Une nouvelle recrue ? [PV Ophélia] [98/99]

En se levant ce matin du dimanche cinq septembre, William Mc Carter était plus tendu que cela ne lui était arrivé depuis fort longtemps. Si tout allait bien, il intégrerait le bureau des aurors où il pensait bien achever sa carrière professionnelle. Jamais il ne pourrait se contenter d’un poste d’enseignant. Il comptait bien évidemment conserver cet emploi, mais il fallait qu’il y ajoute un autre, qui pourrait lui apporter le zeste d’aventure quotidien et le soupçon d’action dont il avait besoin pour vivre.

Pendant qu’il faisait ses exercices d’étirement du matin qui, couplés à un entraînement physique trois fois par semaine, lui permettaient de se tenir, à cinquante-six ans, en une forme excellente, conservant une souplesse digne d’un jeune homme, et une force impressionnante, compte tenu de sa carrure déjà forte, il se prépara mentalement à la journée qui allait suivre, estimant que, si cette fois-ci il ne réussissait pas, jamais il ne le pourrait, ce qui avait le don de le mettre de fort mauvaise humeur.

En s’habillant, il prit soin de choisir dans sa garde-robe les vêtements qui garantissaient la meilleure impression possible. Une fois ses longs cheveux poivre et sel soigneusement coiffés et noués en un catogan, son visage rasé de près, et vêtu d’une robe noire, par-dessus laquelle il avait attaché une cape verte des plus sombre, il se regarda dans la glace. Sobriété était le mot du jour. Il s’habillait souvent de noir pour ses cours, ou même avant quand il travaillait pour les Gobelins, ayant une grande panoplie de robes de cette teinte, mais dont la coupe variait. Cependant, il s’était permis de rajouter une cape différente, ne pouvant résister à l’envie de rajouter un peu plus d’élégance à sa tenue. Néanmoins, il n'avait pas pour autant renoncé à ses habituelles bottines de cuir, qu'il portait chaque jour, étant déterminé à ne pas s'obliger à porter des mocassins cirés, ou quoi que ce soit de ce genre. Il ajouta la dernière touche à son costume, une cravate de la même teinte que sa cape, et sortit, toujours d'une humeur électrique.

Durant sa descente pour prendre son repas du matin, il s'offrit le luxe d'envoyer un élève en retenue, ce qui eu le don de lui calmer les nerfs. Un solide petit-déjeuner l'attendait dans la Grande Salle, étant donné qu'il avait l’intention de sauter le repas de midi, une habitude qu’il avait prise depuis qu’il avait accès à une nourriture aussi riche et abondante à Poudlard, et que sa vie était devenue moins active qu’auparavant, habitude qui lui permettait de contrôler sa tendance à l’embonpoint. Il remonta après à son bureau, où il entreprit de sortir de sa malle un classeur, et de rassembler certains documents administratifs, qu’il plaça dans une serviette de cuir marron. Il ajouta également un exemplaire de son livre, pensant qu’il valait mieux jouer la carte de la franchise en cas de questionnement dérangeant, ainsi qu’un carton empaqueté. Il se donnait une impression depuis longtemps oubliée, celle de passer un examen. Depuis deux semaines, plutôt que de se consacrer à ses études habituelles qu’il suivait en matière, en ce moment, de magie cellulaire, il avait révisé, comme s’il allait passer des tests, ce qu’il estimait qui pourrait lui être utile si l’envie prenait la directrice du bureau des aurors de tester ses compétences. De même, il avait retravaillé certains sortilèges qu’il n’avait plus jetés depuis un bon moment. Il savait pertinemment bien que les aspirants aurors étaient censés passer des tests d’aptitude qui étaient fort rigoureux, et il se demandait si la directrice du bureau souhaiterait qu’il fasse la démonstration de ses talents. Quoiqu’il en soit, il s’était préparé à tout. Toujours se préparer au pire, en espérant qu'il n'arrive pas, c'était comme cela qu'il raisonnait.

En attendant que la journée avance, il entama la correction du premier devoir particulièrement difficile qu’il avait donné à ses élèves, histoire de leur remuer un peu les méninges après deux mois de léthargie intellectuelle quasi totale, ce qui avait sans doute eu pour effet de ramollir leurs neurones, les réduisant à l'impuissance. Après avoir rayé plusieurs papiers particulièrement lamentables, et inscrit un certain nombre de mauvaises notes au dessus des parchemins, il prit sa serviette, et sortit à pied en direction de Pré-Au-Lard, cette fois de bien meilleure humeur. Il se surprit même à philosopher le long du trajet, éclairé par le soleil de septembre, chose qu'il ne faisait habituellement qu'en excellente humeur.

Il arriva largement à l’avance, mais s’installa déjà dans le salon, où deux fauteuils de velours bordeaux l’attendaient, de part et d’autre d’une table de bois clair. Après avoir commandé une consommation, il entreprit d’attendre son interlocutrice, se répétant inlassablement des conseils, puis laissant s’égarer son esprit dans les méandres tortueux de sa pensée. Il ne pouvait s'empêcher d'espérer que cela se passe mieux aujourd'hui. Jusqu'à présent, jamais les directeurs ne lui avaient accordé d'entretien. Il pensait donc que cela était un excellent présage. En outre, ayant rencontré le mari de la directrice du bureau des aurors lors de la cérémonie en l'honneur de la fin de Voldemort, il se disait que si sa femme était du même acabit, il serait certainement engagé.

