Tel est pris... on connaît la chanson. (Terminé)

Maigre butin... en plusieurs jours d'enquête, James n'était parvenu à rassembler que des bribes d'informations – rien qui permette d'identifier cette mystérieuse Dame Rouge. Ce samedi, il envoya enfin son premier rapport – très incomplet – à Xenophius. L'estomac noué, il relut les quelques lignes ; elles ne contenaient rien d'intéressant et son patron serait probablement furieux qu'il n'avance pas plus vite, mais s'il tardait encore à donner signe de vie, ce serait pire encore...

Citation :: DR est insaisissable. Elle a ses habitudes au pub La Taverne, sur l'Allée des Embrumes, où elle traite ses affaires mais on ne l'y a pas vue depuis un moment et personne ne connaît son nom. Elle ne fréquente aucun autre endroit de façon régulière. Elle a été vue récemment (dernière apparition à Londres) en compagnie d'une autre jeune femme (en cours d'identification) dans un pub de l'allée des Embrumes. Il semble qu'elle vive en-dehors de Londres, et probablement même en-dehors de l'Angleterre (au pays de Galles ?).
Selon un indicateur qui a eu affaire à elle, la femme maîtrise parfaitement la légilimancie.
Aucune activité récente ne lui est attribuée depuis le meurtre du journaliste Christian Lewis.
Doit être présente ce jour, pour affaires, à Godric's Hollow.
J'espère vous donner de plus amples informations demain.

Respectueusement,
JK

Nul... vraiment nul. À regret, James cacheta la lettre et la confia au hibou moyen-duc de la poste sorcière. Xenophius allait s'étrangler en prenant connaissance de ce rapport minable ; presque aucune information, uniquement des suppositions et du conditionnel... mais bon, l'espionnage était un métier, et malheureusement ce n'était pas celui de James. Ce cher Xenophius aurait mieux fait de lui confier une négociation à mener, comme celle dont il s'était acquitté en Colombie ; là, on aurait eu une petite chance de réussir. Mais suivre une tueuse à gages sans identité, et rendre compte de ses activités quotidiennes, c'était mission impossible... Les premiers jours avaient été décourageants, jusqu'à la rencontre avec un indic un peu plus bavard que les autres. Le type – un clodo de l'Allée des Embrumes, si sale qu'il se confondait avec le pavé du sol – avait raconté à James, moyennant quelques Gallions, que la Dame Rouge – il l'avait entendu de ses oreilles – devrait se rendre le samedi soir à Godric's Hollow, pour y rencontrer un client. Le minable donna quelques détails, précisa le lieu et l'heure du rendez-vous ; il avait tout entendu, personne ne se gênait pour parler devant un clochard... C'était la seule piste qui s'ouvrait, aussi James décida-t-il d'aller vérifier sur place. Cela ne coûtait rien de transplaner jusqu'à Godric's Hollow...

Un peu avant sept heures du soir, donc, une fois son rapport expédié, James avait quitté Londres pour le village sorcier de Godric's Hollow. L'endroit était tout indiqué pour un rendez-vous discret ; il n'y avait pas un chat dans les rues, et les volets des habitations étaient tous hermétiquement clos. Le repenti se posta à quelques mètres du lieu indiqué par le clochard, en se rencognant dans l'embrasure d'une porte cochère ; la lumière du réverbère n'arrivait pas jusqu'à lui, de sorte qu'il était parfaitement dissimulé dans l'ombre. Les doigts serrés sur sa baguette magique, il attendit en retenant sa respiration que sept heures sonnent au clocher du village.

Godric's Hollow. Si le village avait accueilli auparavant quelques grandes familles sorcières ayant fait sa réputation, il n'était désormais plus qu'un lieu lieu délaissé et sans âme dont l'endroit le plus vivant demeurait encore le cimetière. On serait à vrai dire bien en peine de trouver le motif de sa présence en un endroit aussi isolé, si ce n'était le désir volontaire et calculé de se retrancher du reste du monde pour prendre au piège une brebis égarée. Etrangement, tout individu normalement constitué ne sentirait guère à l'aise de traiter avec un tueur à gage notoire dans un lieu parfaitement désert, aussi un pub tranquille ou l'on pouvait discuter sans être épié tout en étant en présence d'autres personnes restait toujours le meilleur compromis pour les affaires.

