La soirée avait été des plus fraiches laissant quelques flocons se dessiner dans la pénombre et atterrir lentement sur le bitume humide. Les chauffages et les cheminées étaient allumés depuis le début du mois de novembre, annonçant un hiver probablement très froid. Rien d’inhabituel lorsqu’on était un citadin londonien à qui le brouillard laissait un sentiment de parfaite indifférence.

Et c’était le cas de notre Médicomage bien trop occupé pour prendre le temps de jeter un œil dehors. Les dossiers s’empilaient dangereusement de plus en plus haut depuis le début de l’année, un des nombreux signes de la montée en puissance du Lord. Mais c’était sans compter sur les attaques suspectent enregistrées par le service depuis quelques semaines, émanant d’un certain nombre non négligeable d’animaux de compagnie d’habitude inoffensifs. Une quantité astronomique de boulot l’assaillait de jour en jour et les dossiers prenaient la poussière sur son bureau de Ste Mangouste et sur celui de son appartement londonien. Impossible de se mettre à jour si en plus de cela il devait régulièrement partir en mission pour l’Ordre du Phénix, missions qui commençaient à le rendre fou. Ils ne faisaient pas le poids et en faire partie devenait de plus en plus dangereux. Le seul avantage qu’il y voyait en ce moment, la tête penché sur ses dossiers, c’est que ça le mettrait en sécurité, certes précaire, en cas de problèmes. Problèmes qu’ils attendaient de voir venir. Son arbre généalogique falsifié était passé comme une lettre à la poste, mais il ne pouvait s’empêcher de mal dormir et d’y penser constamment. L’idée d’être dans l’illégalité le hantait comme jamais et il se sentait de plus en plus mal à l’aise à cause de cette situation qu’il ne contrôlait qu’à moitiés. Que faire si le pire arrivait ?

La sonnerie de la porte d’entrée le réveilla en sursaut et il décolla sa joue du dossier qu’il était en train de lire quelques minutes plus tôt. Consultant sa montre, il nota l’heure avancée et un froncement de sourcil lui barra le front alors qu’il se levait pour aller voir qui était l’opportun assez gonflé pour venir lui rendre une visite à cette heure tardive. Il avait une vague idée de l’identité de la personne capable de venir le perturber dans son petit confort, mais évita d’y penser ; Mercedes n’avait rien à lui demandé et donc rien à faire derrière sa porte.

Une masse sombre s’effondra devant ses pieds lorsqu’il ouvrit le battant de la porte. Son sang se glaça dans ses veines lorsqu’il aperçut la chevelure rousse et le sang qui recouvrait le visage d’Ella Schwarz.

Qu’est-ce que…

Tout en jetant un œil dans le couloir pour voir si personne ne s’y cachait, Arsène hissa Ella dans ses bras et l’emmena rapidement jusqu’au salon pour l’allonger sur le canapé. La jeune femme était manifestement inconsciente et le coup qu’elle avait dû se reprendre à la tête devait probablement y être pour quelque chose. Elle semblait vraiment mal en point, le sang tachant ses vêtements et sa cape noire qu’il entreprit de retirer délicatement. Rapidement et tout en gardant son sang froid, le médicomage entreprit d’évaluer les dégâts qui étaient assez conséquents. Qui avaient pu faire subir à son étudiante de pareilles blessures ? Mille questions se bousculaient dans sa tête, mais aucune ne trouvait de réponse adéquate. Il ne comprenait pas qu’on puisse en vouloir à une jeune femme qui n’avait rien d’une née moldue ou d’une cible potentielle des sbires du Lord.

Il n’avait pratiquement aucun matériel de médicomagie dans son appartement, tout était stocké au QG de l’Ordre du Phénix depuis plusieurs mois et il ne gardait que le strict minimum dans son appartement, préférant mettre à la disposition des éventuels blessés de l’association secrète le peu qu’il arrivait à subtiliser à Ste Mangouste. Néanmoins, il pu aisément arrêter l’hémorragie et stabiliser la situation de la demoiselle pour une durée assez indéterminée. Il lui fallait absolument et le plus rapidement possible récupérer de quoi la soigner correctement.

Ella tu m’entends ?

Secouant légèrement la jeune femme, Arsène ne fut pas étonné de n’obtenir aucune réponse de la bouche de la rousse. Il l’emmitoufla dans une couverture et attrapa sa cape qu’il enfila précipitamment.

Je reviens…

Un léger « plop » plus tard et le médicomage se dirigeait déjà à grandes enjambés vers le Cottage du binoclare. Les lumières étaient encore allumées, signe que certains venaient de rentrer de missions ou n’arrivaient pas à dormir. A moins qu’une fête ait été improvisée à la dernière minute ?

… et alors elle a transplané sans demander son reste.

Ce qui veut dire qu’on revient à la case départ et qu’on a perdu notre temps.

Rémus semblait être assez contrarié ainsi que les deux aurors qui étaient assis sur le canapé du petit salon du Cottage. Le médicomage se stoppa à l’entrée du petit salon pour écouter la conversation l’air grave. Ils avaient l’habitude de faire chou-blanc, mais perdre des témoins était courant malheureusement, ce qui les empêchait de mettre des bâtons dans les roues du Lord.

Non vous n’avez pas perdu votre temps, au moins on sait qu’il transmettait des informations à vous-savez-qui.

Les deux membres de l’Ordre du Phénix sortir de la pièce et saluèrent Arsène qui se tenait sur le pas de la porte.

