Aventure, exploration et commando [Aed]

Roman, depuis sa découverte des profondeurs du château, l'année précédente, en compagnie du chevalier Malcolm, n'avait pas eu l'occasion de revivre pareille aventure. Aussi attendait-il avec impatience qu'une opportunité se présente. Où qu'elle doive se dérouler, peu lui importait. En fait, le blondinet se considérait comme un Poufsouffle ascendant Gryffondor. Et à plusieurs reprises, il était passé non loin de la Forêt Interdite, sans pouvoir s'empêcher d'y jeter des coups d'oeil. Que pourrait-il trouver là-dedans ? Depuis la grande bataille, ça ne devait plus être aussi dangereux, non ? Et à mesure que les jours passaient, l'idée faisait son chemin. Aussi, à la sortie d'un cours, il en glissa un mot à Malcolm. Le Serdaigle réservait sa réponse. Parce qu'il lui semblait avoir quelque chose en tête.

Et en effet. Celui qui irait dans la Forêt Interdite avec Roman, ce serait Aed McRae, un Première Année de la maison Rouge et Or. Dans le cadre d'un pari lancé par Malc' et Tobias Aegis, un camarade de Poufsouffle. Il faudrait au Gryffondor ramener quelque chose de son périple pour prouver qu'il y était bien allé. Et pour l'aider dans sa tâche, il avait une sorte de parrain, en la personne de Roman. Le petit blaireau avait assuré au duo qu'il n'arriverait rien à leur petit protégé.

"Nan, vous inquiétez pas, il reviendra en un seul morceau ! Et moi aussi, j'espère !"

Ces paroles étaient-elles suffisantes pour rassurer tout le monde, le Jaune et Noir compris ? Probablement. Mais comme c'était sa première exploration du bois, il ne savait pas trop ce qu'il pourrait y trouver. Le principal, avant de se soucier de ce qu'ils rencontreraient à l'intérieur, était de ne pas se faire repérer avant même d'y être entrés. Les professeurs et les Préfets veillaient. L'idéal étant de ne pas croiser la vipère, Démon Toaster. Mais comme ils devaient partir en expédition assez tôt ce samedi matin, il y avait quand même peu de chance qu'on les remarque.

D'ailleurs, lorsque sonnèrent huit heures, Roman jaillit de son lit. Il troqua en quelques secondes son pyjama aux couleurs de sa maison contre un pantalon treillis et une chemise en lin type Indiana Jones. Il aurait adoré avoir le même chapeau, mais ses parents trouvaient que ça coutait un peu cher pour ce que c'était. Tant pis. Il vérifia le contenu de son sac à dos : quelques provisions -nourriture, eau- un kit de premiers secours, un morceau de tissu pour éventuellement emballer la preuve... Tout y était. Content de lui, Rom' passa rapidement dans la Grande Salle pour grignoter un toast et boire un bol de chocolat chaud. Puis il retourna dans son dortoir pour récupérer son sac, et il rejoignit le hall. Les grandes portes étaient ouvertes. On était encore en été, il faisait doux, malgré l'approche de l'automne.

L'air de rien, le Poufsouffe descendit dans le parc, faisant mine de se diriger vers le lac. Puis il bifurqua vers l'orée de la Forêt. Aed n'était pas encore là. L'Ebene et Or posa son sac auprès d'un arbre, en sortit un bandana noir et se le noua autour de la tête, comme un commando. Et pour parfaire sa panoplie, il se mit un peu de maquillage noir et vert sur les joues. Jusqu'au bout ! Il n'avait plus rien d'un mousquetaire, pour le coup. En fait, il était un peu un mousquetaire des temps modernes. C'est ça. Et puis arriva le Première Année.

"Salut Aed ! Prêt pour vivre de grandes aventures ?" l'accueillit-t-il avec entrain et un grand sourire.

Lui était prêt. Il n'attendait que le signal pour s'engouffrer dans la Forêt. Après tout, le pari était pour Aed. Donc à lui de voir ce qu'il voulait découvrir, ce qu'il rapporterait comme preuve. Roman attrapa une branche pour s'en faire un bâton de marche. Là, il aurait bien aimé qu'on le prenne en photo. Aventure, on arrive !