Ce rendez vous là, toutefois, était un peu particulier. Un peu comme une fête d'anniversaire surprise où le principal intéressé doit être subtilement amené à se rendre dans un endroit précis à une heure donnée, sans toutefois se douter une seule seconde de ce qui l'attend. C'était un peu l'idée: une fête surprise.

Depuis plusieurs semaines déjà, la ténébreuse avait été informée qu'un individu cherchait à obtenir des informations sur elle. Détective privé ? Auror en mission secrète ? ~~Paparazzi ?~~ Elle n'en savait rien. En revanche, il était certain que le gugus ne manquait pas d'audace pour oser se frotter à une personne que l'on ne connaissait que sous le nom énigmatique de Dame Rouge et que l'on savait être une dangereuse tueuse à gage. Malheureusement, à cause d'un petit contre temps, Ella n'avait pu apprendre l'identité de son suiveur. Son indicateur ayant été assassiné avant de lui avoir transmis l'information. Fort regrettable. Toutefois, si elle ne pouvait plus aller à lui, elle pouvait en revanche le faire venir à elle. Elle n'avait eu aucun mal à s'arranger pour que l'un de ses « contacts » de l'allée des embrumes fournisse à l'intéressé quelques informations délibérées afin de l'amener exactement où elle le souhaitait. C'est ainsi que le rendez vous avait été fixé par ses soins devant la petite chapelle de Godric's Hollow à 19 heures.

Cachée sous un sortilège de désillusion, l'Allemande s'approchait à pas lents et silencieux du point de rendez vous. Un réverbère éclairait la place d'une lumière diffuse tout en dessinant des ombres entres les murs de certaines habitations. Ella balaya la rue de ses prunelles inquisitrices, scrutant les ténèbres avec attention. Pas un chat. Après tout, elle n'était pas certaine qu'il viendrait. Il aurait pu ne pas intercepter l'information, il aurait pu sentir le piège..

« Hominum Revelio » Son sortilège informulé révéla pourtant qu'il se trouvait bien quelqu'un d'autre, tapis dans l'embrasure d'une porte, dont elle ne pouvait percevoir d'ici qu'une imprécise silhouette. Elle sourit. Dix-neuf heures sonnèrent, le « gong » régulier des cloches résonnant dans le village désolé. Invisible, telle une ombre, elle s'approcha de la cachette de l'homme en faction pour enfin révéler sa présence lorsqu'elle fut seulement à quelques mètres de lui.

« Pile à l'heure. »

Susurra la légilimens avec un plaisir détaché. On aurait pu croire que l'homme avait été convié à un dîner si son intonation doucereuse ne recelait pas un indicible caractère de mauvaise augure.

Le sorcier qui se tenait devant elle, ne lui était pas inconnu. Des étincelles émeraudes crépitaient déjà à l'extrémité de sa baguette, pointée sur la poitrine de l'ancien Mangemort, lorsque la tueuse reconnu son ancien collègue dans l'obscurité ambiante. La mort était passée proche. Sans laisser paraître ni surprise, ni hésitation, la ténébreuse leva plutôt son arme pour éclairer davantage le visage du sorcier tout en le fixant de son regard pénétrant.

« Monsieur Kirkby »

S'égaya-t-elle avec une intonation qui ressemblait à un étonnement feint. A l'évidence ce cher James était encore mêlé à une histoire le dépassant complètement et il se retrouvait enlisé jusqu'au cou dans les emmerdes.

« J'aurais cru que vous vous tiendriez aussi éloigné que possible de ce genre de complications.. »

Elle marqua une pause, lui laissant mesurer à quel point sa position actuelle était délicate. Elle s'approcha encore d'un pas. Seuls ses yeux étaient visibles sous le capuchon de la cape qui recouvraient son visage. Par ailleurs la métamorphose faciale rendait difficile son identification: elle avait changé sa chevelure rouge pour des cheveux bruns plus communs et ses yeux semblait noirs dans l'obscurité. La Dame rouge dévisagea un instant son interlocuteur avant de demander d'une voix enjôleuse:

« A votre avis, que convient-il de faire dans une telle situation ? »

Un courant d'air froid chassait sur le bitume un papier que James identifia comme un emballage vide de Chocogrenouille. Le carton produisait un petit frottement en glissant au gré du vent ; c'était le seul bruit qui venait troubler le silence irréel du village.On aurait pu se croire dans un village fantôme, sans les rais de lumière que laissaient filtrer les volets des maisons. Quelques instants durant, James observa les alentours ; la petite place déserte, balayée par le vent, les maisons fermées, le cimetière un peu plus loin... Rien ne bougeait, le rendez-vous était probablement un produit de l'imagination de l'indicateur... Le repenti se promit d'aller le féliciter à grands coups de pied quelque part, pour lui apprendre à mentir ; on n'avait pas idée d'envoyer les gens se geler les miches dans un patelin aussi sordide !

