre.

-C’était un p’tit jeune et je crois bien que c’était une de ses premières grosses affaires. Il était surexcité alors que moi, j’étais terrifiée. Mais, il faut bien reconnaître que ses paroles ont fait pencher la balance en ma faveur. Ma phrase préférée c’est, je cite, « l’intervention réfléchie et faisant preuve d’une maturité exemplaire de ma cliente et de ses camarades, parmi lesquels le Survivant lui-même » Oui il n’a pas pu s’empêcher de citer Harry, j’avais presque honte pour lui « a permis d’éviter que le regrettable incident ne se termine par un bain de sang ou, si vous me passez l’expression, une belle brochette de Moldus à la braise ». Bref, je crois que c’est l’idée qu’on aurait pu avoir des morts et qu’au final on a eu une chance de cocus qui a fini par m’acquitter de la prison.

Le mot prison lui rappela alors que d’autres et en particulier Elena et Gregory n’avaient pas eu cette chance, mais elle se força à ne pas y penser. Tout cela était désormais derrière elle et elle n’était pas venue ici pour en reparler. Comme elle avait promis à Alan, la politique et tout ce qui s’en rapprochait de près ou de loin, c’était fini et bien fini pour elle et c’était mieux ainsi. Elle allait se reconcentrer sur sa vie de tous les jours et accessoirement si l’UMA rouvrait un jour ses études. Et bien sûr, se reconcentrer sur le présent et le garçon merveilleux à ses côtés. Elle sourit donc de nouveau et l’interrogea à son tour.

-Et toi alors qu’est-ce que tu fais de tout ton temps libre maintenant qu’il semblerait que notre éducation ne soit plus prioritaire ? T’es retourné chez tes parents ou bien les dortoirs sont encore ouverts ?

A vrai dire c’était une question qu’elle n’avait pas vraiment eu l’occasion de se poser car ses parents ne lui avaient, quant à elle, pas laissé d’option. Soit elle rentrait à la maison, soit … elle rentrait à la maison. Ce n’était pas lié à la fermeture de l’UMA qu’ils n’avaient appris qu’après coup vu qu’ils ne suivaient pas l’actualité sorcière au jour le jour mais tout simplement une partie de sa punition pour sa participation à la manifestation de Trafalgar Square. D’ailleurs, elle ne savait pas trop quoi penser de la fermeture de l’université. Elle comprenait vaguement les raisons mais elle considérait qu’arrêter brusquement les cours punissait une énorme partie d’étudiants qui n’avaient nullement participé à la manifestation. Sans compter que si le but était d’empêcher les étudiants de se réunir, leur supprimer les cours, ne faisait que leur donner plus de temps pour se voir en dehors. Autrement dit, c’était d’une stupidité sans nom. Pas qu’elle oserait l’exprimer publiquement, elle avait déjà assez souffert de dire ce qu’elle pensait, mais ça ne l’empêchait pas de le croire du fond du cœur.

Pour répondre, Lavande commença par émettre un rire hybride, croisement entre le bon et le mauvais que lui rappelaient la question. Le mauvais, pas besoin de faire un dessin. Le bon, visiblement, c'était la situation vécue avec son avocat et la relation particulière que ce dernier semblait avoir voulu entretenir. Apparemment, ce dernier, pour son premier procès, avait sorti l'artillerie lourde. Tant mieux, quelque part. Mieux valait un fervent défenseur encore tout propre et amidonné, sentant bon les jeunes années de l'inexpérience, plutôt qu'un vieux de la vieille, un briscard désabusé à l'enthousiasme depuis longtemps enterré sous les couches de poussière de la vie. Lavande avait même retenu des phrases entières du plaidoyer. Notamment une citation qui faisait référence à ce très cher Survivant. Comment aurait-on pu l'oublier dans ces circonstances ? Il n'avait pas seulement été présent, il avait participé activement à rétablir l'ordre. Harry Potter, quoi.

Le Celte eut un petit rire en entendant l'expression "une belle brochette de Moldus à la braise". Jamais encore on ne la lui avait sortie, celle-là. En plus d'être efficace, il était poète, cet avocat. Peut-être était-il désormais promis à un grand avenir. Dans quelques années, il serait un des ténors du barreau, gagnerait plein d'argent... Les derniers mots de Lavande furent tournés vers la sanction évitée de peu : la prison. D'autres n'avaient pas eu cette chance, comme Elena Pinkstone, la grande instigatrice de l'événement, et Gregory Malone, le fauteur de troubles qui s'était fait un plaisir de gâcher la fête. Enfin, la "fête"...

"Hum, j'espère que t'es pas tombée amoureuse de lui, hein ?" la taquina-t-il, sans pour autant parvenir à prendre un vrai ton de reproche.

Il connaissait bien la réponse de toute façon. Si ça se trouve, cet avocat, il était moche. On ne peut pas non plus tout avoir. Kael regrettait de n'avoir pas assisté au procès, mais le Magenmagot n'avait autorisé que la famille immédiate à être présente. Et dès la fin du jugement, il n'avait même pas pu voir sa copine, embarquée sans ménagement et sans ambages par sa mère, direction la ferme Brown. Depuis, seul le courrier avait permis au couple de garder le contact. Jusqu'à ce jour, qu'il avait tellement attendu ! Lavande décida de passer à autre chose, ce qui lui permettrait aussi de se tenir un peu au courant de ce qui se passait à Londres. Parce qu'en dehors de la nouvelle de la fermeture de l'UMA, elle ne savait pas grand chose...

"Moi, c'est retour chez papa et maman. Ils ont fermé tout le site de l'UMA, avec le campus, donc on a été gentiment priés de quitter les lieux. En même temps, ça aurait servi à quoi d'être sur place sans cours ? J'espère juste que ça va pas durer, et qu'ils vont rouvrir au moins pour la rentrée..."

L'Université ayant été le point de départ, la source, des événements de Trafalgar Square, le Conseil d'Administration, en accord avec le Ministère de la Magie, avait choisi de sanctionner la totalité des étudiants, alors que beaucoup n'avaient rien à voir avec tout ça...

"C'était dur de leur expliquer, à mes parents... Heureusement qu'Erwan était là, parce qu'expliquer toute la situation, c'est pas évident, surtout avec la campagne d'oubliettes et tout ça... Enfin bon... Maintenant, je fais plus rien, quoi. Ma mère voudrait bien que je trouve quelque chose, un petit boulot, n'importe quoi, parce qu'elle commence à en avoir marre de me voir rester à la maison..."

En fermant l'UMA, on avait envoyé les étudiants dans l'oisiveté. Peut-être auraient-ils dû, au CA, proposer une solution alternative, un plan provisoire, mais non, rien. Kael haussa les épaules, au moment où le glacier s'approchait d'eux.

"Bonjour mes enfants ! Qu'est-ce que vous prendrez ?"

Avant l'arrivée de Lavande, le Celte avait eu le temps de parcourir rapidement la carte. Et avait repéré la grande coupe à prendre à deux. Un assortiment de parfums colorés à partager ! Après un petit coup d’œil avec sa copine, il répondit :

"On va prendre le délice de Cupidon, s'il vous plait."

Avec un clin d’œil entendu, l'homme retourna dans sa boutique.

"Je sais pas exactement ce qu'il y a dedans, mais ça peut pas être mauvais, hein ? Et puis, de toute façon, c'est pas ça le plus important."