Caché derrière ses tentures, les yeux ouverts dans le noir, Aed donnait enfin cours à son inquiétude. Il fallait qu'il se calme. Et pourtant, il était impossible de refuser un pari donné par ses potes ! Carr' devait le comprendre ça, non ? Un McRae ne pouvait pas se défier devant une telle assemblée. On aurait cru qu'il avait peur. Or ce n'était pas ça. Pas vraiment. Un gars de la campagne comme lui n'allait pas être effrayé par une forêt sous prétexte qu'elle était interdite. Non, ce qui l'embêtait c'était qu'il savait très bien que c'était une bêtise et qu'il se disait qu'il serait peut-être temps qu'il fasse une pause de ce point de vue là. Peut-être.

La vérité vraie, c'était surtout que le petit gryffon avait du mal avec le concept d'école. Toute sa vie, il avait eu des cours particuliers avec un Professeur qui l'aimait, savait comment le prendre, proposer des cours actifs, souvent en plein air. Ici, il fallait rester assit et silencieux la majeure partie de a journée et l'enfant était en manque d'action. En plus, il n'y avait personne pour faire ses trucs de plouc comme une bonne bagarre dans la poussière, ou un concours de ricochets ou même nager et faire du faux karaté pour de rire (voire même du vrai comme il en avait fait l'été précédent). Du coup, il se sentait bouillonner de partout et accumulé les bêtises. D'après Carr', s'il continuait comme ça, il ne pourrait plus retourner au château après les vacances de la Toussain.

Bon. Cette fois serait la dernière du mois. Il se le promettait. Il irait passer ses après-midi a somnoler sagement dans la bibliothèque, ferait super bien ses devoirs, trouverait le moyen de se faire remarquer aussi par son attitude (dans le bon sens cette fois) que par son activité. Il sourit. Quitte à ce que ce soit la dernière fois, autant que ce soit bien.

Lorsque sonnèrent huit heures, le sang pur sortit de son lit, enleva son pyjama noir et se décida, après pas mal d'hésitations, pour un vieux jean troué mais confortable et un t-shirt vert banal. Il prit sa baguette qu'il glissa dans un étui a sa ceinture, une boussole magique (qui indiquait toujours le château) qu'il mit dans sa poche et sa montre à gousset autour du cou. Cela suffirait. Ils n'allaient pas non plus à l'autre bout du monde et le gamin n'aimait pas spécialement porter des trucs.

Sans se presser - il avait le temps - il passa dans la salle de bain prendre toute l'eau chaude sous une loooooooongue douche, passa encore un bon bout de temps à décoiffer ses cheveux comme il le voulait, complèta sa tenue d'une paire de chaussettes de compet' et de chaussures de marche puis descendit dans la grande salle prendre son petit déjeuner. Un coup d'œil chez les Poufsouffles, son compagnon d'aventure n'était pas là. Tant pis.

Sérieux comme un pape, l'enfant prit un petit déjeuner copieux composé de jambon, de toasts, de lait, de jus de fruit et d'une pomme et se rendit en flanant jusqu'à la Forêt interdite. C'est là qu'il commença à comprendre son erreur. Non seulement son aîné était arrivé avant lui, mais il était en tenue de commando, avec sac à dos inclus alors que lui venait en touriste. Le rouge de la joue lui monta jusqu'aux oreilles. Nul. Il avait été nul. Et Roman, là, il déchirait tout.

"Haaaaaaan trop bien ! T'as le fusil à air comprimé aussi ?"

Fasciné par la tenue de son camarade, il lui tourna autour comme un petit chien avant de se rendre compte qu'il n'avait ni rendu le salut, ni répondu à la question.

"Ben ouais que je suis prêt. Enfin j'ai pas ton matos mais j'ferais avec. T'es déjà allé dedans ? Tu sais ce qu'il y a ? Carr' dit qu'une fois, pour le Tournois, ils y ont cachés des dragons."

Sa voix était fébrile mais il continua un ton plus bas. En bon chieur, son frère avait vite fait de le "rassurer". Cela dit, Carron n'était très probablement jamais été seul dans la Foret Interdite (vu que c'était interdit) alors il en savait rien d'abord, si tous les dragons avaient été repris ou pas.

