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 Alea jacta est !
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  • James Kirkby
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    James Kirkby
MessageSujet: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyDim 3 Avr - 13:14:51

Jusque-là, tout avait marché à merveille. La transaction avait eu lieu sans problème, le pauvre Tewdwr ne s'était manifestement rendu compte de rien. Le torque d'Arzhel, l'un des artefacts les plus précieux sur lequel on puisse espérer faire main basse, se trouvait désormais à une place tout à fait avantageuse, dans la poche de James. Le jeune homme se prenait à rêver ; il se trouvait détenteur d'un artefact inestimable, qu'il pourrait fort bien garder pour lui, ou revendre à son profit, au lieu de le livrer à son parrain...

La douce songerie ne dura pas. Son complice était entré en scène, et le rôle qu'il jouait ne plaisait pas vraiment à James. Certes, il avait ôté sa capuche, ce qui jouait en sa faveur. Mais il avait pris Ceithin par l'épaule, et lui parlait dans une étrange langue gutturale – du gallois, selon toute évidence... Que pouvait-il bien lui raconter ? Par précaution, James ensorcela la poche de sa veste où se trouvait le torque, de manière à ce que nul autre que lui ne puisse y prendre l'objet. Presque aussitôt, le boiteux se précipita vers lui, lui saisit le bras, et le fit transplaner avec lui.

Le trajet dura quelques secondes à peine, puis la vigueur de l'atterrissage projeta James sur un sol meuble, légèrement humide – ils se trouvaient en forêt, bien loin de Londres, mais le jeune homme ne savait où exactement. Sa méfiance augmenta encore, et il se releva d'un bond, baguette en main, en détaillant, pour la première fois, son complice. Un roux, ce qui tenait à confirmer qu'il était Gallois ; dans l'esprit de James, tous les Gallois étaient roux. Le type était jeune, dans les dix-huit- vingt ans ; un âge proche du sien, mais il ne le reconnaissait pas. Avait-il étudié à Poudlard ? C'était plus que probable ; après tout, il y avait tant d'élèves dans ce collège que les reconnaître plusieurs années après relevait de la gageure – d'autant que le jeune Kirkby, à l'école, n'était pas spécialement du genre sociable. Et puis, quelle importance ? Le jeune homme se fichait de savoir si ce garçon avait ou non étudié à Poudlard, et dans quelle maison ; la seule question essentielle était celle de sa loyauté. Il n'y avait pas trente-six solutions ; ou bien il respectait la parole donnée, et tout était pour le mieux, ils n'avaient qu'à trinquer à la réussite de leur petite association ; ou bien il n'avait fait qu'utiliser James pour son propre compte, et il entendait désormais récupérer le butin – et là, les choses se gâtaient seulement. Le type avait beau être jeune, il n'avait pas l'air d'être un adversaire négligeable ; il maîtrisait trop bien certains sorts, et le jeune Kirkby, de son côté, ne pouvait guère répliquer convenablement. Cette pensée acheva de le rendre complètement paranoïaque. Il recula de deux pas, de manière à pouvoir mieux surveiller chaque geste du roux, et lança sur un ton froid :


-Vous allez avoir la gentillesse de m'expliquer, maintenant... Qu'est-ce que vous avez raconté à ce pauvre type dans votre patois ? Qu'est-ce que nous fichons ici ? Où sommes-nous, d'ailleurs ?

Il désigna d'un geste vague de la main gauche les arbres alentour, sa main droite pointant fermement la baguette vers le roux. Le sang battait à ses tempes, la certitude d'être tombé dans un traquenard brouillait ses capacités de réflexion. Chaque bruit de la forêt lui semblait un mauvais présage ; de plus en plus inquiet, il s'efforçait de ne pas penser qu'il était à la merci du Gallois, sur son terrain, fait comme un rat. Un mot de travers, et il se sentait prêt à en découdre – sans se soucier des conséquences.
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  • Mervin Caerwyn
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    Mervin Caerwyn
MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyLun 4 Avr - 20:58:14

Il ne s’était encore jamais amusé à transplaner dans la précipitation. Même s’il connaissait le chemin de son domaine par cœur, il avait pris un risque considérable. La violence de son arrivée l’attira contre un arbre qui le reçut sans la moindre tendresse. Son compagnon, à peine plus chanceux que lui, s’effondra sur le sol. Il avait connu des atterrissages plus doux. Gêné d’avoir malmené son complice de cette façon, il voulut s’approcher pour l’aider à se relever mais ce dernier se redressa d’un bond en braquant sa baguette sur lui. Mervin perdit instantanément les rougeurs de ses joues. L’adrénaline retombait, il devait guérir les doutes que son attitude maladroite avait fait naître. La méfiance du jeune homme était à prévoir. Ce qu’il venait de faire ne figurait pas dans le contrat. Il s’était comporté d’une manière parfaitement insensée mais la situation ne lui en avait pas laissé le choix. Ici, il ne risquait rien. La forêt des Caerwyn était protégée par une barrière magique solide, renforcée par les siècles. Ils étaient sur un terrain privé. Le Ministère n’avait pas le droit d’y pénétrer. De plus, des créatures magiques à intelligence humaine veillaient. Son complice avait raison de s’inquiéter, de tourner la tête au moindre bruissement anormal, ils n’étaient pas seuls. Les dryades étaient sensibles aux manifestations magiques sorcières. Elle avait probablement déjà repéré l’intrus. Si le malheureux s’avisait de l’attaquer, il avait toutes les chances de provoquer une alerte générale… Confiant, le Serpentard baissa son arme en signe de paix. Que l’invité forcé se rassure, il ne lui voulait aucun mal, pour l’instant du moins. Tout dépendrait de son comportement. S’il devenait un témoin gênant, il avait suffisamment de cartes en main pour le neutraliser. Mais il n’était pas nécessaire qu’il en sût quelque chose. Son ignorance le sauvait de la panique la plus complète. Un homme se compromet toujours lorsqu’il cède à la peur.

- Nous sommes chez moi, au Pays de Galles
, dit-il après un temps de silence en esquissant un sourire bienveillant. Cette forêt m’appartient, elle est impénétrable, si le Ministère a repéré la moindre trace de magie illicite sur l’Allée des embrumes je peux vous assurer que nous sommes désormais en parfaite sécurité. Je suis désolé de vous avoir entraîné ici sans vous prévenir, mais ma priorité était de me mettre à l’abri. En outre, je ne voulais pas vous voir courir le risque de vous faire prendre bêtement, avec un objet aussi précieux dans votre poche, ç’aurait été idiot… Ce que j’ai dit à Tewdwr en gallois est la traduction fidèle de mes propos anglais. Je ne voulais pas prendre le risque d’être mal compris en me contentant d’une langue qu’il maîtrise d’une manière beaucoup trop erratique. Seulement, il m’était impossible de vous expliquer ce raisonnement pendant que le sortilège agissait… Quand on modifie une mémoire, il faut veiller à ne laisser aucune fausse note propre à susciter le doute. J’espère que vous comprendrez…

Il observa le jeune homme avec intérêt en priant pour que ces explications le poussent vers la raison. Son aide l’avait sauvé d’un échec cuisant et peut être fatal, il n’avait pas envie de le réduire au silence, bien au contraire, il se sentait redevable. S’il menait la conversation suffisamment bien, ils pourraient peut-être se quitter en toute amitié, avec la promesse de garder le secret sur cette collaboration criminelle.
Le choc avait découvert le visage de son complice. Malgré l’obscurité, il le devinait presque aussi jeune que lui mais sa mémoire photographique n’arrivait pas à remettre un nom sur ce garçon. L’avait-il déjà vu à Poudlard ? C’était possible, mais le jeune homme avait probablement quitté l’école depuis quatre ou cinq ans… A l’époque, il ne reconnaissait que les élèves de Serpentard. Mémoriser les promotions de toutes les autres maisons lui semblait assez inutile.


- Vous êtes dans la forêt des Caerwyn, je suis Merwin, le dernier fils de la famille. En m'excusant pour cet atterrisage raté, je peux assurer que vous êtes le bienvenu sur nos terres, monsieur… ?


Son regard surveilla avec attention la réaction du jeune homme. Il tendit une main vers lui en espérant le voir baisser sa garde. Les Caerwyn n’étaient pas appréciés de tout le monde. Si son compagnon était un sang pur, il connaissait sans doute un certain nombre de rumeurs à propos de sa lignée. La réputation des Caerwyn laissait à désirer ces dernières années, mais ils avaient toujours entretenu une image assez pacifique à l’extérieur des frontières. Aucune famille anglaise n’avait à se plaindre d’eux, certaines n’hésitaient d’ailleurs pas à affirmer que la disparition de leur lignée n’était plus qu’une question d’année.



Dernière édition par Mervin Caerwyn le Mar 26 Avr - 21:09:28, édité 1 fois
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  • James Kirkby
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    James Kirkby
MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyJeu 7 Avr - 21:04:37

Les doigts crispés sur sa baguette magique, James se préparait à en découdre. Les bruits de la forêt semblaient se faire plus proches, plus insistants, comme si une armée invisible s'était mise en mouvement pour encercler les deux hommes. L'obscurité achevait de rendre le lieu parfaitement oppressant ; le repenti se sentait prêt à n'importe quoi, pour peu que l'autre, de quelque manière que ce soit, confirme ses soupçons. L'aurait-il entraîné dans cet endroit perdu si ses intentions avaient été honnêtes ? Les hypothèses défilaient dans l'esprit fébrile de James, mais son raisonnement ne laissait aucune place à une explication simple, rationnelle, et rassurante ; pas un instant il n'avait pensé que son complice avait peut-être agi pour les protéger tous les deux, et pas pour le détrousser.

Le coeur battant à tout rompre, James attendit la réaction de son compagnon ; l'autre laissa passer quelques instants de silence, puis – chose inouïe – il adressa un sourire cordial à son complice. Si ce garçon était un traître, il cachait bien son jeu... Mais rien, dans son attitude, ne cadrait avec de tels soupçons. Il souriait, parlait sans détours, et tenait nonchalamment sa baguette le long du corps... Mieux encore, ses explications tenaient debout, et étaient même convaincantes. Sans s'en rendre compte, James abaissa lui aussi sa baguette magique de quelques centimètres, en signe d'apaisement. S'il avait voulu lui faire un mauvais parti, le roux n'aurait pas pris la peine de discuter gentiment avec lui. Après coup, sa réaction paranoïaque lui semblait un peu excessive – mais la méfiance était indispensable, dans ce genre d'affaires.

Le roux répondit point par point aux interrogations de James, et acheva en se présentant. Merwin Caerwyn. Le nom n'était pas inconnu du jeune Kirkby, élevé par un grand-père féru de généalogie ; famille galloise de sang pur, c'était tout ce dont il était certain. Il ne savait rien sur cette famille ; son grand-père préférait s'intéresser aux lignages anglais auxquels on pouvait se lier par mariage, plutôt qu'à des clans gallois fortement endogames. Caerwyn lui souhaita aimablement la bienvenue sur ses terres, et lui tendit une main que le repenti serra en se présentant à son tour :


-Kirkby. James Kirkby. Pardonnez la vivacité de ma réaction, Mr Caerwyn, j'ai craint durant quelques secondes une rupture de notre accord, mais vos explications sont tout à fait convaincantes.

En signe de bonne volonté, il acheva de baisser la garde ; on était entre gentlemen, on n'en viendrait pas aux mains dans l'immédiat. Le repenti ajouta, après un instant de silence :

-Vous avez fait preuve d'une belle présence d'esprit en transplanant, et en m'entraînant avec vous. Je vous dois des remerciements... j'espère que vous ne m'en voudrez pas d'avoir douté de vous. J'ai eu des soupçons en vous entendant parler gallois, mais je n'avais pas pensé que Tewdwr puisse ne pas connaître suffisamment l'anglais...

Il ravala les questions qui lui brûlaient les lèvres au sujet de ce malheureux Ceithin. Pourquoi aider un inconnu à le voler ? Pourquoi modifier sa mémoire pour lui faire oublier le vol ? Il y avait quelque chose là-dessous, quelque chose que James cernait mal, mais qui suffisait à éveiller sa curiosité. Pour la première fois depuis leur arrivée, le repenti adressa à son complice un sourire franc – mais un craquement plus fort que les autres le fit sursauter et changea son sourire en grimace.
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  • Mervin Caerwyn
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    Mervin Caerwyn
MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyMer 27 Avr - 19:23:14

Une faune veillait dans l’obscurité. L’éclat d’un regard ambré perçait parfois l’ombre des arbres, et il redoutait le craquement de trop, le bruissement de pas involontaire qui transformerait son invité en adversaire. Le jeune homme attendait avec un regard fixe d’animal craintif. Il fallait lui parler d’une voix douce et enveloppante, ne pas laisser le moindre silence, endormir sa vigilance sous un flot de mots continus jusqu’à ce que les jointures se desserrent autour de la baguette. Mervin savait amadouer les créatures sauvages. Sa forêt abritait les pires espèces, des dragons et des chimères. Il connaissait les réactions d’un animal enragé. Les bêtes farouches et immobiles étaient semblables aux sorciers qui hésitaient à attaquer. Ami ou ennemi ? Ils cherchaient la réponse, parce que l’agressivité ne leur était pas naturelle. Un animal qui mord sans savoir est idiot, un homme qui frappe sans comprendre est cruel, mais son compagnon d’aventures essayait de l’écouter. Il se laissait raisonner et le gallois nota sa bonne volonté. Elle le mettait du côté des personnes de confiance. Au final, les choix que l’on faisait dans la précipitation tenaient rarement du hasard. Il ne s’était pas trompé en jetant son dévolu sur lui dans le troquet.

Ses explications enchaînaient les raccords logiques. Le jeune homme baissa sa garde. Rien ne pouvait donner matière à douter, chaque action était parfaitement calculée et, pour une fois, Mervin avait joué la carte de la sincérité. Il sentait qu’il n’était pas nécessaire de lui mentir en lui cachant, par exemple, son identité. Son attitude docile et réfléchie le confortait dans l’idée qu’il avait peut-être trouvé un soutien, quelqu’un sur qui compter à l’avenir… Curieuse idée, songea-t-il cependant. Il n’avait encore jamais compté sur personne. Mais cet état de fait ne pouvait plus durer. Ses machinations dépassaient le microcosme familial. S’il voulait prospérer et préserver ses intérêts, il avait besoin d’alliés.