Rien de grave j’espère ?

Un témoin assassiné et un mangemort blessé envolé. Que nous vaut ta visite Arsène ?

Rien je viens chercher quelques trucs que j’ai laissés là. Je repars directement.

Se souvenant subitement que l’heure était grave et qu’il lui fallait faire vite, Arsène embarqua tout ce qui lui tomba sous la main et repartit sans demander son reste et en oubliant cette mission à moitié ratée. Après tout, des morts il y en avait déjà eu et s’ils n’étaient pas de leur coté c’était moins important à ses yeux, voir même mieux.

L’appartement était tel qu’il l’avait laissé, Ella toujours évanouie sur le canapé. Le sang avait déjà eu partiellement le temps de sécher sur ses vêtements alors qu’il commençait à soigner les blessures de la rousse. Sa cuisse était brulée par endroit et ouverte à d’autre, l’origine de l’hémorragie se situait entièrement à cet endroit là. Elle avait eu un bon réflexe de débarquer chez lui, quelques minutes de plus et elle aurait pu y laisser sa peau. La personne qui l’avait blessé n’était pas seule, c’était une évidence. Une telle plaie ne pouvait être que la combinaison d’au moins deux sortilèges lancés simultanément. L’incompréhension se lisait sur le visage inquiet du sorcier qui évitait de laisser des pensées ambiguës lui venir à l’esprit, peu aidé par les effluves de parfum émanant de la jeune femme qu’il avait eu entre ses mains dans d’autres circonstances.

Mais ses idées se remirent très vite en place lorsqu’il retira le chemisier de la femme. La réponse à ses questions se tenait là sous ses yeux. L’évidence l’avait frappé de plein fouet et le puzzle se formait tout seul dans son esprit. Jamais il n’en avait vu une d’aussi près et un léger frisson le parcourus lorsqu’il passa ses doigts le long du poignet gauche de la mangemort.

Il finit de retirer le chemisier et recouvrit la poitrine de la femme avec la couverture avant de s’asseoir par terre, sous le choc. C’était impossible. Comment avait-il pu se laisser berner par cette fille aussi facilement. Il pensait avoir dépassé le stade de Poudlard où les Serpentard étaient les méchants et les Gryffondor les gentils. Malheureusement le temps le rattrapait et venait de lui montrer la cruelle erreur de jugement qu’il avait fait.

Mais ce n’était rien par rapport à ce qu’il refusait de laisser à son esprit lui montrer. Qui pouvait bien blesser aussi grièvement un Mangemort si ce n’était des aurors ? Et si c’était des aurors membres de l’Ordre du Phénix ? La tête commença à lui tourner sous le flux d’informations qu’il était en train de recevoir. Que devait-il faire ? Un gros dilemme venait de s’ouvrir à lui. Devait-il la laisser mourir, l’emmener au square, la soigner, la cacher, ne rien dire ?

Les minutes passèrent et la rousse restait inconsciente, ne sachant pas ce qui se tramait dans la tête de son amant. Finalement Arsène décida que sa décision pouvait être remise à plus tard et que dans tous les cas il ne pouvait pas la laisser comme ça. Ce n’était pas humain, ce n’était pas lui !

Tel un robot, il se releva et continua de soigner Ella tout en laissant son esprit peser le pour et le contre tout en se gardant de laisser sa colère se déferler dans son corps, la conservant pour plus tard, pour quand elle se réveillerait. Il prit soin de lui administrer une potion de sommeil afin qu’elle ne se réveille pas trop tôt et lui laisse suffisamment de temps pour réfléchir. Il ne voulait pas l’affronter l’esprit en ébullition et dans l’indécision totale.

Finalement, il l’emmena dans sa chambre pour la déposer dans son lit. Il n’allait de toute manière pas pouvoir dormir de la nuit. Il subtilisa la baguette de la Mangemort et lança quelques sorts afin de l’empêcher de s’en aller si l’envie lui prenait. Il n’allait pas la laisser s’en tirer comme ça et c’est l’esprit colérique qu’il nettoya le sang avant de s’installer sur le rebord de la fenêtre de la chambre à coucher, attendant l’heure fatidique de son réveil.

De gros tatouillards* se balançaient en rythme devant la fenêtre, laissant tout le loisir aux yeux fatigué du Médicomage d’observer la précision géométrique des flocons de neige avant qu’ils ne s’écrasent mollement sur le sol déjà recouvert d’un petit tapis blanc. Ça n’avait pas cessé de toute la nuit, accompagnant les réflexions d’Arsène, tantôt s’accélérant, tantôt s’arrêtant pour finalement recouvrir le bitume et éclairer la nuit grâce au reflet de la lune.

Il n’avait pas encore arrêté de décision. La situation était beaucoup trop complexe pour qu’il puisse se permettre de faire une erreur. Erreur qu’il risquerait de regretter s’il ne prenait pas la bonne décision. Instinctivement, il aurait envie de l’amener sans ménagement devant Remus qui saurait quoi en faire. La justice comme il la concevait ne pouvais admettre qu’un Mangemort soit laissé en liberté, quelques soient ses motivations personnelles. Elle n’était rien d’autre qu’une petite garce irrespectueuse qui semait le trouble chez les honnêtes gens.

