Collée ? Comment ça collée ?? Et puis quoi encore ! A cause de son « mauvais comportement en cours de DCFM » .. mais déjà ça datait de l'époque de Merlin et en plus c'était elle la victime !! C'était elle qui s'était pris dans la tronche un muffin/caillou lancé par l'autre imbécile de Craig ! Pourquoi ce serait à elle se payer les pots cassés ! Pff ça c'est encore du favoritisme envers les Gryffondors. Ou de la discrimination envers Serpentard plutôt. Ou les deux d'ailleurs.

De fort mauvaise humeur, la blonde ne rentra pas dans sa salle commune après le dernier cours de la journée comme les autres élèves mais bifurqua plutôt vers le bureau – ou plutôt cagibi - de Rusard. Elle croisa d'ailleurs ce dernier au détour du couloir, ce dernier ne fit même pas attention à elle, trop occupé à maugréer quelque chose qui ressembler à « sales gamins.. encore attaqué à Miss Teigne.. mériteraient être enfermés aux cachots » Ouai parfois Rusard semblait parler un genre de dialecte Troll amélioré. Enfin bref, elle avait d'autres chats à fouetter que se soucier des grognements du concierge sénile. La bonne nouvelle c'est qu'au moins, elle aurait pas à supporter la présence du cracmol (et en particulier son odeur) pendant la retenue c'était déjà ça.

La blonde poussa la porte sans grande motivation. Lightman était déjà là, en même temps il était 17 heures pile, au moins on ne pourrait pas lui reprocher d'être en retard.

« Bonjour » lâcha-t-elle sans le moindre enthousiasme en cherchant un endroit ou poser son sac. Sauf que, même en cherchant bien il n'y avait pas un seul coin qui n'était pas encombré par un tas de camelote inutile et/ou recouvert pas une bonne couche de poussière. A croire que même les elfes de maison avaient renoncé à faire le ménage dans ce trou à rat.

« Euh.. on pourrait pas plutôt faire la retenue dans une autre pièce ? Un endroit un peu plus euh..»
Propre ? Non, mauvaise idée de laisser entendre que le bureau de son collègue était sale, aussi la poupée changea sa phrase pour « mieux ? »

A l'évidence non.. Et ce qu'Ange craignait semblait de plus en plus se confirmer vu le regard de la prof.. Non mais quand même.. Elle oserait pas lui demander de ranger tout ce bordel immonde ?? Pas à elle ! L'avait-elle bien regardé ? Déjà qu'elle n'osait pas poser son sac tellement l'endroit était dégueulasse et encombré, la seule idée de « toucher » ce qui trainait là la rendait malade. D'autant que Rusard avait immanquablement posé ses sales mains de cracmol dessus au préalable. Elle risquait d'attraper la molducitose en plus !

« J'voudrais pas attraper une maladie contagieuse.. comprenez.. »

Tu aurais peut-être préféré que j'enlève des points à ta maison ?... William haussa les épaules, un air suprêmement indifférent sur le visage, et se détourna sans même répondre à son professeur. Oui, il aurait préféré. Le sablier de Gryffondor était le cadet de ses soucis – certains de ses camarades le lui reprochaient d'ailleurs ouvertement ; apparemment, cette attitude était indigne d'un préfet. Il aurait dû être le plus grand défenseur du sablier rouge, mais il n'arrivait pas à faire semblant de s'y intéresser. Tout cela l'ennuyait au plus haut point, les points, les guéguerres de maisons, toutes ces futilités qui passionnaient tant de ses camarades... Page s'en occupait très bien, d'ailleurs ; elle avait été désignée préfète la plus populaire par les Gryffondor, et, pour être tout à fait honnête, unique préfète de la maison eût été plus juste. William ne faisait plus rien pour l'aider, n'accomplissait que les devoirs de préfet auxquels il ne pouvait échapper, insensible à tous les reproches qu'on lui adressait.

La prof s'était installée sur le bureau, en utilisant un sort pour débarrasser le meuble. La pile de parchemins déposée par William s'était écrasée en soulevant la poussière ; agacé, le garçon poussa un long soupir, mais ne jugea pas utile de se lever pour aller ramasser les paperasses. Une autre liasse de documents était accessible sans bouger de sa chaise, juste en tendant le bras ; l'adolescent s'en saisit, et entreprit de ranger les formulaires par dates. L'écriture minuscule du concierge sur des parchemins vieillis lui arrachait les yeux ; sur certains documents, il fallait faire un effort pour lire la date, en éloignant un peu la feuille ; c'est en procédant ainsi que le roux s'aperçut que Dawster, quelques mètres plus loin, lisait avec attention les parchemins qu'elle était censée trier. Incapable de se retenir malgré la présence de sa directrice de maison, il lança :

-Hé, Dawster, tu veux du thé et des biscuits ? Ce sera plus agréable pour faire la lecture tranquillement...