James Kirkby, le nom tomba enfin et le rouquin explora les derniers souvenirs liés à ce patronyme en lui serrant la main. La famille Kirkby était anglaise, de sang pur bien entendu, mais son influence restait limitée. Le vocabulaire du jeune homme et ses tournures élégantes étaient cependant le signe d’une éducation élevée. En effet, le nom de Kirkby, lorsqu’il était cité, s’accompagnait souvent d’un Lord. Lord Kirkby était mort cet été, d’une fort étrange manière. Un suicide peut-être ? Il n’avait pas suivi l’affaire de très près. En tout cas, la famille n’avait plus fait de vagues depuis. Qu’étaient-ils devenus ? Sur ce point, Mervin devait reconnaître son ignorance.
Il murmura un lumos pour éclairer les environs, ce qui provoqua la fuite d’une dryade qui se trouvait vraisemblablement derrière lui. Le château n’était pas très loin. En réalité, ils avaient atterri à quelques pas de la tombe de sa mère, un chêne entouré d’un tapis de fleurs blanches qu’aucune saison ne pouvait altérer.
Mervin accepta d’un signe de tête les explications de James. Ce garçon était décidément fort bien élevé. Sa déférence le troublait presque, il n’y était pas très habitué. Malgré son titre de préfet-en-chef à Poudlard, les élèves avaient beaucoup de mal à le respecter. Ils le voyaient sourire et l’imaginaient inoffensif.


- Vos soupçons étaient compréhensibles
, dit-il avec douceur. Je serais bien mal avisé de vous les reprocher puisque rien n’aurait été possible sans la prudence dont vous avez su faire preuve…
Il ne s’attarda pas sur les compliments de circonstances. Avant de poser les questions qui l’intéressaient, il fallait sonder les connaissances de son interlocuteur.
- Les sorciers gallois sont, comme vous le savez peut-être, très conservateurs, et les Tewdwr ont pour coutume de mépriser tout ce qui ne vient pas de leurs terres. Ici, ils agissent en véritables tyrans… Mais je suppose que les histoires des sorciers du Pays de Galles se tiennent éloignées des dîners anglais…


Son regard s’intensifia et il éleva légèrement sa baguette pour observer les variations de son expression. Le franc-parler qu’il avait décidé d’adopter toucherait bientôt ses limites. Il devait attiser la curiosité du jeune Kirkby, et l’amener à voir les Tewdwr comme les grands méchants de l’affaire. Ceithin devait perdre l’image de pauvre victime qu’il avait sans doute imprimé dans son esprit. Mervin agissait pour le bien de sa communauté et non pour ses intérêts personnels. En l’aidant à dérober le torque, James rendait service aux familles galloises. N’était-ce pas merveilleux ?

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  • James Kirkby
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    James Kirkby
MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyVen 29 Avr - 21:55:35


Les explications fournies par Caerwyn et la poignée de mains échangée avaient quelque peu rassuré James, mais il ne se détendait pas pour autant. L'atmosphère de cette forêt était trop angoissante pour lui : à chaque instant, il jetait un regard affolé pour essayer de deviner ce qui faisait frémir les feuilles et craquer les brindilles ; parfois, il lui semblait voir briller un regard à travers les fourrés, sans pouvoir déterminer à quelle créature il appartenait. Homme ou bête ? Créature féroce ou inoffensive ? Merwin ne réagissait même pas aux petits bruits qui les environnaient ; il devait être habitué à cet endroit, en connaître les occupants, et savoir lesquels rôdaient autour d'eux à cet instant. James, en revanche, sentait son coeur s'emballer au moindre frémissement ; il n'avait pas suffisamment observé les lieux pour se rendre compte qu'ils n'étaient pas au plus profond du bois : avec un peu d'attention, il aurait remarqué qu'à travers les feuillages encore peu épais, les étoiles et la lune les éclairaient, le roux et lui. La lumière qu'elles dispensaient était cependant trop chiche pour au goût de Merwyn qui alluma l'extrémité de sa baguette – excellente idée. James s'apprêtait à l'imiter, mais le bruit précipité d'une fuite à travers les taillis l'affola à nouveau : il releva vivement sa baguette magique, à nouveau sur le qui-vive, prêt à attaquer. Merwin n'avait pas accordé la moindre attention au bruit, ce qui incita son compagnon à se détendre un peu ; lentement, il laissa retomber le bras le long de son corps, convaincu que la meilleure chose à faire était de s'en remettre à Caerwyn, tant qu'ils seraient dans cette forêt.

Il rangea donc sa baguette magique dans la poche de sa veste, manifestant ainsi que ses intentions n'étaient pas belliqueuses. Il lui sembla – probablement un effet de son imagination – que l'atmosphère de la forêt se faisait un peu moins oppressante, comme si une armée invisible commençait sa dispersion ; pour autant, l'endroit lui donnait toujours le frisson.
Il écouta sagement les explications de Merwin au sujet des familles galloises, légèrement perdu dans ce monde étranger, ne demandant qu'à croire ce qu'on lui racontait. Les Gallois, il l'avait toujours entendu dire, vivaient en vase clos et formaient une société bien particulière. Il était difficile pour qui n'était pas des leurs de se retrouver dans leurs alliances, mésalliances et petites vendettas entre cousins. L'Anglais hocha doucement la tête, avec le sentiment d'être tombé en plein Moyen Âge, et répondit :


-Effectivement, en Angleterre, on n'évoque guère le Pays de Galles. Les familles locales ne laissent pas place aux ambitions extérieures. Je croyais cependant que les relations entre familles galloises étaient paisibles, et que le domaine de chacune était bien délimité... Je m'aperçois que j'avais tort.

Finalement, le Pays de Galles ne valait pas mieux que l'Angleterre ; ici comme là-bas, les chiens se battaient pour le moindre morceau de viande. Le jeune homme poursuivit :

-Il semble donc que j'aie contribué, sans le savoir, à une... euh... redéfinition plus équitable des relations entre familles galloises. Je suis heureux d'avoir pu vous rendre ce service, conclut-il en inclinant légèrement la tête.

Il fallait s'expliquer, si peu que ce fût, donner quelques précisions sur sa propre participation à l'affaire. Il réfléchit quelques instants, puis reprit :

-Je dois cependant vous avouer que je n'en avais aucune intention... Seul le torque m'intéressait. C'est un artefact d'une grande valeur...

Sous ses airs de jeune homme bon chic bon genre, il n'était qu'un voleur, et il l'admettait sans la moindre gêne. La malhonnêteté n'excluait pas le sens de l'honneur et les bonnes manières ; tant que les apparences étaient sauves, c'était l'essentiel... Et puis, c'était pour la bonne cause – du moins l'espérait-il ; il ne comptait pas faire carrière dans la filouterie de bas étage. Ce serait son unique tentative, et, si tout se passait comme prévu, il aurait gagné le droit de demeurer assis derrière un bureau pendant que d'autres iraient risquer leur peau. Un sourire triomphant passa sur ses lèvres à cette pensée, et il demanda, soudain plus à l'aise :

-Verriez-vous un inconvénient à ce que nous quittions cet endroit, mon cher ? Pour tout vous dire, je ne serais pas mécontent de poursuivre cette conversation dans un cadre plus... conventionnel.


Dernière édition par James Kirkby le Jeu 5 Mai - 5:45:54, édité 1 fois
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  • Mervin Caerwyn
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    Mervin Caerwyn
MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyMer 4 Mai - 14:01:38

Les dryades s’en étaient allées mais la forêt continuait à vivre. Des hiboux hululaient, des renards chassaient, quelques rats s’agitaient dans les feuillages, et James se raidissait à chaque mouvement suspect. Ce pauvre anglais choyé ne devait pas avoir l’habitude de la vie en plein air. Mervin avait remarqué cette tendance qu’avait le sorcier moyen de s’effrayer d’un rien dès qu’il s’éloignait de la civilisation, comme si le fait de faire deux pas dans une forêt pouvait attirer une manticore enragée. Il n’y avait pourtant rien à craindre. Les créatures magiques évitaient les hommes mais la peur était un sentiment négatif que les animaux sauvages percevaient et détestaient. L’attitude des citadins n’était vraiment pas logique. Mais, en l’occurrence, la méfiance irrationnelle du jeune Kirkby faisait bien son affaire. Il n’était pas assez concentré sur la discussion pour l’intellectualiser. Rien ne l’étonnait, il se laissait guider dans l’espoir, sans doute, de quitter les lieux au plus vite. Sur son territoire, le rouquin avait tous les avantages. Il se sentait d’ailleurs de plus en plus détendu. Cette rencontre commençait même à l’amuser. Après tout, c’était la première fois qu’il recevait un homme en sa qualité d’héritier. Aux yeux de James, ce vaste domaine lui appartenait, et il fallait s’en remettre à lui pour survivre sur cette terre. Il était chez lui, et il avait plus d’influence que son père, le véritable Lord Caerwyn, n’en aurait jamais.
Face au jeune homme, il pouvait même exagérer son importance en se donnant le rôle confortable de celui qui Savait. Il connaissait le monde gallois et son interlocuteur avoua comme prévu son ignorance, par conséquent, il était obligé de le croire. De toute manière, son point de vue était le bon puisqu’il défendait aussi les autres familles. Les Tewdwr étaient trop primitifs pour rivaliser avec lui lorsqu’il s’agissait d’invoquer les valeurs chères aux sorciers moyens. Ce n’était pas en épinglant les têtes de leurs ennemis abattus sur leur porte qu’ils s’attireraient les amitiés des aristocrates anglais, et surtout pas à l’heure où les discours pro-moldus se multipliaient. Ils disparaîtraient. Cependant, James n’avait pas tort en objectant que les relations entre gallois étaient paisibles. Les Caerwyn étaient à l’origine de ce désordre, après des siècles de tranquillité. Mais il était délicat de lui expliquer l’origine de cette affaire. Il ne connaissait pas suffisamment l’opinion du jeune homme sur le statut du sang pour s’y risquer et, justement, les Kirkby étaient connues pour leurs idées très conservatrices. En théorie, l’assassinat de sa mère était légitime, les Tewdwr s’étaient contentés de défendre leur honneur… Lord Caerwyn l’avait compris et avait accepté la mise au ban. Mais sa mère… Pouvait-on torturer une femme innocente à mort, sous les yeux de son enfant, au nom de la tradition ? Une vengeance en appelait forcément une autre. La boucle ne s’arrêtait jamais.


- Nous avons connus des siècles plus heureux en effet
, confirma-t-il en hochant la tête, mais, comme vous le savez sans doute, il y a toujours beaucoup de souffrances derrière les apparences. La paix entre les familles a été signée il y a très longtemps par un pacte de fraternité qui a réparti les richesses de manière équilibrée entre les quatre familles dominantes, c’était en 1632 je crois… Aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose de ce contrat, ajouta-t-il après un silence d’un air affligé. Nous connaissons les mêmes problèmes que les lignées anglaises, nous avons perdu notre splendeur, et la peur de disparaître inspire aux plus conservateurs des comportements aberrants qu’il n’est pas possible de cautionner…

N’était-il pas aimable de faire un petit rappel historique à l’anglais en se contentant de préciser ce qu’il savait déjà ? Mais ce dernier point devait passer inaperçu. Ce qu’il racontait n’était pas dénué d’intérêt, il parlait comme quelqu’un qui en savait long et, s’il ne faisait que répéter ce qu’il venait de dire d’une manière plus développée, il donnait sans doute l’impression d’apporter des informations nouvelles. Les querelles intestines des gallois semblaient plus évidentes, alors que rien ne les expliquait concrètement. James n’avait pas besoin de précision. C’était un garçon intelligent qui connaissait les problèmes des sang-purs anglais, il pouvait le comprendre et Mervin comptait sur ce sous-entendu tacite pour obtenir sa confiance définitive. Le jeune Kirkby ne pouvait plus lui poser de question sans admettre son ignorance sur un sujet qui devait lui être connu par tous les grands noms du monde sorcier… Son interlocuteur était coincé. Piégé par un discours unique il essaya même de se réjouir poliment des bienfaits de son larcin, en précisant prudemment qu’il n’avait jamais agi que pour son profit personnel. Le contraste de sa franchise arracha un rire léger au gallois.


- Ce torque est très précieux en effet, bien que son pouvoir soit très difficile à activer, c’est l’un des plus beaux trésors du Pays de Galles. Il est regrettable que les Tewdwr [Teoudour] l’aient vendu aux anglais, mais, puisqu’il en est ainsi, je vous souhaite d’en tirer un bon profit.


Il envoya un sourire de connivence à James sans dissimuler cette fois la malice de son assertion. Quoi de mieux qu’une petite plaisanterie entre voleurs pour maintenir la complicité ? Il se fichait du sort du torque. Ce n’était plus son affaire. Sa famille passait avant le patrimoine de son pays et, s’il n’avait rien fait, l’artefact aurait fini en Angleterre de toute manière. Il s’était trompé de destinataire, certes, mais le résultat était le même. Son compagnon souriait, d’un air soudain plus réjouit, et souhaita poursuivre la conversation dans un endroit plus approprié. Mervin aurait pu lui proposer d’allumer un feu entre deux souches de bois mais, visiblement, le jeune homme préférait le confort du logis… Il hésita un instant et déclara finalement :

- Le château n’est pas très loin, si c’est un cadre qui vous convient, je vous invite à me suivre.


Il lui emboita le pas et se dirigea vers la sortie de la forêt. Ils arrivèrent bientôt sur un sentier rocailleux tracé sur une bute assez raide. Les arbres s’espaçaient et quelques tours sombres pointaient au loin.


- C’est en haut. Mon père et son épouse sont probablement là mais je pense qu’ils ne verront pas d’inconvénient à nous laisser tranquilles dans la grande salle.


Depuis combien de temps la pièce n’avait-elle plus servie ? La famille vivait principalement dans la cuisine. Ils avaient perdu depuis longtemps leurs habitudes de grands propriétaires. La moitié du château était tombée à l’abandon depuis le déclin progressif de la lignée. L’époque où les cousins se partageaient les appartements était révolue depuis longtemps. Désormais, ils se partageaient le bâtiment à trois et personne n’avait cherché à s’aménager un espace personnel dans les ailes couvertes de poussière. Le château avait triste mine, même de l’extérieur. Sans la lumière qui brillait au rez-de-chaussée, il aurait pu ressembler à une ruine. Les pierres étaient tordues, la façade parfois morcelée et deux des tours s’étaient partiellement effondrées. L’entrée ne ressemblait d’ailleurs plus à grand-chose. Il n’y avait plus de porte devant le pont, juste un trou tellement béant que ce qui aurait dû être une cour faisait l’effet d’une vaste allée. Mervin ne semblait pas particulièrement gêné de montrer au jeune Kirbky un château aussi miteux. Il lui arrivait de plus en plus souvent de songer à le reconstruire mais l’ampleur de la tâche le désespérait un peu, et il n’avait pas l’argent. [Voilà à quoi pourrait ressembler le château en un peu moins destroy quand même]
Une odeur de fumet flottait dans l’air. Son père et sa belle-mère étaient sans doute en train de prendre leur repas, à dix-neuf heures précises, comme toujours. Il poussa la porte d’entrée et se fit aussitôt accueillir par un épagneul qu’il s’agenouilla pour caresser.


