Chez Howard le Guilleret [Clos]

Un jeune Sorcier trainait dans les ruelles peu fréquentées du petit bourg de Pré-au-Lard, profitant de cette sortie organisée par l'école pour prendre l'air, et surtout de pouvoir se dégoter une robe de sorcier valable pour le bal. Il ne pouvait pas se permettre de venir n'importe comment, surtout qu'il avait condamné Akiko, une première année de Serdaigle à le subir.

Pour éviter de lui marcher sur les pieds, il avait d'ailleurs dans l'idée de prendre des cours. Il y aurait bien quelqu'un pour essuyer les plâtres et lui apprendre à danser comme un Dieu en moins d'un mois ... De plus, il avait entendu parler d'un cours qui serait organisé à cette attention, alors il n'y avait pas un instant à perdre.

Seulement voilà, il avait beau passer en tous sens, pas moyen de trouver d'échoppe vendant des robes ... jusqu'à ce qu'il trouve une impasse devant laquelle il était passé sans faire attention un peu plus tôt. Il y avait une vitrine sale, et l'intérieur était sombre ... Sûrement une vieille boutique fermée depuis des lustres.

Par curiosité, le Griffonnet s'approcha, et remarqua un écriteau sur lequel il était inscrit en caractères gothiques "Ouvert". Levant son nez, le gamin chercha des yeux la pancarte de la devanture, mais le nom de l'échoppe s'était effacé avec le temps, et ne subsistaient que quelques lettres, ne lui procurant pas la moindre aide quant au type de commerce.

La seule solution était d'entrer ...

La boutique était effectivement plongée dans la pénombre, n'ayant pour source de lumière que quelques lampes à huile, et le ménage méritait d'être fait ... Il y avait de tout ici, depuis quelque grimoire d'occasion aux couvertures usées jusqu'aux balais, en passant par les chaudrons, les fioles de potion vides et alambics, les bouteilles d'encre et encriers, du papier de qualité moyenne et ... de vieux vêtements d'un autre temps.

Ne voulant pas paraitre malpoli et malhonnête, l'écolier chercha des yeux le gérant du commerce, avant de se rendre compte qu'il était seul dans une pièce tout en longueur, débouchant sur un escalier de bois.

"Il y a quelqu'un ?"

Un grincement de fauteuil se fit entendre à l'étage, puis des bruits de pas et d'une canne frappant le plancher, à un rythme assez lent. Un homme d'un grand âge descendit, arborant un sourire et un regard foldingues et des cheveux anarchiques, autour d'une calvitie. Il avait tout l'air du vieux excentrique jovial et avenant par excellence.

"Entrez, entrez ! Que puis-je pour vous, mon garçon ?
-Et bien, je ne sais pas si vous avez ce que je cherche ...
-Demander ne comporte aucun risque, voyons !
-Et bien, en fait je cherche une robe de ...
-Bal ? Bien sûr ! Oh oh ! C'est la saison, le bal de Noël à Poudlard, ce que je voudrais voir ça, toute cette jeunesse en train de s'amuser !"

Visiblement, il pourrait trouver des robes de bal ici ... mais dans quel état ? S'il trouvait une ancienne robe à son goût, pourquoi pas, mais pas en haillons ... Le vieux commerçant semblait avoir capté l'embarras de l'écossais, car il répondit à ses pensées.

"Si vous trouvez quelque chose qui vous plait, mais qu'il est abimé, rien n'empêche de le réparer ! Nous ne sommes pas Sorciers pour repriser nos chaussettes à la main, ma foi ! Vous n'avez qu'à jeter un œil dans les tentures, mais faites bien attention à ne pas le perdre ! Ha haaa !"

Remontant l'escalier, et sortant du champ de vision du Rouge et Or, la sympathique tête du vendeur passa par-dessus la balustrade.

"Je reviens tout de suite ! Je crois avoir quelque chose qui vous irais là-haut !"

La porte de la boutique poussa un gémissement désespéré en grinçant sur ses gonds rouillés, lorsque le vieux mage entra dans la pièce. Derrière lui, la neige tourbillonnait dans pré au lard, fouettant les murs et les fenêtres des petites maisons blotties les unes contre les autres. Une rafale plus hardie que les autres s’infiltra en hurlant de joie, dans la boutique miteuse, juste avant que le professeur claque la porte avec précipitation, pour éviter de transformer l’intérieur en igloo.

Avec un soupir fatigué, il retira son grand chapeau pointu couvert de givre, et secoua sa pelisse enneigée. Les fourrures bordant son manteau et ses robes, étaient décorées de centaines de minuscules stalactites glacées, qui se mirent à fondre instantanément ; et à perler gouttes à gouttes sur le sol poussiéreux. Enfin, avec lenteur, il déposa contre le mur son étrange canne ouvragée, au pommeau décoré d’un dragon d’onix rugissant.

Tout en farfouillant dans ses vêtements pour en extraire sa vieille pipe, l’ancien laissa courir son regard sur les étagères encombrées, le comptoir rayé, et les haillons abandonnés au temps. Ses yeux d’un bleu perçant, scintillant derrière le verre de ses lunettes cerclées, enregistraient tout les détails à la recherche de la moindre anomalie. Il avait cette vieille habitude de joueur d’échec, de pouvoir embrasser une scène dans son ensemble, sans aucune difficulté ; peu important la complexité du décor.

