[Suite de ce topic]

-James, tu m'écoutes ? Je te parle.
-Comment ?
-Je te parle, répéta Ollivander en détachant les syllabes, comme s'il s'adressait à un sourd.

James se sentit rougir. Depuis plusieurs minutes, son esprit l'avait entraîné bien loin, tandis qu'il rangeait machinalement des boîtes.

-Oh, pardon, monsieur Ollivander...
-Tu es trop dans la lune, ricana le vieil homme sans se douter de la nature exacte des pensées de son employé. Je te demandais donc si tu aurais la gentillesse, lorsque tu seras réveillé, d'aller me chercher une glace chez Florian. Il fait si chaud... Comme d'habitude, et si tu veux quelque chose, n'hésite pas.

Pas mécontent de pouvoir sortir, l'apprenti prit l'argent que son patron lui tendait, et fila. Il remonta le Chemin de Traverse sans se presser, cherchant du regard le beau client qui avait occupé ses pensées jusqu'alors ; Jùn, un jeune homme très audacieux, qui lui avait donné rendez-vous pour le soir même. Ira, ira pas ? Sans qu'il y prenne garde, ses doigts s'étaient refermés sur le petit morceau de parchemin où le garçon avait noté son adresse. Devait-il accepter ce rendez-vous ? N'était-il pas plus amusant de chauffer Jùn à blanc et de le laisser se débrouiller seul ? Isaac aurait certainement voté pour cette seconde solution – mais Isaac avait encore plus de rouerie que de libido, semblait-il.

Il arriva chez Fortarôme sans avoir revu le garçon qui lui avait donné rendez-vous, et il s'en trouva un peu déçu. L'autre avait dû rentrer chez lui, et James, amusé, l'imagina en train de préparer un cadre raffiné pour le recevoir. Champagne, bougies, musique classique en sourdine, robe de chambre en soie négligemment entrouverte sur un torse velu. La totale, tout l'arsenal habituel du séducteur entre deux âges – un rôle qui allait assez mal à Jùn, pour être honnête. Il n'avait pas encore besoin de ces artifices ; sa jeunesse, sa beauté et son audace suffisaient amplement à lui assurer le succès...

L'esprit bouillonnant, James se hâta de regagner la boutique d'Ollivander, une coupe de glace à la main. Son patron remarqua que la sortie semblait l'avoir réveillé, et, à cette occasion, lui confia la sympathique tâche de nettoyer l'étuve qui servait d'atelier. Deux heures durant, l'apprenti joua donc de la baguette et du chiffon, traquant les poussières, frottant les taches de vernis sur le sol.... À sept heures, l'atelier était d'une propreté presque irréprochable, mais James avait grand besoin d'une douche. Il se félicita d'avoir menti d'une demi-heure à Jùn quant à son heure de sortie ; cela lui laisserait le temps d'aller se laver et se changer, pour ne pas arriver au rendez-vous encore trempé de sueur.

Rentrer, se laver, s'asperger d'un parfum discret, revêtir pantalon et chemise ajustés, prendre au passage deux bouteilles de bon vin à la cuisine : vingt-sept minutes. Le jeune homme vérifia une dernière fois l'adresse de son hôte, et transplana dès qu'il se trouva dans un endroit assez calme pour le faire.

Studio 713. James avait l'impression que sa température augmentait à mesure qu'il approchait de sa destination ; le regard de Jùn était si prometteur ! Il respira un grand coup avant de sonner à la porte, pour essayer d'avoir l'air d'un garçon sage... On lui aurait donné le bon Dieu sans confession, avec son air sérieux – s'il n'avait pas précisément choisi des vêtements serrés pour susciter la convoitise.

La porte du studio de Jùn se referma derrière lui avec un petit claquement prometteur. Le jeune homme regardait autours de lui son appartement avec une seule idée en tête : ce soir, et cette nuit.
Il lui tardait tant d’être déjà au fameux moment, James avec lui, sur le lit deux places soigneusement préparé.
Il déglutit dans un sourire, s’avança vers une chaine hifi de luxe et mit son groupe de rock favori à fond. Merde aux voisins !
De suite, il s’arma de sa baguette et s’activa en chantant, dansant, à nettoyer le studio afin qu’il soit des plus impeccables.

Et forcément, avec la magie, ça va bien plus vite. Alors…que faire d’autre du temps libre ? Enfin libre. Pouvait-on vraiment parler de temps libre lorsque l’être désiré n’est pas à vos côtés, ses mains sur votre corps brulant ?
Des conquêtes, Jùn en avait eu, tant bien qu’il ne les comptait plus et ne se souvenait que très rarement du prénom de la ou le prétendant(e). Et pourtant, il arrivait parfois qu’un beau mâle réveille ses instincts les plus sensuels, ses envies les plus folles et un désir ardent plus puissant même que la toute première fois.
James était l’un de ces beaux mâles.

Son cœur battait à tout rompre, et ses membres ne cessaient de réagir alors qu’il se pré-visualisait la soirée, les yeux clos, au rythme des notes de musiques battantes.
S’occuper. Il fallait à tout prix qu’il s’occupe s’il ne voulait pas perdre les pédales. Pas question de passer pour un homme effarouché auprès de l’apollon ! Il allait prendre les choses en main, et bien en main, croyez-le.