- P'nawn da Aedd !
susurra-t-il tandis que Taffy l’elfe de maison puis son père secondé de la jeune Epona sortaient de la cuisine pour s’étonner de sa venue.
Et tout le monde parla en gallois, par-dessus les aboiements du chien qui avait déjà posé un bout de chiffon baveux aux pieds de James et les couinements de l’elfe qui avait visiblement un millier de choses à dire malgré le fait que personne ne l’écoutait. Puis, après avoir finalement embrassé son père, un homme qui n’avait pas encore quarante ans, Mervin se retourna vers son complice et revint à l’anglais pour déclarer dans un sourire :

- Je vous présente James Kirkby, un ancien ami de Poudlard que j’ai eu le plaisir de retrouver tout à l’heure. James, voici mon père, Lord Caerwyn et ma belle-mère, Epona, née Llywarch [Teleuwark].
La jeune femme, une blonde ravissante de dix-sept ans, adressa une révérence polie à l’invité et Lord Caerwyn s’approcha pour lui serrer la main et déclarer avec un accent beaucoup plus fort que celui de son fils :
- Enchanté, mais n’allons pas nous embêter avec ces titres, vous pouvez m’appeler Aelhaearn [Alouarn].
L’elfe surexcité se précipita et s’aplatit à moitié par terre en s’exclamant :
- Taffi [Tassi], Monsieur. Très honoré de rencontrer un ami du maître.
Mervin éclata de rire.
- Je t’en prie Taffy, relève toi et va préparer la grande salle. Suivez-moi James
, ajouta-t-il tandis que la petite créature transplanait.
Il envoya un dernier sourire à son père et à sa belle-mère et posa une main plus familière dans le dos du jeune homme pour le conduire dans la pièce d’à côté. L’intérieur du château était à l’image de sa façade. Les murs étaient bosselés, parfois déchiquetés, les dalles irrégulières, les marches des escaliers enfoncées. Une odeur de pierre et de terre stagnait dans l’air, et le décor n’avait visiblement pas été retouché depuis le moyen-âge. Il était parfois impossible d’identifier les motifs des tapisseries élimées. Les seules intactes étaient celles que la magie animait. Même l’étendard de Serpentard était à moitié rongé.
La grande salle dont parlait Mervin était sans doute la mieux préservée du château. Malgré un mobilier très terne, l’architecture avait gardé un côté monumentale qui laissait à penser qu’en des temps très lointains, les Caerwyn cherchaient à impressionner leur visiteurs… Aujourd’hui, plusieurs statues avaient perdu leurs visages, quelques ancêtres sommeillaient dans des portraits bancals et les chandeliers se couvraient de rouille. Pourtant, à la lueur des bougies et du foyer que Taffy venait d’allumer dans la grande cheminée, la pièce devenait presque chaleureuse. Sa famille avait connu beaucoup de jours heureux ici.

- Installez-vous, dit-il en lui tirant une chaise en bout de table avant de prendre place en face. Nous avons perdu l’habitude de recevoir mais je peux vous assurer que malgré le caractère un peu vétuste du château, on s’y sent très vite à son aise. – Il ponctua sa déclaration d’un sourire dénué d’ironie – Je suis désolé pour le trouble qu’a suscité mon arrivée mais, comme je suis étudiant à Poudlard, il n’était pas prévu que je rentre ce soir et il vaut mieux que mon père ne sache rien de toute cette affaire. C’est un homme qui n’aspire qu’à la tranquillité, et je fais mon possible pour lui assurer la paix…

Il enveloppa à nouveau le jeune homme d’un regard étonnement bienveillant en surveillant avec intérêt ses réactions. Le pauvre n’avait pas vraiment eu le temps de s’exprimer et il était certain que toute cette culture le dépassait… Les Caerwyn ne vivaient pas vraiment à l’époque moderne, et même les vêtements de Lord Caerwyn et d’Epona semblaient d’un autre temps.

[Note : Oui les gallois prononcent les mots bizarrement Fou]
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  • James Kirkby
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    James Kirkby
MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyVen 6 Mai - 15:39:07

Un léger courant d'air fit bruisser les feuilles au-dessus d'eux ; au loin, un hibou poussa un long hululement et, plus loin encore, un autre sembla répondre. Les bruits de la forêt se faisaient moins menaçants ; la vie semblait reprendre un cours normal. James était bien loin de se douter que tout le petit peuple des bois était venu l'observer, et se rendre compte de ses intentions ; il imaginait encore moins qu'au besoin, des créatures dont il n'avait même pas idée se seraient portées au secours de Merwin. Il n'entretenait que de très lointains rapports avec la nature ; lorsqu'il se rendait en forêt, c'était de jour, pour y collecter les branches nécessaires à Ollivander ; les seules créatures qu'il croisait alors étaient des Botrucs, êtres peu dangereux qu'il était facile de distraire avec une poignée de nourriture. Il ne s'aventurait pas plus loin que nécessaire : il ne ressentait aucune curiosité pour la nature et ses habitants, fussent-ils magiques. Mervin semblait amusé par sa réaction, mais il ne dit rien ; la courtoisie le lui interdisait, et il s'était conduit, jusqu'alors, en parfait gentleman. Il se mit en marche, du pas lent de l'homme qui arpente son domaine avec plaisir, et fournit quelques explications à son complice ; l'histoire était classique, et en changeant quelques détails, on pouvait la retrouver en Angleterre. C'était donc cela, le Pays de Galles ! Les sorciers anglais avaient trois siècles de retard. Ils en étaient restés au pacte de fraternité, à l'entente cordiale entre familles, et , pour la plupart, n'avaient aucune idée de ce qui se passait réellement. Comme tant d'autres, James croyait à cette prétendue concorde entre clans gallois, et ce que lui expliquait Caerwyn entamait ses certitudes. Il ne pouvait pas dire qu'il était surpris ; au contraire, c'était bien le maintien d'une paix parfaite qui étonnait l'Anglais moyen. Les familles anglaises les plus en vue avaient bien essayé, périodiquement, d'instaurer un tel modus vivendi ; les accords avaient toujours volé en éclats très rapidement, tant les intérêts particuliers étaient puissants. Bien entendu, les Kirkby n'avaient jamais figuré au nombre des familles dominantes, mais ils connaissaient l'existence et la teneur des conventions passées au sommet ; ils ne s'en souciaient pas davantage, car elles ne tenaient jamais assez longtemps pour brider les ambitons et les rivalités.

En hôte poli, le jeune Kirkby écouta attentivement les explications de Merwin, et il remercia le Gallois d'un signe de tête ; il devait cependant avouer que les turpitudes des clans gallois ne le passionnaient guère. Le Pays de Galles n'était pas un terrain de chasse pour les Anglais ; les locaux veillaient à ce qu'aucun sorcier extérieur ne puisse nuire à leurs intérêts. Les deux pays s'ignoraient joyeusement, et si Merwin et James s'étaient unis ce soir, c'était pur hasard. Une fois l'affaire terminée, chacun reprendrait le cours de ses activités ; on garderait un bon souvenir de cette collaboration, mais ce serait tout. L'Anglais n'envisageait pas un seul instant une coopération plus régulière avec le Gallois. Le jeune homme était pourtant sympathique ; il se comportait en hôte prévenant, s'assurait du regard que son compagnon le suivait sans mal à travers les broussailles, et avançait au rythme de l'Anglais, peu habitué aux escapades nocturnes dans les bois.

James se laissa guider jusqu'au château, une imposante bâtisse qu'il distinguait mal dans l'obscurité, mais qu'il identifia comme une construction médiévale. Son arrivée nocturne lui épargnait de voir le triste état du château ; la seule chose qu'il put remarquer fut le peu de fenêtres éclairées. De toute évidence, la vaste demeure abritait peu d'occupants. Merwin n'avait guère parlé que de son père et de son épouse ; cela représentait peu de monde, pour un château de cette taille.

Une agréable odeur de nourriture flatta les narines de James, qui pénétra devant Merwin dans le château. De la cuisine de campagne, simple et roborative, qui rappela au jeune homme qu'il commençait à avoir faim. Il n'aurait rien eu contre le fait d'aller mettre ses pieds sous la table, même pour manger un improbable ragoût gallois à base de chèvre séchée...

Leur arrivée plongea la château dans une véritable fièvre. Un épagneul surexcité se mit à sauter autour d'eux en aboyant, un elfe vint se confondre en protestations de dévouement, et le couple le plus mal assorti que James ait jamais vu s'empressa de venir accueillir les deux arrivants. Tout le monde parlait en même temps, le chien ne cessait de japper, et James eut, un instant, l'impression d'être arrivé sur une autre planète. Le couple portait des vêtements qui avaient dû être à la pointe de la mode en 1800, mais qui contrastaient singulièrement avec sa propre tenue, un savant assemblage de grandes marques sorcières et moldues. Ils le détaillaient avec jubilation – les étrangers devaient être rares dans les parages – mais sans hostilité ; au contraire, on lui souriait, et chacun fit l'effort de passer à l'anglais, par égard pour lui. La belle-mère, un joli brin de fille bien plus jeune que lui, lui fit une révérence tout à fait charmante ; il s'inclina à son tour devant elle, et la gratifia d'un baise-main en règle. Elle ne devait pas y avoir droit tous les jours, dans sa cambrousse. Lord Caerwyn, le père de Merwin, le saluait de façon plus virile, en lui demandant de l'appeler par son imprononçable prénom ; James préféra rester très protocolaire, et il serra la main de l'homme en courbant légèrement le buste :


-Mes respects, Monsieur.


On ne tape pas dans le dos d'un Lord, même d'un Lord aussi atypique que ce Gallois... Et puisqu'il était là en tant qu'ami de Merwin, il se devait de faire bonne impression. Il alla jusqu'à accorder un sourire à l'elfe de maison qui lui tournait autour en répétant des paroles de bienvenue, mais ignora délibérément l'espèce de chiffon immonde que le chien s'appliquait à venir déposer sur sa chaussure. Il ne fut pas fâché quand Merwin le pria de le suivre hors de ce tumulte, et le mena jusqu'à une grande salle qui ne manquait pas d'allure, malgré la poussière qui s'y était accumulée. Il s'assit à la place que lui désignait son hôte, à proximité du feu, encore un peu désorienté par l'agitation qu'il venait de quitter. Le roux s'excusa d'ailleurs pour cette arrivée en fanfare, et James répondit dans un sourire :

-Ne vous excusez pas, j'ai trouvé l'accueil de votre famille tout à fait sympathique. Votre arrivée a créé l'événement... cela se comprend, puisque vous étudiez encore à Poudlard. À Serpentard, si je me fie à la bannière que j'ai aperçue ?

Il eut un sourire, et reprit dans un murmure :

-Quant à votre père, même si j'ai eu grand plaisir à m'associer à son fils, il ne saura rien de notre petite affaire, vous avez ma parole.


Mieux valait, de toute façon, que le moins de gens possible soient au courant de leur larcin. De cette façon, la destination finale du torque serait impossible à établir. Tout était pour le mieux ; Merwin et lui étaient entièrement d'accord, comme deux vieux complices habitués de longue date à travailler ensemble. James se sentait plus détendu à présent ; il l'indiqua, involontairement, en se laissant aller contre le dossier de sa chaise, et en ouvrant un peu sa veste pour se mettre à son aise.
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  • Mervin Caerwyn
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MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyJeu 12 Mai - 15:00:27

Les invités étaient rares chez les Caerwyn, surtout ceux qui n’appartenaient pas au clan gallois. Aelhaearn n’avait pas d’amis. Il lui arrivait de discuter avec les moldus des villages avoisinants mais il était exclu de les faire entrer sur le domaine. Côté sorcier, il n’y avait plus personne depuis sa « trahison », si ce n’état quelques familles peu prestigieuses qu’on invitait de temps à autre pour les célébrations traditionnelles et, depuis peu, les Llywarch avec qui ils avaient noué une entente très cordiale. Mervin ne se montrait pas beaucoup plus sociale que son père. C’était même la première fois qu’il amenait un étranger au château. Depuis combien de temps n’avaient-il pas reçu d’anglais ? Il n’était même pas certain d’en avoir vu un fouler ces dalles un jour. Mais il était grand temps de mettre fin à cette autarcie. Ils n’arriveraient qu’à s’entretuer s’ils continuaient et le Serpentard ne se sentait finalement pas de passer le restant de ses jours enfermé au domaine après ses années d’études à Poudlard. Il suivit d’un œil amusé l’accueil désordonné que fit chaque membre de sa famille à James. Le teint blanc d’Epona s’empourpra instantanément lorsque le jeune homme lui baisa la main. Elle n’était pas habituée à fréquenter des hommes avec qui elle n’entretenait aucun lien de parenté, et celui-ci était assez beau pour la troubler au plus haut point. Lord Caerwyn l’avait-il noté ? Peut-être, mais ça ne l’affectait pas. Il ne cessait de dire que son épouse méritait un homme plus heureux que lui, quelqu’un qui fût capable de l’aimer vraiment et non de la traiter comme une enfant.

Enfin seul avec James dans la grande salle, Mervin se demanda cependant ce qu’il pouvait désormais attendre d’un jeune homme aussi bien éduqué que James. Il n’avait pas d’intérêt à se rapprocher de la famille Kirkby et, s’il se fiait aux dernières nouvelles, ce nom avait toutes les chances de tomber définitivement dans l’oubli. Où situer le vol du torque dans cette affaire ? Son complice avait-il besoin de prendre tous ces risques, de s’emparer d’un objet inestimable, pour couvrir un manque d’argent ? Il était certain, en tout cas, qu’il n’en était pas tout à fait à a première fois. La facilité avec laquelle il avait pu le diriger et sa maîtrise de l’imperium le mettait d’emblée du côté des milieux peu fréquentables du monde sorcier. S’il n’avait eu aucun mal à lui obéir, cela signifiait aussi qu’il avait l’habitude d’exécuter les ordres qu’on lui donnait. Quelqu’un qui se serait formé seul aux brigandages lui aurait probablement posé plus de difficultés, parce qu’il aurait insisté pour procéder à sa manière. Ainsi, une question demeurait, pour qui travaillait-il ? Le sourire amical fiché sur les lèvres du gallois ne laissait rien deviner de ses réflexions. Il savait néanmoins pourquoi cette discussion se prolongeait jusqu’à chez lui, sa curiosité n’était pas encore satisfaite. Il n’était pas certain d’avoir envie de le laisser partir tant que l’identité véritable de ce garçon ne lui aurait pas été révélée. En attendant, James essayait de relancer la parole sur une banalité, ce qui était une bonne idée. Il lui promit ensuite dans un souffle de ne jamais faire remonter cette affaire jusqu’à son père. Mervin hocha doucement la tête.