La main de Kael remonta lentement, du bas du dos de Lavande jusque sa nuque, et redescendit. Les doigts glissèrent juste sous le haut, caressant délicatement le bas du dos. En public, de toute manière, on ne pouvait pas aller beaucoup plus loin...

Amoureuse de son avocat ? Ça c’était la meilleure ! Comme si elle avait eu l’occasion de se préoccuper du physique du type alors qu’elle craignait le pire pour sa peau. Non, non, elle n’était pas tombée amoureuse. A vrai dire, elle aurait même été assez incapable de décrire le gars à quelqu’un si on le lui avait demandé. Dans ses souvenirs, il était assez banal : ni beau ni moche, ni grand ni petit, cheveux bruns, yeux marrons, pas de lunettes. Bref, le mec quelconque par excellence quoi. Par contre, il fallait avouer que quand il s’élançait au barreau, c’était une véritable transformation. Un moineau qui se transforme en dragon. Elle espérait d’ailleurs qu’il irait loin, il avait tous les atouts pour. Mais, bon, soyons honnêtes, elle préférait suivre sa carrière de loin, elle avait assez vu le Magenmot pour une vie entière. De toute façon, la question de Kael était purement rhétorique et elle se contenta de lui sourire en niant de la tête pour calmer une quelconque trace de doute qu’il aurait encore pu avoir. Après tout, quelle genre d’idiote aurait-elle dû être pour s’intéresser à un autre homme -surtout qu’il avait presque la trentaine le type, autrement dit un vieux quoi !- alors qu’elle avait le plus délicieux des petits amis qui était prêt à attendre trois semaines pour la voir à cause d’une bêtise qu’elle était la seule à avoir commise ? Elle se contenta donc de ramener la conversation sur des sujets moins brûlants en interrogeant le susnommé petit ami sur ses activités depuis leur séparation forcée.

-Un petit boulot ? Elle s’entendrait avec la mienne dis donc. Elle me fait lire les annonces sorcières ET moldues tous les jours. Sauf qu’elle a l’air d’oublier que sur un CV moldu : Optimal en Divination ça ne sert pas à grand-chose et que, dans le monde sorcier, les étudiants sont loin d’être les bienvenus en ce moment. Enfin …

A cet instant, Fortarôme vint prendre leur commande et Kael prit les choses en main. Lavande fut d’ailleurs heureusement surprise par son choix. Elle lui faisait totalement confiance, et puis, il avait raison, la glace n’était que le petit plus, le véritable cadeau de la journée c’était de se retrouver à nouveau ensemble après une bien trop longue séparation. Son sourire s’agrandit donc encore lorsqu’elle sentit la main du garçon dans son dos. C’était ce genre de petits gestes anodins mais qui démontraient une intimité totalement assumée qui lui avaient tant manqué ces dernières semaines. Cependant, elle se sentait soudainement d’humeur taquine et répondit avec un sourire provocateur :

-Absolument, ce qui compte c’est que c’est toi qui invite. Sinon, je retourne à mon avocat, avec une verve pareille il est promis à gagner un joli pactole d’ici quelques années.

Puis, avant qu’il n’ait le temps de réagir ou de protester de quelque façon que ce soit, elle l’embrassa à pleine bouche pour taire ainsi toute récrimination. Elle se redressa ensuite avec un sourire satisfait et déclara, en vérifiant sa manucure, comme si de rien n’était.

-Non, finalement, je crois bien qu’aucun salaire ne remplacera tes baisers.

Et pour confirmer ses dires, elle se rapprocha encore un peu plus de lui et s’appuya contre son torse, prenant le bras du garçon pour le passer par-dessus ses épaules et être ainsi confortablement installée tout contre lui. Elle décida alors que ses bras étaient définitivement le meilleur endroit au monde. Elle n’eut cependant pas le plaisir d’en profiter comme elle l’aurait voulu car le glacier choisit ce moment pour revenir avec une coupe aux mille couleurs littéralement gigantesque qui mit l’eau à la bouche de l’étudiante. Elle se redressa donc pour pouvoir déguster ce délice comme il se devait.

-Et un délice de Cupidon pour les tourtereaux. Bon appétit les enfants. Vous m’en direz des nouvelles.

Lav’ ne se fit pas prier et s’attaqua immédiatement à une boule d’un rouge vermillon qui se trouvait être la plus proche d’elle. Elle reconnut immédiatement la saveur de la fraise et poussa un petit soupir de contentement. Les glaces de Fortarôme étaient vraiment les meilleures ! Une idée lui vint alors, étirant malicieusement ses lèvres. Elle ne se nettoya donc pas la bouche, laissant ses lèvres délicieusement teintées de rouge par les relents de glace et se tourna vers le Celte.

-C’est délicieux, tu ne veux pas goûter ?, demanda-t-elle alors en se mordant la lèvre inférieure en une invitation difficile à rater.

Mine de rien cela faisait trois semaines qu’ils ne s’étaient pas vus, c’était tout à fait normal qu’elle ait envie de profiter un peu plus des lèvres de son copain, non ?

Si le constat de Lavande était navrant, il était surtout bien vrai. Dans la situation actuelle, et avec ce qui semblait se profiler, il était quasi impossible pour tous ceux portant le statut "étudiant" de trouver un petit boulot. D'une, parce qu'avec le clash du monde magique vis-à-vis des Moldus, il était plutôt déconseillé de faire quoi que ce soit qui puisse compliquer un peu plus les choses, même si chacun était responsable et savait ne pas commettre de bévue, et de deux, parce que l'UMA n'était pas fermée pour rien, et tous ceux qui pouvaient de près ou de loin être assimilés aux fauteurs de trouble de Trafalgar n'étaient pas les bienvenus dans les autres sphères. Que croyaient-ils ? Qu'une nouvelle manifestation allait partir du Ministère ? A ce rythme-là, c'est tous les Sorciers qui finiraient pas se méfier les uns des autres, et pour le coup, c'était le meilleur moyen de se faire repérer par les Moldus, mais bref.

"T'as eu un Optimal en Divination, toi ?"

A y réfléchir, ça n'était pas si étrange que ça, Lavande avait toujours été dans les petits papiers de la sauterelle folle. Kael, lui, n'avait jamais accroché avec Trelawney, allez savoir pourquoi, probablement une histoire de chakras, ou de mauvais œil, ou que sais-je, et bref, il avait laissé tomber la matière. Pas question de finir sa scolarité avec cette matière-là... et même s'il y avait eu Firenze. Différent, mais pas plus intéressant que ça... Après le passage de Fortarôme, Lavande décida de se montrer taquine. Au moins, elle avait repris un minimum de poil de la bête, et c'est bien ce qui comptait. Le Celte haussa les sourcils avec la ferme intention de répliquer, mais il dut ravaler ses paroles avant même qu'elle n'aient été formées sur ses lèvres. Parce qu'il reçut un baiser du feu de dieu, probablement le meilleur moyen qui aurait pu être employé pour l'empêcher de l'ouvrir. Bien joué. Et puis, comme si de rien n'était, elle prit une attitude de pure satisfaction féminine avant de revenir sur ses dires.

"Ah. Ben laisse-moi le temps d'avoir un salaire avant d'aller tester comment lui il embrasse, hein." déclara Kael alors qu'elle se blottissait dans ses bras.