"Il ont dit quoi les autres ? C'est toi ou moi qui guide ? J'dois ramener quoi tu sais ?"

Il s'arrêta avant de submerger son pote de questions et se passa la main dans les cheveux, nerveux.

"On doit pas rester là, on risque de se faire prendre. Vient"

Et sans réfléchir, il prit le premier sentier, plus effrayé à l'idée de croiser un professeur que de tomber sur un Magyar à Pointe.

L'attente ne fut pas si longue, heureusement. Bientôt, Roman vit arriver celui qu'il allait accompagner dans les profondeurs de la Forêt derrière lui, presque oppressante. Mais il n'avait pas peur. Ou du moins, il n'avait pas envie de le montrer à son jeune camarade. Si Aed sentait que son aîné avait les chocottes, soit il allait les avoir aussi, soit il allait se moquer de lui. Et aucune des deux options n'était envisageable. Il n'était pas à Gryffondor, lui, mais il n'était pas non plus une mauviette de Serpentard. Bref, le Première Année pointa le bout de son nez. Et il parut être assez impressionné par la tenue arborée par le Poufsouffle... Au point presque que son teint vira à la couleur de sa maison ! La remarque suivant fit rire Roman.

"Euh ouais, nan, j'en ai pas, faut pas pousser !"

Un fusil à air comprimé... D'une, il n'y avait même pas pensé, de deux, si ça avait été le cas, jamais ses parents ne lui en auraient acheté un, et de trois, ils avaient de toute façon leurs baguettes magiques. Donc pas besoin d'armes moldues. Même si un jour les sorciers pouvaient bien en être équipés, vu les nouvelles lois et l'ouverture sur le monde moldu... Mais là n'est pas la question, revenons à nos scroutts. Aed répondit donc qu'il était prêt. Tout en admettant qu'il devrait faire sans le matos... Et puis il enchaîna immédiatement avec d'autres questions. Ah mais c'est que quand il était lancé, on ne pouvait plus l'arrêter !

"Nan, j'y suis jamais allé... Mais j'en rêve depuis que je suis à Poudlard..." répondit à son tour le petit blond, en fouillant dans son sac. "Doit y avoir des trucs horribles, je sais qu'y a des Acromentula..."

La suite fut plus ou moins étouffée alors qu'il avait carrément plongé la tête dans le sac à dos... Des mots comme "centaures" ou "géants" purent peut-être être entendus...

"Ah !" s'exclama soudainement le Jaune et Noir, en jaillissant.

Dans la main, il tenait un bandana rouge comme le sien. Puis, semblant descendre de son nuage, tout en pliant le carré de tissus, il continua :

"Ouais, y avait des dragons, mais ils ont pas dû rester... On en aurait entendu parler, j'pense, surtout s'ils sont en liberté... Nan, ils ont dû les ramener dans leurs pays..."

Il n'avait pas mis beaucoup de conviction dans ce qu'il disait, mais c'était surtout parce qu'il sentait la fébrilité avant l'aventure. Puis, on passa aux autres, ce qu'ils avaient dit, Malcolm et Tobias.

"Bouarf, ils ont pas dit grand chose..." commença Roman en faisant se retourner son camarade. Il lui mit le bandeau sur le front pour faire un noeud derrière, et poursuivit : "Moi j'suis là pour t'accompagner, tu vas où tu veux, faut juste que tu ramènes une preuve flagrante que t'as bien été dans la Forêt Interdite."

Après avoir fait le noeud, il fit pivoter à nouveau Aed. Et puis, le petit lion décida qu'il était temps d'y aller, qu'ils allaient se faire remarquer...

"Ouais, mais... hep ! Attends !"

Sortant le maquillage, il en mit sur les joues du Gryffondor. Comme ça, ils étaient tous les deux en mode commando, du moins pour ce qui était de la tête ! Après avoir rangé tout dans son sac -il avait mis un peu de tout par terre- et l'avoir remis sur son épaule, le Poufsouffle indiqua la Forêt.

"Que l'aventure commence !"

Et ce fut donc côte à côte qu'ils s'engagèrent sur le sentier. Au début, les arbres étaient assez clairsemés. Ca démarrait donc en douceur. Euphorique, Roman marchait d'un pas décidé, regardant un peu partout autour de lui, à ses pieds, en l'air, sur les côtés, derrière, droit devant lui.