- J’y compte bien, il est inutile de l’inquiéter inutilement. Je ne veux pas qu’il sache que les Tewdwr représentent à nouveau une menace sérieuse pour nous, il ne s’en remettrait pas…


Un air plus grave avait remplacé ses sourires ordinaires. Il sondait à nouveau James afin de savoir jusqu’où la confidence pourrait aller et l’inciter à parler en retour. Même s’il ne comptait pas lui livrer les informations d’un coup, il espérait l’intriguer assez pour amener une discussion sérieuse plus naturellement et lui signifier qu'il pouvait poser des questions sans paraître déplacé. Ce serait plus tard. Avant, ils pouvaient toujours parler de Poudlard…


- Et vous avez vu juste
, poursuivit-il en retrouvant un visage placide. Je suis effectivement à Serpentard, où je termine ma scolarité avec un titre de préfet-en-chef qui m’a été délivré cette année… Mais je peux vous assurer que ça n’a rien d’un cadeau, ajouta-t-il en riant. Serpentard est par tradition la maison de notre famille. Je crois que mes ancêtres ont soutenu Salazar Serpentard il y a très longtemps mais j’ai retrouvé peu de document à ce sujet dans nos archives. Mon père a également fait parti de cette maison. Et vous James ? Nous nous sommes probablement croisé dans les couloirs un jour, mais je n’en garde malheureusement pas le souvenir…

Un « ploc » sonore interrompit bientôt la discussion et Taffy apparut sur la table avec une chope de bière dans chaque main.


- Taffi a pensé que Lord Merwin et son ami auraient envie de boire quelque chose
, dit-il en posant les verres devant eux avant de s’adresser tout particulièrement à James, Taffi espère que le seigneur aimera, mais s’il n’aime pas, Taffi peut toujours lui apporter autre chose.
- Je te remercie Taffi, murmura Mervin, en témoignant un égard curieux vis-à-vis d’un simple elfe de maison. Puis, il se tourna vers son compagnon, et ajouta : c’est une bière ambrée locale brassée dans un village voisin. Pouvons-nous également vous offrir quelque chose à manger ?
- Oh oui, il reste du caws-wedi-pobi si le maître et son ami ont faim, et aussi de la soupe.

- Un welsh rabbit, si vous préférez, précisa Mervin. Une sorte de fondue à la bière. Ce n’est pas de la grande cuisine mais c’est très bon, une grande spécialité de la région.

Fondu n’était pas tout à fait le mot exact puisque le fromage était beaucoup plus compact mais c’était ce qui définissait le mieux ce plat de résistance à base de chedar, de pain grillé et de jambon. C’était celui qu’il préférait lorsqu’il était enfant et Epona en raffolait tant que c’était peut être la seule recette qu’elle réussissait à la perfection. Tous les autres plats étaient préparés par Lord Caerwyn en réalité. Il attendit la réponse de James que Taffi fixait avec intensité dans l’espoir d’un « oui » et, lorsque l’elfe transplana à nouveau, Mervin leva sa choppe et déclara :


- Eh bien à votre santé James, ou iechyd da, comme nous le disons en gallois !

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  • James Kirkby
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    James Kirkby
MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyLun 16 Mai - 21:45:42



Bien sûr, la demeure des Caerwyn était un peu vétuste, mais on s'y sentait bien. L'accueil cordial des Gallois avait déconcerté James ; il n'était qu'un étranger, et on le recevait avec autant de chaleur que s'il avait appartenu à la famille. Merwin l'avait présenté comme un ami, certes, mais cela n'expliquait pas tout. Les bourrades amicales du père, les sourires de la belle-mère, l'empressement de l'elfe, et même l'affection débordante du chien. Un ami d'école n'aurait pas été si bien accueilli chez les Kirkby – du vivant de Peter et Thomas, du moins. Les rares hôtes invités par les trois fils de la maison – tous des sang-pur certifiés – devaient se plier à un interrogatoire en règle avant d'être admis dans le saint des saints, et la surveillance paternelle ne cessait pas un instant. Les frères Kirkby ne conviaient d'ailleurs guère d'amis dans la sinistre demeure familiale ; l'ambiance pesante les mettait eux-mêmes mal à l'aise, et James ne pouvait s'empêcher d'envier le climat de la famille Caerwyn. Tout semblait tellement plus détendu, plus naturel, ici ! Un sourire un peu désabusé passa sur les lèvres du repenti, et il dut faire un effort pour cesser de maudire en silence sa joyeuse famille et revenir à la conversation. Merwin parlait de sa maison à Poudlard, Serpentard... il ne devait pas y faire partie des quelques étudiants louches que fréquentait James lorsqu'il était à l'école, car le jeune homme ne se souvenait pas de l'avoir jamais croisé. Aucun de ses « amis » n'était d'ailleurs devenu préfet-en-chef... leur passion pour la magie noire et les thèses extrêmes avait dissuadé Dumbledore de confier la moindre responsabilité à ces jeunes gens. Le repenti eut un sourire à cette pensée, et répondit sur un ton badin :


-J'étais à Serdaigle, mais j'ai quitté l'école voici quatre ans déjà... Il n'est pas surprenant que vous ne vous souveniez pas de moi. J'ai étudié quelque temps à l'UMA après mes ASPIC, mais ce n'était pas ce qui m'intéressait... C'était mon père qui tenait à ce que je fasse des études pour devenir langue-de-plomb... J'ai abandonné en cours de route....

L'elfe des Caerwyn interrompit cette passionnante biographie, en posant devant les deux jeunes gens d'énormes chopes de bière fraîche. Décidément, l'accueil était parfait... Plus que parfait, même. Merwin embraya en proposant de manger quelque chose, et James répondit poliment :

-Je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité, Merwin... ne vous mettez pas en peine pour moi. Le Welsh rabbit me suffira amplement, je vous remercie... je n'en ai jamais goûté mais ce que vous en dites me semble tout à fait alléchant.

Il adressa un sourire à l'elfe, qui attendait sa réponse avec ferveur, et qui eut l'air ravi de le voir accepter. Le repenti leva son verre pour répondre au toast de son hôte, un peu inquiet malgré tout :

-À votre santé, Merwin. J'espère que ma venue ne cause pas trop de trouble ? J'ai l'impression que votre famille met les petits plats dans les grands en mon honneur... ce n'est pas la peine, vous savez.

Après tout, il n'était qu'un complice de rencontre... Inutile de le traiter avec trop d'égards, puisque seul le désir de s'emparer du torque l'avait mené ici. Il caressa l'objet à travers l'étoffe de sa veste, en même temps qu'il avalait une gorgée de bière – une excellente boisson, rafraîchissante à souhait après une soirée mouvementée.

-Quoi qu'il en soit, reprit-il en reposant la chope sur la table, je vous remercie pour votre accueil. C'est un véritable plaisir que de faire affaire avec vous... Je renouvellerai volontiers cette collaboration, le cas échéant...

Parfaitement à l'aise, à présent, il étendit ses jambes sous la table, et sirota sa bière à petites gorgées en regardant le feu. Cette demeure lui plaisait, malgré les pierres déchaussées du mur et les tableaux écaillés. Bercé par les craquements du feu et par l'alcool, il adressa un vague sourire à son hôte, comme pour le remercier.
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  • Mervin Caerwyn
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MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyMer 18 Mai - 10:00:08

Quatre ans… Mervin fit rapidement le calcul dans sa tête. L’âge de James correspondait assez bien à celui qu’il lui avait supposé, entre vingt et vingt-cinq ans. Lorsque le jeune homme avait quitté l’école, il terminait sa troisième année. A cette époque, il s’était familiarisé avec la plupart des Serpentard mais les septièmes années restaient très difficiles d’accès. Ils ne s’intéressaient qu’aux gamins de leurs familles, pas aux fils bâtards qui étaient la risée des lignées sorcières. Comme il s’était rapproché des Serdaigle sur le tard, à la fin de sa cinquième année, rencontrer James à ce moment était impossible. Il accueillit cependant l’information sur sa maison avec un sourire. Elle ne l’étonnait pas davantage. Un disciple de Salazar n’aurait pas montré tant de docilité, un Gryffondor aurait cherché à se démarquer bêtement, et un Poufsouffle aurait montré plus de scrupules. Serdaigle était parfait. Il remarquait d’ailleurs que toutes les personnes avec qui il avait noué un début d’amitié ces dernières années portaient ce blason. Depuis qu’il essayait de vivre par lui-même, il réalisait qu’aucune de ses relations à Serpentard n’était sincère. Il préférait le naturel et l’intelligence tranquille des bleus et bronze. Malgré les origines très vertes de sa famille, il savait que sa scolarité aurait été plus heureuse dans la maison du Savoir. Il y serait probablement allé si le destin n’en avait pas décidé autrement en assassinant sa pauvre mère…

James lui expliqua ensuite qu’il était devenu étudiant pour faire plaisir à son père. Evidemment, les choix forcés n’assuraient jamais la réussite et il avait arrêté. La mort du géniteur avait dû faciliter les choses… A quelques semaines des ASPIC Mervin n’avait toujours pas répondu à la question de son avenir. Libre de toute obligation scolaire, il pourrait travailler à temps plein à la gloire de son nom. Les Caerwyn appartenaient à la noblesse, ils avaient toujours vécu grâce à la richesse de leurs terres. Néanmoins, décrocher un diplôme élevé donnait plus d’autorité. Il avait sans doute trop d’ambition pour s’arrêter aux ASPIC. Ses passions le poussaient vers une filière de magibiologie ou de recherche archéologique mais, comme toujours, il savait qu’il ne se laisserait pas aller à ce que son cœur lui disait. Ce n’était pas productif. A l’inverse de James, il n’avait pas besoin de père pour le forcer à suivre des voies qui ne l’intéressaient qu’à moitié, il se contraignait tout seul…


- J’hésite encore à m’inscrire à l’UMA. J’ai déjà beaucoup de choses à faire ici mais je pense essayer de suivre des études de droit...


L’arrivée de l’elfe mit un terme à ces poncifs. Mervin en fut presque déçu. Il n’avait pas l’habitude de discuter de banalité jambes et bras croisés avec quelqu’un dont les réponses arrivaient à l’intéresser. Taffi se comporta d’une manière irréprochable et James semblait de plus en plus troublé par l’attention qu’on lui témoignait. Il accepta le dîner en insistant bien sur le fait qu’il ne voulait pas déranger. Les anglais étaient-ils à ce point inhospitaliers ? Ce n’était guère surprenant, ils avaient oublié les valeurs familiales depuis longtemps et celles-ci ne se définissaient pas seulement à la pureté du sang. Ce n’était pas se plier en quatre que d’offrir un repas à un invité, il s’agissait plutôt de la moindre des civilités. Même si James n’avait rien d’un ami proche, il obtenait le statut de convive à partir du moment où il franchissait le seuil de ce château, et, de plus, son père ignorait tout du lien qui les unissait.

- Ne vous inquiétez pas
, dit-il en riant légèrement. Nous n’avons pas l’habitude de recevoir mais lorsque l’occasion se présente, nous le faisons toujours avec un grand plaisir. Le peuple celte est très accueillant et même naturellement disposé à faire la fête je dirais. S’il est une chose essentielle à retenir de cet héritage culturel, je crois bien que c’est celle-là.

Mais certains gallois, comme les Tewdwr avaient oublié cette loi fondamentale depuis longtemps et préféraient s’attacher à des traditions plus barbares. Il adressa un sourire emprunt de malice à James et but une longue gorgée de sa bière. La fermentation était excellente. Il songea en observant son complice qu’il aurait été facile de le duper en versant une potion dans le breuvage ou même en la cachant dans la nourriture… D’autant plus facile qu’il ne connaissait pas par avance le goût du plat. Cependant, il chassa rapidement ces idées de sa tête. Elles n’étaient d’aucun intérêt dans la situation présente. D’ailleurs, le jeune homme lui proposait de continuer leur collaboration si l’avenir l’exigeait… C’était le moment d’entamer une discussion plus sérieuse. Il prit son air le plus affable et murmura en priant pour que personne ne vienne l’interrompre :


- Si vous avez besoin d’un soutien au Pays de Galles, je pense que vous pourrez désormais compter sur moi. Ce que nous avons fait aujourd’hui va me permettre d’effectuer un certain nombre de changements dans l’organisation des familles de la région…
- Son regard s’intensifia. - Mais je le dis à vous bien sûr, il suffirait d’une fuite pour tout anéantir, et croyez bien que personne n’en serait favorisé… J’ai cru comprendre néanmoins que vous étiez un familier des milieux interlopes. C’est intéressant.Il fit mine de réfléchir et ajouta avec un sourire presque amusé : - Mais, je sais aussi que vous ne travaillez pas à votre propre compte… Ce vol n’est pas lucratif, il y a des méthodes bien plus sûres pour se faire de l’argent illégalement. Je me trompe ?

Qu’un sang pur en difficulté depuis la chute du Lord se recycle dans un monde plus mafieux n’avait rien d’étonnant. Toutes les instances officielles s’étaient détournés des petits qui avaient osés collaborer pour préserver un système hypocrite où les puissants, parfois soupçonnés d’être d’anciens mangemorts, n’avaient encore jamais eu à s’inquiéter pour leur place. Il feignit de relâcher son attention en portant sa choppe à ses lèvres mais son regard ne quittait plus le jeune homme. Il n’y avait pourtant aucune menace dans ces yeux de jade, comme si ce qu’il venait de prononcer n’était rien d’autre que le début d’un jeu de devinettes sans conséquences. Sa tranquillité faisait néanmoins sentir que le jeune Caerwyn tenait déjà trop de déductions logiques pour se laisser duper par un mensonge mal mené.