Mais Fortarôme n'était pas le meilleur glacier de Grande-Bretagne pour rien, et il en fit la démonstration en arrivant déjà avec la coupe géante. Et à voir l'air que prit Lavande en voyant arriver le "délice de Cupidon", le Celte sut qu'il avait visé juste. Il remercia le vieil homme avant de simplement regarder sa copine. Elle ne s'était pas faite prier pour attaquer, aussi décida-t-il d'attendre qu'elle ait profiter un peu. Parce que juste la regarder, c'était très bien aussi. Surtout depuis le temps qu'ils ne s'étaient pas vus... Et décidément, elle était joueuse. Elle avait de la glace sur les lèvres, et elle ne semblait pas vouloir la faire disparaître elle-même. Il lui fallait un coup de main. Ou de langue, plus exactement.

"Non mais t'as vu comment tu manges ?" fit-il, en levant les yeux au ciel, et tout en se rapprochant.

Les lèvres se joignirent, la fraise disparut rapidement, mais il voulut être sûr qu'il n'en avait pas laissé un peu, alors ça dura... Et puis, il s'écarta doucement.

"Si t'as l'intention de toute me faire goûter comme ça, j'ai rien contre, mais on en a un pour un moment."

Attrapant sa propre cuillère, Kael attaqua une boule bleue. Myrtille. Pour l'instant, les parfums restaient relativement "classiques", mais il devait bien y avoir des surprises en-dessous. Sa prochaine cible, rose pâle, émit un petit grésillement au contact de la cuillère... Puis il y eut une gerbe d'étincelle, et un Cupidon miniature se matérialisa au-dessus de la coupe, avant de semer des petits cœurs en sucre sur la glace. Non, là, il en faisait un peu trop.

"Ah, je me disais bien qu'il finirait par se passer quelque chose magique !" s'exclama le Celte en goûtant le parfum qu'il venait de toucher.

Tiens, mais qu'est-ce que c'était que ça ? C'était à la fois doux et sucré, et pourtant, ça ne devait pas être un fruit... Ou alors, un fruit donc il n'avait jamais entendu parler...

"Tiens, goûte ça, j'arrive pas à savoir ce que c'est..."

Après une courte hésitation, il employa le même moyen que Lavande. Pas très "propre", mais c'était un petit jeu entre amoureux, alors hein...

Victoire totale. Malgré l’air faussement exaspéré de son copain, il était clair qu’il appréciait son défi. Du moins si elle prenait pour preuve le nettoyage intensif et consciencieux que le garçon entreprit de faire subir à ses lèvres. Un ménage comme elle les aimait. Pas une trace de glace ne résista à l’ouragan Kael et, pour une fois, la victime de l’ouragan en question était on ne peut plus satisfaite d’être ainsi ravagée. Totalement consentante comme qui dirait. Un sourire malicieux vint d’ailleurs se peindre sur ses lèvres lorsque le blond précisa que s’ils continuaient sur leur lancée, ils y seraient probablement encore à la nuit tombée. Pas que cela les dérangea réellement -surtout que l’avantage des glaces sorcières c’était qu’elles ne fondaient pas à cause de la chaleur ambiante- mais il était vrai que, lorsque l’on avait un délice pareil devant les yeux, ne pas en profiter pleinement était presque un crime. Ils en revinrent donc à des méthodes plus traditionnelles de dégustation, chacun s’attaquant à une boule différente.

Lavande se retrouva ainsi à apprécier à sa juste valeur une bouchée saveur fruit de la passion. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas mangé de glace aux fruits exotiques et le goût se mariant particulièrement bien à celui de la fraise la laissa des plus satisfaites. Elle ne s’attendait cependant, quant à elle, pas à la petite surprise provoquée par la cuillérée prise par Kael et poussa un petit cri lorsqu’un Cupidon apparut de nulle part. Une fois remise du choc, elle rit légèrement de la remarque de Kael. Elle aurait en effet dû s’en douter, dans une glacerie magique, il était prévisible qu’une coupe spécialement créée pour les couples finirait par posséder une touche de magie. Enfin, elle ne s’en plaignait pas, elle avait toujours eu un faible prononcé pour le sucre en poudre, alors elle dévora avidement deux des petits cœurs récemment formés un sur la boule à la fraise et l’autre sur celle à la framboise juste à côté de la première. Elle s’apprêtait ensuite à faire un sort au troisième et dernier cœur lorsque Kael utilisa sa propre technique pour lui faire goûter une nouvelle saveur.

D’abord prise légèrement par surprise, elle se concentra ensuite sur le goût qu’elle avait en bouche. Ce qui s’avérait compliqué lorsque les lèvres de Kael pressées contre les siennes faisaient constamment dériver ses pensées. Cependant, elle réussit à se faire au moins une idée précise de la saveur. Elle était certaine d’y avoir déjà goûté. Sauf qu’elle n’était pas encore sûre à cent pour cent de savoir de quoi il s’agissait. Elle reprit donc une bouchée, de manière plus conventionnelle cette fois-ci -cuillère en main donc- et ferma un instant les yeux pour se concentrer uniquement sur les informations relayées par ses papilles gustatives. C’était trop doux pour être un fruit et pourtant cet arrière-goût sucré … Rahh elle l’avait sur le bout de la langue ! Frustrée, elle reprit une dernière cuillérée et là, ce fut la révélation.

-De la rose ! Je n’en mettrais pas ma main à couper mais je serais prête à parier un gallion que c’est ça. Je savais que ça me rappelait quelque chose mais je ne trouvais pas quoi parce que c’était la tarte à la rhubarbe et à la rose que fait ma tante Melody et que je n’en ai pas mangé depuis des années. A vrai dire, au début, la combinaison paraît bizarre mais finalement la légèreté de la rose adoucit la force de la rhubarbe qui inversement rehausse la légère fadeur de la rose. Faudra que je te fasse goûter un jour. Peut-être cet été si j’arrive à convaincre maman de lever ma punition d’ici là. Enfin, j’ose espérer qu’avec un peu d’aide de papa je réussirais. Par contre la connaissant, je vais probablement devoir faire d’une pierre deux coups et vous inviter toi, Alan et Tomas en même temps parce que, bizarrement, je doute fortement qu’elle soit d’humeur à me permettre d’inviter des gens deux fois de suite. Enfin, heureusement qu’elle vous aime bien, ça me fera des vacances. Quand il y a des invités, elle est moins « féroce ». J’te jure parfois j’ai l’impression qu’elle préfère les amis de sa fille à sa propre fille, dit-elle en riant.

En effet, elle savait pertinemment que c’était faux et c’était bien pour ça qu’elle se permettait ce genre de remarques. Kathy Brown et sa fille avaient beau se disputer constamment à cause de leurs caractères extrêmement similaires, parallèlement elles s’adoraient et ne supportaient pas lorsque quiconque autre qu’elles-mêmes s’en prenait à l’autre. C’était typiquement le genre de relation exclusive où les autres étaient à la fois public volontairement invité pour se plaindre des sévices de l’autre et personnes indésirables dans une union fusionnelle. En un mot comme en cent, les deux femmes Brown ne pouvaient pas plus se passer l’une de l’autre que se tenir l’une à côté de l’autre sans commencer à se critiquer. Une relation mère-fille banale quoi.