"C'est dingue, on est dans la Forêt Interdite ! Interdite !"

Pas qu'il aimait enfreindre les règles, ça n'était pas vraiment dans ses habitudes, mais le Jaune et Noir n'avait pas peur de prendre des risques. Celui-là aurait pu être plus mesuré, parce qu'il n'y avait pas que les règles... Le duo de vadrouilleurs pouvait tomber sur quelque chose de plus dangereux qu'un professeur. Mais justement, l'excitation n'en était que plus grande ! Après très peu de temps, la paire parvint à une première fourche. A droite, le chemin avait l'air plus éclairé, mais ça semblait s'assombrir rapidement une centaine de mètres plus loin, les arbres étaient plus rapprochés. A gauche, c'était bien plus tôt que l'ambiance noircissait.

"Aha ! Un premier dilemme ! Alors, mon cher, gauche ou droite ?"

A peine eut-il fini la question qu'une hululement sinistre se fit entendre à senestre. Les rayons du soleil perçaient encore à tribord, à travers la canopée. A bâbord, pas question que le moindre rai de lumière vienne toucher le sol terreux. Roman avait plutôt envie d'aller par là, son instinct lui disait que s'ils devaient rencontrer quelque chose, mieux valait que ça soit le plus tôt possible. Parce qu'après, il n'y aurait plus de sentier.

C'était magique. Deux gamins dans la jungle terrible jungle. Ils allaient affronter des monstres terribles, revenir auréolés de gloire, sous les regards admiratifs de leurs camarades et tout et tout. Trop génial. En plus ça pouvait même ptet être dangereux ce qui serait ultra cool. Parce que bon, en Ecosse, y avait jamais rien de très palpitant.

Aed ne tenait pas en place. Il était aussi excité qu'une compagnie de Billywig sous amphétamines et n'avait pas beaucoup plus de suite dans les idées. S'il avait eu des doutes, la tenue de son camarade ainsi que les dangers évoqués les avaient fait fuir. C'était interdit, c'était fou, c'était dans la nature, c'était pour lui. Il n'avait plus peur des araignées (même géantes) depuis très longtemps et les centaures et les géants n'étaient à ses yeux que des merveilles en plus. Merlin, ça allait être trop bien ! Ils allaient voir, Tobie et Mal', qu'il méritait de faire partie des MATs. Ptet même que les deux gryffy de son cœur allaient défaillir. Et au pire, s'il se passait quoique ce soit de mal, il y avait du monde qui savait où ils étaient et des adultes pour aller les chercher. C'était dangereux mais pas au point de se sentir misérable. Comme dans un livre. Trop. La. Classe.

Tandis que Roman, bon pote, partageait ses affaires et déguisait Aed, l'enfant passait d'un pied à l'autre, les muscles bandés, n'écoutant qu'à moitié ce qu'on lui disait. Les briefings ça n'avait jamais été son truc. Par contre, il retint que le jaune n'avait jamais tenté. Ce qui voulait dire que le faire en première année était vraiment un truc de warrior. C'était trop bon. Ouais. Encore.

Croyant la préparation terminée, l'enfant suivit le premier chemin, bientôt rappelé à l'ordre par son camarade. Il avait oublié le maquillage ! Quel idiot il faisait ! Il aurait du penser au maquillage (même si normalement c'étaient des trucs de fille, celui du Pouffy, lui, était cool). Maintenant, enfin, ils étaient prêt. Et maintenant qu'ils avaient franchis le Rubicon, ben c'était une forêt. Presque décevant.

Pas effrayé pour deux sous (pas encore), l'enfant marchait à la même vitesse que son camarade mais sans regarder ailleurs que devant lui.

"C'est dingue, on est dans la Forêt Interdite ! Interdite !"