Mais au fond de lui, derrière son orgueil blessé, se cachait un autre sentiment qui prenait légèrement le dessus. Un sentiment mêlant incompréhension, trahison et compassion. La rousse avait démontré au fil de leurs rencontres qu’elle n’était pas si différente de lui. Ils avaient cette façon de se comprendre sans le dire, de savoir ce que l’autre pouvait penser ou ressentir. Et c’était la seule chose qui pouvait faire basculer sa décision ; la compréhension mutuelle qu’il ne partageait même pas avec Mercedes.

Pourtant, il ne pouvait concevoir qu’elle ait tué aussi impunément un simple témoin gênant…

Le petit jour se levait déjà la neige fut déblayé par les moldus comme les sorciers, chacun avec des moyens radicalement différents. Aujourd’hui il devait travailler à Ste Mangouste, mais Amandine avait été prévenu par hibou une fois que la neige eu cessé de tomber trop lourdement. Le brave animal n’était pas encore revenu, probablement sa collègue le garderait bien au chaud jusqu’au soir-même.

Ses pensées s’échappèrent quelques instants avant que la rousse ne commence à s’agiter dans le lit. La potion d’endormissement prenait fin. Le médicomage avait veillé que celle contre la douleur ne se dissipe pas tout de suite. C’était peut-être une manière comme une autre d’imposer un certain chantage à son invité si celle-ci ne voulait pas collaborer. Si sa décision finale n’avait pas été prise, il n’en restait pas moins décidé à en tirer un maximum d’informations qui lui permettraient probablement d’apaiser sa colère ou alors de la laisser s’échapper librement.

Arsène ?

Inspirant silencieusement, le médicomage se tourna en direction d’Ella qui émergeait lentement de son sommeil alourdit par le médicament assommant. La première question fusa, lui arrachant un froid :

A toi de me le dire…

Remarque qu’il lâcha avec une voix très calme mais très cassante. Ce qui n’empêcha pas le mangemort de continuer ses investigations, visiblement très perdue. Sa baguette ? Qu’elle ne s’inquiète donc pas, il la tripotait nerveusement depuis quelques heures déjà. Et il était hors de question de la lui rendre, il n’était pas fou et ne comptait pas ruiner son appartement à coup de sort. Et il n’était pas sûr qu’elle, elle le laisse en vie… Surtout que la demoiselle commença à sonder son esprit. Hé ben tiens qu’est-ce qui lui prenait subitement ?

Ce n’était pas la première fois qu’il sentait la rousse tenter d’en savoir un peu plus que ce qu’il voulait lui dire. Mais en général, il évitait de la laisser jouer son petit jeu et fermait maladroitement son esprit. L’avantage sans baguette c’est qu’elle ne pouvait guère aller bien loin. Arsène fixa ses yeux noisette dans ceux de la rousse et l’amena directement vers ce qu’elle voulait savoir. Après tout, autant mettre les choses à plat dès le départ, cela évitait les malentendus et permettait au Médicomage de lui montrer par la même occasion qu’elle était effectivement bien dans la merde.

Arsène fixait la rousse, continuant de jouer avec la baguette d’Ella qui ne tarda pas à monter les tours à coup de provocation très puéril qui le fit détourner le regard, l’air hautain et légèrement dégouté.

Ça te ferait trop plaisir…

Ses yeux suivirent quelques instants les voitures défiler dans la rue avant de se retourner vers la mangemort qui ne s’était toujours pas calmé.

Je te conseille de rester tranquille. Les antidouleurs vont bientôt cesser de faire effet. Alors en attendant, on va discuter. Je pense que tu as beaucoup de choses à me dire…

*Terme jurassien désignant un très gros flocon de neige

Jamais encore il n’avait vu la rousse dans une colère pareille. Pas une de ces colères qui explose de violence, mais une colère froide à vous glacer le sang. Le médicomage savait exactement dans quelle situation de frustration se trouvait Ella Schwarz. Il l’avait suffisamment fréquenté pour savoir ce qui pouvait la faire sortir de ses gonds et à quels moments ils risquaient de se faire mordre par la jouvencelle en furie. Ils n’en étaient pas encore là, Merlin soit loué, et si Arsène continuait sur le ton de l’arrogance, probablement qu’il finirait par l’énerver suffisamment pour qu’elle finisse par lui déballer des informations intéressantes.

Mais s’en était pas moins sûr. Après tout, elle avait quand même réussi à lui cacher son statut de Mangemort et son jeu d’actrice avait été parfait dans les moindres détails. Néanmoins, il avait sous les yeux une image de la rousse qui ne l’étonnait guère. Ce regard froid, arrogant et hautain était également le sien et c’était bien un terrain sur lequel ils ne pouvaient que s’entendre. C’est donc tout naturellement et sur le même ton qu’Arsène répliqua.

Oui tu as raison… mais moi je n’entre pas par effraction dans l’esprit des gens pour y mettre à nue leur intimité… C’est clair qu’on peut débattre de ce qui est mieux comme mode d’action. On peut essayer si tu veux ? Je n’ai plus grand-chose à te cacher, tu ne t’es pas gênée jusqu’à présent.

Le médicomage soutint le regard sondeur d’Ella tout en gardant son esprit fermé, ne laissant filtrer aucune émotion qui pourrait être perceptible par l’esprit aiguisée de sa maitresse. Ce n’était pas vrai, il y avait des quantités d’informations dans son esprit qui ne devaient absolument pas filtrer ; que ce soit son statut de sang-de-bourbe ou des missions de l’ODP.