Spoiler:

Visiblement, le goût était familier à Lavande. Ou du moins l'avait-elle déjà eu en bouche auparavant. Et contrairement à lui, qui donnait là volontiers sa langue au chat, elle chercha, chercha, jusqu'à ce qu'une seconde tentative ne lui révèle enfin la teneur de l'arôme. De la rose ? Alors comme ça on pouvait faire une glace avec des fleurs ? Etrange. Qui eut cru que de la rose puisse être aussi sucrée ? Pas le Celte, en tout cas. Quoi qu'il en soit, la découverte fut un électrochoc pour Lavande qui se lança dans une tirade à propos d'une tarte à la rhubarbe, ce qui la fit enchainer sur sa punition, puis sur une probable future invitation qui le concernerait lui, mais aussi Alan et Tomas, leurs camarades étudiants. La conclusion fut assez étrange, et la fit rire, ce qui conforta Kael dans l'idée que ce n'était pas vrai. Namého, on ne la lui fait pas.

"Rose-rhubarbe, ça doit être bizarre... Mais bon, comparé à tout ce qu'on peut goûter dans le monde magique, ça fait presque classique, finalement... Y a peut-être des parfums plus surprenants dans le fond, qui sait ? Avec d'autres surprises explosives..."

La cuillère, cette fois, effleura une boule orange. Un petit feu d'artifice partit alors, s'éleva dans le ciel, et éclata en une pluie d'étincelles multicolores. Décidément, ce délice de Cupidon offrait son lot d'étonnement. Portant une petite portion du parfum orange, le Celte afficha un sourire. C'était déjà plus typiquement sorcier, mais ça restait tout de même étrange.

"Tiens, citrouille ! T'as remarqué, les boules ne fondent pas, mais en plus, elles se mélangent pas ! C'est plutôt une bonne idée, ça évite qu'on se retrouve avec une mélasse dégueulasse à la fin, dans le fond de la coupe."

Pas très romantique, comme déclaration, mais que voulez-vous ? Laissant de côté la cuillère, Kael décida de changer de centre d'intérêt. Sa main sur la cuisse de Lavande remonta le long de sa taille, passa dans son dos, et il l'attira doucement vers lui pour lui déposer un baiser dans le cou, après avoir écarté ses cheveux. Il resta quelques secondes à s'imprégner du mélange des odeurs de son parfum et de sa peau.

"Qu'est-ce que tu me manques..." susurra-t-il.

L'avoir près de lui, la sentir contre lui, la voir... et même si c'était arrivé moins de fois qu'il l'aurait voulu par le passé, elle n'était pas là la nuit, dans son lit... On s'habitue facilement à ne pas dormir seul, à avoir la chaleur du corps de l'autre... Les parents de Lavande devaient bien comprendre ce genre de choses, mais c'était typiquement le genre d'arguments qu'aucun des deux n'oserait mettre sur le tapis... Quelque part, ça faisait aussi partie de la punition. Mais pour le coup, lui aussi était puni.

"C'est loin, l'été... Même si on le sent venir, c'est loin."

Il s'était légèrement reculé, et poussa un soupir. Mais il n'allait pas se laisser ainsi abattre. L'amour l'avait fait tenir jusqu'à maintenant, il n'allait pas craquer ! Surtout qu'ils étaient réunis, enfin, après ces longues semaines d'attente...

La soudaine mélancolie de Kael, au lieu de la déprimer, lui tira un sourire plus mature qu’à son habitude. Cette absence qu’ils ressentaient tous deux était une preuve bienvenue de la profondeur de leurs sentiments. Loin étaient désormais les jours insouciants de leur première romance. Ils avaient grandi et fait leur entrée dans le monde des adultes, avec toutes les complications que cela impliquait, y compris dans le domaine amoureux. Finies les soirées de retenue lorsque l’on faisait une erreur, désormais il fallait réellement faire face à ses responsabilités et se retrouver loin de l’être aimé pendant des semaines. Ressentir physiquement son absence au quotidien, se retourner pour lui faire une remarque pour se rendre alors compte qu’il n’était plus à vos côtés, toutes ces petites déceptions qui ne rendaient le quotidien que plus difficile. Et c’était lais raison pour laquelle il était désormais essentiel de profiter des quelques heures de liberté qu’ils avaient si durement gagnées. Elle se tourna donc vers son petit ami et déclara avec un grand sourire.

-Raison de plus pour ne pas perdre un instant de cette après-midi. Cette coupe a beau être délicieuse, je n’avais pas prévu de passer nos quelques heures ensemble assis à déguster une glace, fusse-t-elle la meilleure d’Angleterre.

Non, à la place, elle avait prévu tout un programme pour profiter à fond de cette journée si particulière. Après tout, elle avait eu tout le temps d’organiser les activités à venir. Et, elle avait bien l’intention que Kaelir se souvienne de cette journée et que le souvenir lui permette de tenir jusqu’à leur prochaine rencontre. Un peu comme dans une relation à distance car, dans le fond, c’était un peu ce qu’ils vivaient en ce moment. Elle avala donc une cuillérée de plus, terminant la boule de glace à la framboise, son parfum préféré, et considéra que même s’il était dommage de laisser la coupe à moitié finie, il y avait des choses plus importantes en ce bas monde qu’un délice glacé. Elle fit ainsi donc signe à Fortarôme et ce dernier s’étonna de les voir déjà partir.

-Le délice n’était pas à votre goût ?
-Bien au contraire, mais on a plein de choses à faire, vous comprenez ?
-Ah la jeunesse, toujours pressée, s’exclama le vieil homme avec un sourire amusé. Mais, puisque vous avez payé pour une coupe entière, que diriez-vous d’emporter ce qu’il reste, vous pourrez le déguster en chemin de votre destination. Qu’en pensez-vous ?
-Vraiment ? Ce serait génial !

Aussitôt dit, aussitôt fait, Fortarôme exécuta un léger geste de sa baguette et le reste de la coupe se divisa dans deux coupelles en plastique qui apparurent respectivement dans les mains de la blonde et de son petit ami, tirant un sourire ravi à cette dernière. Elle remercia conséquemment le glacier.

-Encore merci, c’est adorable !
-Mais de rien, et n’hésitez pas à revenir une prochaine fois.
-Promis, déclara-t-elle en adressant un signe de la main droite à l’homme tandis que de l’autre, elle entraînait Kael vers le lieu de leur prochaine activité.

Puis, tandis qu’ils se dirigeaient vers le Chaudron Baveur, elle lui fit part de la suite du programme.

-J’ai demandé à mon père de nous prendre des entrées pour la grande roue de Londres, d’après Parv’ ça vaut vraiment le détour. La vue est magnifique et si j’en crois ses dires, c’est un lieu parfait pour une séance de câlins en bonne due et due forme, rajouta-t-elle avec un regard mutin.

C’est qu’il n’était pas le seul à avoir ressenti un manque ces dernières semaines. Elle aussi avait pris goût à se réveiller dans les bras sûrs et chaleureux du Celte et si une telle activité n’était certes pas envisageable dans un lieu public telle qu’une grande roue, il n’en restait pas moins qu’ils auraient tout de même une marge de manœuvre bien supérieure à celle qu’ils possédaient précédemment à la terrasse du glacier le plus populaire du Chemin de Traverse.