Par Merlin que c’était long, d’être en congé. Cela faisait déjà trois mois que son époux l’avait forcée à prendre soin d’elle-même et des bambins qui grandissaient un peu plus à chaque jour dans son ventre. La Grecque avait choisi d’exercer ce métier non seulement à cause de ses valeurs et de ses convictions, mais également parce qu’il lui permettait d’être impliquée, de vivre une existence excitante et entraînante. Elle adorait entrer au Bureau en courant, dossiers à la main, le cœur battant la chamade, stressée par une opération délicate qui allait avoir lieu sous sa supervision sévère et maternelle à la fois. Mais rien de tout ça. Mark refusait de la voir s’en faire. Il lui sortait des excuses comme que le stress n’était pas bon pour la grossesse, qu’elle pourrait briser ses eaux trop vite – et pis des jumeaux c’est déjà délicat, hein. La jeune femme devait se contenter de passer au Bureau une fois par semaine pour régler quelques paperasses administratives et pour voir ses petits – bien qu’une bonne majorité de ceux-ci soient plus vieux qu’elle. D’ailleurs, depuis qu’on avait appris sa grossesse, elle subissait les taquineries de ses employés, ceux qui la connaissaient le mieux en venant même à l’appeler Maman. Elle les aimait beaucoup trop pour leur en vouloir, même s’ils se moquaient parfois de la grosseur de son ventre.

Aujourd’hui, c’était spécial. Aujourd’hui, elle redevenait la Directrice du Bureau des Aurors. À son retour de son voyage de noces, la brune avait insisté pour passer au deuxième niveau du Ministère pour remettre quelques cadeaux à ceux qui n’avaient pas pu être présents au mariage et pour retrouver un peu sa paperasse qui lui gardait toujours un pied dans ses obligations – elle y tenait. Elle trouva parmi sa pile de courrier une demande d’entretien d’un certain William McCarter. Elle fit sa petite enquête auprès des archivistes et des anciens; ça valait le coup de le rencontrer, apparemment. Très qualifié, à ce qu’on disait. Un type un peu sombre mais sympathique, on n’avait jamais réellement douté de ses intentions. Bref, elle était totalement réjouie de pouvoir faire quelque chose, de pouvoir rencontrer qu’un de nouveau. Il ne lui fallut qu’un bisou et des beaux yeux pour convaincre le Directeur du Département de la Justice Magique. En fait, il n’y voyait sans doute aucun inconvénient, il aimait juste voir sa femme le supplier un petit peu. Le rendez-vous fut donc fixé en début Septembre.

Ophelia avait pris son temps ce matin-là, appréciant depuis quelques semaines l’absence de nausées matinales. Elle profita de son petit-déjeuner, elle avait fait un peu de tricot, se doucha et se changea dans un habit un peu plus formel. Elle avait opté pour une robe de soie très féminine et claire, dans les teintes de beige, de blanc et de bleu clair [Image ici]. Une petite ceinture de ruban d’un doré nacré enserrait sa taille juste au-dessus de son ventre, le faisant ainsi ressortir un peu plus. Pour habiller le tout, elle enfila de petits escarpins beiges [Image ici] – le talon était minus comparé à ce qu’elle portait avant sa grossesse – et une cape courte, de la même couleur, pour la protéger du vent capricieux de l'automne qui approchait. Elle releva ses grosses boucles brunes à l’aide d’une pince et ne négligea pas de se maquiller – comme à chaque jour de sa vie depuis ses quinze ans. Elle agrippa du bout de ses doigts fins le dossier qu’elle avait mis en place puis vint ranger sa baguette dans un petit étui coquet qu’elle accrocha à la ceinture de sa robe. La Grecque laissa pendre son sac à main dans le creux de son coude et, sans plus attendre, transplana jusqu’à Pré-Au-Lard, atterrissant juste devant les Trois-Balais. Il était treize heures cinquante-neuf exactement.

La Directrice entra dans le bar et adressa un fin sourire à l’hôtesse, qui devina tout de suite pourquoi elle était là. Elle la guida vers le salon privé où se trouvait déjà l’homme qui l’attendait. Son regard d’azur l’observa un instant, en traçant un portrait mental; il était fort bel homme pour son âge, il ne faisait pas plus de quarante-cinq ans. Lorsqu’elle eut finalement rencontré son regard, la jeune femme lui adressa un grand sourire sincère. Elle attendit qu’il se lève et lui tendit la main, venant la serrer. Puis d’un coup, elle eut légèrement honte. Elle avait 27 ans, elle était enceinte et elle le passait en entrevue. C’était absurde. Mais bon, la Grecque avait eu son poste pour quelques bonnes raisons; elle était une Auror et une stratège hors pair, une duelliste redoutable, et avait un cœur immense.

« Professeur McCarter, je suis sincèrement enchantée de vous rencontrer aujourd’hui. J’espère ne pas vous avoir trop fait attendre… »

Sa gêne se dissipa aussitôt. Elle tenait l’avenir de cet homme dans ses mains, il ne serait sans doute pas du genre à porter un juger sur son état.

Les yeux fixés sur le mur en face de lui, regardant sans vraiment la voir la peinture représentant l’auberge des Trois Balais, le professeur Mc Carter, perdu dans les nimbes brumeuses de son esprit, tentait désespérément de trouver un alexandrin convenable pour le dernier vers de sa strophe, mais quoiqu’il fasse, il ne parvenait, ni a trouver l’inspiration nécessaire, ni à rendre toute la beauté de la langue de Shakespeare dans son dernier vers. Alors qu’il persistait à se débattre contre son cerveau, trop occupé pour faire de la poésie, il entendit des pas annonçant, s’il ne se trompait pas, deux femmes, probablement la patronne, et son interlocutrice.