"Ben ouais ! Et j'veux leur ramener une écaille de dragon en preuve. Même s'ils sont partis ils ont du laisser des écailles. Les dragons. Tu penses que ça ira comme preuve ? Parce que bon des feuilles j'peux en trouver partout"

La forêt autour d'eux étaient clairsemée mais il n'oubliait de ne pas parler trop fort pour ne pas effrayer de potentielles merveilles. Aed était avant tout un garçon de la campagne. Il avait grandit au milieu des pierres de l'Ecosse et s'était perdu plus souvent qu'à son tour. Il savait que pour voir quelque chose, fallait partir tôt et se taire. Il savait aussi ne pas s'encombrer inutilement. Même si avec sa méthode, il avait plutôt tendance a oublier des choses. Peu importait. Il avait aussi l'habitude qu'on parte à sa recherche.

D'excellente humeur, l'enfant attrapa un bout de bois et se mit à décapiter des fleurs tout en marchant, regrettant une fois de plus de ne pas avoir son vrai sabre de samouraï à lui pour décapiter des trucs plus vrais. Carr' aurait probablement répondu qu'il avait sa baguette et donc finalement peu besoin des trucs moldus mais c'était comme le fusil à pompe. C'était pas pareil. La chiantise poufsoufflienne ne pouvait pas comprendre.

Après un temps relativement court, les deux garçons se retrouvèrent à un premier embranchement. Le chemin de gauche était le moins engageant et donc le plus apte à les mener au cœur du danger (puisque c'était là le but de l'expédition). Aed prit tout de même un peu de temps pour les examiner tous les deux. A droite le soleil disparaissait bien vite. A gauche par contre, il ne perçait quasiment pas.

Un hululement se fit alors entendre sur la gauche. L'écossais perdit un rien de sa superbe. Les hiboux dormaient le jour d'habitude. Et surtout ils avaient la volière juste à coté pour se reposer. Celui-ci était ou bien stupide, ou pas un vrai hibou. Mais dans ce cas là ça pouvait être des tas de trucs.

"T'as pas de chocogrenouille sur toi je suppose ?"

Il regrettait de ne pas avoir emmené sa bande d'amies chocolatées. D'une, cela pouvait permettre de choisir le bon chemin (prendre la direction opposée à celle de la confiserie puisque d'après Sandy ils avaient un instinct de survie), créer du mouvement voire faire diversion. On ne surestimait jamais l'utilité des chocogrenouilles. Il haussa les épaules.

"J'dirais à gauche. Les dragons devaient pas être faciles à trouver sinon n'importe qui les aurait vu avant l'épreuve hein. Puis le chemin à gauche est plus petit alors on a moins de risque de tomber sur une grosse bête. T'en penses quoi toi ?"

Il venait de se contredire lui-même mais ne s'en rendait pas vraiment compte. C'était Roman l'aîné, c'était lui le chef de l'expédition. C'était donc à lui de passer devant. Logique. Et non, ce n'était pas de la lâcheté d'abord. Il n'avait même pas peur. Aucune preuve.

Aed, très enthousiaste, annonça quelle preuve il allait amener : une écaille de dragon. Parce que, d'après son raisonnement, les créatures avaient dû en laisser en partant. Roman fronça les sourcils. Il n'était pas un spécialiste, mais il voyait deux choses qui faisaient que ça n'allait pas forcément être possible. Trois, même. Sans attendre, il en fit part à son camarade, qui s'était saisi d'un bâton pour attaquer les plantes.

"C'est sûr que ça devrait aller, c'est mieux qu'une feuille, mais j'suis pas sûr que tu puisses en trouver... Déjà, on sait pas où ils étaient... Et puis c'était y a quatre ans ! Depuis tout ce temps, la pluie, la nature, tout ça, ça efface les traces... Et en plus, je suis pas sûr qu'un dragon, ça perd ses écailles comme ça... C'est censé être solide, nan ?"

Il ne voulait pas briser l'élan, mais mieux valait qu'il n'ait pas non plus de faux espoir. Si le Gryffondor avait vraiment envie de ramener quelque chose d'une créature, il devait bien y en avoir d'autres. Les Acromentula, les Centaures, les Licornes... La première option était quand même assez peu enviable, croiser une grosse araignée n'était pas vraiment dans les plans du Poufsouffle. D'accord, en s'engouffrant dans la Forêt, il y avait des risques de tomber dessus, mais autant éviter.

