On dit que le Phénix rennaît plus fort de ses cendres... [PV]

L'hiver brutal et glacial s'estompait peu à peu et laissait sa place aux beau jours, encore frais mais plus doux. Le Printemps se rapprochait vite, et telle la fleur qui patientait son heure pour éclore, Megan revenait d'une longue, très longue, hibernation. Il lui semblait qu'une nouvelle vie lui tendait les bras en même temps que sa saison préférée. Les jours à venir s'annonçaient meilleurs, elle en était certaine. Un léger sourire se dessina d'ailleurs sur son visage émincé lorsqu'elle aperçu le vieux concierge s'approcher d'un pas traînant vers l'incroyable grille sombre. La frêle silhouette de la jeune fille semblait bien insignifiante à côté... Elle laissa l'angoisse lui étreindre l'estomac tandis qu'elle avait l'excitation de la première année, devant le portail majestueux de l'école. Le cracmoll lui ouvrit enfin les portes de l'illustre école de magie, ne pouvant s'empêcher de maugréer sombrement, en agitant vivement sa lampe.

« Allez, allez plus vite que ça ! Non mais c'est quoi ces manières de débarquer en pleine nuit ! C'est pas le Chaudron Baveur ici ! C'est une école bon sang ! » maronnait le vieux fossile, en claudiquant derrière la jeune fille.

Megan n'écouta même pas la suite des longues lamentations, bien trop fascinée par la beauté de l'imposant château qui les surplombait tous deux, minuscules petits êtres, de sa noblesse et de son prestige. Toute cette magie qui s'en dégageait, tout cet immense pouvoir, et cet aura mystérieux qui l'enveloppait... Cette grandiose bâtisse, symbole de puissance et de magie, qui semblait indestructible, éternelle lui avait manqué. Elle avait eu l'impression d'être plongée dans un lac durant des mois et des mois, et de se noyer, peu à peu, d'avaler des litres d'eau, de souffrir sans jamais céder. Cette impression d'avoir les poumons pleins à craquer, d'avoir un étau qui lui enserrait la cage thoracique, cette impression frustrante de quitter la vie dans d'atroces douleurs, sans partir réellement. Et aujourd'hui enfin, elle sortait la tête de l'eau, et un sentiment de soulagement l'étreint tout à coup. Elle revivait ! Elle était un peu comme le Phénix, qui après avoir été réduit en cendres, renaissait doucement.

Sa marche lascive se stoppa finalement après qu'elle eut traversé le parc du château, et pénétré dans le hall. Elle atteint finalement le tableau, gardien de l'antre des vert et argent, et se retourna, un sourire mi amusé mi exaspéré pendu aux lèvres. Son regard d'un saphir troublant, se posa alors sur le vieux concierge, et elle lui souffla aimablement, sur un ton dépourvu de toute forme d'irrespect ou d'arrogance :

« Je pense que vous pouvez me laisser maintenant. Je vous remercie, et je vous souhaite une excellente nuit Monsieur Rusard. »

Sans se départir de sa moue éternellement aigrie, le vieil homme maugréa et disparut tout en proférant des malédictions à l'encontre des élèves, suivit de près par Miss Teigne. Après avoir donné le mot de passe à la toile qui la laissa entrer, une nouvelle impression de liberté s'empara de la brune. Elle était chez elle. Ici, elle pouvait agir librement. Elle s'avança doucement dans la salle commune sombre, en prenant soin de ne faire aucun bruit. Elle ne voulait surtout pas réveiller ses camarades, même si au fond, l'envie la brûlait terriblement. Toujours silencieusement, elle entreprit de monter les escaliers de pierre pour atteindre son dortoir, mais un élément inconnu lui barra le passage. Surprise, elle poussa un léger cri et manqua presque de tomber à la renverse. Elle se rattrapa de justesse au bras de l'individu, tandis que son talon gauche lui servit d'appui pour se maintenir en équilibre.