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  • James Kirkby
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    James Kirkby
MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptySam 21 Mai - 11:18:34

Un instant, l'elfe avait paru inquiet : l'invité aimerait-il la bière qu'il lui offrait ? Ne serait-elle pas trop forte, trop rustique pour le palais délicat d'un Anglais ? La créature serait probablement rassurée en rentrant dans la pièce : James vidait consciencieusement sa chope, à petites lampées, et trouvait la bière parfaite. Le jeune homme était difficile à nourrir, mais pas à abreuver ; tout ce qui se buvait, et surtout ce qui était alcoolisé, avait son approbation. Sans doute tenait-il ce penchant de son défunt père, volontiers porté sur la dive bouteille, mais il s'efforçait de ne pas le laisser se développer comme chez Thomas, qui ressemblait parfois à une véritable loque et s'en prenait alors à tout le monde. C'était peut-être lors d'un de ces accès de rage qu'il s'était finalement pendu... Bien fait, songea James avec une brusque poussée de haine. Penser à son père le mettait dans une colère noire, et il essaya de chasser l'auteur de ses jours de son esprit pour parler sereinement avec Merwin. Le roux expliquait en souriant que les peuples celtes étaient accueillants, festifs – tout le contraire de la morosité qui prévalait chez les Kirkby, en somme. Le jeune homme, légèrement dépaysé malgré tout, rendit son sourire à son hôte, en se demandant s'il allait, à la fin, sortir un violon d'une armoire pour que toute la maisonnée danse la gigue autour de l'invité... Faire la fête. Une notion inconnue dans bien des familles angaises qu'avait fréquentées James ; leurs réceptions étaient guindées, on s'y ennuyait ferme dans sa tenue de soirée amidonnée, et les convenances tenaient chacun dans un carcan plus strict que le protocole d'une cour. Lord Kirkby avait un don pour repérer les gens aussi lugubres que lui, et pour nouer des relations d'amitié sinistre avec eux... Il n'aurait pas été du genre, comme Lord Caerwyn, à accueillir un jeune invité d'une tape amicale dans le dos. Vieux con... encore un dont le trépas avait été un fameux débarras pour le genre humain. À nouveau, James dut faire un effort pour discipliner ses pensées, et se concentrer sur une conversation tranquille, d'autant que Merwin en venait aux choses sérieuses.

James se redressa, replia ses jambes, et posa sa chope, dans une attitude plus adaptée à une discussion d'affaires. Le Gallois l'assurait du soutien de son clan, et lui demandait, l'air de rien, des précisions sur son propre rôle. Il avait parfaitement bien deviné : oui, il était un habitué des milieux les moins recommandables. Non, il ne travaillait pas pour son propre compte. Le jeune Kirkby sourit poliment, comme pour accréditer ces hypothèses, mais il ne répondit pas tout de suite. Que dire ? Il ne pouvait pas reprendre l'histoire depuis le début, donner tous les détails sordides de l'affaire... Inventer un mensonge ? Il sentait que le sourire fin de Merwin cachait de grandes capacités de déduction, et mentir n'était pas son fort. Il allait donc dire la vérité, du moins en partie, même si cela impliquait de fournir au préalable quelques informations sur la situation de sa famille. Du reste, Caerwyn n'avait-il pas fait de même ? L'Anglais prit une petite gorgée de bière, et répondit lentement :


-Eh bien... J'appartiens, comme vous le savez peut-être, à une famille naguère aisée, mais qui connaît depuis quelque temps certaines difficultés... Nous avons dû rechercher la protection d'un clan plus puissant et plus riche que le nôtre, et c'est à cette condition que la famille a pu se maintenir, et conserver la jouissance de ses biens...

Inutile de raconter l'histoire du monceau de dettes laissées par Thomas, et de l'intervention hautement désintéressée de Xenophius. Inutile de parler de vassalité : Merwin saurait lui-même mettre le mot qui convenait sur cette situation. James avala une nouvelle gorgée de bière pour se laisser le temps de réfléchir, et reprit :

-Le vol de cet objet va me rapporter beaucoup, je l'espère, mais il ne s'agit pas d'argent. Je compte le remettre au chef de la famille qui nous a secourus, de manière à racheter une partie de la dette, et à regagner un peu de liberté...

Un peu honteux de cette explication, il se tourna à nouveau vers le feu, le visage fermé. Il craignait à présent le mépris que Merwin, rejeton d'une famille fière de son indépendance, ne manquerait pas de vouer à un simple vassal ; il n'aurait même pas été étonné que l'autre le prie de quitter sa demeure, tant son histoire était minable.
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  • Mervin Caerwyn
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    Mervin Caerwyn
MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptySam 21 Mai - 23:14:15

Les lèvres trempées dans le liquide ambré, il écouta les aveux de James avec la plus grande attention. Le jeune homme ne s’était pas senti menacé par ses déductions. Il les avait accueilli la mine résignée, comme s’il savait par avance qu’il ne pouvait échapper à cette discussion. C’était vrai. Mervin ne l’avait pas invité dans son château pour le simple plaisir de tailler la bavette à un inconnu. La situation des Kirkby ne lui était pas inconnue, et son sort était le même que celui des familles sang pur les plus modestes depuis la chute du seigneur des ténèbres. Selon la gazette, la plupart des noms déchus s’étaient engagés auprès du Lord. Les Kirkby n’étaient pas exempt de soupçons et le suicide du chef de clan semblait confirmer cette thèse. Dans ces conditions, il n’était pas surprenant que la famille se soit abritée derrière un puissant. Les forts ne perdaient jamais complètement la guerre. Ils étaient des piliers sûrs pour tous les coupables qui n’avaient pas l’argent de se protéger. Ainsi, les personnages les plus dangereux du monde sorcier avaient pu renforcer leurs assises au lieu de sombrer. Les journaux mentaient honteusement en laissant croire au public que le ministère avait fait le procès de tous les imposteurs… Les petits collaborateurs avaient servi d’exemple, les grands pontes avaient offert leur protection à ceux qui le méritaient. Voilà comment les choses se passaient réellement. Mais la politique de désinformation se poursuivait. Si le ministère était renversé dans les prochains mois, il ne faudrait pas s’en étonner.

Mervin opina doucement. Il posait sur James un regard sans jugement, à la fois vide et compatissant. Mal à l’aise, le jeune homme lui expliqua que torque l’aiderait à reconquérir sa liberté. Finalement, ce vol servait une cause très noble. Le gallois n’ignorait rien des méthodes tyranniques qu’utilisaient les clans dominants. Les Caerwyn avaient longtemps souffert de la servitude tacite imposée par les Tewdwr. Quand Fflam Tewtwr était venu assassiner sa mère, aucune famille n’avait osé protester. Tous s’étaient détournés d’eux à la simple demande des Tewdwr. Voilà près de cinquante ans qu’ils régnaient en imposant la peur. Et, pour survivre, les Caerwyn avaient dû leur céder toutes les richesses de leurs terres… Leur domaine était le plus vaste du Pays de Galles, mais, ils étaient les nobles les plus pauvres du pays…
James avait détourné son regard, comme s’il était indigne de cette table. Il ne savait pas que les Caerwyn partageaient la douleur de sa famille. Même si le rang de Mervin était plus élevé, ils avaient connu les mêmes vicissitudes. Aujourd’hui, ils devaient se battre pour retrouver leur honneur.

- Finalement, nos buts ne sont pas si éloignés James
, susurra-t-il afin de ramener le regard de son compagnon à lui. J’ignore qui est votre protecteur, j’imagine néanmoins un homme du ministère assez puissant pour avoir pu faire passer sous silence sa collaboration avec l’ancien régime… mais laissez moi vous raconter une histoire… Une autre, ajouta-t-il avec un sourire presque navré. Les Tewdwr vivaient en paix avec les Caerwyn et les Llywarch, jusqu’au jour, il y a une cinquantaine d’année, où un sorcier plus puissant que les autres, s’est imposé par la force. Il n’aurait pas hésité à tuer ceux qui se seraient opposés à lui. Alors chaque famille galloise s’est soumise. Nous ne pouvons plus profiter de la richesse de nos terres tant le tribut qu’ils exigent est lourd. Pour ne pas les avoir soutenus, nous avons été complètement mis au ban pendant près de dix ans. Mais les choses changent, et les mauvais seigneurs finissent toujours par tomber. Les Tewdwr sont en train de perdre tous leurs moyens de faire pression sur les autres sorciers gallois. Puisse ce torque vous apporter autant de bonheur qu’il n’en apportera sous peu à mon nom.

Assis au coin du feu, à la lueur rougeoyante des braises, le rouquin usait à merveille de ses talents de conteur. Il n’était pas difficile de s’imaginer à une veillée campagnarde, un soir glacial d’hiver, où tout le monde, confiné à l’intérieur de la demeure, se racontait les exploits de ses ancêtres. Il adressa à James un sourire paisible. Sa technique d’approche n’avait pas changée. Au lieu de poser des questions, il satisfaisait la curiosité du garçon. Après un bon repas et quelques chopes de bières, les non-dits se délieraient d’eux-mêmes. Pour l’instant, il gardait aussi secrète la raison de son différent avec les Tewdwr. Il ne lui semblait pas prudent d’avouer à un sang pur dont il venait d’acquérir l’estime qu’il était le fruit d’une union sacrilège.
Quelqu’un frappa à la porte alors qu’il achevait sa phrase et Epona entra en poussant un plateau flottant devant elle. Mervin lui lança un regard surpris.

- Voyons Epona, nous avons un elfe pour le service…

La jeune fille leur présenta son plus beau sourire.
- Oui, je sais, répondit-elle dans un anglais approximatif. Mais, juste un elfe… Pas pour un invité ! C’est mieux si je fais.
- Voyez si on se donne de la peine pour vous James…
, dit-il sans chercher à raisonner davantage sa belle-mère.
Epona semblait heureuse de trouver un prétexte pour entrer dans la pièce. Il ne voulait pas la priver de cette petite distraction. Elle posa une assiette de soupe devant chaque garçon et essaya d’expliquer à James en quoi le repas consistait :

- C’est une soupe aux poireaux avec la crème. Toujours pour l’entrée ! Lord Caerwyn la fait très bonne et moi, je prépare la suite...

Quelques rougeurs apparurent sur ses joues et Mervin nota avec amusement le regard enjôleur qu’elle posait sans grand souci de discrétion sur l’anglais. Ses efforts pour s’exprimer dans la langue de l’invité étaient touchants… adorables même. Il s’en serait trouvé presque jaloux si elle ne lui avait pas jeté un sourire radieux pour dissiper sa gêne l’instant d’après. Elle se dandina quelques secondes sur place, dans l’espoir qu’on lui propose de participer à la petite soirée, puis s’en retourna, sans perdre son sourire malgré sa déception, et ferma la porte derrière elle. Cependant, Aedd le chien avait réussi à se faufiler dans l’entrebâillement au dernier moment. Il observa avec curiosité l’intrus avant de se coucher paresseusement aux pieds de son maître.


- Je suis vraiment navré
, s’excusa Mervin en trempant une cuillère dans sa soupe, il est très difficile ici de faire comprendre l’expression « conversation privée ». J’espère qu’Epona ne vous importune pas. Mon père sort très peu, et je pense qu’elle manque d’amusements. J’imagine qu’un invité surprise provoque beaucoup de trouble à quelqu’un qui ne voit personne de ses journées. Vous avez l’air de lui plaire qui plus est… Mais ne vous inquiétez pas, elle sait où sont ses devoirs et mon père lui-même a plus d’amitié pour elle que d’amour… Alors bon appétit !

Malgré son discours léger, le jeune Caerwyn était quelque peu contrarié par l’attitude d’Epona. Il ne voulait pas que les minauderies de l’adolescente jettent son compagnon dans l’embarras. L’anglais avait l’air trop bien éduqué pour recevoir sans inquiétudes les avances de la femme de son hôte. Pourtant, ces charmes étaient sans conséquences. Elle n’avait jamais eu un comportement très correct vis-à-vis de lui, mais il se garda de le préciser. Sa famille n’avait pas d’affaires de mœurs à cacher et il ne voulait pas laisser croire à James que l’inceste était encouragé chez les gallois… Les préjugés relayaient suffisamment cette idée sans qu’il ait besoin d’en rajouter.

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  • James Kirkby
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    James Kirkby
MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyDim 22 Mai - 22:45:31

Alors ? Que pensait-il de tout cela ? Durant le bref silence qui suivit ses aveux, James songea qu'il aurait voulu croiser le regard de Merwin, pour tâcher d'y lire son opinion ; il ne pouvait cependant se résoudre à quitter les flammes des yeux. Il craignait le jugement de ce jeune homme, de ce presque inconnu pour lequel il commençait à sentir une certaine sympathie. Comment le considèrerait-il, maintenant qu'il savait qu'il n'était qu'un homme de main, dans la dépendance d'un puissant ? Pour beaucoup de sorciers, il était déshonorant de n'être qu'un serviteur – et pourtant, combien avaient juré allégeance à Lord Voldemort, combien s'étaient prosternés devant lui ? Combien, aujourd'hui encore, ne devaient leur liberté qu'à des compromissions encore moins glorieuses que celle des Kirkby avec les McGregor ? Les familles réellement indépendantes étaient rares, du moins en Angleterre. Qu'en était-il au Pays de Galles ? James ignorait tout de la situation dans cette région, hormis les quelques détails fournis par son hôte. Où en étaient les Caerwyn ? Son hôte avait évoqué la tyrannie des Tewdwr, ce qui laissait entendre que sa famille n'acceptait pas le joug de ces oppresseurs... On était loin de la situation des Kirkby, et de leur dépendance sans équivoque...

La voix douce de Merwin fit tourner la tête à James. Sa réponse n'était pas du tout celle que le jeune homme avait redoutée ; nul mépris, pas même de jugement dans ses propos. Il comprenait, insistait sur le parallélisme entre leurs deux cas... Eux aussi avaient connu la servitude, mais elle n'avait rien de commun avec ce que vivaient les Kirkby. Eux n'étaient pas dépossédés, saignés à blanc par des tyrans ; ils conservaient l'apparence de leur position sociale, n'avaient perdu aucun de leurs biens, mais ils se savaient à la disposition de Xenophius McGregor... Ils n'étaient que des serviteurs, que l'on traitait avec égards certes, mais dont on attendait l'obéissance totale. James espérait (sans rien en savoir, au demeurant) que l'offrande du torque lui donnerait un peu plus de marge de manoeuvre, et Merwin lui souhaitait de réussir...


-Je vous remercie, Merw...

Il s'interrompit : Epona, la belle-mère de son hôte, venait d'entrer dans la salle, porteuse d'un plateau sur lequel elle avait disposé deux assiettes. James remarqua que la jeune fille le dévorait du regard, sans la moindre discrétion, lui adressait un sourire radieux, si bien qu'il se sentit pris d'un malaise. La femme du maître de maison le draguait ouvertement... La situation ne le faisait pas rire, mais alors pas du tout. Un geste, un sourire de sa part, et Lord Caerwyn serait en droit d'exiger réparation. Il remercia gravement la très jeune épouse d'un « Merci, Madame » très solennel, assez protocolaire pour la décourager, mais elle ne perdit pas son sourire pour autant ; elle les observait alternativement, Mervin et lui, et semblait ravie de servir à manger à deux beaux jeunes gens comme eux. Il remarqua avec plaisir les efforts qu'elle faisait en son honneur, mais se garda bien de rien manifester ; elle devait avoir dix-huit ans au grand maximum, un âge où les demoiselles se faisaient facilement des idées... Il la vit partir avec soulagement, et adressa un sourire timide à son hôte :

-Ne vous excusez pas, Merwin, je vous ai déjà dit que je trouvais l'accueil de votre famille tout à fait charmant... J'espère simplement que madame Caerwyn est bien la femme intègre que vous me décrivez, malgré son jeune âge. Elle a l'air... particulièrement heureuse que vous m'ayez ramené ici. Bon appétit à vous, mon cher...