Le duo d'aventuriers de choc se trouva donc devant l'embranchement. Roman vit le visage d'Aed se décomposer un peu en entendant ce cri d'oiseau nocturne. Mais il avait des ressources, le Lionceau. Après tout, il était dans la maison des courageux. Même s'il avait peur, il n'allait certainement pas le montrer, si ? Bon, la circonstance atténuante, c'est qu'il avait onze ans. Et il eut une drôle d'idée, en demandant si le Poufsouffle avait des Chocogrenouilles. Ce dernier posa son sac à dos au sol et fouilla dedans, avant de sortir une boite caractéristique.

"Si, j'en ai !" s'exclama-t-il, en la tendant à son camarade, et en remettant son sac.

Puis Aed lui fit part de son raisonnement. Toujours concernant les dragons, bien sûr. Mais aussi parce qu'un chemin plus étroit réduisait le risque de croiser une grosse bête. Le chemin de gauche était donc tout désigné. Au moins, sur ce point, ils étaient d'accord. Sortant sa baguette magique, le Jaune et Noir prononça, clairement :

"Lumos !"

Il orienta la lumière vers l'obscurité du passage vers les profondeurs de la Forêt. D'un coup, il se sentait quand même moins confiants. Mais ils venaient juste de partir, ils n'allaient pas s'arrêter maintenant ?

"T'as raison, le chemin de gauche, on y va !"

Brandissant sa baguette devant lui, le Blaireau prit la tête, d'un pas assuré, sans peur et sans reproche. Il y avait quand même peu de chances qu'ils se mettent en danger dans les premiers mètres. Assez vite, peut-être trop vite à son goût, ils se retrouvèrent entourés par les ténèbres, alors que ses sens s'adaptaient. Il lui semblait entendre des craquements sinistres, voir des silhouettes dans le noir, sentir des odeurs de sous-bois de plus en plus fortes...

"C'est charmant, ici, idéal pour venir camper." plaisanta le blondinet, pour masquer son appréhension grandissante.

Pas question de montrer qu'il avait peur. C'était lui l'aîné, c'était lui l'exemple, et Malcolm et Tobias lui en voudraient de ne pas s'être montré à la hauteur de sa tâche de guide.

Roman ne semblait pas partager son engouement pour les dragons. Tout en l’écoutant, le petit garçon s’arrêta de décapiter les brins d’herbe, regarda son aîné puis haussa les épaules avec sourire.

« Pas de dragon si tu veux mais va falloir m’aider à trouver quoi parce que j’ai pas d’autres idées. »

D’toute façon ils verraient bien. L’écossais était persuadé qu’en cherchant bien ils en trouveraient des écailles mais c’était pas la peine de se fâcher avec Roman parce qu’il le croyait pas. Il l’aimait bien et en plus, il en avait besoin alors… autant faire semblant d’avoir été convaincu par ses arguments. Comme si la forêt interdite était logique. Peuh. Aed était à moitié convaincu qu’elle était magique et donnerait ce qu’ils cherchaient pour peu qu’ils ne perdent pas espoir, gardent le cœur pur et droit et affrontent avec courage les épreuves qu’elle allait leur envoyer. Un peu comme les forêts des contes russe. Lui, Aed, serait Ivan Ivanovitch et Roman serait…euh…le renard qui guide à chaque fois parce qu’il avait la patte coincée dans un piège, que les frères s’étaient moqués de lui mais qu’Ivan Ivanovitch il l’avait soigné et donné son dernier morceau de poisson séché tout ça. Et même que le renard il avait TROP la classe et MÊME des chocogrenouilles !

« Chouette, ça nous servira pour la prochaine intersection alors ! »

Ils s’enfoncèrent ensuite dans le chemin sombre. Imitant son camarade, le premier année alluma sa baguette, se disant vaguement que c’était con parce que ça bousillait un sort et que s’il devait en lancer, la lumière s’éteindrait et ils se retrouveraient à se battre dans le noir. Y avait sûrement moyen d’améliorer ça. Faudrait qu’il demande au professeur de duel un jour. Ouais. D’ailleurs il allait le noter dans son carnet à la première pause pour pas oublier tiens.