Elle n’y était décidément pas. Il s’en fichait pas mal de son maître. Il voulait des explications, comprendre et pouvoir se faire une raison. Mais il était bien évidemment hors de question de lui dire que ce n’était que pour l’innocenter un maximum qu’il voulait converser avec elle. Jusqu’à présent, elle n’avait jamais eu de geste violent et mangemoresque en sa présence. Sauf cette première fois lors de son cours. Cours qui lui remit en mémoire un détail qu’il avait quelque peu négligé ; ses parents avaient été tués par des Mangemorts… Détail qui l’avait passablement travaillé durant la nuit. Il n’était pas au bout de ses peines on dirait et cela ne jouait pas en faveur de son étudiante qu’il soupçonnait d’être à l’origine du décès de ses parents. Il s’était renseigné et la mort des Aurors Schwarz avait fait grand bruit. Ils n’étaient pas ouvertement de leur coté, mais tout Auror se bat contre les sbires du Lord, ce qui faisait d’eux des victimes de choix.

Je ne compte pas me mesurer au plus vil sorcier de cette planète. Tu essaye de faire quoi ? De me démontrer que je ne suis pas meilleur que toi d’un point de vue humain ? Excuse-moi, mais tu t’es déjà suffisamment abaissée pour venir me faire la morale. Et je te rappelle que je suis dans l’autre camp.

Bien sûr qu’il mesurait dans quelle situation ils étaient. Peut-être aurait-il mieux fait de fermer les yeux sur elle, de faire celui qui n’avait rien vu et qui ne savait rien. Mais sa conscience personnelle ne lui permettait pas de s’abaisser à ce genre d’idioties. Certes il ne faisait pas partie de l’Ordre du Phénix pour se dépeindre comme un preux chevalier sauveur du peuple, mais il n’était pas non plus dans ce camp-ci par simple égarement. Chaque mangemort de moins était un espoir de voir sa liberté retrouvée, ainsi que celui de milliers d’autres sang-impurs tels que lui. Même si les Mangemorts en question étaient des gens qu’il cotoyait.

Pour nous deux ? Ou pour toi ? Je ne vois pas ce que j’y gagnerais de te laisser partir. Arsène stoppa le mouvement de rotation de la baguette d’Ella. La gardant dans sa main, non loin de la sienne. Et puis, je ne te fais pas confiance, qui me dit que tu ne me tueras pas comme tes parents ?

Il n’avait aucune idée de l’effet de sa question sur Ella Schwarz. Il tenait fermement sa baguette, prêt à la brandir au moindre signe de la rousse en sa présence.

Sans étonnement, Ella Schwarz resta impassible aux remarques d’Arsène. Mais il savait par expérience qu’elle n’y était pas insensible et qu’il allait finir par faire mouche. Biensûr, il fallait reconnaitre que la garder « prisonnière » n’était pas d’une très grande bonté surtout que la jeune fille n’allait pas tarder à voir la douleur de ses multiples blessures se réveiller.

On verra, peut-être lui donnera-t-il tout de suite une potion contre ou alors il attendrait un peu, histoire d’assouvir une petit vengeance totalement orgueilleuse. Elle le méritait bien de toute façon et si c’était pour lui la seule manière qu’il avait de la faire payer d’être un Mangemort alors peut-être omettrait-il de la lui donner. Mais n’était-ce pas un peu lâche pour un ancien Gryffondor ?

Le médicomage secoua la tête d’irritation lorsqu’elle affirma qu’il ne pouvait pas se passer d’elle. Quand allait-elle arrêter de jouer à la gamine ? Vraiment, c’était un des trucs qui le mettait hors de lui, cette fâcheuse tendance à être aussi puérile et peu mature. Il savait aussi que c’était une façade et une manière de rester stoïque mais il ne pouvait s’empêcher d’être énervé d’être prit si peu au sérieux.

Quant à mes parents, tu ne sais pas de quoi tu parle.

Non effectivement, ça lui échappait totalement. Le simple fait d’imaginer la jeune fille tuer ou du moins autoriser le meurtre de ses parents lui semblait irréel. Quels monstres devait-il être pour qu’elle en soit venue à faire une chose pareille ? Quoi qu’il en soit, elle avait quand même un sacré problème car elle s’était bien jouée de lui sur ce coup-là. Arsène sentait bien qu’il avait toutefois touché un point sensible car la jeune fille se mobilisa dans le but de se lever probablement, une manière de cacher un certain malaise. Mais c’était sans compter sur la douleur. Ravalant sa réplique, il préféra la remettre en garde.

Je t’ai dis de ne pas bouger, tu vas te faire mal pour rien.

Ses yeux essayèrent de la scruter, mais la mangemort était très douée quand elle le voulait. Pourtant le ton sur lequel elle répliqua lui indiqua très clairement qu’elle commençait à flancher. Mais encore une fois, elle s’obstinait à lui répéter qu’elle ne pouvait pas avoir eu tord. Certes, il s’en fichait au fond de lui. Mais comprendre cette indifférence face à la mort de ses parents pourrait peut-être l’aider à comprendre le choix de la jeune femme. Mais ce qui l’énervait le plus, c’est qu’elle ne s’était pas privée pour se positionner comme une victime. Et lui comme un con, il avait compatit.

Tu me dégoute Ella… Et dire que j’ai compatis quand tu m’as dis que tes parents avaient été assassinés.

