Lucy n’était absolument pas sereine. L’après-midi était pourtant ensoleillé, il faisait même chaud, et l’épreuve pratique de botanique s’annonçait sous les meilleurs auspices pour les mordus des plantes. Seulement voilà, elle n’en faisait pas partie. Non seulement la partie pratique avait été un véritable fiasco, elle avait répondu sommairement, voire inventé totalement ses réponses – elle était tout de même fière d’avoir déduit que les choux mordeurs de Chine poussaient en Chine – mais en plus, il fallait à présent qu’elle se coltine la partie pratique ! Tout aurait été plus simple si elle avait pu se porter directement démissionnaire. Non mais vraiment, à quoi ça rimait de venir passer une épreuve qu’elle savait parfaitement qu’elle allait rater ? Ce n’était d’ailleurs pas tant cette perspective qui l’agaçait et la mettait mal à l’aise, que celle de perdre un après-midi entier dehors, alors que l’épreuve pratique de potion avait lieu le lendemain matin, et qu’elle aurait pu profiter de ce temps pour se perfectionner. Mais les jury en avaient décidé autrement en imposant le planning des épreuves, et elle n’avait d’autre choix que de s’y soumettre. Elle prenait donc son mal en patience, assise dans l’une des serres du parc, en compagnie de ses camarades. Lorsque vint l’heure, les examinateurs affichèrent au tableau, deux sujets au choix. Au moins pourrait-elle limiter la casse, pensait-elle alors qu’ils écrivaient les consignes.
Quand les membres du jury eurent l’amabilité de se pousser et de laisser aux élèves le soin de lire leurs hiéroglyphes, elle se hâta, bien décidée à en finir. Elle commença logiquement par le sujet numéro un, mais s’arrêta aussitôt qu’elle lut le mot « fragile ». Manipuler des fleurs fragiles ? Ben voyons. Parce qu’ils pensaient sérieusement qu’elle en était capable ? Elle était aussi douce avec les plantes qu’un scroutt à pétard qui vous explose à laggle. Autant dire qu’il valait mieux passer au sujet numéro deux. Sa désillusion fut grande. L’alternative proposée consistait à extraire dix millilitres de pus de buobulb. Très peu pour elle, elle avait déjà donné une fois en cours, et se garderait bien de recommencer. Avec une grimace de dégoût, et un soupir, elle revint donc sur le premier énoncé, regrettant de ne pouvoir communiquer avec ses camarades. Deniel n’était pas bien loin, et malgré la rivalité qui les opposaient, ils s’étaient souvent trouvés ensemble au fond de la classe en cours de Botanique, depuis que Milou était parti, partageant leur profonde aversion pour cette matière et la crasse qu’elle engendrait. Quelle utilité y avait-il à s’occuper des plantes, sérieusement ? Le jour où elle avait besoin d’ingrédients pour ses potions, elle se rendait chez un apothicaire, point. S’ils devaient se préparer à partir à la cueillette chaque fois qu’ils voudraient préparer des potions à l’avenir, ils n’avaient pas fini de courir les champs ! Et accessoirement, de perdre leur temps.
Ni une ni deux, elle se retrouva donc dehors, dans le parc, maugréant dans sa barbe sous le ciel bleu. Traînant des pieds, elle se mit en quête d’une paponquille, persuadée que, de toute façon, au moment où elle s’en saisirait, la plante prendrait un malin plaisir à se transformer en papillon jaune et à s’envoler pour se planter à trois mètres dans le but de la narguer, comme ça, juste pour le plaisir de l’emmerder. C’est trop inzuste ! Parcourant de son regard blasé typique de l’adolescente mécontente, et fusillant au passage toutes les fleurs jaunes, elle chercha donc à repérer une paponquille. Suspens insoutenable. Au bout de vingt minutes tout de même, elle finit par réaliser qu’elle en avait une juste sous les yeux. Posant tout son bardas à terre, Captain Pinpin s’agenouilla donc, prête à délimiter son territoire et à y péter laggle à quiconque s’approcherait trop près de SA paponquille. Elle hésita un instant à la mettre sous cloche, afin de la protéger, comme la rose du Petit Prince. Mais après réflexion, elle se dit que cela n’empêcherait pas la vicieuse de lui claquer entre les mains si elle le voulait, à défaut de pouvoir s’enfuir. Spice di counnasse.
On inspire et… on expire. Maintenant que la Bleue et Bronze avait trouvé l’objet de ses recherches, autant faire de son mieux. Elle mit donc ses gants, afin de verser de l’engrais dans un pot de taille moyenne. Oui, moyenne, parce qu’il fallait que la petite paponquille, dans le cas où elle resterait en place, puisse se développer, mais il fallait aussi que l’eau avec laquelle on l’arroserait, parvienne jusqu’à ses racines. Tu parles d’une difficile ! Elle tassa donc son engrais à l’aide d’une petite pelle, à la forme étrangement pointue. Tant qu’on ne lui demandait pas de préciser le nom, elle ne le donnerait pas. Il faut dire qu’elle en était absolument incapable. Elle creusa ensuite un petit trou, comme la fontaine que l’on fait dans la farine avant d’ajouter les œufs pour les crêpes. Puis elle tâcha, toujours avec le même outil – utile le reste du matériel qu’elle avait du se trimballer dis donc ! – de sortir la paponquille du sol du parc. Avec moult précautions, elle finit par réussir son entreprise, et tint de sa main gantée, le bulbe de la paponquille, telle la Statue de la Liberté brandissant sa torche dans le but d’éclairer la terre – et non pas de la surveiller en tant que Gendarme du monde petits malins, je vous vois venir ! Bref, elle hésitait à faire un tour du parc au ralenti, façon petite maison dans la prairie, au milieu des pâquerettes et autres mauvaises herbes qui infestaient le parc, en chantant « I believe I can fly », mais se ravisa. Elle avait encore du pain sur la planche, et commençait à y croire.
Notre blonde internationale posa donc précautionneusement la fleur dans le nid douillet qu’elle lui avait préparé au préalable. Puis, elle combla les trous avec de la terre normale, le tout en sifflotant, afin de stimuler le bien-être de la plante, comme il l’était demandé. Elle avait pris soin de mettre de l’insecticide dans le terreau – parce qu’elle n’était pas précisément certaine de l’endroit où il fallait le vaporiser – et tassait soigneusement la terre afin qu’elle ne déborde pas du pot. Elle aurait fini en un temps record ! Seulement, voilà. Elle n’avait pas mis la fleur tout à fait droite, et celle-ci penchait en fait plutôt dangereusement sur le rebord de son pot. Elle saisit donc la tige délicatement, dans le but de la redresser. A peine ses doigts s’étaient-ils posés sur la tige, que la paponquille se transforma en papillon, et se tira. Epic Fail.
Accueil 
Sujet: Buse de Botanique