« Y a pas la place pour monter une tente. En plus, se mettre au milieu d’un chemin c’est vraiment pas prudent parce que c’est la route que les animaux ont l’habitude de prendre et puis ici, on est entourés de fourrés. J’suis sur qu’on peut trouver une clairière au moins aussi glau…moche. »

Il n’avait pas vraiment peur en fait, parce qu’il se répétait sans cesse qu’on n’aurait pas laissé une forêt dangereuse aussi proche de Poudlard, qu’elle soit interdite ou pas. Ils devaient bien savoir que le second mot était un aimant à gamin. Et puis il AIMAIT la forêt. Il se baissa soudain, effleurant les feuilles comme dans les livres, ne vit rien mais en relevant la tête, remarqua un truc comme des traces de griffes gravées

« Hey ça te dit qu’on suive celui qu’à fait ça ? Si j’ramène une griffe ou une dent, ça irait aussi comme preuve non ? »

Aed en savait beaucoup sur le camping mais extrêmement peu sur l’instinct de survie, et en était totalement inconscient. Mais l’idée de partir à l’aventure lui faisait battre le cœur si fort qu’il en oubliait tout espèce de peur. Il restait prudent –derrière Roman- mais était tellement persuadé de ne rien risquer que l’ambiance lui faisait un peu l’effet d’un livre d’horreur dans un salon. 3D/5sens le livre, mais quand même pas quelque chose de réel. Il haussa les épaules.

« Ou alors on peut chercher des centaures. Ou des Sombrals Moi j’peux les voir il a dit Carron. Ou je sais pas. Y a quoi d’autre ? A part les araignées, j’suis pas sur que Malcom et Tobias soient ravis d’avoir des bouts d’araignée. »

Un bruit d’origine inconnu se fit entendre à nouveau. A mi chemin entre le cri humain et le henissement d’un cheval fou avec un rien de grognement canin derrière si on lui demandait son avis. Aed sursauta et fit tomber sa baguette qui s’éteignit. Il n’avait pas peur, mais fallait pas pousser.

Aed avait fini par convenir qu'ils ne chercheraient pas de dragons, ou des traces ou quoi que ce soit d'autre qu'ils avaient pu éventuellement laisser en partant toutes ces années auparavant. Roman acquiesça, ils allaient bien trouver autre chose. La Forêt devait regorger de secrets et de mystères auxquels on pouvait prendre un petit morceau pour le montrer à ses amis. Sur la plaisanterie du camping, Aed fut très sérieux en partant dans un raisonnement comme quoi l'endroit était pas idéal pour planter une tente, à cause qu'il y avait pas la place et puis que les animaux sauvages pouvaient passer par là, vu que c'était une route.

"Ouais, en même temps, j'ai pas de tente, alors, ça règle un peu le problème... J'ai pas vraiment prévu de rester là jusqu'à la nuit."

Vu qu'ils étaient le matin, ça laissait plusieurs heures avant que le soleil, endormi dans son traintrain quotidien, ne retourne se coucher après avoir traversé le ciel tel un somnambule embrasé. Alors que le Poufsouffle s'intéressait plus particulière à la partie "supérieure" et "éloignée", c'est-à-dire qu'il éclairait surtout devant lui, le regard cherchant dans les ombres entre les arbres, et parfois au-dessus de sa tête, le Gryffondor, lui, préférait s'adonner à une observation poussée du sol. D'ailleurs, après avoir balayé quelques feuilles de la main, ce dernier trouva, en se redressant, des traces, comme des coups de griffes, sur un tronc. Ce qui déclencha son enthousiasme.

"Ouais, pourquoi pas ? J'espère qu'il va en avoir perdu en route, je suis pas fan de l'idée d'aller les chercher directement sur... quoi que ce soit qui a des griffes et des dents..."

Ca, c'était du pur pragmatisme. L'Ecossais avaient d'autres idées, en rechange. Centaures, Sombrals, éventuellement araignées.

"Ouais, les araignées... sauf si on trouve un gros morceau, genre un crochet de la taille de mon bras... J'suis pas sûr que les Centaures seraient vraiment d'accord pour nous filer un truc, si on les rencontre... Je sais même pas s'ils sont sympas..."

Les hybrides étaient plus ou moins dans le camp des gentils, et ils ne feraient pas de mal à deux élèves, mais de là à coopérer en leur laissant une preuve qu'ils étaient bien allés dans la Forêt... L'idée des Acromentula était pas mal, mais il fallait vraiment avoir la chance de tomber sur juste un bout, détaché de sa propriétaire. Ca au moins c'était une vraie preuve, les grosses arachnides ne vivaient pas ailleurs.