Arsène ne pu retenir un regard haineux envers la jeune fille, trahissant à quel point il était déçu. Ça le blessait même d’imaginer qu’il lui avait quelque part fait confiance. Une confiance particulière biensûr, mais il avait fini par admettre au fond de lui qu’elle n’était pas si différente de lui et ce n’était pas comme s’ils n’avaient pas un certain nombre de points communs. C’était le plus frustrant finalement, et le plus dur à admettre.

Tu m’as mentis et du continu de le faire.

Elle n’avait pas tord, mais c’était trop douloureux de l’admettre. Depuis qu’il la connaissait, Arsène avait toujours refoulé au fond de lui-même les convictions profondes qu’Ella chamboulait en lui. Le meurtre de ses parents l’avait convaincu, naïvement, que la jeune fille n’était qu’une effrontée qui s’en fichait royalement de la guerre qui se jouait dans le monde. Jamais il n’aurait imaginé la recruter un jour pour l’Ordre du Phénix. Il n’était pas idiot à ce point pour laisser son esprit s’embrouiller. Il s’était toujours douté qu’elle n’était pas réellement du coté du bien et que ça lui était bien égal que des moldus soient tués. Pourtant il avait toujours eu le sentiment qu’elle n’était qu’indifférente et non pas impliqué du coté du mal. Et c’était là sa plus grande erreur car il avait à présent devant les yeux une tueuse sans scrupules qui l’avait bafoué avec grand art. C’était impossible, elle ne pouvait pas l’avoir manipulé pareillement et avec une telle arrogance.

Les paroles qu’elle lui cracha au visage l’étonnèrent. Elle admettait ce qu’il savait depuis déjà bien longtemps. Cet égoïsme qu’ils partageaient n’avait fait que les rapprocher. Arsène ne savait plus ce qu’il devait considérer comme vrai ou comme pure baliverne. Pourtant, la jeune femme continua de vider son sac, de manière pourtant si sincère. Le médicomage la fixait de ses yeux noisette, restant totalement impassible, ne désirant pas lui montrer qu’il n’était pas insensible à ce qu’elle lui disait. La méfiance avait prit le pas sur l’orgueil qui l’avait dans un premier lieu guidé dans cet interrogatoire. C’était bien beau de la faire parler, mais qu’en penser ? Comment savoir si elle ne le menait pas une nouvelle fois en bateau ?

Arsène avait passé la nuit à analyser leurs rencontres et à présent il avait continué son manège, cherchant à la percer à jour. Jamais encore elle ne s’était livrée à lui de cette manière-ci et la façon dont se termina son discours l’incita à penser qu’elle disait la vérité. Et il l’espérait dans son fort intérieur, mais ça ne suffisait pas. Il s’était attaché à elle bien plus qu’il ne le pensait. L’air pensif, il la laissa terminer sa tirade et n’engagea aucun geste lorsqu’elle se leva pour venir se planter devant lui. Ses yeux étaient toujours fixer sur elle, la détaillant, puis il secoua légèrement la tête. Enfin, il prit la parole, gardant ce calme olympien qu’il s’était approprié depuis le début de l’entretien.

Je ne t’ai pas laissé mourir parce que je ne suis pas aussi cruel que tu le dis… et puis j’estime que tu as le droit de te justifier, même si c’est dur à entendre…

Arsène gardait ses yeux plongé dans ceux de la rousse, pâle comme la mort. Malgré son air effronté, elle ne tiendrait pas bien longtemps debout devant lui. Lentement, il reprit.

Pourquoi tu parle de choix ? Si j’avais voulu te livrer à l’Ordre du Phénix tu serais déjà enchainée dans la cave.

Son bras se tendit avec toute l’indifférence qu’il pouvait afficher sur son visage, vers le rebord de la fenêtre pour y prendre une potion qu’il avait préparé précédemment. Tout en lui tendant le verre, il ajouta.

Je ne te rendrais pas ta baguette. Je n’ai plus confiance en toi Ella et tu ne me montre pas que ce que tu me dis est la vérité. Je me suis déjà fait avoir une fois avec tes mensonges de fausse-victime et j’avoue que c’est ça qui me blesse le plus. Alors te croire ? Je pense qu’il m’en faudrait plus que ces paroles que tu me crache au visage avec fierté… Je ne suis pas ton Maître, je n’ai pas besoin que tu me montre que tu es forte et déterminée.

Ce qui le frustrait le plus, c’était qu’elle ait spontanément décidé de faire de lui un ennemi en l’affrontant telle une tigresse. Peut-être qu’elle s’en fichait bien de ce qu’il s’était passé entre eux, du respect qu’ils avaient échangé jusqu’à présent et de cette compréhension qu’ils avaient partagés. Ses yeux se posèrent sur le verre qu’il lui tendit.

Bois ça. Et arrête d’être arrogante avec moi, tu sais que ça m’énerve !

Mais quelle gourde cette fille. Arsène secoua la tête, un petit sourire se dessinant sur son visage, trahissant son amusement malgré la tension qui régnait entre les deux sorciers. Le verre s’était brisé sur le sol, sous la main d’Ella qui s’était complètement ramassé par terre à ses pieds. Sans qu’il n’ait eu le temps de comprendre ce qu’il se passait, ni qu’il puisse entamer un geste pour la rattraper. C’était vraiment de pire en pire.