Il rangea en hâte le petit morceau de parchemin dans une poche intérieure de sa veste, ainsi que son flacon d’encre et sa plume, pour voir apparaître une femme très jeune. Momentanément, il fut quelque peu interloqué. Il n’avait pas pris la peine de se renseigner sur la directrice, estimant que ce serait de son cas que l’on parlerait, et ne savait donc que peu de choses au sujet de la femme qui se tenait devant lui. Cependant, il était frappé par le fait que la commandante des aurors soit si jeune, et se demandait bien comment, en si peu de temps, elle avait pu montrer suffisamment de talent et d’aptitudes pour accéder à ce poste des plus important. La première impression passée, il détailla plus attentivement la jeune femme, comme celle-ci devait le faire également. De belle apparence, il apparaissait qu’elle était enceinte, et que, même dans ces circonstances-là, elle ne négligeait pas d’apporter le plus grand soin à sa tenue. Il eut la pensée fugace que son compagnon était un homme qui pouvait s’estimer chanceux.

Lorsqu’elle lui tendit la main, il se leva et lui la serra, tandis que ses yeux, d’un bleu pâle tirant fort sur le gris, mais empreints d'une intelligence visible, croisaient ceux de la jeune femme. Il ressentit quelque chose qui ressemblait vaguement à de la honte, mais qui devait sans doute plutôt être une certaine frustration à l'idée qu'une jeune femme comme elle soit directrice des aurors, alors qu'on refusait à l'engager, lui, seulement comme auror. La jeune femme avait certainement moins de trente ans, et s’il avait été marié, elle aurait pu être sa fille. Sans compter qu’avec son profil large et sa haute stature, la jeune femme semblait tellement menue que l’on était en droit de se demander comment elle faisait pour gérer les aurors, dont certains étaient des vieux durs à cuire endurcis par les années, et qui se montraient relativement machistes selon le cas. Néanmoins, il s’inclina galamment, avant de retourner s’asseoir.

« Professeur McCarter, je suis sincèrement enchantée de vous rencontrer aujourd’hui. J’espère ne pas vous avoir trop fait attendre… »

« Tout le plaisir est pour moi, je n’espérais plus rencontrer un jour le chef des aurors pour un entretien d’embauche. Soyez assurée que vous ne m’avez pas fait attendre, j’étais simplement quelque peu en avance. Puis-je vous offrir quelque chose à boire ? », ajouta-t-il avant que Madame Rosmerta ne s’éloigne de trop.

Il hésita à lui laisser entamer la conversation, mais une question le taraudait depuis longtemps, et il brûlait d’impatience d’avoir cette réponse.

« Avant que nous ne commencions réellement à discuter de ce pourquoi nous sommes ici, puis-je me permettre de vous demander depuis combien de temps vous êtes en poste à la direction du cabinet des aurors ? »

Le professeur se prépara ensuite à l’entretien. Il avait envisagé plusieurs questions éventuelles, et si la jeune femme lui semblait une personne compréhensive et dotée d’une certaine intelligence, il n’en n’était pas moins convaincu qu’elle chercherait à s’assurer qu’elle pouvait l’engager avec certitude. Il comptait sur le fait que le règne de Voldemort et sa chute, ainsi que cette année qui venait de suivre, avaient permis de le séparer encore plus vivement des éléments de son passé, qui dataient, il fallait quand même bien le reconnaître, d’un certain temps. Quoiqu’il arrive, il tenterait de garder son calme, ce qui lui semblait plus facile à faire avec la femme en face de lui, étant donné que, au vu de sa jeunesse, elle irait peut-être plus délicatement que son prédécesseur, un auror en bois brut, qui se fichait pas mal de la politesse. Il engagea tout de même la conversation, préférant amener les affaires lui-même, plutôt qu'elle ne le fasse comme dans un interrogatoire.

« Je présume que vous avez lu mon parcours professionnel. Je pense que cela donne une idée assez représentative des mes compétences, mais, néanmoins, si vous souhaitez de plus amples renseignements sur mes aptitudes, je suis prêt à vous expliquer plus précisément les points dans lesquels je suis le plus qualifié. »

Ses impressions furent bien vite confirmées. À peine avait-il posé ses yeux dans les siens qu’elle sentait un jugement lourd venant de sa part. Même si elle s’y était attendue, la jeune femme ne put s’empêcher d’avoir le cœur serré alors qu’elle prenait place devant le professeur. Sa situation était exceptionnelle, c’était du jamais vu au Ministère. C’était la première femme à être à la direction du Bureau des Aurors et en plus de cela, c’était également la personne la plus jeune à avoir obtenu le poste. Elle avait brisé deux barrières que la société sorcière avait imposée, à savoir qu’il fallait à la fois être un homme et être âgé de plus de 40 ans pour être Directeur du Bureau. D’ailleurs, l’obtention de ce titre avait déplu à quelques-uns des anciens, qui avaient été ses collègues pendant quelques années. Pourquoi elle? Qu’avait-elle fait qu’eux n’avaient pas déjà accomplis au moins cent fois? Ce n’est qu’en travaillant pour elle qu’ils comprirent réellement la qualité exceptionnelle qu’elle avait comme stratège. Depuis, jamais on n’avait douté d’elle davantage. Elle devait convaincre McCarter, c’était comme cela, comme elle devait se prouver à toutes les nouvelles personnes qu’elle rencontrait et qui ne comprenaient pas.

Certains avaient même osé dire que c’était Mark Benson qui lui avait permis d’avoir accès à cette position élevée dans la hiérarchie. Mais en vérité, lorsqu’Ophelia avait été nommée comme Directrice, Mark n’avait aucune autorité. C’est le Ministre de la Magie qui avait jugé que les deux amoureux étaient qualifiés pour les deux postes qui s'étaient libérés après la chute de Voldemort. C’était donc tout à fait par hasard que l’un s’était retrouvé Directeur du Département de la Justice Magique et l’autre, Directrice du Bureau des Aurors.