Elle avait dû tomber sur les comptes-rendus des Carrow, et cela lui rappelait de bons souvenirs...Après tout, ne s'était-elle pas moquée des marques de coups que le roux portait au visage, l'année précédente ? N'était-elle pas la première à se réjouir de la “rééducation” imposée à certains élèves par les Carrow ? Tiens, d'ailleurs. William tira de sa pile le formulaire suivant, et le nom d'Alecto Carrow lui donna la nausée. Par curiosité, il parcourut le document ; comment ces braves gens indiquaient-ils donc qu'ils avaient infligé une séance de torture musclée à un élève ? Élève sanctionné : Deniel Isaac (Serpentard). Motif : conduite inappropriée au bal de Noël. Sanction infligée : Travaux d'intérêt général. L'adolescent réprima un juron. Deniel était sorti à moitié mort de ces “travaux d'intérêt général” ; en janvier, il portait encore des marques qui ne trompaient pas... Était-il bien indispensable de conserver les archives de cette période ? William leva la tête vers le professeur Lightman pour lui en faire la remarque, puis se ravisa et se remit à classer les feuilles. Il était tombé sur toute une liasse datant de la période des Carrow, et il croisa à plusieurs reprises son propre nom accompagné de mentions farfelues telles que “travaux d'intérêt général”, “assistance pédagogique du professeur Amycus Carrow” ou “retenue de type II”... Le souvenir desdites retenues lui noua les tripes. Comment voulait-on qu'il continue joyeusement la course aux sabliers après tout ça ? D'un geste furieux, il jeta sur la pile le parchemin qu'il tenait (encore un de l'époque Carrow, concernant cette fois Page et assorti de commentaires psychologiques détaillés) et affirma d'une voix sourde :

-C'est dégueulasse. On devrait tout cramer, c'est tout. Enfin... C'est sûr que toi, ça doit te plaire, toutes ces saloperies, pas vrai ? ajouta-t-il à l'adresse de Dawster.

La vipère était plongée dans une lecture des plus divertissantes à vrai dire. Une triple retenue concernant McHenry (ça va de soi), Duncan (ha ha bienfait pour saggle), et Mariana (une Gryffondor donc c'était forcément mérité) durant laquelle les trois harpies avaient du copier des lignes après avoir reçu chacune un crache limace de la main de Précieuse McLane. Le simple fait d'imaginer Page en train de dégobiller des limaces tout en devant remplir des lignes était jouissif. Décidément cette Ombrage ne manquait pas d'originalité dans les retenues qu'elle donnait. Pas comme d'autre, suivez mon regard. Ange jeta justement un rapide coup d'oeil en biais à Lightman qui la regardait d'un air suspect mais qui au moins lui foutait la paix. La poupée songeait qu'en supposant qu'elle soit arrivée à faire abstraction du goût vestimentaire et de l'apparence de cochon d'inde d'Ombrage, elle aurait pu très bien s'entendre avec elle. A vrai dire, quiconque donnait à McHenry une retenue aussi bien choisie ne pouvait que mériter son estime.

La blonde avait pratiquement réussi à oublier l'odieuse présence de Craig, lorsque celui ci jugea utile de se manifester, pour lui proposer ironiquement du thé et des biscuits. La jolie blonde leva le nez de ses liasses de parchemins pour lancer à l'autre abruti un regard meurtrier. S'il trouvait qu'elle n'allait pas assez vite à son goût, il n'avait qu'à se démerder tout seul pour trier ses conneries !! Non mais vraiment ! Au lieu de s'énerver et de l'envoyer paître, Ange choisit plutôt de le prendre au mot et répondit de sa voix la plus horriblement mielleuse.

« Mais volontiers, très cher. C'est si gentiment proposé. »

Connard. Arborant un sourire ironique à souhait, la demoiselle le regarda avec insistance, la tête légèrement inclinée sur le côté comme si elle attendait vraiment qu'il se lève et lui serve du thé sur un plateau d'argent. Bah quoi il avait proposé non ?

Ignorant de nouveau le rouge et or, la peste retourna à sa « lecture », essayant de se montrer un brin plus efficace dans son tri histoire de pas coucher là. En dehors de quelques archives croustillantes, il y avait tout de même une bonne majorité de retenues passablement assommantes. Des lignes à copier, des lignes à copier et re des lignes à copier. Humpf, à part le coup du crache limace, Ombrage était barbante en fait. La blonde allait pousser un soupir bien audible, quand l'autre abruti se manifesta de nouveau pour faire partager sa bonne humeur communicative en exprimant clairement sa pensée: «  C'est dégueulasse » La blonde lui jeta un regard royalement blasé. C'était bien un Gryffondor. Il ne perdait pas la moindre occasion pour se plaindre de la cruauté du monde et jouer le martyr. Caractéristique commune à tous les membres de cette maison qu'Ange abhorrait plus que tout.