Les cloches de l'égise se mirent en branle tandis que le jeune homme songeait à d'autres coups de pied au cul, ceux que lui-même risquait de recevoir s'il revenait bredouille de la chasse aux informations ; cela faisait presque une semaine que Xenophius lui avait confié la délicate mission d'espionner la Dame Rouge, et pour l'heure, ce n'était pas vraiment concluant... c'était à se demander si cette fameuse Dame Rouge existait réellement, tiens.

Et pourtant... le septième coup de sept heures résonnait encore dans l'air lorsqu'une silhouette de femme se matérialisa soudain devant James, qui ne put réprimer un sursaut. Elle était donc là, et pointait sa baguette droit sur sa poitrine... Cette fois, mon vieux, tu y passes, songea le repenti. Voilà qui renseignerait Xenophius ; la Dame Rouge était une tueuse à gages, et elle savait aussi à l'occasion tuer gratuitement les espions lancés à ses trousses. Les yeux fermés, James attendit le sort ; à travers ses paupières crispées, il perçut une lumière verte – puis rien. Elle avait changé d'avis. Il ouvrit les yeux, juste à temps pour être ébloui par un jet de lumière crue, et il entendit la femme prononcer son nom. Tiens, on se connaissait donc ? Il ne la voyait pas bien, et n'avait pas reconnu la voix, mais il avait eu, dans ses fréquentations passées, bon nombre de dames susceptibles de devenir tueuses à gages... cela laissait de nombreuses hypothèses ouvertes. Le jeune homme plissa les yeux pour essayer de mieux voir – en vain – et répondit d'une voix étonnamment détachée :

-J'ai toujours été fasciné par les femmes fatales.

Il s'étonna lui-même de s'entendre prononcer ces paroles absurdes, dans la situation désespérée où il se trouvait, et sur ce ton badin ; la peur le paralysait pourtant, mais pas assez pour l'empêcher de divaguer. Le repenti retira lentement les mains des poches de sa veste – pas de malentendu, il n'était pas question d'engager le combat – les leva pour montrer qu'il n'avait pas de baguette, avant de reprendre, très sérieusement cette fois :

-Vous venez de m'épargner, et je suppose que ce n'est pas pour rien... À vous, donc, de poser vos conditions, et je verrai si je peux les remplir...

Oui, normalement, on se bat, on vend chèrement sa peau, on ne se rend pas sans même discuter. Oui, il se comportait comme un lâche, et son patron bien-aimé lui demanderait compte de cette capitulation honteuse... mais s'il y avait une carte à jouer, elle était là ; la Dame Rouge le connaissait, et c'est ce qui l'avait sauvé. L'important n'était-il pas de rester en vie ? De toute façon, McGregor serait démasqué quoi qu'il advienne, puisque la femme était légilimens. Que James vive ou meure, qu'il parle ou se taise, les choses suivraient leur cours... de toute façon, le repenti n'avait aucune raison de garder le silence pour son parrain. Un type qui venait de l'envoyer au casse-pipe ne méritait pas un tel dévouement.

Les premiers mots qui franchirent les lèvres du repenti semblaient directement tirés d'une comédie. Compte tenu du contexte, cette phrase sonnait avec un ridicule tel que c'en était à peine concevable. La ténébreuse haussa un sourcil sceptique. Amusant l'effet que la peur pouvait avoir sur les gens, ça les faisait raconter absolument n'importe quoi. James lui semblait à deux doigts de s'évanouir, pauvre homme. Un léger rictus étira ses lèvres vermeilles tandis qu'elle abaissait lentement sa baguette. Fasciné par les femmes fatales, hein ? En voilà une excuse pour espionner les gens.. Avec de tels arguments on était certains de passer pour un voyeur et un pervers ou dans le cas présent pour un pauvre type terrifié en plein délire verbal.

« Voyez vous ça. »

Répliqua-t-elle sur un ton ironique à souhait. James leva doucement les mains en geste de reddition, se présentant aussi désarmé et vulnérable qu'un enfant. Son courage était exemplaire. Enfin, cela l'arrangeait bien. On gagnait toujours un temps précieux lorsque les gens étaient coopératifs et à ce niveau là, on ne pouvait pas trouver plus soumis que James. Sans nul doute avait-il l'habitude de se genre d'exercice.