C'est vrai qu'elle était bonne, cette glace, mais Kael n'avait absolument pas pensé au fait qu'ils n'allaient en effet pas passer l'après-midi installés à une terrasse sur le Chemin de Traverse. Et Lavande le lui rappela comme il faut, profitant quand même encore un peu de ce qu'il y avait dans la coupe, avant de faire signe au glacier. Ce dernier se montra surpris, il ne s'était sûrement pas attendu à ce que deux clients partent sans avoir terminé l'une de ses préparations. Mais Fortarôme se montra compréhensif, comme si son âge lui avait donné une certaine expérience de ce qui se faisait. C'est vrai qu'il devait en avoir vu passer, des gens, des jeunes ou moins, et il avait l'air d'être quelqu'un de plutôt très observateur. Et puisqu'il était plein de ressource, il proposa que la glace ne soit pas gâchée, et qu'ils l'emportent avec eux pour la finir sur le chemin ! Le Celte suivit l'échange jusqu'à ce que la coupelle en plastique lui apparaisse, suite à un coup de baguette magique, directement entre les mains. Quelle efficacité !

"Merci Monsieur ! A bientôt ! lança à son tour Kael, avant qu'ils s'éloignent de la petite boutique.

Il se rendit compte que sa petite amie l'entraînait vers le Chaudron Baveur. Visiblement, la suite de l'après-midi allait se passer ailleurs que sur le Chemin de Traverse, et peut-être même dans le monde moldu. La confirmation ne tarda pas : ils allaient au London Eye, la Grande roue qui surplombait la Tamise ! La vue devait être imprenable. Le Celte s'était toujours demandé s'il pourrait y grimper un jour. Les occasions n'avaient pas manqué, mais c'était typiquement le genre de choses qu'on met dans un coin de sa tête en se disant qu'on va les faire un jour, et puis ça reste dans ce petit coin et ça finit pas resurgir quand on s'y attend pas. Et ce genre de réflexion un peu poussé mais pas trop, ça meuble quand on sait pas trop quoi dire. Bref.

"Le tour est assez long, genre trente minutes... mais faut faire gaffe, faudrait qu'on soit seuls... J'crois qu'on peut mettre plein de monde dans les trucs...

Avoir une glace à manger chacun n'était pas idéal pour avancer bras dessus, bras dessous. Alors qu'ils atteignaient presque le vieux pub, Kael proposa un marché :

"A pied c'est pas très long, mais ça va permettre de finir tranquillement ça. Dès qu'on a fini, on se lâche plus, deal ?

Il tendit la main pour un bon vieux "tope-la". Avec un sourire un peu moqueur. Il y avait bien sûr d'autres moyens, un peu moins conventionnels, de conclure cet accord, mais autant provoquer un peu, non ? Après tout, ils ne s'étaient pas vus depuis un moment, mais ça n'était pas une raison pour rendre tout aussi facile. Re-bref. Quelques poignées de minutes passèrent, les glaces furent englouties, et le Celte put glisser sa main désormais libérée autour de la taille de Lavande. C'était quand même bien mieux. Et alors qu'ils arrivaient au bord de la Tamise, la grande roue apparut. Ils traversèrent le Westminster Bridge et tournèrent à gauche pour s'approcher de la base de l'immense attraction. Puisque c'était elle qui avait les tickets, Kael laissa sa chérie faire. Et pendant ce temps-là, il put constater qu'il avait vu juste : les capsules pouvaient contenir au moins 20 personnes... Un regard vers la file d'attente lui permit de remarquer qu'en négociant un peu, ils pourraient bien se retrouver tout seuls, puisqu'il n'y avait pas beaucoup de monde. Etrange, mais pratique.

"Tiens, y a pas de caméra... J'aurais cru..."

Quelque part, c'était plutôt une bonne chose, non ? Il revint vers la porte pour la fermer, histoire de bien signifier que personne ne se glisserait à l'intérieur avec eux. Non mais oh.

"Ah ben c'est pas mal, tout ça." dit-il, mains sur les hanches, satisfait de la situation qui se présentait.

Ben tiens, tu m'étonnes...

Alors comme ça, Kael était d’humeur joueuse et voulait la traiter comme un « pote » de plus ? Eh bien parfait, elle n’était pas fille à se défiler devant un défi si clairement exposé. Elle rendit donc son sourire moqueur au Celte et lui tapa dans la main, scellant ainsi leur accord. Puis, elle se fit un devoir de profiter de sa glace jusqu’au bout. Kael n’était pas le seul à savoir jouer. Elle n’avait pas droit à son bisou pour sceller un accord digne de ce nom, alors lui n’aurait pas le droit à son câlin tant que sa coupelle ne serait pas aussi propre qu’un sou neuf. C’est qu’après tout, c’était ça aussi être en couple. Pouvoir gentiment jouer avec les nerfs de l’autre tout en sachant quand il convenait de s’arrêter avant que la situation ne tourne au vinaigre. Et puis, quoi d mieux qu’un peu de provocation facile pour mieux se « réconcilier » dans les bras l’un de l’autre après coup. Comme sur le moment lorsqu’elle accueillit avec un sourire le bras de son petit ami autour de sa taille, se rapprochant instinctivement de lui pour se caler tout contre sa hanche, leurs formes s’épousant mutuellement. Le reste du trajet gagna soudain en romantisme, les deux tourtereaux profitant simplement d’une ballade à deux dans la capitale moldue après des semaines séparés l’un de l’autre.

Puis, finalement, le trajet prit fin lorsqu’ils se retrouvèrent au pied du London Eye, qui, si vu de loin était déjà impressionnant, vu de près semblait tout simplement gigantesque. Par chance, l’attraction n’était pas particulièrement prise d’assaut ni par les touristes ni même par les Londoniens et, avec un peu d’efforts de la part de Kael, ils obtinrent leur nacelle particulière. Elle ne put d’ailleurs retenir un éclat de rire lorsqu’il s’étonna du manque de caméras.

-Tu pensais vraiment qu’ils ont des choses à surveiller ? A moins que … un sourire narquois étira ses lèvres, tu es juste déçu que la fille du cabanon ne puisse pas admirer ta plastique de rêve via caméra c’est ça ? Je ne te savais pas exhibitionniste dis donc ! Pas que je sois contre bien sûr, hein.

Elle lui tira la langue et une lueur malicieuse brilla dans son regard.

-Je serais même tout à fait pour prouver au monde que je suis la chanceuse qui a gagné ce gros lot, elle pointa alors son doigt sur le torse bien défini du garçon.

Puis, elle se mit sur la pointe des pieds pour arriver correctement aux lèvres du blond qui avait ravi son cœur et pour de bon. Le baiser ne tourna pas langoureux pour une fois, il resta simplement tendre, cependant Lavande refusait de le faire se terminer. Désormais qu’elle n’avait pas à se préoccuper des observateurs indiscrets -parce que contrairement à ce qu’elle venait de déclamer elle n’aurait que très moyennement apprécié que quiconque s’en mette plein les mirettes- elle voulait enfin profiter du contact de Kael, sans rien qui vienne les déranger. Du moins c’était le plan, mais les lois de la physique étaient contre elle et lorsque la nacelle s’ébranla pour laisser les prochains passagers monter dans la suivante, elle fut déséquilibrée, emportant Kael dans son élan. Ils se retrouvèrent ainsi sur une des banquettes plus ou moins empêtrés l’un dans l’autre. Cependant, miracle ou simplement adresse de son partenaire, elle avait évité le pire de la chute et était seulement plus ou moins assise sur la banquette. Sachant qu’elle aurait pu très bien se faire mal eut-elle été tombée différemment, par exemple le dos contre le rebord de la banquette, elle s’estima heureuse et lança un nouveau sourire amusé à Kael.