Sa lourde capuche d'un bleu sombre en velours glissa soudain, dévoilant son visage d'opaline. Ses traits s'étaient affinés, et la petite fille d'autrefois, l'enfant aux joues rosés, aux pommettes bien gonflées, avait disparu. Ces longs mois d'absence l'avaient incroyablement changé. Son regard avait tout perdu de sa malice passée, ses merveilleux iris de saphir ne brillaient plus. Il y avait à présent un vide profond. Il n'y avait plus que ce sombre reflet de sa longue et intense formation avec son grand-père. Son visage également portait encore les marques de la fatigue de ces dernières semaines. De profondes cernes soulignaient ses yeux, et son teint, déjà bien pâle, était d'un blafard déplorable. La jeune fille avait également beaucoup maigri et perdu toutes les jolies rondeurs de son visage, maintenant bien chétif. Pourtant, une certaine beauté transparaissait à travers cette image pathétique de la sorcière. Une beauté plus ténébreuse, plus sombre toutefois que la beauté mignonne de l'enfant gourmande et malicieuse d'autrefois. Elle n'était peut être plus que l'ombre d'elle même, elle avait peut être la mine désolante d'une jeune fille qui venait de frôler la Mort en personne, mais une étincelle semblait venir la raviver de l'intérieur, et lui rendait un peu d'éclat.

Machinalement, elle avait sorti sa baguette et un lumos éclaira faiblement la pièce. Et enfin son regard le rencontra. Alix Ylian. Son ancien meilleur ami, celui qu'elle avait bassement trahi par le passé. Un instant, elle fut incapable de quoi que ce soit. Elle ne savait pas quoi dire. Oui, parce que après tout, que dire après tant de temps ? Fallait-il tout simplement ignorer leur querelle passée ? Se dire un bonsoir cordial puis repartir ? Se serrer dans les bras l'un de l'autre et se demander pardon ? Non... Visiblement la dernière solution n'était pas envisageable. Trop de choses s'étaient passées. Elle avait bien trop souffert, bien trop subit la puissance de son grand-père, elle avait été humiliée, rabaissée, mise plus bas que terre, détruite, et finalement elle s'était relevée. « Ce qui ne tue pas rend plus fort » disait-on, et bien elle le pensait maintenant. Elle n'avait pas succombé au pouvoir du chef de clan, elle avait vaincu de justesse la mort, elle avait affronté des formes de magie insoupçonnables, enduré des coups insoutenables, alors il était désormais impensable pour elle de faire preuve de faiblesse. Plus jamais elle ne fléchirait l'échine, plus jamais elle ne verserait une larme, plus jamais elle ne serait faible. Jamais.

Sans trop réfléchir, elle se mit à dévisager d'un œil inquisiteur son ancien ami, et remarqua l'apparence bien plus inquiétante qu'avant du jeune homme. Si par le passé elle se souvenait qu'il fut bien mince à cause de son emploi de mannequin, elle n'avait pas le souvenir de l'avoir vu un jour aussi squelettique. Conservant le masque d'impassibilité qu'elle s'était forgé pour dissimuler sa peur de mourir devant Xenophius, quand elle était gravement malade, elle brisa finalement le silence de plomb qui régnait que trop longtemps à présent.

« Bonsoir. Je suis désolée si je t'ai réveillé. Je viens d'arriver, et j'ai pourtant bien essayé de me faire discrète. »

Oh évidemment elle savait bien qu'elle n'était pas la cause de l'insomnie de son comparse, elle n'avait pas fait le moindre bruit, mais il lui fallait un prétexte pour engager la conversation, et elle n'en avait trouvé de meilleur...

-ce petit brin de maladresse me rassure sur ton identité querida amiga. C'est bien la seule chose qui n'ait pas changé... Toi aussi tu as eu des semaines difficiles je vois.

Alix ne mâchait pas ses mots, il n'allait pas dire que la jeune fille était pimpante alors qu'elle était visiblement amaigrie et fatiguée comme lui. Dame Ironie encore une fois avait frappée, et le sorcier était à peu près persuadé que comme lui Megan venait de rentrer après une absence d'un temps plus ou moins long, cependant comme cela ne restait qu'une supposition du coup il préféra se taire sans compter que malgré sa franchise il ne voulait pas pousser le bouchon trop loin.

Le mannequin l'aida à se maintenir en équilibre, l'amenant contre lui pour la scruter avec ses yeux curieux, la laissant faire de même pour lui, un privilège qu'il ne donnerait pas à tout le monde. Bizarrement l'adolescent se doutait un peu que Megan avait dû subir les foudres de son grand-père, il n'était pas sûr à 100% incapable de lire dans les pensées mais il connaissait la jeune fille depuis longtemps, c'était malgré sa trahison une de ses meilleures et seules amies. Le métisse ne trouvait pas ses mots alors il resta silencieux un bon moment avant de saisir la Serpentarde contre sa poitrine pour la serrer, ignorant si elle allait se dégager ou se laisser faire voir répondre à son étreinte. Elle lui avait manqué, tout lui avait manqué ici même ses ennemis parce qu'à l'hôpital il faut le dire le mannequin s'était franchement ennuyé. Quand quelqu'un vous insultait on pouvait répondre même si on était moins fort que lui. Se faire casser la figure ou réussir à lui clouer le bec était un droit alors que la maladie ne vous laissait aucune possibilité se faisant alliée de votre traître de corps.