Lorsque l’enseignant lui demanda si elle voulait quelque chose, elle hocha la tête, sourit doucement, et répondit simplement, en déposant son sac à ses côtés et son document sur la table:

« Juste de l’eau et du citron pour moi, je vous remercie. »

Le professeur enchaîna rapidement avec une autre question qui fit sourire la demoiselle, malgré la sévérité de celle-ci. Et il était en droit de se la poser, cette question. Mais jamais il n’aurait posé cette interrogation si elle avait été plus vieille de 20 ans. Elle le laissa toutefois enchaîner avec le sujet de l’entretien avant de répondre à sa question. Elle avait l’intention de lui répondre en toute sincérité, et cela allait peut-être prendre un instant. La Grecque l’écouta mentionner qu’il était prêt à lui donner de plus amples renseignement, prenant ce temps pour détacher le nœud qui attachant sa cape autour de ses épaules et la pris dans ses mains, la repliant pour la déposer par-dessus son sac à main. Lorsqu’il eut terminé de parler, la Directrice vint appuyer ses coudes sur la table et croisa ses doigts entre eux avant de prendre la parole.

« J’ai en effet quelques questions à vous poser, mais je crois qu’il est important d’aborder mon propre sujet avant de continuer. Nous ressentons visiblement tous les deux le petit malaise qui s’impose à cause de mon jeune âge et c’est important pour moi de vous prouver, comme vous allez le faire également, que je suis entièrement capable d'exercer mon métier. Nous n’irons pas dans les détails de ma scolarité, je peux toutefois vous dire que j’ai été à Serdaigle et j’ai suivi le parcours classique pour devenir Auror à l’UMA. J’ai toujours été première de classe en Sortilèges, en Magie Noire, en Métamorphose et en Potions, sans exception, ce autant à Poudlard qu’au niveau universitaire. Lorsque j’ai gradué de l’UMA, je suis allée en Grèce – pour des raisons qui n’ont rien à voir avec mes qualifications - pendant deux ans où j’ai exercé mon métier au sein du Ministère de la Magie Grec. Je suis ensuite revenue en Angleterre et j’ai été Auror durant un an et demi avant que ma couverture ne soit grillée. Je faisais partie de l’Ordre du Phénix… »

La brune marqua une petite pause; on apportait leurs consommations. Ophelia remercia discrètement l’hôtesse et prit une gorgée de l’eau citronnée avant de reprendre son discours.

« Pendant six mois, j’étais considérée comme étant une hors-la-loi. Puis vous connaissez la suite, la Guerre, la Paix, j’ai reçu l’Ordre de Merlin et peu après, j’étais Directrice du Bureau. Cela fait donc un peu plus d’un an que je suis Directrice, et tout juste cinq ans que je suis une Auror. Pour quelqu’un comme vous – et pour la majorité des gens - c’est affreusement peu, je vous le consens. Mais je vous demande également d’apprendre à me connaître. Le taux de réussite des missions effectuées par le Bureau des Aurors n’a jamais été aussi élevé. Je suis une femme extrêmement organisée et douée, tous les gens qui m’ont affrontée en duel pourront vous le dire. Cependant, ma plus grande force se trouve dans l’attitude que j’adopte avec mes employés. Je suis sévère et exigeante, mais jamais méchante. J’exige beaucoup de mon équipe, mais je ne me gêne pas pour les remercier lorsque je suis fière du travail qu’ils ont accomplis… Enfin, je sais que, dis comme cela, c’est vide de sens mais… Accordez-moi le temps de vous convaincre. »

Elle ponctua sa phrase d’un regard sincère et d’un fin sourire, puis posa ses doigts sur le dossier qu’elle avait bâti au sujet de McCarter. Elle l’ouvrit et laissa son regard de saphir parcourir la première feuille qui prenait la forme d’une liste détaillée.

« Donc, à propos de ce livre… J’ai réussi à en trouver un exemplaire dans les archives du Ministère, je vois que vous l’avez également avec vous. Je l’ai lu en entier. La seule question que j’ai à vous poser à ce sujet est celle-ci; Dites-moi ce que l’on vous a reproché puis exposez-moi votre avis personnel. »

Son avis au sujet de McCarter était déjà établi, il ne manquait plus qu’une confirmation de sa part, qu’elle espérait avoir à travers quelques questions. Elle ne comptait pas entrer en détail ou parler de choses qui étaient insignifiantes à ses yeux – bien qu’elles aillent pu être importantes pour les anciens Directeurs du Bureau. Attendant la réponse de l’homme, Ophelia éleva son verre et pris une autre gorgée, ce petit éclat enjoué tout à fait typique d’elle-même bien brillant dans son regard.

Le professeur écouta sans broncher la femme assise en face de lui. Certes, l’exposé qu’elle lui faisait justifiait que le ministère l’ait choisie, surtout qu’après le règne de Voldemort, les effectifs devaient s’être particulièrement réduits. Tant qu'elle ne se faisait pas dans l'esprit qu'il était un vieux bourru misogyne et obtus, cela devait aller.

« Soyez assurée que je ne doute pas un seul instant de vos capacités. J’ai eu l’occasion de côtoyer Kingsley Shaklebott, avant qu’il soit ministre, bien évidemment, et je suis persuadé qu’il ne vous aurait pas engagée à ce poste si vous n’aviez pas les qualifications nécessaires. Et je ne parle pas seulement en termes de puissance magique, sinon, nombreux sont ceux qui auraient pu prétendre au poste, de par leur habileté, ou la force au combat, moi, entre autres, si j’avais fait partie du bureau, sans vouloir paraître boursouflé de vantardise. Je parle surtout en matière de gestion, à la fois administrative et humaine, chose que je serais purement incapable de faire. Croyez bien que je vous fais confiance, et je serais ravi de mieux vous connaître, au sein des aurors, naturellement. Et d'ailleurs, si vous trouvez le temps, je serais ravi de pouvoir faire un duel amical avec vous. Se trouver des adversaires de duel convenable devient aujourd'hui un véritable souci pour ceux qui manient la baguette avec puissance. »

L’entrevue prit un tour différent qu’il ne le prévoyait à l’origine. La directrice des aurors passa directement sur le thème de son livre, sans s’arrêter sur autre chose. Cela pouvait expliquer plusieurs choses. Soit elle désirait trouver un motif de refus, mais cela ne semblait pas le cas, soit elle était disposée à l’embaucher, et vérifiait les points problématiques, afin d’obtenir confirmation de son choix. Avant de répondre à sa question, il porta son verre à ses lèvres, et but une gorgée de whisky pour se donner le temps de réfléchir.

