Il y a de cela désormais une quinzaine de jours un nouvel arrêté ministériel a fait sensation dans la communauté sorcière de Grande-Bretagne. En effet, dans l’optique d’une meilleure intégration de nos compatriotes sorciers dans les milieux moldus, M. le Premier Ministre Shacklebolt et ses collaborateurs ont pris une série de décisions qui, lorsqu’elles seront menées à terme -ce dont les membres du Ministère se chargeront avec zèle nous n’en doutons pas une seule seconde- ne manqueront pas de chambouler plus ou moins sérieusement la vie de la plupart de nos concitoyens. Car il s’agit ni plus ni moins que d’être comptabilisés comme des Moldus de plus -recensement à la naissance, possession d’une carte d’identité à la majorité et inscription dans les fichiers de police moldue lors de la perpétration d’un délit- avec tout ce que cela implique comme conséquences, voire complications diront certains sceptiques.

Ainsi, la première question que l’on peut se poser concerne tous les problèmes administratifs qu’une telle décision engendrera. Quel est par exemple l’intérêt de vivre reclus dans une zone Repousse Moldus si c’est pour devoir indiquer son adresse au moment d’obtenir une carte d’identité ? De même, le gouvernement moldu ne sera-t-il pas étonné de voir des milliers de personnes adultes ne déclarant ni travail rémunéré ni impôts qui s’en suivent ? Peut-être que le fait de passer par le Ministère de la Magie pour faire toutes ces démarches simplifiera le processus mais il s’agit tout de même là de plusieurs petits détails qui, accumulés les uns aux autres, laissent assez claire la volonté toujours grandissante de nos dirigeants de ne faire plus qu’un avec nos voisins Moldus. Car sinon toutes ces nouvelles règles ne feraient que compliquer encore un peu plus une cohabitation déjà parfois bien ardue.

C’est d’ailleurs l’ordre du jour annoncé du prochain sommet de la Confédération Internationale des Sorciers durant laquelle M. Shacklebolt envisage ni plus ni moins que de proposer à nos amis étrangers de supprimer purement et simplement le Code International du Secret Magique. Une décision qui, si elle voit le jour, changerait à jamais la face du monde puisque je rappelle à ceux de mes lecteurs qui n’auraient que de vagues souvenirs des cours du professeur Binns que la séparation Moldus/Sorciers dure depuis maintenant plus de trois siècles (plus précisément depuis l’année 1689).

J’ai donc décidé d’interroger la future génération qui prendra le pouvoir lorsque tous les changements actuellement en cours seront -ou non- passés à la postérité pour connaître leur avis sur toutes ces nouvelles décisions. J’en profite d’ailleurs pour remercier tous les étudiants de l’Université de Magie Avancée d’Angleterre d’avoir accepté de m’accorder quelques minutes de leurs temps pour répondre à mes questions.

La première question que je leur avais posée concernait leur opinion générale sur la politique de notre premier ministre, les réponses étant assez mitigées. Si personne ne s’y oppose fermement, nos jeunes sont dans l’ensemble plus conservateurs que ce à quoi on pourrait s’attendre. En effet, l’un d’entre eux, Mr Tomas Herz, n’hésite pas à parler du risque de « discrimination » auquel les Sorciers pourraient avoir à faire face parmi les Moldus, suivi en cela de Miss Ann-Charlotte Doeringer qui envisage, quant à elle, l’option inverse, à savoir prendre exemple sur les Américains et créer plus de villes entièrement sorcières au-delà du très connu village magique Pré-au-Lard. En effet, il est difficile de ne pas penser aux tristement célèbres procès de Salem, et si ces funestes évènements remontent déjà bien loin, comme le précise Mr Alan Desoya : « Cette politique part d'une bonne intention mais je me demande où elle va vraiment mener et si elle va vraiment atteindre son but, et non pas aggraver une situation encore fragile sur certains points ». On peut effectivement se poser la question. Néanmoins, un petit groupe mené par Miss Elena Pinkstone de la famille de la désormais célèbre Carlotta Pinkstone sont quant à eux extrêmement ouverts à une plus grande connaissance du monde moldu. Et contrairement à ce que les mauvaises langues pourraient dire on y trouve des personnes d’origines aussi diverses que Miss Lavande Brown, née-Moldue et Miss Elanor Levika, Sang-pur de son état.