-Tu allais aux dortoirs directement?

Une question anodine, déplacée après des retrouvailles si intenses mais Megan pouvait lire dans le regard d'Alix tout ce que ses lèvres ne disaient pas. Sous le côté badin de la chose, se cachait beaucoup d'émotions. Il mourrait d'envie de lui demander ce qui s'était passé mais ne le fit pas, espérant qu'elle le lui dirait d'elle-même, peut-être si elle se sentait prête, cela ne l'empêcha pas de marmonner distinctement ceci.

-Si c'est encore lui, je vais lui casser la gueule

Alix serra les poings, c'était presque comique de le voir lui si fragile d'apparence-plus encore depuis l'été 1999- mais Megan si elle le connaissait bien et c'était sûrement le cas se doutait qu'il serait bien capable de s'y essayer sans aucune peur. Le jeune garçon avait toujours été bagarreur malgré le fait qu'il perdait très souvent ses combats. Présentement il s'agissait d'une amie qu'un abruti de vieillard avait peut-être maltraité, Alix porté par la rage rien qu'à cette pensée se sentait effectivement capable de lui "casser la gueule".

Inattendue. Megan n'aurait su mieux définir la vive réaction de son comparse, qui après l'avoir à son tour longuement observé, la serra contre lui étroitement. Ne sachant comment réagir, la jeune fille se laissa contre le torse du mannequin, éprouvant toutefois un certain réconfort à trouver refuge dans cette étreinte chaude et protectrice que lui offrait Alix. Il y avait bien longtemps qu'on ne lui avait pas témoigné tant d'affection, ainsi, même si les circonstances étaient un peu étranges, elle se ne se défit pas des bras fragiles de son ami. Un sentiment agréable lui grimpa l'échine, tandis qu'elle enroulait ses bras minces autour de la taille du jeune homme. En plusieurs mois, elle n'avait été la cible que de violences, et les seuls contacts physiques étaient devenus synonymes de douleur. Il était donc à la fois soulageant mais aussi troublant que de recevoir un peu de chaleur et d'amour, surtout de la part d'une personne que l'on avait blessé. Certes, Alix n'était peut être pas la première personne que Megan aurait voulu, ou même tout simplement imaginé revoir et étreindre, mais il lui suffisait pour l'instant.

« Oui, je viens d'arriver, je me rendais à mon dortoir. Et toi qu'est-ce que tu fais encore debout ? Tu sais aussi bien, voir même mieux que moi que l'insomnie est mauvais pour le teint chéri ! » lui lança-t-elle, un mince sourire narquois étirant ses lèvres pâles.

La remarque suivante de l'ancien préfet des Serpentard lui fit perdre tout à coup son sourire. La simple évocation en ces termes de Xenophius lui était insupportable. Que ce soit Alix ou un autre, personne n'avait le droit de porter un jugement sur lui. Ils ne savaient pas ce qu'elle avait subi. Ils l'ignoraient tout simplement. Ils n'étaient pas à sa place lorsqu'elle était enfermée dans les cachots avec Hector pour bourreau. Ils n'étaient pas à sa place quand sa vie ne tenait plus qu'à un fil, et qu'elle mourrait à petit feu en Afrique. Elle était la seule à pouvoir se plaindre ou non de son traitement, la seule à pouvoir condamner ou non son grand-père. Elle interdisait quiconque de le faire à sa place, ou bien qu'il souffre comme elle avait eu mal. Il était facile de porter des jugements quand on était que spectateur, mais être l'acteur était plus difficile. Nul ne connaissait les circonstances de sa torture, nul ne connaissait la raison de son traitement. Elle ne défendait pas son grand-père, mais elle refusait que quelqu'un d'autre ne le juge à sa place. Elle était sa victime, c'était à elle d'estimer le sort mérité par son bourreau. Elle fronça les sourcils d'un air sévère, et toisa sombrement Alix.