Encore un peu gêné, il trempa sa cuillère dans sa soupe, et avala une gorgée brûlante. C'était simple, rustique, mais excellent pour un jeune homme aussi affamé qu'il l'était.

-C'est votre père qui fait la cuisine ? J'espère pouvoir le féliciter personnallement... C'est très bon.

Son sourire était un peu plus assuré, à présent qu'Epona était partie et qu'il ne craignait plus la réaction de Merwin à ses aveux. Il mangea quelques instants en silence, puis posa sa cuillère pour prendre sa chope de bière, en disant :

-Pour en revenir à ce que nous disions... Vous parliez tout à l'heure de réaliser certains changements dans les rapports de force au Pays de Galles... et vous m'offriez l'appui de votre famille, que j'accepte avec reconnaissance... Je me permets donc de vous demander quelques précisions. Envisagez-vous de travailler avec des Anglais ? Je ne vous demande aucun détail, bien entendu... Seulement quelques indications sur vos intentions... Jusqu'à maintenant, les Gallois et les Anglais n'ont guère coopéré, mais, vous l'avez dit, les choses changent... et je pourrais vous conseiller si vous devez vous aventurer en terre anglaise.

Un sourire entendu passa sur ses lèvres comme il disait ces mots ; il ne savait pas vraiment lui-même pourquoi il faisait cette offre de service, sinon parce que Merwin lui était plutôt sympathique, qu'il se sentait son débiteur, et qu'il fallait bien baser une alliance sur quelque chose. Il trouverait très certainement son compte à leur collaboration – il saurait tirer son épingle du jeu, il n'y avait pas à en douter... et il fallait bien essayer de jouer sa propre partie, dans le chaos du monde magique. Après un toast silencieux à son hôte, James termina sa bière, en quelques gorgées, tranquillement, aussi à l'aise désormais que si la maison lui était familière.
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MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyMar 31 Mai - 21:27:03

Rien, pas même la tentation d’un sourire, ne vint troubler le visage de James suite au numéro de charme d’Epona. Le jeune homme gardait une impassibilité exemplaire, comme s’il craignait qu’un simple merci devienne une invitation à la séduction. Il ne risquait bien pourtant. L’adolescente se serait satisfaite d’une attention minuscule, elle n’en reçut aucune. Mervin était heureux de la réserve de son invité. Certains hommes avaient à l’inverse la manie exaspérante d’impliquer dans leur discussion toutes les personnes qui s’approchaient de leur table. Epona ne devait surtout pas connaître l’objet de leur échange. Sa docilité tenait en partie à son ignorance. Il avait fallu épuiser toute l’éloquence du monde pour la contraindre à épouser Aelhaearn Caerwyn. L’âge n’était pas le principal rempart de cette union. Elle avait une belle idée de sa lignée et trouvait honteux de se lier avec un homme rejeté par sa communauté, un traitre qui avait passé dix ans de sa vie dans la couche d’une moldue. Il aurait pu la séduire d’une autre manière, mais le pauvre homme s’était engoncé dans une dépression infiniment destructrice. Autrefois éclatant, il donnait aujourd’hui le sentiment d’errer dans la vie sans but, comme une ombre. Ses sourires s’imprégnaient d’une tristesse déchirante. Malgré tout ce que Mervin avait fait pour le remettre sur le chemin de la lumière, il sentait qu’il se forçait, que sa vie s’était arrêtée à la mort d’une épouse qu’il avait trop aimé et qu’il était incapable de redonner un sens à son existence. Epona souffrait en silence. Culpabilisée par le Serpentard, elle avait tout fait être aimée de lui. C’était la mission qu’il lui avait confiée, par le biais d’un autre chantage qu’eux seuls connaissaient. Malheureusement, Lord Caerwyn n’avait jamais considéré la jeune fille autrement que comme une enfant. Ils s’entendaient bien, mais ce n’était pas suffisant. Alors que fallait-il de plus à son père ? Un autre fils ? Il n’y croyait plus. Il avait tout fait pour être un bon fils, et Aelhaearn n’avait vu aucun de ses efforts. Son titre de préfet en chef l’avait réjoui, mais, quelques mois plus tard, c’était comme s’il n’avait rien obtenu. Son père l’aimait comme un petit garçon de dix ans, il était incapable de mesurer son évolution, de s’intéresser à ce qu’il faisait en dehors du domaine. Alors que ferait-il d’une famille plus grande ? Probablement rien, puisqu’il n’avait même pas réussi à se relever pour le fils unique de sa bien-aimée… Ces réflexions commençaient à lui arracher plus de désespoir que de tendresse. A l’approche des ASPIC, il lui semblait qu’il avait sacrifié son adolescence en vain… Et il continuait pourtant.

Un sentiment étrange, qu’il n’avait encore jamais pris la peine d’analyser, s’emparait de lui lorsqu’il faisait le point sur sa situation familiale. Ses plus belles réussites prenaient l’allure de défaites. Cette maison du bonheur n’était qu’un mensonge de plus. Il maintint son sourire en écoutant les remarques de James mais quelque chose s’était fissuré sur son visage amène, indéfinissable et pourtant aussi troublant qu’une cicatrice sur une joue ronde et pleine. Il acquiesça doucement à la question de son compagnon et goûta la soupe à son tour. Elle était aussi bonne qu’à l’accoutumée, tiède dans la gorge, agréablement brûlante dans l’estomac.


- Mon père est un très bon cuisinier, il viendra sans doute nous rendre visite à la fin du repas, comme tout grand chef digne de ce nom,
ajouta-t-il en retrouvant son regard pétillant.

La cuisine était bien la seule passion que son père n’avait pas perdu. Au château, il avait toujours veillé à lui assurer le meilleur confort de vie possible. C’était pour cette raison qu’il n’avait pas sombré dans une folie irrécupérable comme sa tante, il avait gardé ses réflexes paternels les plus élémentaires. Mais il était cruel pour un enfant de voir qu’un père aussi gentil pût rester aussi triste… Il but une longue gorgée de bière pour repousser les curieuses pensées qui avaient réussi à franchir ses barrières mentales. Les confidences qu’il faisait à James et l’attitude imprévue d’Epona lui faisaient voir les choses sous des angles nouveaux. Il était loin de maîtriser la situation. Si ses plans n’avaient pas échoués, leurs conséquences n’étaient pas toujours celles attendues et il approchait d’une impasse. S’il ne pouvait plus rien pour le bonheur de son père, si sa famille n’avait plus à trembler devant les Tewdwr, que ferait-il ? En songeant à l’avenir, il ne voyait finalement qu’une longue descente vers la solitude. James le ramena enfin à la discussion d’affaires, la seule qui l’intéressait vraiment, ou plutôt, la seule qui justifiait la prolongation de leur entretien. S’il envisageait de travailler avec les anglais ? Il n’y avait pas vraiment songé. Jusque là, son ambition était surtout de rassembler les clans gallois autour des Caerwyn pour assurer la sécurité de son père et venger la mort de sa mère. Néanmoins, la proposition était très tentantes… « Les choses changent »… Il lui semblait que toute cette rencontre se faisait autour de cette phrase. Les choses avaient changé au Pays de Galles, à cause de lui. Et il était temps pour lui de changer… Mais pour quoi faire ? Oh, à dire vrai, il avait bien quelques idées, mais toutes ne pouvaient s’exprimer, pas encore, ce serait prématuré.


- Parler de travailler avec les anglais me semble un peu précipité, cependant, je n’aurais pas imaginé un seul instant notre collaboration quelques heures plus tôt…

Il lui envoya un sourire léger, comme si la discussion sérieuse était close et avala quelques cuillères de soupe avant de reprendre avec le plus grand sérieux :
- Pour parler franchement, mon plus grand désir actuel est de mettre les Tewdwr hors d’état de nuire. Je ne suis pas contre travailler avec des anglais mais… sans vouloir réveiller les vieilles rivalités, ce genre de coopération a toujours échoué à cause de leur fâcheuse tendance à vouloir s’approprier notre terre…
, précisa-t-il sur le ton de la plaisanterie. J’ai néanmoins confiance en vous James et j’ai en effet besoin de connaître un peu mieux la société anglaise avant de m’engager dans quoique ce soit… Mais comme je ne pense pas m’enfermer au Pays de Galles à la fin de mes études, il se pourrait que notre amitié me devienne très précieuse.

Pactiser avec les anglais était la pire des traitrises. Même si les Tewdwr avaient renversé l’interdit, les inquiétudes de Mervin n’étaient pas levées. A chaque fois que les gallois avaient essayé de nouer des accords avec les anglais, ces derniers en avaient finalement profité pour s’imposer sur leur territoire. Aujourd’hui, les clans étaient affaiblis, et n’attiraient plus la convoitise des anglais qui s’en étaient désintéressés à cause de l’alliance redoutable des Llywarch, des Caerwyn et Tewdwr. C’était la belle époque, celle où les clans étaient unis et nombreux. Il n’était pas souhaitable à l’heure actuelle de risquer une autre domination bien plus difficile à contourner. Les clans devaient retrouver une place digne avant… Surtout les Caerwyn, car les Llywarch n’avaient rien perdu de leur esprit belliqueux. Tant qu’il tenait Epona, tout irait pour le mieux, mais ils restaient potentiellement dangereux.

- Qu’avez-vous pensé de Ceithin Tewdwr, James ?
demanda-t-il soudain avec un air détaché et une idée manifeste derrière la tête.

Il trempa ses lèvres dans sa choppe pour signifier que la question n’attendait pas de réponse particulière. Il étaient « amis », ils pouvaient parler avec sincérité.



Dernière édition par Mervin Caerwyn le Lun 6 Juin - 20:13:14, édité 1 fois
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  • James Kirkby
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MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyDim 5 Juin - 15:14:07

Il ne fallut guère que quelques minutes à James pour venir à bout de la copieuse assiette de soupe qu'on lui avait servie, et de la tranche de pain complet qui l'accompagnait ; cette nourriture était excellente, mais elle avait l'inconvénient de ne pas caler, et le jeune homme se sentait affamé. À vingt-deux ans, il fallait un peu plus qu'une gamelle de soupe pour se remplir l'estomac, surtout après une soirée mouvementée... Il fallait espérer que la suite du repas serait un peu plus roborative. L'Anglais reposa sa cuiller sans bruit, et tourna son visage vers le feu en songeant qu'il était étrange que le père de Merwin fasse la cuisine lui-même. Il avait un elfe et une épouse, deux excellentes raisons de ne jamais toucher une casserole... James cuisinait sans passion, par simple nécessité, et il n'imaginait pas qu'on puisse le faire par plaisir. Son propre père n'avait jamais préparé quoi que ce soit qui se mange, et même ses talents en potions, discipline trop proche de la simple cuisine, étaient limités. Un homme, selon ce grand théoricien du machisme sorcier, un homme, ça se met les pieds sous la table, et ça laisse les races inférieures, femmes, elfes ou domestiques, s'occuper de l'intendance. Alors, les Gallois étaient-ils moins bornés que les sang-pur anglais ? C'était peu probable ; les habitants de cette rude contrée étaient renommés pour être attachés aux traditions les plus archaïques, et même pour tirer fierté de leur arriération... Alors ? Pourquoi ce pauvre Mr Caerwyn était-il réduit à préparer lui-même les repas ? La plaisanterie lâchée par son fils donna une piste à James, sans lui permettre cependant de comprendre totalement : comment pouvait-on se passionner pour une activité aussi ennuyeuse que la cuisine ? Enfin, s'il y trouvait son compte... Il avait au moins de quoi offrir un bon repas à un invité, et cela devait lui permettre de faire passer plus vite les interminables journées de la campagne galloise... Car on devait s'ennuyer ferme, dans cette cambrousse. À part picoler devant le feu, il ne devait pas y avoir beaucoup de distractions...

La discussion sérieuse reprit, et James fut heureux de pouvoir se distraire des pensées ineptes qui l'occupaient jusque-là. Il prit note en silence de la réponse de Normand du Gallois – un comble ! - qui n'acceptait ni ne refusait explicitement une collaboration avec les Anglais ; il n'avait pas l'air foncièrement opposé à cette éventualité, mais un vieux fond de patriotisme lui donnait des scrupules. Il expliqua que les Anglais avaient une tendance certaine à vouloir coloniser le Pays de Galles ; il parlait sur le ton de la plaisanterie, mais James comprenait bien que ses réticences étaient réelles, profondément ancrées dans son esprit. Souriant lui aussi, il répondit poliment :


-Allons, mon cher, vous n'allez pas raviver les vieilles guerres anglo-galloises... Tous les Anglais ne sont pas des envahisseurs, j'espère vous en convaincre !