Se coinçant la pipe entre les lèvres il prit enfin le temps de dévisager le client déjà présent. Un sourire délicat, naquit dans sa barbe majestueuse, lorsqu’il inclina légèrement la tête pour saluer cordialement le jeune homme.

-Monsieur Turner, bien le bonjour .

Grattant une allumette contre un mur, il alluma sa pipe et souffla de petites bouffées de fumée à mesure que les braises de tabac rougeoyantes se consumaient doucement.

-Je ne m’attendais pas à vous croiser dans un tel…endroit.

Discrètement, Umbre une petite belette qui accompagnait partout le vénérable enseignant, se glissa hors de la poche de l’ancien et entreprit d’explorer l’endroit. Surprenant le regard du jeune Lion vers le rongeur en activité, le directeur de Gryffondor lâcha une bouffée de fumée amusée.

-Oh, ne vous inquiétez pas. Umbre fait toujours ça. Il aime bien farfouiller et découvrir. Et puis entre nous, il a un don pour découvrir les objets…hum non conventionnels…qui n’auraient pas du se trouver à cette place. Si vous voyez ce que je veux dire.

Il y eu du bruit à l’étage, un grand fracas, comme une pile d’ustensiles heurtant le sol. Intrigué, le professeur arqua un sourcil, avant de laisser échapper une bouffée de fumée, en forme de flocons délicatement ciselé.

-A ce propos Monsieur Turner, oubliant pour un temps mon rôle de professeur, je vais faire comme si je n’avais pas vu un élève dans cette impasse sordide. Néanmoins, je me permet de vous conseiller la plus grande prudence quand ce que Howard va vous vendre. Il fut une époque ou ce vilain galopin trafiquait et recelait toutes sortes d’artefacts prohibés par la loi….Et il lui arrive encore de céder complètement par hasard, a des clients imprudents, des ustensiles…maudits.

Le Vieux Lion avait prononcé le dernier mot avec un grand sourire et un clin d’œil à l’adresse du jeune homme.

Alors qu'il s'attardait sur le rayon des vêtements, et que le vendeur excentrique farfouillait dans ses affaires, Rupert fut interrompu par une bourrasque de vent glacial. Un Sorcier, bien connu d'y-celui, venait de pénétrer dans la sombre échoppe, se débarrassant de la neige qui couvrait ses vêtements hivernaux, et ôtant son chapeau.

L'élève, bien qu'au caractère beaucoup plus affirmé, était toujours intimidé par le nouveau directeur de sa Maison, lui vouant une admiration particulière. Quand le professeur le salua, le nommant par son nom, il se sentit comme soulevé, et répondit nerveusement.

"B ... Bonjour, professeur !"

Il n'était pas évident pour le gamin de rester détendu avec celui qu'il prenait comme modèle, mais les investigations de la belette eurent au moins le don de lui créer un échappatoire à son stress, alors qu'il observait, presque amusé, cet animal fouiner à droite à gauche.

Par contre, la suite du discours de Mr Farrow eut celui de mettre très mal à l'aise le jeune Gryffondor, qui se sentit cuire comme un œuf à la poêle ... Le patron de ce magasin était visiblement un filou, aguerrit dans la vente d'objets aux sombres pouvoirs. En une seconde, le moindre chaudron différent des autres, la moindre marchandise un tant soit peu singulière prit une caractéristique ténébreuse ...

Ce n'était pas forcément le cas, mais n'importe quoi ici pouvait être dangereux ... comme ailleurs, or le professeur semblait bien connaitre les trafics de cet Howard, et sans pour autant réprimander son élève d'être venu ici, il lui faisait presque assez peur pour le dissuader d'acheter le moindre parchemin vierge ...

"Ah ... euh ... et bien je suis un peu arrivé ici par hasard, et ... je ne fais que chercher une robe de Sorcier pour le bal ..."

Est-ce qu'un vêtement si cérémonieux pouvait-il faire l'objet d'un maléfice ? Il y avait mille autres objets bien plus intéressants à enchanter ... ou à maudir ! Mais l'ancien Auror avait réussit à mettre un sérieux doute dans l'esprit de l'Ecossais.

Rupert restait interdit, ne sachant pas trop s'il devait continuer à chercher ici, ou s'il devait plutôt filer ... Le marchand était en train de se tuer à la tâche en haut pour trouver une robe au jeune garçon, et il serait très malpoli de partir avant qu'il ne puisse lui proposer quoi que ce soit ...

Rester planté bêtement n'était pas irritant pour le troisième année, mais être -presque- seul avec son professeur de Défense Contre les Forces du Mal, et directeur de maison était une occasion qu'il avait cherché depuis un moment. Ne voulant pas déranger dans son travail l'Auror, il avait longtemps hésité à frapper à la porte de son bureau. Là ce n'était pas son bureau, et sauf s'il venait arrêter le vendeur, il n'était pas en train de travailler.

"Professeur, je me demandais ..."

Le gamin attendit un acquiescement de la part du Sorcier pour continuer.

"... L'an dernier j'ai commencé à m'intéresser ... sérieusement ... à la Magie Blanche. Je veux dire, c'est une forme de Magie qui m'attire ... Je pense que même si elle est difficile à maitriser, et qu'on pourrait lui reprocher d'être presque exclusivement défensive ... Je me demande pourquoi on ne l'étudie pas ..."