« Comme vous l’avez constaté, dans mon livre, je distingue trois catégories de sortilèges, pour éviter d’employer le terme de maléfice. Ceux légaux et qui sont employés par tous, que ce soit les membres de la brigade magique, les aurors, les privés, ou avant, les membres de l’ordre du Phénix ; en somme par la plupart des gens quand ils ont à se battre, même si certains peuvent être extrêmement complexes, nous avons tous deux des connaissances fort étendues de ces sorts. A cela, s’ajoutent les sorts dangereux, dont une partie est officiellement réprouvée par le ministère. La dernière catégorie est celle des sorts de magie noire, qui, eux aussi, peuvent être très diversifiés, je sais de quoi je parle, pour en avoir croisé des dizaines de par le monde. »

Il s’interrompit, le temps de souffler un peu, de siroter sa boisson, et de réajuster sa cape qui lui tombait sur l’épaule droite d'un geste ample du bras, avant de poursuivre.

« Les autorités compétentes du ministère n’ont pas apprécié que je soutienne le fait que l’usage de sortilèges dangereux, parce que pouvant porter des dégâts conséquents, ou même certains sortilèges de magie noire, n’atteignant cependant pas les pires extrémités, soit envisageable pour lutter contre des mages noirs en puissance, qui n’auraient aucun mal à parer un sortilège classique. Je dois avouer que je considère cette position de la part du ministère assez absurde, dans le sens ou si je reçois l’instruction de n’utiliser que des sortilèges dits légaux, je m’y conformerai. J’ai un panel de sortilèges de combat, de défense, de protection s’il s’agit de prévention, très étendu. Je n’ai jamais vraiment cessé d’étudier, et il ne se passe pas une semaine, sans que je n’apprenne un nouveau sort, ou autre. Nous pourrions bien évidemment poursuivre ce sujet en rhétorique, et passer de nombreuses heures à en discuter mais je dirai simplement que j’ai revu mes vues en ce qui concerne le type de sorts dont je viens de parler. J’ai, certes je le reconnais, des connaissances fort complètes en matière de sorts dangereux et de magie noire, je peux même être franc avec vous, et vous confesser que j’en ai déjà pratiqué contre un mannequin ensorcelé, dans le seul et unique but de ne pas être déstabilisé le jour où j'en recevrai un, mais mon objectif n’est pas d’en prôner l’usage et d’en faire mon confiteor, si ce n’est pas le vouloir du ministère. »

Lorsqu’il eut fini son explication, il regarda la directrice, cherchant à percer ses pensées. S’il était pris, il faudrait certainement, pour sa sécurité personnelle, qu’il se résolve à étudier la légilimencie. Il avait toujours hésité à s’engager dans cette branche obscure de la magie, le besoin ne s’en faisant pas vraiment ressentir, il n’avait pas eu le courage, chose surprenante pour un homme comme lui, d’entamer son étude. Ce n’était pas le long travail acharné qui le rebutait, mais plutôt le risque important d’échec. Il savait qu’il avait un passé dont certains éléments restaient flous, et s’il souhaitait au mieux cacher son étude clandestine de la magie noire, il était vital qu’il puisse maîtriser cette branche remplie de mystères. Mais pour ce faire, il fallait encore qu’il soit embauché, ce qui dépendait entièrement de la jeune femme à l’eau citronnée. Il prit seulement la peine de rajouter, presque inutilement :

"Je pense que je ne pouvais pas être plus clair, mais si néanmoins des interrogations subsistent, faites-m'en part, il serait stupide de mal se prononcer à cause d'une erreur de dialogue. D'autres questions ?"

La directrice avait simplement hoché la tête à la justification de son interlocuteur. Elle appréciait sa clarification, bien que son questionnement initial ne l’ait pas froissée au point où elle allait changer d’avis à son sujet. Elle l’aurait embauché sur le champ si cela n’avait pas été de quelques règlements bidons qui l’obligeait à passer en revue son dossier et à lui accorder au moins une rencontre. Mais bon, cela lui permettrait d’apprendre à connaître son futur employé dans un contexte un peu différent de celui du Bureau. Et après tout, c’était la première fois qu’elle se chargeait de l’embauche d’un nouvel effectif; les mouvements de personnel au sein de l’équipe d’Aurors étaient très limités, et c’était mieux comme cela. Une équipe solide et où les gens se connaissent bien est un gage de réussite. La demoiselle adressa un sourire chaleureux à l’homme lorsqu’il lui mentionna un duel amical. Oui, tout à fait! Elle était du même avis que lui, d’ailleurs. Être particulièrement doué en duel pouvait s’avérer fort ennuyant si personne dans son entourage ne l’est autant. Heureusement pour elle, son conjoint était du même calibre qu’elle, même légèrement plus vif dans ses mouvements. Il était déjà arrivé qu’ils se glissent dans la salle d’entraînement des Aurors pour se pratiquer, histoire que tout cela ne rouille pas; maintenant que leurs emplois étaient plutôt administratifs, ils n’avaient plus autant l’opportunité de faire des duels.