Rangeant les deux baguettes dans sa poche, Arsène s’agenouilla pour se mettre à la hauteur d’Ella. Son petit sourire avait disparut, mais son visage était moins froid que toute à l’heure. La rousse semblait vraiment au bout du rouleau et il commençait à comprendre ce qui l’avait mené jusqu’ici. Il était apparemment la seule personne sur qui elle pouvait compter dans un moment pareil. C’était dur à le reconnaître, mais il en était presque satisfait, surtout que des larmes venaient d’apparaître sur le visage fatigué et pâle du Mangemort qui n’avait plus rien d’agressif malgré ce qu’elle essayait de montrer.

Finalement elle était loin de l’image qu’il avait eue d’elle durant les longues heures d’attente de la nuit, et peut-être même était-il prêt à la croire à la condition qu’elle arrête de l’agresser verbalement. Sans lui demander son avis, le médicomage la prit dans ses bras pour la reposer sur le lit, entre les draps tièdes.

Sans un mot, il retourna chercher une autre potion sur le rebord de la fenêtre et revint s’asseoir sur le bord du lit. Il n’avait franchement plus de raison de s’en faire et dans l’état où elle était, elle risquait de se faire plus de mal à elle-même qu’à lui, même avec un Avada Kedavra. D’un geste de la main, il sécha les larmes qui s’était discrètement mise à couler et lui mis la potion dans la main droite.

Prend-là, tu te sentiras mieux après.

Une vague ébauche de sourire se dessina sur son visage, mais Arsène n’avait pas franchement envie de se laisser stupidement attendrir. Il n’avait toujours pas compris les réelles intentions de la rousse et ne lâcherait pas l’affaire pour quelques faiblesses et larmes. Patiemment, il attendit qu’elle boive le breuvage sans la regarder, les yeux dans le vague. Il avait très bien compris que le geste qu’avait amorcé Ella en sa direction n’était que pour récupérer sa baguette. Il ne savait pas jusqu’où elle était déterminée à aller, mais c’était hors de question de la laisser partir avant d’être sûr qu’elle ne s’en prendrait pas à lui, aujourd’hui ou n’importe quel autre jour. Surtout qu’elle savait à présent qu’il faisait partit de l’Ordre du Phénix et ramener sa trouvaille au Repaire lui vaudrait certainement quelques remerciements de la part du Lord.

Le contact si proche avec la rousse lui faisait un drôle d’effet. C’en était presque douloureux, comme si quelque chose dans ce contact c’était brisé au moment où Arsène avait touché la marque du bout des doigts. Aucun sentiment ne le liait à Ella Schwarz, mais il se sentait bafoué et trahit dans ses convictions. Être manipulé et utilisé le rendait malade surtout lorsqu’il appréciait la personne et qu’il partageait autant de choses avec elle, sans qu’elle ne représente quelque chose de plus. C’était vraiment un sentiment bizarre qu’il n’arrivait pas à définir. Peut-être final s’était-il bien trop attaché à son étudiante et qu’il était à présent trop tard pour faire marche arrière, pour refuser de la croire, préférer l’aveuglement égoïste plutôt que la compassion. C’était un dilemme cuisant auquel il n’avait pas envie de faire face. Une remise en question bien trop profonde pour l’un, comme pour l’autre.

Le Mangemort prit finalement le verre pour le porter à ses lèvres. Il ne le vit pas mais savait que c’était exactement ce qui était en train de se dérouler car ses doigts restèrent emprisonnés dans ceux d’Ella. Ses yeux finirent par quitter le vague pour venir se poser sur la main légèrement ensanglantée de la demoiselle qui venait de se couper. Le verre fut déposé sur la table de chevet mais il n’avait pas encore envie de lever les yeux sur Ella. Il garda la main de la rousse emprisonné dans la sienne et sortit sa baguette.

Arsène réalisait qu’elle avait fait preuve d’une sacré confiance en lui pour accepter de boire la potion sans broncher. Peut-être que finalement elle, elle n’avait jamais douté comme lui avait douté d’elle ? Peut-être était un signe de bonne foi de la part de son ancienne maitresse, un signe encourageant. Ou de la pure effronterie. Le silence se faisait de plombs et permit au Médicomage de refermer les petites plaies de la main de la rousse, ne laissant que de fine égratignures rosées qui disparaitraient d’ici quelques jours.

Enfin, elle se décida à le briser, adoptant une voix plutôt calme et résigné. Alors seulement il leva les yeux sur elle pour la fixer. Une certaine sérénité apparaissait sur le visage d’Ella et probablement les effets de la potion devait-il se faire ressentir. Ce qu’il voulait savoir ? Il ne le savait pas vraiment finalement. Il prit le temps avant de répondre, choisissant scrupuleusement ses mots.

Je ne sais pas vraiment. Tu m’en as déjà dit beaucoup… Finalement je me doute bien de ce qui peut pousser quelqu’un à rejoindre les rangs d’un Mage Noire, mais je ne pensais pas que tu avais un tel besoin de pouvoir. Ce que tu as déjà ne te suffit-il pas ? Je ne suis pas convaincu qu’en choisissant ce camp-là tu te mettes en sécurité…

Arsène lâcha la main d’Ella pour se remettre debout et arpenter la pièce de long en large. Il fallait être honnête, ce n’était pas ça qui importait le plus.

Pourquoi tu as raconté toute cette histoire ? Je pense te connaître suffisamment bien pour savoir que ce n’est pas ton genre de raconter des choses aussi énormes sans avoir un fond de pensée bien précis.