Il est vrai qu'elle avait retenu son geste étouffant dans l'oeuf le sortilège qui allait poindre. En tuant l'intermédiaire sans plus de cérémonie, elle aurait certainement gagné du temps et fait passé un message des plus clair au commanditaire, néanmoins, James n'avait pas à savoir qui l'avait fait changé d'avis était la vue de ce visage familier. Elle aurait pu tout aussi bien penser que supprimer l'intermédiaire ne résolvait pas véritablement le problème et qu'il valait mieux tirer d'abord lui tirer des informations. Quand au fait qu'elle le connaissait, on pouvait avancer plusieurs hypothèses. Les renseignements et les rumeurs vont vite dans ce milieu. Elle regrettait seulement de ne pas avoir choisi un lieu plus confortable, à vrai dire qu'elle n'avait pas vraiment prévu de s'attarder dans ce trou pour discuter.

« Disons plutôt que je n'aime pas tuer pour rien.. Mais je m'y résignerais si j'y suis obligée. »

Son ton était aussi enjôleur que venimeux. La menace à peine voilée. Elle se régalait du plaisir malsain d'avoir quelqu'un totalement à sa merci. Elle ne souhaitait pas l'éliminer, elle n'en avait pas l'intention, mais il était si jouissif de le voir ramper devant elle, tremblant de terreur. Ce n'était qu'un juste retour des choses après tout. En l'espionnant il l'avait indirectement menacé, et elle avait horreur de se sentir menacée. L'Allemande laissa un instant son regard courir le long des murs d'habitations qui entouraient la place. Il ne semblait pas y avoir âme qui vive. Inutile d'espérer y voir ne serait ce qu'un bar ouvert. Son attention revenant à James, elle reprit:

« Je n'apprécie guère les petits curieux qui viennent fouiner dans mes affaires.. »

Il fallait assurément ne pas accorder beaucoup d'importance à sa propre vie pour aller espionner un tueur à gage notoire. Qui plus est, la ténébreuse avait pris suffisamment de précaution pour s'assurer que son identité reste inconnue, aussi on pouvait véritablement se demander ce qu'on pouvait s'attendre à découvrir à part ses fréquentations d'affaires et éventuellement les contrats qu'elle effectuait.

« Qu'espériez vous y trouver exactement ? La preuve que je maîtrise plutôt bien l'avada kedavra ? » Ajouta-t-elle avec une noire ironie.

Se calmer, reprendre ses esprits. La tueuse avait abaissé sa baguette magique, et James se força à respirer profondément pour tâcher de se calmer ; il ne serait pas exécuté tout de suite, et peut-être même ne serait-il pas exécuté du tout – encore que cette dernière possibilité lui semble trop optimiste pour se réaliser. Étrangement, il n'avait pas vraiment peur ; il avait déjà frôlé la mort, et ceux qui tenaient alors la baguette auraient probablement mis un point d'honneur à prolonger indéfiniment son agonie. Avec la Dame Rouge, il ne s'agirait certainement que de mourir ; un sort, un éclair de lumière verte, et on rendait l'âme proprement, sans torture préalable. Finalement, ce n'était pas plus mal. De toute façon, à supposer qu'elle le laisse partir, il faudrait affronter la colère de Xenophius, et cela risquait fort de ne pas être une partie de rigolade - il serait peut-être temps, alors, de regretter la clémence de la tueuse.

Mais rien ne disait qu'elle laisserait la vie sauve à celui qui avait tenté de l'espionner. Elle disait qu'elle n'aimait pas tuer pour rien, mais qu'elle s'y résoudrait ; le message était clair. James hocha la tête pour indiquer qu'il comprenait parfaitement les enjeux de la conversation qui allait suivre, et attendit. Elle ne posait pas encore de questions, prenait tout son temps avant de passer à un interrogatoire plus précis... Machinalement, le jeune homme suivit le regard que la tueuse posa sur les habitations alentour ; pas âme qui vive, pas même un chat qui puisse être témoin d'une exécution en pleine rue. Sale temps.

Enfin, elle se décida, indiqua tout d'abord qu'elle n'aimait pas qu'on mette le nez dans ses affaires, puis posa une question moqueuse qui était une invitation à s'expliquer. James prit quelques secondes pour choisir ses mots, puis répondit, sur le ton de la conversation :

-Je comprends bien que vous n'aimiez pas les importuns... D'ailleurs, s'il n'avait tenu qu'à moi, je ne me serais jamais intéressé à vos activités...