Il se contempla dans le miroir, songeant avec angoisse s’il lui serait possible de passer la soirée sans drogues. Il en doutait sérieusement, et craignait que cela ne fasse fuir le beau James. Il semblait tellement ancré dans les convenances. Il n’était assurément pas l’un des jeunes hommes qu’il avait l’habitude de choper dans les boites et pubs, déjà complètement défaits.
Ses yeux dévièrent de son reflet pour se fixer sur le tiroir qui contenait ses substances habituelles. Serrant les dents, il se força à ne prendre qu’une simple cigarette. Il serait vraiment con de tout gâcher, pour une simple envie. Ou surtout pour une putain de dépendance.
Il alluma de son briquet vert sa dose de nicotine, aspirant avec soulagement et plaisir. Il ferma les yeux en soufflant sa fumée, se laissant tomber sur son lit. La cigarette se consuma avec sa résistance, ne devenant qu’un simple mégot et mettant fin à la procuration temporaire.
Il ne tiendrait pas. Déjà le voilà tremblant, sur les nerfs, prêt à frapper contre un mur, et la bouche sèche, terriblement sèche et pâteuse.
Il se leva en vitesse et couru dans la salle de bain, tentant en aspergeant son visage de restreindre l’appel de la consommation. Si seulement ce soir, il pouvait s’en passer !
Les gouttes en nombre dégoulinaient de ses mèches rebelles, tapotant l’évier dans une sonorité régulière, comme un glas aux oreilles du jeune homme. Tiendra ? Tiendra pas ?

Les minutes passaient à l’allure des heures et il régnait une chaleur étouffante. Il ouvrit grand ses fenêtres, cherchant de ses yeux gris un point captivant dans les rues de Londres pour s’occuper. Mais dans ce quartier d’affaires, jamais rien de passionnant ne se passait. Sauf lorsque c’était lui qui mettait de l’ambiance. Sous drogue, bien évidemment.
Lorsqu’une dame de l’âge de sa mère habillée comme une prostituée passa avec son caniche, il ne tint plus. Il se précipita sur le meuble sacré et ouvrit avec violence le tiroir de ses rêves. Un instant d’hésitation le prit. Pas pour renoncer, non. Juste pour savoir quel moyen prendre. Joint ? Poudre ? Pilule ? Seringue ?
Gardant en tête un côté raisonnable et la volonté de ne pas faire fuir son hôte, il resta sobre et ne prit qu’un simple joint qu’il roula de ses doigts tremblant, les yeux pétillant rivés sur les feuilles associées.

Il se recoucha bien plus calme sur son lit, joint en main. Et il put s’imaginer la nuit torride qui allait se dérouler avec un calme impressionnant et sans aucune réaction de son corps.
Et déjà, le temps passa plus vite, plus stone, plus serein et allié. Il en fuma ainsi trois à la suite.

Lorsque les effets commencèrent à se dissiper, de façon qu’il devienne conscient de ses actes, bien que toujours détendu, il était presque l’heure. Il refit son lit à la hâte, et se changea. Il choisit un jean très moulant, mettant en valeur ses fesses rondes et ses attributs prêts à s’exprimer. Il vérifia toutefois que le pantalon puisse s’enlever facilement. Puis il prit une chemise simple et légère, blanche, ouverte sur le début de son torse, d’où dépassait une fine toison. Il se parfuma, et prit un air de séducteur une fois devant le grand miroir.

-Tu es à moi, James ! Fit-il d’une voix rauque.

Il rit, et s’aperçut soudain que ses yeux étaient encore légèrement rouges.

-Merde ! Grogna-t-il. J’suis vraiment trop con.

Il eut alors une inquiétude vive, qui vira à la panique. Sous l’effet de la drogue, son corps n’avait cette fois-ci pas réagi lorsqu’il avait repassé les détails torrides de la prochaine nuit dans sa tête. Et si la drogue le paralysait ce soir ?

-Impossible ! Se persuada-t-il. Habituellement, j’suis tout l’temps drogué, et j’ai jamais eu de problèmes !

Oui, mais là, c’était James.
Le soulagement l’envahit lorsqu’en imaginant James toucher son corps, il eut la réaction tant espéré. Soufflant, il sourit et tenta de calmer ses ardeurs. Pas la peine d’être bouillant avant son arrivée !
Il se dirigea vers la chaine hifi, et prépara une chanson particulière pour l’arrivée de son apollon.
Ce fut un peu la course en cuisine, mais Jùn étant un fin cordon bleu, bien qu’il le cachait de peur d’être traité comme une femme, il se débrouilla pour préparer un repas de taille. En entrée, une salade composée de jambons, lards et fruits exotiques. Puis, en plat de résistance, une viande tendre baignée dans un coulis de cerise avec des herbes et épices. Et enfin, il réussit avec brio deux coupes de tiramisu.
Il termina juste à temps, enlevant à la hâte son tablier et entendant la porte sonner.
Fébrile, il déclencha ladite musique : Bang Bang de Dalida, une clope allumée en bouche et ouvrit avec le plus de sensualité possible la porte.

-Bonsoir bel homme ! Rit-il en lâchant sa fumée au visage de James.

Il l’invita d’un geste à entrer, et profita avec délice qu’il soit devant pour le pousser d’une tape sur les fesses vers le salon et la table dressée sobrement. Pas de bougies, rien de grandiose, juste une odeur délicieuse et un air de séduction qui passe entre eux.
Il écrasa sa cigarette dans le cendrier sur un meuble, et planta ses yeux dans ceux de son invité, passant une main baladeuse sur sa chemise, qui décidément le mettait plus qu’en valeur.

-Mets-toi à l’aise !

Il lui prit avec un grand sourire les bouteilles de vins et les posa sur la table.

-Très bon goût ! Constata-t-il en lisant les étiquettes.

Puis il lui retira sa veste, prenant soin de garder un contact entre leurs peaux.

-Tu n’en auras pas besoin ce soir, il fait généralement une température plutôt…chaude, chez moi…Susurra-t-il à James.

Il ne savait pas s’ils allaient véritablement manger, tant l’envie de le croquer sur le champ était grande.