A vrai dire, elle aurait été assez d'accord avec lui sur le fait que tout cramer serait une bonne idée. Plutôt que de trier tout ça, ça aurait bien plus judicieux (et plus rapide) d'y foutre le feu. La dernière partie de sa phrase en revanche, la fit grincer des dents. Il ne savait pas de quoi il parlait. Il ne savait rien et se permettait de porter des jugements. Si lui avait été à sa place, il n'aurait probablement pas agit différemment. Oui elle était sang pur et avait eu grâce à ça un traitement de faveur, aurait elle du cracher dessus et aller se faire tabasser pour le plaisir juste histoire de soutenir les autres et grossir les rangs de ces pseudo martyrs ? Après, elle y était pour rien elle si cet imbécile heureux de bouffon exubérant avait été collé plus de fois que le reste des élèves réunis. S'il agissait comme un parfait crétin, elle n'y pouvait rien et ses retenues prouvaient bien qu'il n'avait pas besoin d'elle pour se faire punir. Cela dit, il fallait clairement pas compter sur elle pour jouer les pauvres victimes incomprises et aller pleurnicher. Ça c'était bon pour les idiots comme lui. C'était sans doute stupide, mais elle répondit à la provocation par la provocation.

« Tu n'imagines pas à quel point. » répliqua-t-elle sur un ton venimeux.« J'adore tout particulièrement celle là, elle tira l'un des parchemin du tas, qui détaille la manière dont ce cher Ultan Bower a su si bien remettre deux imbéciles à leur place. »

Il la cherchait, il la trouvait.

La mine sombre, William parcourait les parchemins, et ce qu'il lisait le dégoûtait de plus en plus. Il avait l'impression que toute l'année précédente défilait sous ses yeux, avec son cortège de retenues, de brimades et de sévices... Le simple fait de revoir l'écriture tremblante de cet illettré de Carrow, ou les pattes de mouches psychotiques de sa soeur, lui donnait la nausée. Et pendant ce temps-là, Dawster le narguait joyeusement, semblait attendre qu'il vienne lui servir le thé pour agrémenter sa lecture... Le roux jeta un coup d'oeil à la prof pour se calmer, et reprit son tri. La pile, encore assez épaisse, concernait entièrement l'année précédente ; c'était vraiment décourageant... Plus que décourageant, en vérité ; répugnant aurait été plus juste. Même en langage codé, il s'agissait, ni plus ni moins, de récits de torture... Une corbeille à papiers se trouvait juste à côté du bureau, et William dut résister à l'envie d'y expédier toute la liasse... Il jugea préférable d'en attraper une autre, particulièrement jaunie et poussiéreuse, qui concernait l'année 1990. Là, au moins, il ne risquait pas de tomber sur son propre nom... Il déplia le premier parchemin d'un geste mou, tandis que cette peste de Dawster lui répondait en mode sournois.

Ultan Bower. La seule mention de ce nom suffisait à lui faire dresser les cheveux sur la tête. Cette fois-là, il s'était sérieusement demandé s'il n'allait pas y passer pour de bon... C'était Bower qui lui avait infligé son baptême du Doloris – du moins avait-il su à quoi s'attendre avec les Carrow.

Dawster attendait visiblement qu'il s'énerve ou devienne violent, ce qui aurait immanquablement poussé le professeur Lightman à sévir. Le roux réprima l'envie d'assassiner cette sale morveuse ; il se contenta de répondre d'une voix tendue :

-Tiens, je ne pensais pas qu'ils auraient été assez cons pour faire des comptes-rendus détaillés. Enfin... s'il y a d'autres cons pour les lire et s'en régaler...

La colère, cependant, lui brouillait la vue. La colère, et autre chose qui ressemblait à de la panique. Songer qu'un compte-rendu de la séance infligée par Bower se trouvait là, entre les mains de Dawster, lui était tout simplement insupportable. Le souvenir de ces heures dans les cachots lui glaçait le sang, et il s'aperçut soudain qu'un léger tremblement agitait ses mains. Et la nausée... comme à chaque fois, Il ne resterait pas une seconde de plus dans cette pièce, et tant pis pour les conséquences. Abandonnant sa pile de parchemins, il se leva, chancelant, et s'adressa au professeur Lightman d'une voix mal assurée :

-J'me sens pas bien... Je ne peux pas rester ici. Donnez-moi une autre retenue, renvoyez-moi, n'importe quoi, mais entre ces comptes-rendus dégueulasses et celle-là (il désigna Dawster d'un signe de tête), c'est juste pas possible. Désolé, professeur.

De l'air... vite, de l'air. Le roux avait la nausée. Vite, respirer un autre air que celui que viciait la présence de Dawster. Il desserra sa cravate d'un geste nerveux, et se dirigea, à toute allure, vers la porte du bureau. Tout ce dont il avait envie, c'était de se prostrer dans un coin pour essayer, en vain, de ne pas revoir le film de la séance de torture avec Bower. Peu lui importait la réaction de Lightman. Il savait que son attitude allait très probablement lui valoir le renvoi – ou du moins une sanction exemplaire ; tant pis. Tout lui semblait préférable à la poursuite de cette retenue. Et de toute façon, songea-t-il en posant la main sur la poignée de la porte, il ne s'échappait pas vraiment ; il voulait juste aller ouvrir la fenêtre, de l'autre côté du couloir, et respirer...