-Bizarrement, ce n’est pas à ça que j’avais pensé en t’invitant ici. Toute cette place juste pour nous et, comme deux idiots, nous voilà écrasés dans un coin. Enfin, quitte à être écrasée par quelqu’un, je te choisis sans l’ombre d’un doute … même si tu es un peu lourd. Trop de muscles mon bon monsieur. Quoique peut-on vraiment avoir trop de muscles ?

Elle fit alors semblant de réfléchir, démontrant par là un manque de maturité terrifiant mais qui lui fit un bien fou. Après des semaines à devoir faire attention à tout ce qu’elle disait et faisait pour éviter d’énerver encore un peu plus sa mère et allonger par là encore un peu plus sa réclusion forcée, pouvoir se lâcher enfin et agir comme une gamine si elle en avait envie était un véritable plaisir. Oui, voilà exactement ce dont elle avait rêvé durant tout ce temps : être juste là avec Kael à profiter de sa présence en disant des bêtises sans aucune importance. Juste lui et elle.

Lavande éclata de rire, ce qui fit sourire son petit ami. Au moins, pendant cette sortie exceptionnelle, elle s'amusait, elle en profitait pleinement. Elle parla de choses à surveiller -ce qui en soit était quand même logique, on sait jamais ce qui peut se passer quand la nacelle est tout en haut- et de la fille du cabanon. Kael l'avait à peine regardée, et du peu qu'il pouvait se rappeler d'elle, elle touchait la cinquantaine. Typiquement le genre de femme que personne n'a envie de séduire à moins d'avoir un âge équivalent. Bien sûr, il devait bien y avoir des exceptions, mais celle-là devait avoir du mal à les trouver, les exceptions. Bref. Alors comme ça, il avait une plastique de rêve ? Dans ce cas, il avait une excellente excuse pour être exhibitionniste, non ? Après lui avoir tiré la langue, elle désigna le torse dont on voyait se dessiner les contours à travers le t-shirt.

"Ah oui ? Tu serais prête à tout ?" rétorqua-t-il, alors qu'elle se dressait sur la pointe des pieds pour lui déposer un baiser sur les lèvres.

Baiser qui resta chaste, mais dura. Quelques secondes, qui furent soudainement interrompues. Le mouvement des nacelles était très lent, après tout un tour s'effectuait en une demi-heure, et pourtant, il y eut une légère secousse. Insuffisante pour ébranler le Celte, mais ce ne fut pas le cas pour Lavande. De sa position en équilibre précaire, elle vacilla, s'accrochant à ce qu'elle avait de plus proche : lui. Et du coup, il fut forcé de suivre le mouvement, et tous deux s'empêtrèrent sur la banquette voisine. Elle était plus ou moins assise, et lui était plus ou moins sur elle. Ils restèrent pantois pendant un instant, avant qu'elle ne reprenne la parole. Il la laissa terminer tout en prenant place à ses côtés, afin de cesser de lui faire subir tout son poids. Pas qu'il était lourd, mais il pesait bien plus qu'elle quand même, et ça ne devait pas être si agréable que ça.

"En même temps, on ne va pas utiliser toute cette place..." glissa-t-il, en jetant un regard à la nacelle vide. Il reporta son entière attention sur sa chérie, avec un sourire entendu. "Alors comme ça, j'ai trop de muscles ? Qu'est-ce que tu en sais ? Je les ai peut-être perdus depuis la dernière fois qu'on s'est vu."

Et à ces mots, il retira son t-shirt, qu'il balança, sans se soucier de l'endroit où il atterrirait. A présent torse nu, il se leva et se planta devant Lavande, mains sur les hanches, attendant un verdict. Il aurait aussi pu retirer son jean, mais là, pour le coup, ça aurait été trop. D'ailleurs, il pensa à une chose. Quittant sa position, il s'approcha des fenêtres, doucement, pour s'assurer que personne ne pouvait voir ce qui se passait à l'intérieur. Ils n'étaient pas partis depuis suffisamment longtemps, mais heureusement, il n'y avait aucun bâtiment trop haut aux alentours, la voie était donc libre.

"La vue est pas terrible, va falloir encore attendre..." lâcha-t-il, en retournant s'asseoir près de Lavande.

Sa main glissa dans le dos de sa petite amie et remonta lentement, alors que l'autre s'emparait délicatement de son menton pour l'attirer vers son visage. Le baiser fut cette fois langoureux, et long, long. Aucune secousse ne vint le troubler, jusqu'à ce qu'enfin l'union de leurs lèvres se brise.

"Si tu savais comme je t'aime."

Puis il s'étendit vers l'arrière pour s'allonger sur la banquette, attirant Lavande avec lui pour qu'elle repose contre son torse. Quel que soit le moment qu'il passait avec elle, ça rattrapait tout ce temps passé loin l'un de l'autre. La punition qu'elle avait reçue de ses parents avait été une sanction pour tous les deux. Et en quelques sortes, il avait partagé sa peine. La récompense en valait bien le coup. Il se refusa de penser à l'instant où ils devraient se séparer, encore. En espérant que ça soit moins long la prochaine fois.

-Alors comme ça, j'ai trop de muscles ? Qu'est-ce que tu en sais ? Je les ai peut-être perdus depuis la dernière fois qu'on s'est vu.

Hein ? Quoi ? Non ! Il se moquait d’elle voilà tout. Evidemment qu’il n’avait pas perdu ses muscles. Et puis quoi encore ! Il était sportif et aimait s’entretenir. Sans compter que s’il avait perdu du muscle, alors elle était vraiment une crevette à côté de lui parce qu’elle avait senti la différence de poids durant l’instant où il avait été forcé de s’appuyer sur elle. Heureusement pour sa santé mentale, ses doutes existentiels furent bien vite apaisés lorsque le Celte se mit torse nu. La jolie blonde put alors constater à loisir que, non, les pectoraux et abdominaux bien définis de son copain n’avaient pas magiquement disparu pendant leur finalement plutôt brève séparation. Dire qu’elle en fut soulagée aurait été un peu fort, elle n’était pas si matérialiste que ça tout de même, m’enfin bon il aurait aussi été bête de cracher sur une vue pareille quoi ! Non mais il fallait le voir jouer les top-modèles masculins le Kael quand même. Rien à dire, y’avait du potentiel et Lavande savait de quoi elle parlait, elle avait passé plus d’une soirée en compagnie de Parvati à fantasmer sur les plus beaux modèles de Wizard Paradise à Poudlard.

Elle lui lança donc un regard appréciatif et lorsqu’il critiqua la vue depuis la nacelle, elle ne put s’empêcher de rétorquer.

-Alors là, va falloir que je te contredise. Moi je la trouve parfaite la vue.