Lui n'avait rien d'un colon, c'était certain. Il ne se risquerait pas à en dire autant de son cher parrain ; comme tous les hommes de pouvoir, Xenophius avait une tendance à vouloir posséder tout ce qu'il voyait, et cela pourrait constituer un obstacle à une coopération d'envergure avec le Gallois. Si les projets venaient à se réaliser, il faudrait faire admettre à McGregor qu'il devrait se contenter d'une alliance d'égal à égal, sans possibilité de s'approprier quoi que ce soit côté gallois, sous peine de déclencher une nouvelle guerre... Ce ne serait pas une partie de plaisir – mais cela supposait déjà de convaincre Merwin, dont les paroles demeuraient vagues. Mieux connaître la société anglaise ? Mais pour quoi donc ? Pour quel projet ? Le Serpentard ne disait rien, semblait parler pour lui-même autant que pour son invité... Souci bien légitime de ne pas abattre ses cartes trop vite, en face d'un presque inconnu ; James le comprenait tout à fait, et il n'insista pas, d'autant que son hôte semblait avoir autre chose en tête. L'air de rien, il lui demanda comment ce qu'il avait pensé de Ceithin Tewdwr, et l'Anglais hésita quelques secondes. S'il disait qu'il l'avait trouvé tout à fait comestible, ça allait ou c'était hors sujet ? Un petit sourire passa sur ses lèvres à cette pensée, et il opta pour une réponse plus sage :

-Ce que j'en ai pensé... Eh bien... Il m'a semblé plutôt vulnérable... C'est peut-être l'imperium qui m'a donné cette impression, mais pour être franc, il m'a presque fait peine. Pourquoi cette question ? demanda-t-il à son tour, certain que Ceithin ne venait pas par hasard sur le tapis.
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    Mervin Caerwyn
MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyLun 6 Juin - 22:20:44

L’anglais, cet être vil et sans pitié. Dès l’enfance, on apprenait aux gallois à se méfier des anglais, ces pilleurs de terre. Sa grand-mère lui avait souvent raconté comment ces rustres s’étaient imposés dans leur beau pays. Ils les avaient écrasés, humiliés, obligés à parler leur langue en traitant le cymraeg de patois grossier. Ils étaient la cause du repli des sorciers gallois et leur arrogance laissait peu de chance à la fraternisation. Mervin avait subi leurs préjugés durant toute sa scolarité. Il savait très bien ce que les anglais pensaient de sa patrie, ils le lui répétaient bien assez souvent : leurs traditions arriérées étaient la preuve d’un esprit pauvre, ils n’étaient pas civilisés, vivaient comme des sauvages, étaient tous à moitié consanguins… Oui, il avait suffisamment souffert de ses moqueries dégradantes pour garder son patriotisme intact. James ne se montrait pas condescendant parce qu’il n’était pas en position de force. Sous son sourire aimable, le Serpentard savait pourtant très bien que le jeune homme devait se faire violence pour oublier ses idées préconçues. Ce n’était pas très grave, il appréciait ses efforts. Néanmoins, il ne pouvait pas espérer nouer une alliance équitable avec un chef de clan anglais. Son empire était encore trop fragile pour résister à l’ambition d’un puissant. Son but était de l’élever en toute discrétion afin de ne tenter aucune convoitise. Au besoin, il pouvait s’approcher des autres régions celtiques. Les anglais n’interviendraient qu’en dernier lieu. Mais, à la table, tout était joué pour dissimuler les tensions véritables, ils plaisantaient sur un fond hypocrite. Le passé était une entrave, ils le savaient, et mieux valait le survoler avec le sourire…

- Je vous pense sincère James
, souffla-t-il d’une voix douce, qui résonnait presque comme un aveu amoureux. Je ne vous ferais pas ces confidences si j’avais à vous craindre…

Et toujours, ce regard enveloppant et insondable qui ne laissait rien deviner de ses intentions tout en laissant supposer qu’elles étaient bonnes. Le double sens inattendu de ses propos resta en suspens, comme s’il ne l’avait pas relevé lui-même. Pourtant, il savait très bien ce qu’il faisait. Inviter l’ironie en gardant son sérieux était le meilleur moyen de troubler son interlocuteur et, dans ce contexte, de créer de toutes pièces une proximité naturelle. D‘ailleurs, il ne mettait pas en doute la confiance qu’il accordait à James. Elle était acquise, évidente, et le moindre manquement serait désormais une bien triste trahison qu’il lui ferait. Si son compagnon garait le silence, il n’aurait pas le sentiment de le faire pour tenir une parole donné mais pour conserver son intégrité. En arrière-plan, une menace implicite, inexprimée, appuyait cette pensée censée et pleine de belles valeurs…

Mais revenons au seul personnage qui l’intéressait pour l’instant, Ceithin Tewdwr. Mervin n’était pas certain de pouvoir interpréter avec certitude le petit sourire qui précéda la réponse de James, néanmoins, son ressentiment correspondait parfaitement à ce qu’il cherchait. Il hocha lentement la tête. En effet, l’héritier Tewdwr était pitoyable et il lui apparaissait de plus en plus évident que le clan n’avait rien d’uni. Il ne tenait plus que pas la tyrannie d’un seul homme. La discorde sommeillait, il suffisait de la réveiller en jetait sur le domaine un fruit empoisonné. Ceithin serait l’arme parfaite, et ce qu’il venait de faire ce soir préparait la révolte qu’il espérait susciter en lui. Les Tewdwr s’affaibliraient et s’entretueraient entre eux. A la fin, il suffirait de récupérer les restes, de leur proposer un nouveau pacte de paix afin de les sauver de l’extinction… s’il le souhaitait.
Comme les repas étaient terminés et les chopes vidées, il sortit sa baguette et tapa deux coups sur le bord de la table. Les plats disparurent instantanément.


- En réalité, je n’ai même pas eu le sentiment que Lord Ceithin ait eu, un seul instant, la velléité de résister à l’imperium…
, précisa-t-il d’un air désolé.
Taffi le coupa au même moment en surgissant sur la table avec deux nouvelles choppes de bière à la main.

- L’invité aime-t-il le repas ? Taffi a rapporté de la bière, mais si le seigneur Kirkby veut autre chose, Taffi le lui apportera
, dit l’elfe en exécutant une révérence.
- Taffi…
- Oui maître ?
- Pourras-tu nous apporter la suite du repas ?
Déclara Mervin d’une vois plus doucereuse. Ce n’est pas à Epona de s’en occuper, et tu le sais, n’est-ce pas ?
Les oreilles de l’elfe s’abaissèrent piteusement. Il mit ses mains devant son visage, soudain affolé et s’exclama avant de disparaître :
- Taffi est vraiment désolé ! ça ne se reproduira plus, oh non, Dame Epona ne prendra plus les plats à Taffi !

Il n’y avait rien de plus acharné qu’un elfe de maison que l’on cherchait à priver de son emploi. Epona n’était pas prête de remettre les pieds dans la grande salle sous le prétexte de faire le service. Satisfait, Mervin but une gorgée de la bière fraîchement pressée et poursuivit :

- Il est étonnant qu’un fils Tewdwr semble aussi faible en vérité. Les enfants de ce clan sont élevés à la dure, selon des traditions celtiques tellement archaïques que les autres sorciers gallois eux-mêmes les réprouvent. Ceithin n’était pas dans son élément, ce qui n’est pas négligeable, mais je pense que cette impression de pitié qu’il vous a donnée, est la preuve d’une désunion importante au sein de la famille. D’après ce que je sais, ses parents forment le couple le plus mal assorti du monde. La femme de lord Tewdwr est une Llywarch, et elle le déteste cordialement. Il me semble que, face à un père brutal qui, pour ne rien arranger, préfèrerait sa sœur à sa femme, Ceithin a été plus proche de sa mère. Il serait injuste de le faire payer, ne trouvez-vous pas ? Je pense au contraire, qu’il pourrait être bon de l’encourager à se révolter. Ce n’est pas votre affaire me diriez-vous mais… Les Tewdwr ont bien d’autres richesses. Alors je me dis… Que si des anglais avaient finalement quelques intérêts au Pays de Galles, faire affaire avec le fils, dans le dos du père, serait un excellent moyen de faire un bon profit. Lord Tewdwr est ambitieux, Ceithin, lui, se laissera dépasser par sa haine… Il s'entendra avec ceux qui sauront le charmer par leur discours. En tout cas, si cela devait arriver, ni les Caerwyn, ni les Talfryn, ni les Llywarch n’interviendront.


Le piston était à prendre ou à laisser, et son regard appuyé à la fin de son explication laissait peu de doute sur le clan qui tirerait le meilleur profit de cette situation. En effet, Mervin pouvait prédire le future, puisque dans ce cas de figure, les Caerwyn tiendraient toutes les ficelles. Il espérait que James saisirait toutes les subtilités du message pour l’employer à bon escient. Il pouvait aussi le tromper mais ça ne servirait pas son intérêt. Comme il l’avait souligné, Fflam Tewdwr était ambitieux et arriéré – véritablement – il était impossible de négocier avec un tel homme. Taffi revint au milieu d’un silence pour apporter le welsh rabbit. Le regard reconnaissant que lui envoya le rouquin lui fit perdre instantanément ses airs apeurés. Il posa une coupe de pain au milieu de la table et disparut.


- Ce plat ne paye pas de mine mais, croyez-moi, si vous arrivez à en venir à bout, vous n’aurez plus faim avant demain soir
, dit-il en retrouvant toute sa légèreté.
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  • James Kirkby
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MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyMer 22 Juin - 22:09:33

À quoi pouvait bien penser Merwin, derrière son sourire tranquille ? Il faisait bonne figure à James, en hôte qui sait ce qu'il doit à un invité, s'attachait à mener une conversation légère et agréable, mais il était évident qu'il avait bien d'autres choses en tête. Il parlait de choses et d'autres, apparemment sans but préconçu, papillonnait de sujet en sujet, et s'approchait tranquillement de ce qui l'intéressait réellement. Entre un propos sans conséquence sur la cuisine et une plaisanterie, il plantait des jalons dans leur conversation, s'avançait vers le coeur de leur discussion, avec une maîtrise qui impressionnait James. L'Anglais comprenait très bien ces manoeuvres d'approche, mais il ignorait où elles devaient mener ; il suivait docilement le Serpentard sur son terrain, en admirant au passage son esprit méthodique. Il fallait être sacrément organisé pour mener ainsi une conversation policée, sans perdre de vue son but véritable... De toute évidence, Merwin était rompu à ce genre d'exercice – bien plus que James, plus habitué à se taire et à observer qu'à mener les débats. C'est qu'on ne le laissait guère tenir le premier rôle, tant chez lui qu'au manoir McGregor... Merwin, quant à lui, avait déjà toutes les manières d'un chef de famille. Il fallait bien reconnaître que, pour autant que James ait pu en juger, Lord Caerwyn père avait l'air plus intéressé par les casseroles que par la gestion parfois peu scrupuleuse d'un patrimoine... Il fallait bien que quelqu'un fît tourner la boutique, avec tout ce que cela impliquait de ruse, et parfois de duplicité. Merwin avait tout du jeune homme de bonne famille, bien élevé et plein de morale, mais il ne manquait pas de rouerie ; il suffisait de voir avec quelle facilité il avait accepté qu'on utilise l'Imperium pour détrousser un type sans défense... Il aborda d'ailleurs le sujet, avec dans la voix une tristesse que James estima feinte...

L'arrivée retentissante de l'elfe interrompit ce qui s'annonçait comme la véritable conversation de la soirée, et James ne put s'empêcher de sursauter. Jamais l'elfe de maison des Kirkby ne se serait permis d'apparaître de la sorte... Taffi ramenait deux pleines chopes de bière qui claquèrent sur la table ; il s'enquit de l'avis de l'invité au sujet de la bière, avec un soin touchant, et le jeune homme répondit à mi-voix :


-C'est très bien, vraiment très bien, merci.


Il ne parla guère plus ; Merwin avait des remontrances à formuler, et la politesse ordonnait de le laisser régler les questions d'intendance. L'intervention de sa belle-mère l'avait donc sinon irrité, du moins indisposé, même s'il n'en avait rien laissé paraître... Il s'assura que cet incident ne se reproduirait plus, et envoya l'elfe confus chercher la suite du repas. La conversation sérieuse pouvait reprendre – et elle reprit, plus directe que jamais. James porta sa chope à ses lèvres, mais, absorbé par les paroles de son hôte, il n'avala pas la moindre goutte de bière. Merwin levait un coin du voile sur ses idées, et son invité devait avouer que ce qu'il racontait ne manquait pas d'intérêt. Il offrait à l'Anglais l'occasion de mettre un pied en terre galloise, d'y faire de fructueuses affaires avec ce pauvre Ceithin, d'y amasser un beau tas d'or... James attendit la fin des explications pour boire enfin, un sourire entendu aux lèvres. L'idée était à creuser... Pas immédiatement – de toute façon, l'elfe était de retour, chargé de victuailles. Une délicieuse odeur montait des assiettes pleines à ras bord, mais la nourriture était brûlante, et il fallait attendre quelques instants avant d'y goûter. James plongea sa fourchette dans le fromage fondu, et la fit tourner en faisant mine de se passionner pour le contenu de son assiette. Il laissa ainsi passer quelques instants, puis, relevant la tête, lâcha tout à trac :

-Ce que vous me dites mérite réflexion, Merwin... Personnellement, je serais vraiment intéressé par une... action en Pays de Galles... Si cela peut aider Ceithin à s'affranchir de la tutelle de son père, ce n'est que mieux. Ce type m'a vraiment peiné, je ne plaisantais pas en le disant.

Il se décida à avaler sa première bouchée, enfin tiède, de welsh rabbit, et changea un instant de sujet :

-C'est excellent, mon cher... Je gage que vous avez raison en disant que ce plat mate les faims les plus terribles !

Posément, à petites bouchées d'homme bien élevé, il mangea un peu de ce mets roboratif, puis, toujours sans préambule, lâcha :

-Je disais donc que ce que vous m'avez expliqué est très intéressant. Je dois cependant avancer avec prudence... Pour ma part, je suis tout à fait disposé à profiter de la redistribution du pouvoir au Pays de Galles, sans esprit impérialiste... Mais je travaille pour un homme avide de pouvoir, et il se satisfera difficilement de profiter sans posséder. J'aurai besoin de temps, pour le convaincre que son intérêt n'est pas de vouloir dominer les Gallois, mais simplement... comment dire... d'accompagner le mouvement, et d'en récolter quelques retombées...

il guetta du regard l'approbation de Merwin, et se remit à manger tranquillement, un peu désemparé. Devait-il prononcer le nom de Xenophius McGregor ? Officiellement, rien ne s'y opposait ; il n'avait fait mention d'aucune activité illégale, seulement de leur lien de quasi parenté. Par prudence, ou par respect, cependant, il ne pouvait se décider à mentionner l'identité de son patron. Merwin était-il assez digne de confiance pour connaître le nom de l'homme qui employait James ? Le temps le dirait. Pour l'heure, il devrait se contenter d'allusions – à moins de savoir tirer les vers du nez de son invité.
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  • Mervin Caerwyn
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MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyMar 5 Juil - 22:24:48

Sous les sourires aimables, la concentration du Serpentard était extrême. L’aventure avait commencé trois heures plus tôt et depuis les premiers mots échangés dans le bar, il n’avait pas un seul instant relâché son attention. S’il perdait le fil de son discours, il risquait son alliance et mettait ses ambitions en danger. La partie était beaucoup plus tendue qu’il n’en paraissait. Ses phrases se suivaient avec une logique étudiée. Il ne devait pas en oublier une seule. La toile qu’il tissait était, pour l’instant, sans imperfection. Tout semblait très cohérent. Mais il ne devait oublier aucun élément. Une maladresse était vite arrivée. Son histoire présentait un certain nombre d’oublis volontaires. Il devait sans cesse se projeter dans l’esprit de James afin de ne pas lui révéler des faits qu’il ignorait encore. De même, chaque nouveau complément d’information avait un rôle précis. Rien ne se plaçait au hasard. S’il parlait trop dans préparer ses arrières, les mots lui échapperaient et il serait alors facile de le coincer. Ainsi, pendant une tirade, le gallois regardait à la fois le passé et le futur. Il avait déjà plusieurs répliques d’avances. Seules les intrusions d’Epona et de Taffi pouvaient affoler les mécanismes incroyablement bien huilés de sa pensée. L’exercice commençait à l’épuiser. Après le départ de l’elfe, il avait puisé dans ses dernières ressources pour jouer enfin cartes sur table. En offrant à l’anglais la possibilité d’entrer sur le marché de Cymru, il prenait un risque énorme. Ce projet n’avait encore jamais été envisagé. L’idée s’était formée en cours de conversation et il n’en connaissait pas le détail exact. Tout reposait sur la confiance qu’il voulait bien accorder à James désormais. Si le jeune homme décidait de le trahir en quittant le domaine, il n’aurait aucun moyen de l’arrêter. Cependant, la paranoïa n’avait jamais favorisé la réussite. Il estimait son complice mentalement prêt à sceller un pacte d’amitié avec lui.