À vrai dire, il n'avait pas vraiment essayé de discuter les ordres. Il aurait pu, une fois la lettre reçue, se rendre au manoir McGregor pour tâcher de faire plier le chef de clan. Qu'il fasse espionner la Dame Rouge s'il voulait, mais pas par James... Maintenant qu'il y pensait, il se disait qu'il aurait dû tenter sa chance ; faire valoir la fatigue due à la mission colombienne, suggérer l'air de rien le nom de quelqu'un d'autre à qui refiler le bébé... Les chances d'obtenir gain de cause étaient maigres, mais il aurait dû essayer. Ne serait-ce que pour préparer le terrain.

Une bourrasque glacée s'éleva soudain, obligeant James à différer la deuxième partie de sa réponse ; le vent faisait un tel bruit qu'il ne servait à rien de parler. Il aurait fallu hurler, et quelque chose lui disait que la tueuse à gages risquait de ne pas apprécier. Tenant son col pour essayer de se protéger du froid, le jeune homme attendit que les hurlements du vent se calment, puis reprit :

-Je ne doute pas un instant que vous maîtrisiez parfaitement l'avada kedavra. C'est d'ailleurs la seule information fiable que j'aie pu recueillir à votre sujet ; vous êtes renommée pour donner toute satisfaction à vos clients, et l'on murmure que vos tarifs et vos prestations vous classent dans le haut de gamme du genre. J'ignore ce que mon patron espérait apprendre au juste, mais il devait bien se douter que vous aviez suffisamment brouillé les pistes pour être tranquille. Et il devait également se douter, ajouta-t-il d'un ton dégagé, que face à une légilimens, son identité ne resterait pas secrète bien longtemps.

Bon, Xenophius ne savait pas vraiment, en envoyant son filleul en mission, que cette femme était légilimens ; selon toute vraisemblance, il était au courant depuis une petite demi-heure, et il devait regretter de ne pas avoir choisi un occlumens pour espionner la Dame Rouge. Le jeune homme rajusta d'un geste méticuleux col de sa veste, trahissant ainsi sa nervosité, et attendit. Allait-elle prendre sa dernière phrase comme une invitation à plonger dans son esprit, ou bien comme la simple garantie d'obtenir des réponses à toutes ses questions ? Dans les deux cas, le repenti espérait seulement qu'on en termine vite. Dommage, la Dame Rouge semblait prendre plaisir à imposer son propre rythme à la discussion.

Elle avait parlé d'un air détaché, indifférent; le sort de James l'importait peu et finalement, et il n'y avait pas grand chose que l'ancien mangemort aurait pu découvrir sur elle. Elle avait veillé à ne laisser aucun indice susceptible de relier la Dame Rouge à Ella Schwarz, désormais Von Koenigsberg. C'était deux personnes distinctes. La ténébreuse caressa sa baguette du bout des doigts d'un air distrait, alors que son interlocuteur passait aux aveux, cherchant ses mots. Il déclara que si cela n'avait tenu qu'à lui, il ne se serait pas mêlé de ses affaires.. Alors pourquoi l'avait-il fait ? On a toujours le choix et un refus n'aurait probablement guère pu être plus risqué que de filer une tueuse à gage réputée..

La légilimens lui jeta un regard pénétrant mais ne l'interrompit pas. Elle voulait lui laisser l'opportunité de dire tout ce qu'il avait à dire, avant d'envisager des moyens un peu plus contraignants. Il en profita pour vanter la qualité réputée de ses services, mais la sombre dame n'était que peu réceptive aux flatteries. Elles sont souvent hypocrites et intéressées, comme tous ces compliments vains que l'on s'échange dans les soirées mondaines. En revanche, elle fut très déçue de la réponse de James qui disait ignorait ce que son « patron » souhaitait apprendre.. Voilà qui n'allait guère l'avancer, car hélas, elle voyait bien qu'il ne mentait pas. La dernière phrase prononcée par l'interrogé, cependant, sonna comme une invitation à fouiller son esprit pour y découvrir l'identité du donneur d'ordre. Ainsi donc, il savait qu'elle était légilimens..