« Il me fera un plaisir de vous affronter en duel un jour. Malheureusement, ce ne sera pas pour aujourd’hui et pas pour les quatre prochains mois, vous comprendrez pourquoi. »

Ophelia se cala un peu plus confortablement contre la banquette rouge alors que son interlocuteur commençait son explication par rapport à son livre. Elle ne prenait pas de note pour l’instant, en fait elle détestait prendre des notes alors que quelqu’un s’adressait à elle. C’était un grand manque de classe et d’entregent à ses yeux. Et puis, elle n’avait rien à écrire qui ne pouvait pas attendre qu’il termine de parler. Il répondait comme elle s’y était attendue, et c’était un bon signe. Elle l’avait bien cerné et cela, dès le début, avant même de le rencontrer. Sans doute parce qu’elle partageait tout à fait son avis sur l’utilisation de la magie noire dans un contexte de défense. Pour pouvoir être capable de se défendre en cas d’urgence, il faut bien connaître ce qui nous assaillit. Cela, cependant, elle ne lui dirait pas, elle pouvait le garder pour elle-même. Il était grand temps qu’un vent de fraîcheur s’installe au Ministère, et elle était heureuse de pouvoir faire partie de ce renouveau de valeurs.

Une fois que McCarter eut terminé de parler, la jeune femme glissa son stylo dans ses doigts et se laissa une petite note sur sa feuille avant de rayer deux mentions qui y étaient déjà écrites. Elle sourit à l’homme, pris une gorgée de son verre d’eau puis dit simplement :

« Une autre question, et après ça, ce sera tout. Pourquoi êtes-vous parti? Et surtout, qu’est-ce qui vous motive à revenir maintenant que Voldemort est tombé? »

Elle n’avait que peu à faire des deux incidents qui l’avaient traîné devant le tribunal. Lorsque l’on travaille avec de la magie puissante, il n’est pas rare de voir quelques accidents. Et puis elle était mal placée pour juger quelqu’un sur ce seul facteur… Tout ce qui comptait pour elle, c’était le potentiel de McCarter et qu'il était prêt à regarder de l'avant. Elle allait lui offrir une chance de commencer à neuf.

Le professeur eut un sourire aimable quand la jeune femme évoqua son état actuel. Lui-même, n’ayant jamais été marié, n’avait pas d’enfants, et il pensait bien que jamais il n’aurait pu supporter un enfant. Sa patience était à peu près aussi légendaire que sa rudesse. Jamais il n’aurait pu, ni même voulu avoir un rejeton. S’il était parfois pris d’élans de pitié ou de compassion vis-à-vis de certains de ses élèves, ceux-ci étaient fugaces et disparaissaient presque aussitôt qu’ils étaient nés, pour la plupart. Néanmoins, il était persuadé que la directrice du bureau ferait une excellente mère.

« Naturellement, je comprends. Vous avez toutes mes félicitations. »

Lorsque la femme lui annonça qu’elle n’allait plus lui poser qu’une seule question, il fut un peu estomaqué. A mesure que la conversation avançait, elle le surprenait de plus en plus. A en juger par son air, et il était généralement doué pour déduire les expressions des gens, elle semblait prête à l’engager après lui avoir posé seulement deux questions. C’était à peine si l’entretien avait été nécessaire. Cependant, la dernière question le dérangea un peu. Il n’avait pas l’intention de passer pour un lâche, car jamais il ne l’avait été, mais pour bon nombre de gens, la fuite était un synonyme de lâcheté ou de couardise.

« Voyons, comment expliquer cela ? Quand le ministère est tombé, nous avons tous reçu l’information que Scrimgeour avait démissionné, mais ceux d’entre nous qui travaillaient au ministère et qui étaient un peu clairvoyants on très vite vu le changement, et le fait que le c’en était fini du pouvoir du ministère. Je savais que les mangemorts pourraient essayer de me recruter. Ils connaissaient le caractère parfois violent de mes sortilèges à l’époque et le fait que j’avais souvent été en opposition avec le ministère. J’ai donc réfléchi. Il était hors de question que je collabore. Je n’avais pas l’intention de rester au pays. J’ai donc fait mes bagages, et trois jours après, je quittais l’Angleterre. J’avais gardé quelques contacts étroits avec l’étranger, et j’ai donc été m’abriter là-bas. Au alentours de mars, j’ai voulu revenir, sachant que je ne pourrais vivre qu’en Angleterre et que j’allais aller au bout de mes convictions, et que si je devais mourir pour sa sauvegarde, j’étais prêt à l’envisager. J’ai rejoins la résistance, jusqu’à ce que Voldemort ne meure. Je précise que je n’ai pas pris part à la majeure partie du combat de Poudlard. Je suis arrivé avec la vague qui a suivi le faux décès de Harry Potter. C’est à peine si j’ai au l’occasion de me battre avec deux ou trois mangemorts. »

Il estima qu’il ne pouvait mieux s’en être tiré. Si ce qu’il pensait était bon, il serait auror jusqu’à la fin de sa vie. Il était assez bien placé pour savoir qu’il ne connaîtrait probablement pas d’autres patron de toute sa vie. Avec son âge déjà avancé, même s’il estimait rester encore au moins vingt ans sur le monde du travail, il était presque certain qu’il rencontrerait la Grande Faucheuse avant elle, et qu’en premier, il aurait à choisir entre le chêne ou le sapin. Au ministère, une fois vissés, les directeurs de services ne bougeaient que pour prendre une place plus importante, et à moins qu’elle ne devienne ministre ou ne migre de département, il y avait fort à parier que s’il elle restait compétente et ne faisait pas d’erreur monstre dans son parcours, il y aurait de grandes probabilités qu’elle conserve son poste. Mc Carter savait quant à lui qu’il ne ferait que s’ennuyer dans un cabinet administratif, mais entrer au ministère pouvait lui ouvrir la voie du Congrès. D’un ton qu’il rendit le plus neutre possible, bien qu’il était possible de le sentir légèrement anxieux, il interrogea la jeune grecque.