Des regrets ? Il ne savait pas vraiment, peut-être qu’elle en avait. Dans tous les cas il voulait comprendre qu’elle ait pu prendre un jour ce choix douloureux de faire partie des sbires du Lord. Encore que jusque là il pouvait le concevoir, mais tous ces crimes ? Toute cette barbarie ? Non ça le dépassait complètement et plus il la fixait moins il la voyait comme il pensait la voir auparavant.

Je ne suis pas là pour te juger... mais... comment tu peux continuer…

Il savait ce qui guidait la plupart des Mangemorts ; l’obligation et l’épée de Damoclès qui planait au dessus de leur tête. Il espérait que l’héritière chez Schwarz ne le fasse pas par plaisir et consciemment. C’était ça qu’il voulait entendre.

La colère l’avait envahit de manière exponentielle, mais une fois les paroles sorties, il sentait la tension diminuer et son esprit se calmer. Ses pieds cessèrent d’arpenter la pièce pour faire face à Ella Schwarz qu’il fixait, fièrement et avec une certaine pointe de défi dans le fond des yeux. La révélation qu’il venait de faire lui donnait une force énorme, comme si pour la première fois de sa vie il était entier et pouvait l’assumer. Pourtant c’était un peu facile étant dans une position dominante, une baguette à la main bien que dirigé sur la moquette de sa chambre à coucher. Il faisait face au Mangemort du haut de sa splendeur et était prêt à tout pour défendre ses valeurs, de manière aussi égoïste qu’il le pourrait, du moment que sa conscience le lui permettait. Et puis, il sentait la rousse sonder son esprit qu’il ferma avec un léger rire moqueur.

Tu ne peux pas t’en empêcher…

Ce n’était pas réellement une question ni une accusation, mais plutôt une constatation. Ce n’était pas la première fois qu’elle essayait de pénétrer dans ses pensées, mais il était suffisamment doué en la matière pour rester totalement indifférent à toute attaque de la sorte, surtout venant d’elle. C’était presque plaisant de voir qu’elle se raccrochait à si peu pour tenter de le mettre à jour alors qu’il venait de lui confier le plus gros des secrets qu’il avait gardé si longtemps enfoui au fond de lui. Vraiment quel manque de tact Mlle Schwarz !

Qu’est-ce que tu veux savoir de plus ? Au point où on en est je n’ai plus grand-chose à te cacher. Mais je préférerais que tu me le demande.

Mais elle ne répondit pas à sa question, préférant clarifier ce qu’elle appelait une méprise. Mais ce n’en était pas une. Un mangemort ne pouvait pas avoir des idéaux différents de leur Maître, c’était tout simplement interdit et punissable. Ella avait pourtant l’audace de se comparer aux plus fous d’entre eux. Un acte tout à fait irréfléchi qu’elle ne pouvait pas mesurer. Probablement ne savait-elle pas à quel point elle était dans une situation perieuse si elle tenait véritablement de tels propos et si elle avait de telles idées. C’était presque du suicide de sa part. Ou alors elle continuait de lui mentir en lui passant la pommade, histoire qu’il soit indulgent et qu’il la laisse partir. Mais Arsène n’était pas dupe, il savait de quoi elle était capable, il l’avait vu et en avait la preuve. Ella Schwarz était dangereuse, pas autant que ses ainés, mais suffisamment pour lui causer du tord.

Oh je ne nie pas ses pouvoirs. C’est bien pour ça que je ne pourrais pas te laisser t’en aller et qu’il est tout à fait inutile de continuer à déverser tes mensonges Ella. Soi tu es complètement stupide, soi tu es plus courageuse que je le pense. Mais dans tous les cas ne pense pas que tu pourras t’en sortir avec des idéaux qui diffèrent autant des siens, et ce n’est pas à moi que tu va apprendre jusqu’où il est capable d’aller. Ne sous-estime pas Alecto, elle est bien plus dangereuse que tu ne pourras jamais l’imaginer.

Le médicomage ne savait pas s’il pouvait lui faire confiance ou non. Le discours d’Ella Schwarz ne pouvait pas être si faux qu’il pouvait le penser et il avait envie de croire qu’elle ne le considérait pas comme un être inférieur, après tout ils avaient quand même eu une relation intime. Elle lui avait déballé dans un premier temps bien trop de choses importantes et l’incriminant pour qu’elle change subitement d’avis. Ça serait complètement inutile et crétin. Il savait très bien pourquoi il l’appréciait et pourquoi il pouvait partager autant de choses avec elle, parce qu’elle était comme lui, égoïste et pleine de fierté. Hawaï pouvait certes être une solution adapté, mais il avait cette conscience qui le rendait meilleur et ne lui permettait pas de se cacher comme un lâche. Mais elle, que faisait-elle là au milieu si elle ne partageait pas la folie meurtrière du Lord ? Sans la lâcher des yeux, sa baguette toujours en main, Arsène s’approcha d’elle et s’installa au pied du lit. Il ne risquait pas grand-chose et rester debout comme un piquet n’allait pas lui rendre service. Et puis il fallait qu’il prenne le risque d’en savoir plus, de sonder les paroles de la rousse, de découvrir si elle était sincère ou si c’était à nouveau une entourloupe de sa part. Les paroles d’Ella le surprise et lui arrachèrent un léger sourire.