Par réflexe, la Dame rouge plongea son regard dans celui de James, comme si elle venait d'être rattrapée par l'habitude. Elle devait généralement faire un effort pour ne pas violer les pensées de ses interlocuteurs à tout bout de champs, mais avec une telle invitation, elle ne pouvait guère résister. Enfin inutile de chercher bien loin cela dit, vu que le nom de Xenophius McGregor apparaissait clairement dans les pensées de James en cet instant.

« Ainsi, c'est le vieux McGregor que vous craignez tant ? Mais comment pourriez vous réussir une telle mission, si vous ne savez même pas ce que vous être sensé découvrir ? » Susurra-t-elle.

Ella n'attendait nulle réponse à sa question, celle ci n'avait d'autre but que de souligner l'absurdité de la manoeuvre et James avait été assez idiot pour accepter une mission vouée l'échec. La ténébreuse ne pourrait certes pas apprendre avec certitude l'intention de ce brave Xenophius en la faisant espionner, mais elle avait ses propres hypothèses. L'ambition démesurée du personnage et son désir maladif de tout contrôler lui permettaient dans une certaine mesure de deviner ses motivations.

« Xenophius apprendra que je ne suis pas un pion qu'il peut contrôler.. Il devrait garder à l'esprit que je sais qui il est, et il serait mal avisé de me donner des raisons de vouloir lui nuire.. »

L'avertissement était clair et il reviendrait à James de transmettre le message, même si elle se chargerait tout de même de faire connaître le fond de sa pensée au directeur de la coopération magique internationale dans son prochain courrier. Sa loyauté allait à Shadow, Xenophius devait pourtant le savoir lorsqu'il avait fait appel à ses services. Son engagement envers lui se résumait à l'exécution de son contrat, point barre.

« Quand à vous James, je serais bien curieuse de connaître la raison de votre dévouement. J'ose espérer que cela vous assure le droit à une bonne part de son héritage.. »

L'attitude de soumission que montrait toujours James envers autrui avait quelque chose de profondément frustrant. Il était le genre de personne que l'on a envie de secoué pour qu'il reprenne en main sa propre vie et cesse de se laisser faire dans l'acceptation passive de son sort. Mais espérer le faire réagir semblait pratiquement utopique. Dommage. S'il décidait de se retourner contre Xenophius, il aurait pourtant toutes les cartes en main pour le faire tomber. Son témoignage aurait certainement beaucoup intéressé les aurors.

Les nuages s'écartaient doucement, et un timide rayon de lune finit par percer jusqu'aux deux sorciers. James plissa les yeux pour tâcher, à la faveur de cette lueur blafarde, d'identifier la femme qui le tenait en respect – autant savoir de quelle main on mourait, non ? Rien ne devait être pire que de rendre son dernier soupir sans avoir pu satisfaire son ultime curiosité. Il ne parvint pas, cependant, à distinguer suffisamment ses traits pour lui donner un nom ; elle portait une capuche qui laissait son visage dans l'ombre, et se tenait de dos au rayon de lune. Peine perdue. Le jeune homme rejeta la tête en arrière, juste à temps pour sentir l'intrusion de la Dame Rouge dans ses pensées. L'image de Xenophius McGregor était trop présente dans son esprit pour qu'il fût nécessaire de faire de longues recherches ; la tueuse ne prolongea pas le contact au-delà de quelques secondes, ce dont James lui fut reconnaissant. Elle ne mit pas sa parole en doute lorsqu'il affirma ne pas savoir ce que son patron cherchait à savoir, mais en fit la remarque à mi-voix. James confirma d'un signe de tête qu'il s'agissait bien de Xenophius McGregor, sans rien dire ; de toute évidence, le chef de clan envisageait de faire lui-même le tri parmi les informations que son filleul aurait pu lui transmettre...

La Dame Rouge poursuivit, sur un ton sec, sans que le repenti comprenne exactement pourquoi elle lui disait tout cela. Allait-elle le laisser partir sain et sauf pour qu'il aille délivrer ce message à son patron ? C'était probable ; plus les secondes passaient, plus le jeune homme était convaincu qu'il ne serait pas tué. Il essaya de s'imaginer la réaction du chef de clan s'il s'avisait de répéter les paroles sans appel de la tueuse ; il n'aurait pas le temps de finir sa phrase qu'un maléfice l'aurait réduit en charpie... Il grava cependant l'avertissement dans sa mémoire, au cas où, et hocha la tête en signe d'assentiment. Oui, il transmettrait le message. Enfin, il essaierait. Pas sûr que Xenophius le laisse parler. L'homme avait une certaine tendance à la colère, et voir revenir son espion après un tel fiasco risquait fort de le rendre grincheux.