« Alors, vous êtes-vous forgé une opinion ? »

La jeune Directrice remarqua que l’expression du professeur avait changé lorsqu’elle le questionna au sujet des raisons de son départ et de son retour. Même si elle savait que d’être confronté à cela une nouvelle fois pourrait possiblement se montrer perturbant pour l’homme, elle devait le lui demander. C’était une façon de s’assurer de ses principes, de ses valeurs, et de voir si ses raisons d’exil étaient valables. Car c’était bien quelque chose qu’elle avait du mal à comprendre. Elle-même n’avait jamais hésité. Elle était restée, elle avait défendu ses principes, ses idéaux, et ce jusqu’à la fin, même pendant les instants les plus noirs, même pendant qu’elle était poursuivies par le Bureau qu’elle-même dirigeait aujourd’hui. Elle avait tenu tête à tous ceux qui avaient voulus qu’elle s’échappe. Elle avait souffert, elle avait pleuré, crié de désespoir. Mais aujourd’hui, jamais elle n’échangerait ces mois de douleur et de torture mentale. Ophelia était devenue une femme accomplie, même si elle avait presque payé cela de sa propre vie.

Lorsque McCarter prit la parole, la jeune femme se vit étonnement pendue à ses lèvres. Elle ne put s’empêcher de penser un instant qu’elle aurait adoré ses cours de Duel s’il avait été son enseignant. C’était bien l’un des cours où elle avait tout appris par elle-même, où elle ne faisait que se présenter aux examens et remettre ses devoirs pour ses notes. Mais elle ne participait presque jamais au cours, elle ne supportait pas l’enseignant. Un vieux grincheux qui n’arrivait presque plus à tenir sa baguette entre ses doigts, une vraie plaie. Mais au contraire, son interlocuteur avait une voix captivante, rauque mais légèrement veloutée, qui l’obligeait à littéralement boire ses mots. Et puis son récit était intéressant. Pas qu’elle excusait totalement sa décision, mais elle pouvait comprendre. Et il était revenu pour la bataille de Poudlard. D’ailleurs, c’était bien là qu’elle avait cru voir son visage, il ne lui était pas totalement inconnu. Mais dans le feu de l’action, elle n’aurait pu le dire avec certitude. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu’il eut terminé de parler, puis elle prit la dernière gorgée de son verre d’eau citronnée.

À peine eut-il terminé de lui demander si elle s’était forgée une opinion que la Grecque hochait la tête. Elle écrit quelques petites notes dans le dossier, le referma, puis posa son regard de saphir dans celui de son interlocuteur. Pour un instant, elle prit un ton un peu plus sérieux et dit :

« Votre dossier sera sous ma surveillance et sous celle du Directeur de la Justice Magique pour les deux mois suivant votre embauche, par simple sécurité. À la fin de ces deux mois, vous subirez une évaluation écrite et une évaluation de vos compétences pratiques. Vous devez aussi savoir que durant ces deux mois, les missions que vous aurez à accomplir vont être d’ordre mineur, à moins d’une urgence… Bon, je crois que c’était tout, maintenant pour passer aux choses sérieuses… »

La demoiselle marqua une pause et tendit sa main en direction de celle de McCarter, un grand sourire aux lèvres.

« Rebienvenue chez vous, monsieurs McCarter. »

Elle ponctua sa phrase d’un petit clin d’œil, sa main retrouvant celle de la nouvelle recrue pour la serrer.

En observant, avant même que la jeune femme ait ouvert la bouche, il sut que c’était gagné, il eut la certitude qu’il serait auror, mais cette fois à vie. Et maintenant qu’elle le lui annonçait, cela lui semblait étrange qu’il ait pu être tenu en échec durant des années par des vieux orgueilleux boursouflés d’importance et maniérés. Au vu de la conversation qui venait de se dérouler, on aurait pu croire qu’il venait simplement de s’occuper d’une simple formalité, alors qu’il venait d’entrer dans un système qui allait lui faire modifier consciemment certaines des ses attitudes et décisions pour les années à venir. Homme d’honneur, il avait toujours eu à cœur les plus grands principes du droit et de la liberté, même s’il ne se gênait pas pour en bafouer bon nombre qu’il estimait mineurs ou peu intéressants. Néanmoins, maintenant, en étant auror, il se trouvait lié par un serment qu’il faisait, non pas au ministère qui pouvait toujours se retrouver corrompu, mais à la population sorcière, se jurant de défendre la liberté et l’intégrité physique et psychologique des membres de la société magique. Cela ne changerait sans doute rien à son caractère habituel, aussi pédant et égocentrique qu’à l’ordinaire bien qu’éternellement doté d’un certain attrait, mais changerait en profondeur ses réactions lors des grandes phases de crise, qui en ce bas monde devaient se répéter pour garantir l’évolution de la race humaine.

« Votre dossier sera sous ma surveillance et sous celle du Directeur de la Justice Magique pour les deux mois suivant votre embauche, par simple sécurité. À la fin de ces deux mois, vous subirez une évaluation écrite et une évaluation de vos compétences pratiques. Vous devez aussi savoir que durant ces deux mois, les missions que vous aurez à accomplir vont être d’ordre mineur, à moins d’une urgence… Bon, je crois que c’était tout, maintenant pour passer aux choses sérieuses… Rebienvenue chez vous, monsieur McCarter. »

Ses minces lèvres s’étirèrent en un sourire de satisfaction à l’annonce de son embauche, et d’une voix basse, il répondit.