Evidemment ce n’était pas de la vue londonienne dont elle parlait, mais plutôt de celle de l’étudiant qui s’en retournait vers elle. C’est qu’on pouvait voir ses muscles en marche pendant qu’il s’approchait d’elle bon sang ! Et pour ne rien arranger, à peine posé à ses côtés, il s’empara de nouveau de ses lèvres en la serrant contre elle. Evidemment qu’après elle avait le cerveau en compote face à ce genre d’attaque, c’était pas du jeu ! Enfin, elle s’en plaignait mentalement pour la forme seulement hein, parce que si Kael en venait soudain à s’arrêter, elle serait bien plus malheureuse. Elle se laissa donc aller tout contre le torse bien défini du garçon, un sourire heureux dessiné sur ses traits à l’écoute de sa déclaration d’amour. Elle ne s’en lasserait jamais. Elle pourrait l’entendre de la bouche du Breton encore et encore et ce jusqu’à ce qu’elle soit tellement vieille qu’elle ne se rappellerait même plus de son nom.

Appuyée contre le torse de Kael, elle écoutait les battements réguliers du cœur du garçon et s’émerveilla de réaliser concrètement qu’il était là. Juste là. De nouveau à ses côtés. C’était presque idiot qu’il lui ait tant manqué en tout juste trois semaines mais pourtant telle était la réalité. Elle s’était habituée à le savoir toujours prêt d’elle en cas de besoin et ces dernières semaines étaient venues contredire toute sa routine d’une façon des plus désagréables. Elle releva donc la tête et déposa un baiser furtif sur les lèvres de Kael avant de répondre en souriant doucement :

-A peu près autant que je t’aime.

Parce qu’il était tout bonnement impossible qu’un garçon aussi merveilleux que lui puisse aimer autant une fille aussi remplie de défauts qu’elle. Certes, elle ne doutait pas ou plutôt plus de son amour pour elle, il le lui montrait suffisamment et elle avait appris à croire en elle à ses côtés, mais lorsqu’elle pensait à lui le sentiment de plénitude et de joie qui l’envahissait était si écrasant qu’il était dur d’imaginer qu’il puisse ressentir la même chose à son égard. Cependant l’heure n’était pas aux réflexions profondes sur la nature de leurs sentiments respectifs, elle était au simple partage de ce moment à deux. Au diable les questionnements, place aux sentiments en eux-mêmes. Et pour l’instant ce dont elle avait envie, c’était de rester allongée dans les bras de Kael, sans se préoccuper de la grande roue qui continuait de monter, de la vue qui s’améliorait progressivement ni de rien d’autre. Elle voulait juste s’intéresser à lui. Parce que le blond était un tel gentleman et elle une telle pipelette que leurs discussions tournaient le plus souvent autour de sa vie à elle. Pour une fois, elle voulait lui rendre la pareille. Lui démontrer qu’il comptait tout autant et qu’un couple marchait dans les deux sens. Après tout, elle était celle qui avait merdé lors de la manifestation et résultat il était celui qui en avait subi une grosse partie des conséquences. Université fermée, petite amie retirée et pour ne rien arranger, ils avaient dû se voir le seul jour où elle pouvait. Il était donc temps de faire quelque chose pour lui. Elle murmura donc contre son cœur :

-Parle-moi de toi. Dis-moi n’importe quoi, pourquoi tu as voulu rentrer au BDE, comment tu as réagi quand tu as ta lettre pour Poudlard, ce que tu veux, je veux juste en savoir plus sur toi.

Car elle n’en saurait jamais assez sur le seul garçon à lui avoir par deux fois ravi son cœur.

Alors comme ça, la vue était parfaite ? Comme quoi, Kael s’était planté lorsqu’il avait fait semblant de faire croire à Lavande que son corps d’athlète avait fondu durant l’intervalle entre la fois précédente où ils s’étaient vus et aujourd’hui. C’est donc pas peu fier qu’il prit place sur la banquette de la nacelle. La tête reposant sur le torse de son homme, Lavande se redressa juste le temps de l’embrasser, rapidement, et de lui rendre sa déclaration d’amour. Et puis elle reprit sa position. D’une main, il lui caressait les cheveux. Et il lui passait l’autre dans le dos, montant, descendant, délicatement, jusqu’à ce que ses doigts n’attrapent le bas de son top, juste ce qu’il fallait pour le faire glisser un peu et atteindre la douce peau en-dessous. Quelques centimètres découverts sur lesquels cette main s’attarda, tout en subtilité.

Il revit le jour où ils s’étaient retrouvés. C’était allé très vite. Une erreur de courrier, et il avait débarqué dans la chambre de Lavande. Il ne s’en était pas fallu de beaucoup pour que cette proximité renouvelée ne les pousse au péché. Ça allait faire un an au mois d’octobre. Année qui allait s’ajouter à celles de Poudlard, plus chastes, mais non moins passionnées. Une fois encore, il se demanda comment il avait fait pour vivre loin d’elle durant tout ce temps. Rien que son absence près de lui depuis le procès avait causé un grand vide en lui. Et il n’y avait pas eu les cours pour lui changer les idées. Quand elle s’y mettait, la vie était vraiment une sal*pe. Mais elle était là, tout contre lui.

Elle rompit le silence en lui imposant une contrainte : il fallait qu’il parle de lui. Un exercice dans lequel peu de gens excellent. Mais il pouvait bien essayer… Elle donna même des exemples. Le BDE. Poudlard… En fait, mieux valait commencer par le début… Il prit une inspiration, qui fit s’élever légèrement le visage de Lavande, avant de parler :

« J’ai pas reçu de lettre de Poudlard. J’étais en France pour ma première rentrée. Je suis allé à Beauxbâtons. Je savais déjà que j’étais un sorcier, grâce à Erwan. Mais ça fait quand même quelque chose de recevoir un courrier officiel pour nous dire qu’on va intégrer une école spéciale… »

Et pendant un an, le petit Celte avait arboré l’uniforme bleu de l’Institut français, avant que ses parents ne déménagent pour Londres. Durant les vacances d’été, un arrangement avait été trouvé avec Poudlard, et il avait pu entrer directement en Deuxième Année, en passant tout de même par la cérémonie de répartition.

« Et puis y a eu Poudlard. Je sais pas si y a eu des cas comme moi avant, qui rentrent en Deuxième Année… Je crois que j’aurais pu être à Gryffondor, mais le Choixpeau a trouvé des qualités qui comptaient plus chez les Blaireaux. Je n’ai pas eu à me plaindre, et puis j’ai quand même pu montrer que l’oppression à Poudlard n’avait pas sa place. »

A présent qu’il en parlait, il se rendit compte qu’il n’avait jamais parlé à personne du groupuscule monté durant sa Septième Année. Personne n’était jamais remonté aux sources…

« Y a eu l’AD, bien sûr, mais surtout les Black Badgers… On a peut-être un peu forcé, mais fallait bien montrer aux Carrow qu’on savait aussi résister. Avec du recul, je regrette de pas leur en avoir plus fait voir de toutes les couleurs. »

Son regard se perdit dans le vague, et pendant quelques secondes, il se demanda depuis combien de temps ils étaient partis. Mieux valait ne pas rater l’atterrissage, ça ferait désordre qu’on le découvre torse nu, les gens se demanderaient ce qui s’était passé dans cette nacelle…

« A l’UMA, je suis rentré au BDE parce que… je sais pas, en quelque sorte, j’ai voulu prolonger mon rôle de Préfet et de Préfet-en-Chef. J’aime bien avoir des responsabilités. Pas parce que ça me rend important, hein, mais j’aime aider et prendre des décisions pour faire avancer les choses, pour animer, tout ça… »

Il s’arrêta. Il avait pas mal parlé, là. A l’aide du coude, il se redressa, pour se retrouver en position assise.