Xenophius... Voilà justement que la Dame Rouge l'évoquait, en demandant à James pourquoi il était à son service. Une part de l'héritage ? Le jeune homme eu un sourire amusé ; non, il avait bien assez d'héritiers, et ces braves gens ne voudraient certainement pas partager. Il n'en demeurait pas moins que McGregor savait se montrer généreux – la dernière “paye” parvenue chez James après la mission en Colombie aurait permis à une famille de six personnes de vivre correctement pendant un an... Il avait en outre usé de sa position au sein du Ministère pour garantir la sécurité de son filleul, et, dernière intervention en date, il avait racheté l'ensemble des dettes laissées par le père de James à sa mort... Le bienfaiteur tenait fermement ses débiteurs ; son emprise demeurait légère, mais était assez présente pour que personne, chez les Kirkby, n'oublie qu'il avait sauvé la famille de la ruine. James ne se voyait pas raconter tout cela à la Dame Rouge, cependant. Il se contenta d'un sourire entendu, et murmura :

-Cela ne m'assure aucune part de son héritage, mais je puis vous assurer que j'y trouve largement mon compte.

Il n'avait jamais aimé jouer les premiers rôles ; le pouvoir que tant recherchaient lui semblait plus dangereux qu'agréable à exercer, et il préférait de loin mettre ses talents au service d'un autre. Dans l'ombre, il se mouvait à son aise, captait ce qui l'intéressait – suffisamment d'argent pour satisfaire ses goûts de luxe, rien de plus – et laissait à d'autres le soin de tout organiser. Son défaut d'ambition lui avait valu de ne pas être réparti à Serpentard ; dès son jeune âge, il avait su qu'il était un second couteau, et cette position lui convenait à merveille. On voit mieux et plus loin, estimait-il, en se tenant debout derrière le roi qu'en occupant son trône.

Xenophius McGregor avait donc fait de Kirkby son larbin personnel et l'avait envoyé espionner ses activités. En fait elle ne savait pas ce qui l'énervait le plus entre les tendances mégalomanes du vieux qui voulait tout contrôler sans accepter l'idée qu'elle puisse avoir d'autres clients et qu'il n'avait pas à mettre son nez au milieu, ou de voir des imbéciles accepter joyeusement de se soumettre à son totalitarisme. Mais après tout, elle avait d'autre chat à fouetter et l'ami Shadow était certainement en mesure de s'en occuper lui même elle l'aurait qu'à le lui signaler la prochaine fois qu'il la contacterait. Les gens étaient parfois tellement facile à acheter que cela en devenait absurde. Des questions d'argent, des dettes.. rien de bien surprenant à ce qu'elle percevait dans l'esprit de James. Avec sa fortune, le chef de famille pouvait bien se montrer généreux. James lui faisait presque pitié en fait et c'était un sentiment qu'elle méprisait plus que tout.

Il avait néanmoins fallu qu'elle pose la question pour savoir si James n'aurait pas été une nouvelle fois enclin à la trahison. Tout ce qui pouvait ennuyer McGregor, comme des dissonances parmi ses hommes l'aurait amusée. Tant pis, elle trouverait un autre moyen pour sa gentille petite vengeance personnelle.

« Dans ce cas, minauda-t-elle, je crois que nous n'avons plus rien à nous dire.. »

Elle ne laissa rien paraître de ce qu'elle en pensait vraiment mis à part un certain mépris à l'égard de son interlocuteur. Durant la guerre, elle n'avait été qu'un pion parmi tant d'autre entre les mains d'un mage noir mégalomane et elle ne reproduirait pas deux fois la même erreur. Une femme comme elle ne supportait pas de devoir se soumettre à une autorité qu'elle quelle soit. Elle aurait pensé que James en aurait aussi tiré une leçon, mais il fallait croire que certains ne savaient faire autre chose que servir. Un rictus étirant ses lèvres, la légilimens se détourna du sorcier en prenant appui sur le muret devant la porte de la bâtisse. A cet instant, elle avait encore le choix entre tuer proprement le sorcier pour terminer tout ceci en beauté ou le laisser rentrer voir son patron la queue entre les jambes. La deuxième solution lui semblait la meilleure, car elle avait le sentiment que James avait encore un rôle à jouer et sans doute Shadow aurait il des plans pour lui.