La deuxième question se concentrait sur la nouvelle obligation de posséder une carte d’identité moldue. Sur ce point, les avis sont plus positifs. La plupart de mes interviewés étaient en effet d’origine moldue ou du moins de Sang-Mêlé et ils considéraient tous qu’il s’agissait là d’une démarche qui facilite la vie de tous les jours. Et puis, il faut dire aussi que l’argument de Miss Hermione Granger se tient : « Après tout... Nous avons le droit d'aller chez eux, autant aborder leurs règles. ». Néanmoins, la remarque de Mr. Desoya a tout autant de valeur : « Je n'en vois personnellement pas grand intérêt pour les familles désirant ne rester que dans le monde sorcier, surtout que ceux de sangs mêlés ou moldus, ou fréquentant régulièrement le monde moldu doivent déjà la détenir ». Miss Doeringer semble partager cette idée si l’on en croit la phrase suivante : «Je ne suis pas sure que la majorité des sorciers en aient besoin vu qu'ils ne vont pas dans le monde moldu ». Il faudrait alors peut-être envisager dans ce cas un système qui, au lieu d’obliger toute personne à posséder des papiers d’identité, ne l’y incite qu’à condition qu’il ou elle envisage de procéder à des activités dans le monde moldu. Un peu à la façon dont on ne se forge un passeport qu’à condition de vouloir quitter son propre pays.

Enfin, ma troisième et dernière question demandait clairement à nos étudiants s’ils étaient pour ou contre la révision du Code du Secret Magique et, là, les avis sont très clairement définis : l’éventail des réponses allant d’un extrême à l’autre. Si Miss Granger milite haut et fort pour un rapprochement complet vers les Moldus qui, elle le rappelle, sont nos égaux en tout ; Mr Desoya, lui, bien que Né-Moldu lui-même, s’oppose catégoriquement à toute suppression du code. Tout comme d’autres étudiants plus réservés sur la question telle que Miss Maureen Doherty, il considère que les deux mondes ne sont pas du tout prêts à se découvrir de manière aussi brutale. Le problème étant comme le fait judicieusement remarquer Miss Brown que : « Si une suppression définitive amènerait plus d’ennuis qu’autre chose, il semble néanmoins que la moindre initiative rapprochant les deux mondes soit immédiatement refusée en bloc sans qu’on s’attarde sur les bénéfices sur le long terme, il me semble donc que c’est une bonne initiative de la part du gouvernement de provoquer un peu l’opinion mondiale. » Elle conclut en expliquant que si, de son point de vue, la réforme n’a quasiment aucune chance d’aboutir, cela amènera au moins les décideurs mondiaux à envisager la question sur une durée plus longue, ce qui, pour elle, est une très bonne chose. Ce que Mr Emilien Dawster explique quant à lui en ces termes : « Je soutiens cette révision, bien que j'estime que la campagne en sa faveur doit être menée avec plus de prudence et ne pas précipiter les choses. Si les étudiants d'aujourd'hui ont tendance à vouloir s'ouvrir sur le monde moldu, ils ne font pas l'unanimité au sein de la communauté sorcière. Il faut savoir que beaucoup de sorciers plus âgés n'ont jamais mis les pieds dans le monde moldu, tout comme certains de mes camarades avant qu'Elena Pinkstone ne commence à faire bouger les choses. Il faut changer les mentalités, et si ce n'est pas aujourd'hui, cela se fera dans les générations futures. »

Il semble donc que cette affaire soit loin d’avoir fini de faire parler d’elle et si l’on en croit certains de nos lecteurs, il s’agirait justement là de la volonté du gouvernement. Quoiqu’il en soit, soyez sûrs, estimés lecteurs, que votre dévoué serviteur suivra les tenants et les aboutissants de tout ceci et vous en tiendra informés.

Mystérieusement vôtre,

Hycks