« Non Alix. Tu ne « casseras la gueule » à personne. Tout d'abord parce que tu n'en aurais pas le pouvoir, mais aussi parce que cette histoire ne te concerne pas. Pas plus qu'un autre d'ailleurs. Je te défends de porter des jugements aveugles sur lui, car tu ignores les raisons qui l'ont poussé à m'infliger tout ça. Maintenant sache que je ne lui en tiens pas rigueur. Alors, si je peux espérer que l'amitié qui nous a uni par le passé puisse se reconstruire, je te demande de ne plus jamais le condamner. Tu es d'accord ? »

La jeune brune posa sa main froide sur la joue du métisse, comme pour le supplier d'abdiquer et de ne pas chercher à contester sa demande. Elle ne voulait pas de conflit ce soir, et encore moins avec lui. Elle ne cherchait en cette douce nuit, qu'un peu du repos qui lui avait été cruellement arraché durant des mois. Un peu de calme et de sérénité, pour apaiser les plaies pas encore complètement cicatrisées de son esprit.

-Mouais...

Alix en avait marre, Megan s'infligeait elle-même ses souffrances, elle n'arrêtait pas de défendre ce sale type, néanmoins sa supplique silencieuse parut porter ses fruits. En réalité le métisse était trop fatigué pour continuer la dispute qui s'annonçait. L'adolescent se contenta donc d'un soupir puis d'un baiser sur les cheveux de Megan. Autant laisser tomber donc, surtout qu'il ne voulait pas perdre une amie à peine retrouvée, autant ménager leur amitié encore fragile, après tout il pensait y arriver, Jason et lui avaient un mode de pensées très différent mais parvenaient à se supporter et même plus. Bon là ce n'était pas la même chose, Megan acceptait volontiers d'être maltraitée, c'était intolérable mais pour l'instant Alix ne pouvait rien y changer, se fâcher avec elle ne l'aiderait pas, il valait mieux garder ses cartes pour le jour où l'adolescente serait plus réceptive. De plus il l'aimait beaucoup, il se devait donc de se montrer tolérant et patient, la jeune fille serait un jour ou l'autre prête à accepter le statut de son papi, elle comprendrait qu'en le laissant faire elle souffrait plus que si elle s'éloignait une bonne fois pour toutes.

-Bon... Allons manger un bout qu'en penses-tu? Je n'ai pas eu le temps ce midi ni se soir, et puis ça améliorera peut-être un peu notre teint... Parce que le tien non plus n'est pas génial.

Alix sourit légèrement, c'était difficile d'oublier que Megan était frappée ou humiliée voir les deux, ressortir de la conversation comme si de rien n'était le faisait culpabiliser, c'était cruel de la part de son amie de le forcer à garder le silence mais pour l'instant nul choix. L'adolescent poussa un petit soupir et se força à montrer de la bonne humeur, il fallait rester positif.

-Sinon je ne fais pas d'insomnie; je viens à peine d'arriver à l'école en fait... J'ai été malade avant.

Le mannequin ne souhaitait pas s'étendre sur ses soucis personnels, il était tout de même étonné de cette coïncidence, apparemment ils revenaient tous les deux après une longue absence le même jour qui plus est. La vie était vraiment une grande farceuse, dommage que son humour soit si mauvais, en général peu l'appréciaient et lui n'était pas parmi ceux-là, mais bon, il fallait faire avec.

La cuisine avait une grosse signification pour eux, c'était là qu'ils étaient allés après la tentative de suicide de Megan -à l'aspirine rappelons-le.-La gamine requinquée l'avait forcée à manger des lasagnes, là ils s'étaient confiés, construisant ainsi leur amitié, sans compter qu'il avait vraiment faim.

-Alors qui t'a ramené? Tu as eu des cours pendant les vacances? Moi depuis février j'ai des précepteurs, mais depuis février seulement, je dois avoir pris un retard monstre.

Alix poussa un petit soupir de découragement, sa main droite postée sur sa hanche et la gauche chassant une mouche invisible ou plutôt les difficultés qui s'annonçaient. Il avait travaillé d'arrache-pied mais craignait de ne pas réussir mais c'était aussi un moyen d'en venir à des conversations plus faciles. Certes ne pas avoir le niveau restait inquiétant, surtout en 6 ème année mais c'était une discussion normale au moins.

[HJ: on n'a qu'à rester ici même si on dit qu'on y va si tu veux^^ C'est plus pratique.]