Un silence s’installa et Mervin considéra le contenu de son assiette sans manifester le moindre signe de tension. Il but même une gorgée de bière tandis que James oralisait ses réflexions. Il parla avec prudence. Sa proposition avait éveillé son intérêt mais quelque chose – ou quelqu’un – l’empêchait de s’engager trop franchement dans l’affaire. Mervin le savait. Il posa doucement sa choppe. Le sourire tranquille figé sur ses lèvres s’accentua lorsque James complimenta le plat mais il n’était plus temps de filer les banalités. Sans faire le moindre commentaire, le Serpentard dégusta lentement son plat en observant le jeune homme du coin de l’œil, à la manière d’un hôte soucieux du bien être de son invité. En réalité, il n’en était rien. Le Lord guettait un changement dans l’attitude de ce garçon trop bien élevé, car ce n’était plus à lui de relancer la conversation. Pour l’instant, Mervin avait posé toutes les cartes qu’il souhaitait, et James avait encore quelques subtilités de jeu à lui révéler.
Le fin mot de l’affaire arriva vite, à demi-mots. Un homme puissant et ambition avait jeté son ombre derrière James et c’était celui là, précisément, que le gallois cherchait à déloger avec son offre. Le jeune homme se montra honnête cependant. Il préféra le mettre en garde avant de tenter quoique ce soit. Convaincu de la sincérité de sa démarche, Mervin acquiesça doucement.


- L’offre ne pourrait tenir qu’à cette seule condition, effectivement…
, dit-il simplement. De toute manière, sans appuis gallois, toute conquête du Pays de Galles est vouée à l’échec et cela, même les moldus ont dû le reconnaître, ajouta-t-il sur le ton de la plaisanterie en faisant référence à tous les mouvements patriotiques qui s’imposaient avec force dans le pays. Puis, retrouvant son sérieux : Le temps ne presse pas pour l’instant. Je vous souhaite d’arriver à le convaincre tant que l’heure est propice aux affaires. Sachez que j’apprécie votre prudence.

Il poursuivit un instant son repas en songeant que la parole seule ne suffirait pas. Si l’homme était réellement puissant, rien ne l’empêcherait de contourner l’avis de son associé et il n’était suffisamment fort pour lui résister. Il faudrait trouver d’autres alliances, avec d’autres familles extérieures… D’autres celtes. Car les celtes n’étaient plus dans une politique d’expansion depuis longtemps. Aujourd’hui, la plupart des gallois, irlandais et écossais n’avaient d’autre but que celui de préserver les terres de leurs ancêtres. Il n’avait rien à craindre de leur côté et, face aux changements qui s’annonçait, il devait créer une coalition plus solide que celles des familles galloises qui l’entouraient. Pour l’instant, aucune ne respectait vraiment les Caerwyn. L’équilibre restait très fragile.

- Vous pourrez néanmoins transmettre mes amitiés à l’homme pour lequel vous travaillez, si, du moins, l’aide que je vous ai apporté ne compromet pas votre promotion
, précisa-t-il. De mon côté, je peux vous assurer que personne ne pourra plus jamais retrouver la piste de ce torque.

L’anonymat qui planait sur l’homme puissant ne le dérangeait pas pour l’instant. Si James réussissait à le convaincre, le personnage viendrait certainement à lui. Il ne serait plus nécessaire de passer par un intermédiaire. L’important était qu’il sache qu’une famille galloise lui assurait tout son soutien et que le chef de clan officieux avait des compétences dont il pourrait tirer profit à condition de ne pas chercher la domination.
Pour l’instant, le débat semblait clos. Il relâcha quelque peu ses nerfs avec une longue gorgée de bière et reprit son repas en attendant l’assentiment de James.
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  • James Kirkby
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MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyMar 19 Juil - 21:55:57

Sous l'effet conjugué du repas, de la bière et de la chaleur de la pièce, James se sentait un peu ralenti, comme anesthésié. L'heure du danger et de l'aventure était passée maintenant, on pouvait se détendre, baisser la garde... Cette demeure inconnue lui inspirait confiance, de même que ceux qui l'habitaient – même si tout restait à préciser. Merwin semblait un garçon très recommandable, à l'esprit affûté, mais son intelligence devait inciter à la prudence. Après tout, n'était-il pas à Serpentard ? Comme tout bon disciple de Salazar, il devait s'y entendre pour embobiner son monde, à commencer par un Serdaigle encore peu rompu aux négociations interlopes. James était avant tout un homme de cabinet, un gratte-papier ; les qualités de Merwin et les siennes pouvaient d'ailleurs se compléter à merveille, s'ils parvenaient à s'entendre...
Restait l'inconnue majeure de l'équation, la réaction de Xenophius. En silence, James préparait déjà ce qu'il pourrait bien dire à son parrain pour le convaincre de ne pas chercher à s'approprier tout le Pays de Galles... Le chef de clan était avide de pouvoir et d'or, mais il était assez intelligent pour comprendre quand son intérêt lui commandait de se tenir en retrait. Le tout était de savoir lui présenter la chose... Il était essentiel qu'il accepte ce second rôle, puisque le premier lui était interdit. Merwin le répétait d'ailleurs, faisant allusion à des précédents historiques moldus... James eut un sourire de connivence et leva sa chope dans un toast silencieux avant de boire – une manière de montrer que le message était passé.

Les choses étaient posées à présent, et Merwin sembla relâcher un peu de son attention. Le sourire aux lèvres, il souhaita bonne chance à son hôte, sans rien laisser voir de l'intérêt que pouvait susciter en lui le mystérieux patron de James. L'Anglais acheva de se rassasier, mais sans venir à bout de l'imposante portion de welsh rabbit qu'on lui avait servie ; comme il posait ses couverts à côté de son assiette à demi-vidée, Merwin reprit la parole, et le pria de transmettre ses amitiés à son patron.


-Je n'y manquerai pas,
assura James avec un sourire cordial, en reprenant sa chope. Je ne pense pas que mentionner votre aide et vos bonnes intentions puisse me nuire, bien au contraire... Mon parrain est toujours heureux de savoir qu'il peut compter sur des amis serviables... Il sera satisfait d'entrer en possession du torque, et je suis certain qu'il vous sera reconnaissant de votre aide.

Il prit une longue gorgée de bière, sans vraiment se rendre compte qu'il venait de lâcher une information capitale en parlant du lien qui l'unissait à Xenophius. N'importe qui, pourvu qu'il sache se renseigner, pourrait trouver qui était le parrain du dernier fils Kirkby. Il avait tu l'identité Était-ce si important, finalement ? Le jeune homme ne savait plus très bien. Le copieux repas, la bière forte, le soulagement de voir cette soirée se terminer au mieux lui avaient fait relâcher sa vigilance ; l'esprit un peu ralenti, particulièrement par l'alcool, il sentait que sa réflexion manquait d'acuité, mais, pour l'heure, il n'y accordait guère d'importance. Il se laissait aller contre le dossier de sa chaise, l'estomac plein, agréablement réchauffé par la nourriture et le feu. Par moments, il portait sa chope de bière à ses lèvres, en silence, absorbé par une réflexion intense. Tout un univers d'affaires s'ouvrait devant lui, à condition qu'il sache convaincre Xenophius. Le torque qu'il caressait du bout des doigts à travers le tissu de sa veste pèserait lourd dans la discussion. Après quelques instants de silence presque complet, James posa enfin sa chope et adressa un sourire à Merwin, et relança une conversation plus innocente :

-Ce repas était excellent, mon cher... mais je déclare forfait. Je ne peux tout simplement pas finir cette assiette. L'air des ruelles de Londres n'ouvre pas autant l'appétit que celui de la campagne galloise, je présume... Mais je ne connais pas assez votre pays pour en juger. C'est la première fois que je me rends au Pays de Galles, et je dois vous confier que ce premier contact est bien agréable. Grâce à votre hospitalité, Merwin, précisa-t-il en inclinant la tête en direction de son hôte pour le remercier.
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  • Mervin Caerwyn
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MessageSujet: Re: Alea jacta est !   Alea jacta est ! EmptyMar 2 Aoû - 14:40:39

L’alcool ombrageait le regard de son convive. Il le trouvait plus léger, mieux disposé à parler et à accepter tout ce qu’il lui demanderait. Mervin ne pensait pas utiliser cette faiblesse à son avantage pour ce soir mais il nota dans un coin de sa tête cette propension à boire qui, selon les cas, pouvait être une aubaine comme un défaut. Il espérait que James était capable de surveiller sa consommation lorsque la situation l’exigeait. De son côté, le gallois prenait soin de garder tous ses esprits. Il réfléchissait trop vite, trop intensément pour sombrer dans l’ébriété. Il en fallait beaucoup plus pour lui faire lâcher prise un seul instant. Son organisme connaissait presque aussi bien la bière que le lait. Il avait grandi à la campagne, là où les journées commençaient souvent avant l’aube avec un verre d’eau-de-vie à la place du café. Et, de toute manière, sa vigilance ne se relâchait jamais. L’air tranquille, il acheva sa choppe pendant que son compagnon méditait lentement ses propos. Ses conditions semblaient convenir pour l’instant. Restait à connaître l’homme qui tirait les ficelles et compter sur l’habileté de James. Tant d’incertitudes ne lui plaisait pas beaucoup mais était normalement en mesure de parer la première trahison. Les liens qui unissaient les gallois dépassaient les anglais. Si le maître du garçon préférait le tromper, il s’arrangerait pour lui attirer l’hostilité de toutes les familles sorcières du territoire. Les celtes étaient un peuple belliqueux, méfiant et terriblement susceptible. Ils marchaient aux sentiments et pouvaient rompre une alliance intéressante sur un simple coup de sang. Mervin comptait sur les usages archaïques qui avaient détruits les siens pour prendre le contrôle du territoire.

Un mot presque inattendu s’échappa des lèvres de James lorsque celui-ci repris la parole. Le maître était un parrain, ce qui signifiait que le jeune homme était plus qu’un simple larbin. Il avait vu juste en l’invitant à rester dîner. Mais de qui parlait-il ? Le nom ne serait pas difficile à trouver si le lien de parenté était réel. Il se promit de mener de recherches après le départ de son compagnon afin de mieux connaître son futur collaborateur. Mervin n’aimait pas avancer en aveugle. Les personnes qu’il côtoyait étaient tous fichés dans ses pensées méthodiques. Chaque dossier contenait le plus d’informations possibles et il s’arrangeait toujours pour stocker quelques détails compromettant qu’il feignait d’ignorer tant qu’il n’était pas nécessaire de les sortir. James, comme son parrain, auraient droit à des recherches approfondies. Il aviserait ensuite la démarche à suivre. Il pouvait continuer comme arrêter, tout dépendrait des possibilités d’action qui s’offriraient à lui. L’histoire du torque lui avait donné un sursis. Les choses ne pressaient pas, il avait tout son temps.
Avec un sourire il appuya le bout de sa serviette sur ses lèvres et hocha doucement la tête. Il ne savait pas si James avait employé le mot parrain sciemment. Dans le doute, il préféra donc faire comme s’il n’avait rien remarqué. Il serait dommage d’inquiéter un homme rendu plus docile par l’alcool. Comme, le jeune homme abandonna de lui-même la conversation sérieuse pour baisser les armes – ou les couverts – devant son assiette, le gallois éclata de rire. Il avait quant à lui terminé sa part sans la moindre difficulté, mais sa carrure était bien plus charpentée que celle de l’ex-Serdaigle.


- Ici, on dit qu’un vrai homme se doit de manger jusqu’à la dernière miette et de boire jusqu’à la dernière goutte. Beaucoup préféreraient se faire éclater le ventre plutôt qu’abandonner son repas, question d’honneur parait-il. Mais je reconnais que nos valeurs sont quelques peu archaïques, nous ne nous en formaliserons pas ici, surtout avec un londonien. – Il lui adressa un sourire à moitié moqueur. – Vous devriez venir plus souvent ici James. L’air y est bien meilleur qu’à Londres, et si vous venez de jour, vous pourriez voir des paysages véritablement splendides.

Les valeurs guerrières étaient peut-être les plus stupides du monde mais, au final, il lui semblait qu’elles persistaient dans l’inconscient populaire. A Poudlard, beaucoup de garçons fanfaronnaient aussi devant des assiettes bien garnies. Et les filles, à l’inverse, prenaient souvent garde à ne pas montrer trop d’appétit. Les repas se déroulaient selon un code impitoyable.
Il évoqua d’autres traditions celtiques avec James, qui semblait parfois franchement consterné puis il lui parla des spécialités du pays et de quelques lieux à visiter. S’il revenait, il pourrait lui servir de guide. La discussion dura encore une heure, le temps de vider deux autres chopes de bière. Mervin n’avait pas l’habitude de parler aussi longtemps. Ses camarades se fichaient relativement de sa région mais, lorsqu’il pouvait s’embarquer sur ce thème, il devenait intarissable. Toute sa vie reposait sur cette terre sacrée, cette patrie sublime que les anglais avaient ravagée avec le plus grand des mépris. Il aurait pu poursuivre encore longtemps sur sa lancée mais, après un regard à sa montre, son compagnon indiqua qu’il ne voulait pas rentrer trop tard. Epona le vit se diriger dans le hall avec une déception immense : elle tenait un gâteau tout juste sorti du four entre ses mains avec l’intention manifeste de l’apporter dans la grande salle. Mais, sans se démonter, elle en coupa la moitié et l’enveloppa dans une serviette pour l’offrir à James qui fut contraint de l’accepter en se faisant répéter par quatre voix différentes qu’il pourrait revenir au château quand bon lui semblait.


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