« Je vous remercie. Je n’espérais plus aucun retour. Si d’aventures vous vous trouviez dans une situation délicate, que vous ayez besoin d’aide, je considère que j’ai une dette envers vous pour ce que vous venez d’accomplir : prononcer l’aboutissement d’un demi siècle d’espérance et de dépit. »

Il n’en dit pas plus. Rarement il faisait preuve de grandes démonstrations de sentiments, et gardait sa tendance à l’immobilité philosophique de la contemplation de l’âme humaine plongée dans le profond désarroi et les vicissitudes qui animaient leurs relations. Il ajouta cependant sur un ton très sérieux, et qui se révélerait peut-être prophétique, quelques mots.

« Je dois avouer que rejoindre le bureau de aurors à ce moment-ci est une chance, car je ne peux pas m’empêcher de croire que je l’intègre dans la phase préparatoire des futurs troubles qui animeront l’Angleterre dans les années qui viennent. »

Il considérait déjà comme acquise sa place au sein du cabinet, étant sûr qu’il n’allait pas commettre de bévue durant les deux mois d’essai qui suivaient, et les épreuves pratiques et théorique ne lui faisaient absolument pas peur. Son but, sa raison de vivre étant de se rapprocher de l’omniscience le plus possible sans jamais l’atteindre, faisait qu’il ne se passait pas une semaine sans qu’il ne pratiquât un nouveau maléfice, ou n’apprît une nouvelle connaissance. Avant de quitter la jeune femme pour aller dilapider son salaire du mois en acquisitions diverses, tant sa bonne humeur était grande, il demanda cependant :

« Et quelles sont les principales missions que les aurors ont à leur charge, ces temps-ci ? La surveillance d’Azkaban, je présume, ainsi que celle des grands événements ? Mais à part cela ? L’éternelle traque des criminels également, mais cela ne suffit pas… »

La demoiselle fut légèrement émue par l’aveu du nouvel Auror, mais tenta le plus possible de dissimuler ses émotions. Elle avait souri, puis discrètement baissé les yeux. La jeune femme avait tout de suite su que McCarter étaient de ces hommes durs et fiers en apparence et qui n’oserait certainement jamais révéler leurs pensées et sentiments en public. En fait, il lui rappelait son père; il n’était guère plus vieux que lui lorsqu’il avait succombé à son cancer. La directrice laissa son regard vagabonder contre le visage de l’homme qui se tenait devant elle en ravalant une petite douleur au creux de son ventre. Elle dissimula ce léger malaise en se penchant une ultime fois vers le dossier du professeur, enlaçant sa plume de ses doigts pour inscrire quelques petites notes, refermant ensuite le tout. Lorsqu’elle eut levé la tête dans sa direction, plus rien ne se voyait de son élan de mélancolie. Ça aurait été le bout, de se mettre à pleurer devant son nouvel employé juste à cause de quelconques ressemblances avec son père décédé il y avait presque deux ans. Finalement remise en état, la brune hocha doucement la tête et dit sur un ton doux :

« Je garderai certainement votre proposition en tête, monsieur McCarter. Mais je veux également vous assurer que le fait que vous soyez embauché ne découle aucunement de la générosité. Vous êtes hautement qualifié et je trouve cela franchement idiot que les directeurs précédents ne l’aient pas vu, ou aient refusé simplement à cause de quelques erreurs de parcours. »

Elle était heureuse de lui avoir dit. Parce qu’elle pouvait voir en quoi il pouvait être confus, après des années de refus. Maintenant qu’une femme était directrice, il était embauché. Ce n’était pas que ça. Ophelia croyait sincèrement en ses compétences et avait l’impression qu’elle ne serait pas déçue. L’homme avait enchainé avec une remarque sur le fait qu’il aille été embauché à ce moment-ci. Elle hocha la tête, en fait elle était bien d’accord. Ce n’était pas une question de pessimisme, mais de vouloir prévenir plutôt que guérir.

« Vous avez bien raison. Il faut profiter de ce temps plus calme pour remplir nos effectifs et bien les entraîner. Nous n’avons aucune idée de ce qui nous attend dans un futur plus ou moins proche. Il faut être prêt à tout moment. »

La demoiselle ne s’attarda pas plus longtemps que cela à la table, remerciant l’hôtesse d’un sourire sincère, puis se dirigea vers la sortie de l’établissement avec son nouvel employé. Il y aurait quelques paperasses à remplir, mais cela allait devoir attendre, le temps qu’elle remplisse la demande et qu’elle soit approuvée par son époux. De toute façon on allait probablement attendre Septembre avant de lui accorder une première mission. Mais tout cela, il allait certainement l’apprendre lors de leur deuxième rencontre pour signer quelques papiers et conditions.

Une fois arrivée à la sortie du bar, la jeune femme se tourna en direction de l’homme, un grand sourire aux lèvres alors qu’elle tenait ses papiers dans une main, lui présentant l’autre pour serrer la sienne.

« Vous recevrez une lettre dans les prochaines semaines qui vous invitera à vos présenter au Ministère pour remplir quelques papiers. Avant que les papiers ne soient signés, vous ne portez pas officiellement le titre d’Auror, veuillez donc vous abstenir de l’utiliser. Je crois qu’il serait aussi sage pour vos de vous trouver un assistant pour vos cours à Poudlard – le travail d’Auror en est un exigeant, je crois que vous le savez. Peut-être un étudiant de l’UMA qui pourrait vous aider dans vos corrections? Juste histoire de vous alléger un peu la tâche. Enfin, nous aurons tout le temps de revoir cela lors de notre prochaine rencontre. En attendant, prenez bien soin de vous et célébrez cet évènement comme il se doit. Passez une belle journée, monsieur McCarter. »

Une fois les derniers mots échangés et les salutations faites, la directrice se retourna et marcha un instant dans les rues de Pré-Au-Lard avant de transplaner jusqu’à son logis. Elle était satisfaite de sa décision, cet homme serait sans aucun doute un atout utile à son équipe.