« J'espère que ce cher Xenophius ne sera pas trop contrarié que vous ne lui rapportiez que de mauvaises nouvelles.. J'ai eu vent qu'un gros contrat avait été mis sur sa tête par ses amis colombiens.. Mais je comprendrais que vous ne désiriez pas le prévenir..»

Qu'il interprète ces mots comme bons lui semblaient. Ella était certaine qu'il ne manquerait pas de courir tout balancer quitte à subir la fureur du vieil homme et c'était précisément le but de la manoeuvre. Quel dommage pour McGregor de l'avoir contrarié, il n'en saurait pas plus de sa part et elle ne se salirait plus les mains pour lui à moins qu'il ne vienne ramper à ses pieds pour s'excuser. Autant dire que ce n'était pas prêt d'arriver.

« Bonne soirée. » Conclut-elle sadiquement ironique.

Dans un tournoiement de cape, elle transplana.

C'était peut-être un effet de son imagination, mais le repenti eut le sentiment que la Dame Rouge avait été légèrement désappointée de l'entendre dire qu'il trouvait son compte au service de Xenophius. Ce n'était pas totalement vrai, bien sûr ; son parrain le payait certes généreusement, mais sans la menace qu'il représentait pour lui et sa famille, jamais James ne serait resté sous ses ordres. McGregor le devinait probablement ; régulièrement, il prenait des nouvelles de la veuve Kirkby, sur un ton paternel, en glissant quelque allusion au malheur qui l'avait frappée et à la déchéance, jamais loin dans ces cas-là...Elle avait été si proche de la ruine, de la rue, ou pire encore ! Une veuve, seule, endettée, était si vulnérable... L'avertissement était clair : tant que les trois fils feraient ce qu'on attendait d'eux, Alba serait tranquille, conserverait la jouissance de la maison familiale et les petits revenus qui y étaient attachés ; un pas de travers, et le protecteur pourrait fort bien devenir prédateur. La bienveillance de Xenophius rapportait des Gallions, mais elle se payait au prix fort.

Plus rien à se dire... La Dame Rouge avait parlé bas, mais ce murmure fit frissonner James. C'était donc maintenant... maintenant qu'il saurait s'il avait eu raison en pensant qu'elle lui laisserait la vie sauve. Son coeur se mit à cogner furieusement, et il s'appuya contre le bois de la porte ; il était désormais persuadé qu'il avait eu tort, qu'elle allait le tuer. Il n'avait pas vraiment peur ; plus exactement, il était contrarié – de mourir ce soir-là, dans ce trou perdu, de mourir de cette façon. Le seul avantage qu'il percevait était l'efficacité bien connue de la tueuse ; elle n'avait jamais, à sa connaissance, utilisé autre chose que l'Avada de rigueur ; en une seconde, un éclair de lumière, c'était fini. Pas de torture, pas de perte de temps, le boulot était propre...

D'un geste machinal, James rajusta le col de sa veste qui le gênait un peu – absurde précaution, en y songeant bien. La Dame Rouge ne bougeait pas ; depuis quelques instants, elle semblait l'observer, le jauger, et il se prit à souhaiter qu'on en termine au plus vite. À quoi bon laisser s'égrener les secondes, alors que tout était dit ?

La tueuse, cependant, n'était pas de cet avis. Au lieu de relever sa baguette et de lancer une réplique de western bien sentie, du genre “fais ta prière, coyote”, elle reparla de Xenophius, et de sa déception lorsque son messager reviendrait lui annoncer de mauvaises nouvelles... Le messager en question lui lança un regard surpris ; son exécution n'était donc pas pour ce soir ? Il écouta attentivement les bribes d'informations lâchées par la tueuse au sujet d'un contrat sur la tête de son cher parrain... Vraiment ? Voilà une nouvelle intéressante... Bien sûr, Bolivar n'avait pas dû apprécier l'intervention de McGregor sur ses terres, et encore moins la tête de son neveu dans une boîte à chaussures, devant sa porte...

Elle n'en dirait pas davantage, c'était évident. James n'essaya même pas de l'interroger, et ne répondit pas à son ironique salutation. Incrédule, il la regarda transplaner ; une seconde durant, il éprouva un vague soulagement, puis la perspective d'aller faire son rapport à Xenophius lui glaça le sang. Sans trop s'attarder dans ce trou perdu de Godric's Hollow, il transplana à son tour – mais vers son domicile, pas vers le manoir McGregor.