« Et toi, alors, ma petite lionne ? Le Choixpeau t’a dégoté une nature de casse-cou, hein ? En même temps, tu t’es jetée dans mes bras, il faut avoir du courage pour ça. »

Le ton avait été relativement neutre sur la fin. Il se montrait un peu taquin, attentif à la réaction de sa chérie.

Tiens elle avait oublié ce détail ! Il est vrai que si elle n’avait rencontré Kael qu’en deuxième année au lieu de le croiser en cours dès la première année c’était parce qu’il était arrivé en milieu de scolarité à Poudlard. Un évènement rare mais pas unique puisqu’elle avait souvenir d’Akiko lui parlant de son meilleur ami qui avait, lui aussi, vécu une situation similaire. Sauf que si elle se rappelait bien, le copain de la petite française venait, lui, de Durmstrang. Là, tout de suite, elle ne se souvenait plus de son nom mais apparemment il était Russe. Ce qui expliquait d’ailleurs en partie qu’elle ne se souvienne plus de son nom, parce que elle et les langues étrangères …

Heureusement, elle avait toujours considéré que puisque l’anglais était à peu près compris partout, elle pourrait plus ou moins s’en sortir. Car ce n’était pas qu’elle n’aimait pas les langues, au contraire, elle adorait en apprendre plus sur d’autres cultures, c’était juste qu’elle était mauvaise. Elle avait un accent à couper au couteau et elle ne réussissait jamais à retenir les formules grammaticales. Non vraiment, elle avait encore des souvenirs atroces des cours d’initiation à l’espagnol et au français qu’elle avait eu en primaire à l’école moldue et elle ne voulait plus jamais revivre ça ! Comment une langue pouvait avoir autant de temps différents bon sang ?! L’imparfait du subjonctif pour n’en citer qu’un mais qui avait inventé un truc pareil ?

-Y a eu l’AD, bien sûr, mais surtout les Black Badgers… On a peut-être un peu forcé, mais fallait bien montrer aux Carrow qu’on savait aussi résister. Avec du recul, je regrette de pas leur en avoir plus fait voir de toutes les couleurs.

Ah l’AD que de souvenirs … Par contre elle tilta sur le nom des Black Badgers. Ça lui rappelait quelque chose mais elle ne savait pas trop quoi, c’était un nom qu’elle avait déjà entendu, elle en était sûre mais elle n’arrivait plus à le reaplcer. Et surtout elle n’avait jamais entendu Kael en parler. Non pas que ça l’étonnât tant que ça, après tout après leur séparation, chacun avait vécu sa vie de son côté, même lors de l’AD ils ne se fréquentaient plus tant que ça. Pas que leurs relations aient été froides ni rien du même ordre, l’eau avait coulé sous les ponts depuis leur rupture mais apparemment ils n’avaient à l’époque plus rien à se dire. Comme s’ils avaient eu besoin de se séparer complètement pour mystérieusement se retrouver lorsqu’ils auraient tous les deux mûri. Elle se promit donc de l’interroger plus longuement là-dessus quand il aurait fini de parler. Car elle considérait des plus impolis d’interrompre quelqu’un, surtout quand vous étiez la personne qui l’aviez amené à parler en premier lieu. Elle le laissa donc finir et sourit en l’écoutant expliquer ses raisons d’entrer au BDE. Ça lui ressemblait tellement, il avait toujours été responsable, c’était une des qualités qu’elle aimait le plus chez lui. Il lui offrait une stabilité dont elle avait terriblement besoin.

-Et toi, alors, ma petite lionne ? Le Choixpeau t’a dégoté une nature de casse-cou, hein ? En même temps, tu t’es jetée dans mes bras, il faut avoir du courage pour ça.

Aha, la question à mille gallions ! Elle se permit un léger rire devant l’évocation de son soi-disant courage et commença par attraper la perche qu’il lui tendait là, ne sachant pas trop par où s’y prendre sinon.

-Moi je dirais que c’est surtout toi qui as eu du courage, sortir avec la cruche de service, il fallait le faire. Tu devais être soit très innocent et naïf étant donné que tu étais nouveau soit comme tu dis le Choixpeau avait vu un possible Lion en toi.

Le clin d’œil qu’elle lui adressa avait pour but de lui faire comprendre qu’il s’agissait purement d’autodérision et pas d’autocritique. Elle savait qu’il avait toujours détesté qu’elle se dénigre en reprenant les insultes utilisées contre elle, mais avec le temps elle avait appris à s’élever au-dessus de tout ça. Elle savait même se moquer d’elle sans en être blessée, comme quoi tout le monde finissait par mûrir un jour ou l’autre.

-Et maintenant plus sérieusement, à vrai dire je n’ai jamais totalement su pourquoi le Choixpeau m’avait mis chez les Griffons. J’étais tellement abasourdie par la simple idée d’être une sorcière à la base que tout le reste me semble un peu flou. Je me souviens pourtant qu’il m’avait dit quelque chose dans le style de « Tu es sociable et tu as du potentiel mais tu as encore trop d’insécurités, il te faut un environnement chaleureux et qui te pousse à te surpasser. Tu te surprendras ». Sur le coup je crois que j’avais juste eu peur qu’un bout de chiffon soit comme ça capable en dix secondes de lire en moi comme dans un livre ouvert. Il faut dire aussi que, si j’étais surexcitée à l’idée d’être une sorcière, j’étais terrifiée de ne pas être à la hauteur. Je n’avais jamais été une flèche en primaire alors pourquoi l’aurais-je été dans un collège de sorciers ? Tout était si surréel. Au début, j’ai même cru que c’était une erreur quand j’ai appris que j’avais atterri dans la maison des Courageux parce que tu comprendras qu’avec Brown comme nom on n’avait pas eu le temps de m’expliquer grand-chose avant que je ne passe sur le tabouret. Enfin, dès le soir même, j’ai fait la connaissance de Parvati et, à partir de là, je n’ai pas regretté une seule fois mon placement. Au contraire, c’est le fait même d’avoir été placé chez les Rouge-et-Or qui m’a poussé à entrer dans l’AD en cinquième année. Je m’étais dit que c’était l’occasion de me prouver définitivement que j’avais ma place chez les Gryffondors. Parce qu’à l’époque je ne croyais pas encore vraiment au retour de Tu-Sais-Qui. Ou plutôt je ne voulais pas y croire. J’avais trop peur je pense. C’est peut-être aussi pour ça que, dans l’éventualité où Harry aurait dit la vérité, je voulais être aussi prête que possible.

Elle réalisa alors une chose.

-En fait, tu as eu beaucoup de chance que ton oncle ait été sorcier. Combien de fois ai-je rêvé d’avoir un adulte avec qui parler de toutes mes questions pendant l’été. Ne serait-ce que pour réviser les examens ça aurait été utile. Enfin, ma mère avec son travail, a tout de suite adoré les potions. Je me souviens que les premiers étés, elle tenait absolument à ce qu’on en fasse ensemble alors que j’étais nullissime. Ca a donné plus d’une situation cocasse, pouffa-t-elle.

Puis elle se souvint de sa précédente interrogation.

-Mais j’y pense, avant d’oublier, c’est quoi cette histoire de Black Badgers, je suis sûre d’avoir déjà entendu le nom mais impossible de mettre le doigt dessus.