Qu’est-ce qui te fait penser que j’ai besoin de ton aide ? Je n’ai besoin de personne Ella. Et je ne te demande pas de la faire d’ailleurs… Quoi que tu pourrais me donner des idées…

Prenant un air réflexif, Arsène se frotta l’arête du nez de sa main libre. La question se posait de savoir ce qu’il allait bien pouvoir faire d’elle au final. C’était le même dilemme qui se présentait devant lui depuis qu’il avait relavé cette manche souillée de sang.

[HJ : Comment ça il s'est passé 5mois depuis ta dernière réponse ? ]

La pizza était en soi la meilleure qu’on pouvait trouver dans le quartier, mais au vue des événements, elle n’arrivait pas à satisfaire pleinement l’estomac d’Arsène. La bière non plus d’ailleurs, bien que c’était sa préférée et qu’elle arrivait en général toujours à résoudre les moindre petits ennuis du Médicomage. La pizza donc, puisqu’on parle d’elle, lui laissait un arrière goût amer et dès la première bouchée, blindait son estomac. Non décidément il était vraiment trop contrarié pour manger quoi que ce soit. La partie de zappette avec la télécommande le distrayait légèrement, mais ses pensées restaient focalisées sur cet atroce dilemme : Qu’allait-il bien pouvoir faire d’Ella ? En général il n’avait aucun problème pour trouver une réponse à quelque question que ce soit. Question existentielle de chemise à enfiler, de coupe de cheveux, de femme… de tout ce qui résumait sa petite vie tranquille et extraordinaire. Il savait également sans difficulté faire les choix les plus stratégiques d’un point de vue professionnel. Mais là, c’était bien la première fois qu’il ne savait pas quoi faire. Arsène prenait toujours toutes ses décisions par la raison et par ce qui lui semblait le plus approprié pour lui et ses petites fesses. Là en l’occurrence la raison le pousserait à entrer en contact avec Rémus Lupin, à lui remettre Ella et à savourer pleinement son petit succès. Car mettre la main sur un Mangemort n’arrivait pas très souvent au sein de l’Ordre du Phénix en ce moment. Pourtant, il ne pouvait s’y résoudre. Ella ne lui avait rien fait, Ella était venue ici pour le voir lui dans la détresse. Ella lui faisait manifestement confiance et il n’arrivait pas à se résoudre à la trahir malgré le bon sens qui le pousse à le faire. Fondamentalement quel intérêt trouverait-il à la remettre entre les mains de Rémus ? Et à l’inverse quel intérêt aurait-il à la laisser s’en aller sans rien demander en échange ?

Pour la cinquième fois depuis qu’il était installé sur son canapé, les premières chaines de sa TV refirent un tour de zappette, encore 150 avant d’avoir refait un tour en se posant exactement les mêmes questions. Sa baguette était posée négligemment sur ses genoux et sa main droite tenait un bout de pizza qu’il avait à moitié entamé. La bière quant à elle, vaguement entamée, moussait sur la table basse, laissant une partie de son contenu former une auréole ronde à sa base.

Plop !

Sans demander son reste, le Médicomage se redressa à la vitesse de la lumière, lâcha la télécommande pour attraper sa baguette. La pizza quant à elle termina sa course sur le tapis… La baguette d’Arsène se pointa instantanément en direction d’Ella qui venait de se matérialiser dans le salon, accompagné par un elfe de maison aussi surpris que lui-même.
D’un naturel alarmant, la rousse, qui pour l’occasion avait enfilé un caleçon et une chemise lui appartenant, s’installa dans un des fauteuils, un air satisfait sur le visage.

La solution qu’elle lui offrait semblait la meilleure et la plus évidente. Celle biensûr qu’il devrait prendre. Pourtant au fond de lui il avait un sentiment assez angoissant, comme un sentiment d’abandon. Il avait peur de quoi au juste ? Qu’elle ne revienne jamais le voir après ? Qu’elle tente de le manipuler pour ensuite lui planter un Avada Kedabra dans le dos ?
Tout en continuant de la fixer, le médicomage baissa sa baguette d’un cran. Il se calma gentiment, se remettant de la surprise qu’elle lui avait faite. Vraiment c’était tout elle. Ça lui donnait presque envie de lui sourire, mais celui-ci eu énormément de peine à atteindre ses lèvres qui restèrent figées. Une fois son discours terminé, il se frotta l’arête du nez, signalant sans s’en rendre compte qu’il était contrarié et qu’effectivement il ne savait pas quoi décider. Néanmoins une question lui restait, une question qu’il n’avait pas encore posée, trop occupé à reprocher à son élève tout ce qu’il pouvait lui mettre sur le dos. Mais au final la vraie question était la suivante :

Pourquoi tu es venue chez moi ? Tu te douterais bien que j’allais tomber sur la marque… Et même si je n’étais pas membre de l’Ordre du Phénix, tu ne pouvais tout de même pas penser que je ne réagirais pas ?

Un air de total désarroi était affiché sur son visage alors que sa main frottait négligemment son menton. C’est vrai ça, pourquoi est-ce qu’elle n’était pas rentrée au repaire des Mangemorts ? Ils avaient bien un repaire non ? Et probablement des médicomages parmi eux même s’il n’avait encore réussi à soupçonner aucun de ses collègues.

Pourquoi t’as pris ce risque-là ? T’as tout foutu en l’air Ella. Je ne t’ai rien demandé moi, j’avais même pas envie de savoir qui tu étais vraiment !