"Moi j'les vois pas les Sombrals... Et franchement, je suis pas pressé..."

S'il fallait vraiment voir quelqu'un mourir pour pouvoir voir une créature, autant se contenter de se dire qu'il existait des bestioles comme ça, et qu'on en aurait jamais la preuve visuelle. Le Jaune et Noir allait ajouter quelque chose, mais un drôle de bruit, du genre qu'on a pas envie d'entendre, le coupa. Aed sursauta, au point de faire tomber sa baguette, qui s'éteignit. Roman, lui, pivota, pointant le rayon de la sienne directement sur un énorme fourré. Non, ça ne venait pas de là, juste derrière. C'était plus loin.

"On... on aurait dit un... un Cent... Centaure..."

Tiens, le Poufsouffle, en fait, tremblait. Ben oui, il n'avait pas lâché sa baguette, mais ça ne voulait pas dire que ça ne lui avait pas fichu la frousse. Levant un peu plus l'objet, de façon à passer par-dessus le gros buisson, il se mit sur la pointe des pieds. Quelque chose bougeait, à une bonne trentaine de mètres d'eux.

"Y a quel... quelqu'un ou qu... elque cho... chose, là-bas."

Juste à ce moment, une flèche passa juste au-dessus de son crâne, à quelques centimètres, et se ficha dans un arbre derrière lui. Il poussa un cri et bascula en arrière. En prenant bien soin de garder sa baguette en main. Dans la foulée, un rire étrange, mi-humain, mi-chevalin, résonna depuis la source de cette attaque.

"Non mais ça va pas ! Vous êtes taré !" s'écria le Jaune et Noir, en tentant de se redresser.

Il avait eu la peur de sa vie, mais maintenant, il était surtout en colère. Un moyen de masquer sa frousse, probablement.

"Montrez-vous !" ordonna-t-il, en brandissant sa baguette, telle une épée.

Le farceur avait intérêt à obéir, ou bien il irait le chercher. Centaure ou pas, le Deuxième Année n'avait pas l'intention d'être la victime d'une blague de très mauvais goût sans demander de comptes. Aurait-il agi ainsi dans d'autres circonstances ? Non, c'était certainement une soudaine montée d'adrénaline qui le faisait réagir ainsi.

Alala ! C’était quoi cet aventurier sage ! Déjà pas de tente sous le prétexte fallacieux que c’était le matin (y avait une heure de sortie des tentes ? Et s’ils avaient envie de faire une sieste hein ?), et puis pas de dragon et puis pas aller attaquer un monstre pour lui voler ses dents…et puis quoi encore hein ? Aed sourit devant ses propres bêtises, reconnaissant la justesse des propos de Roman mais aimant râler pour le principe de la chose. Evidemment qu’ils allaient les ramasser. Jamais il n’avait pensé aller attaquer un truc capable de laisser des sillons dans des troncs. Déjà aller chercher la Bête n’était pas ce qu’il y avait de plus prudent alors il ne fallait pas pousser Moldubec dans les Mimbulus !

N’empêche que le Roman là, il démontait toutes ses idées. Sauf celles de l’araignée qu’Aed avait justement écartée. Il n’aimait pas les araignées. Pas qu’il en avait peur mais y en avait partout de ces machins alors quoi ! Quel était l’intérêt d’aller dans une forêt interdite juste pour en voir des plus grosses ? Quelque soit la taille ça restait moche avec des poils, et des pattes et plein d’yeux et des mandibules. Pas grand intérêt. Au moins les dragons c’était beaux et les centaures c’était sage et les sombrals ça avait la classe. Mais non. Rien de tout ça pour le jaune. Et même s’il comprenait que le deuxième année ne soit pas pressé de voir quelqu’un mourir, et bien il était chiant à être toujours raisonnable un point c’était tout. L’humeur du Gryffondor s’assombrit d’un coup. Comment il allait faire pour mériter sa place chez les MAT avec un mentor pareil ? Il avait beau bien l’aimer, c’était pas juste s’il se faisait recaler à cause de la « raison ». Rejoindre le groupe des chevaliers de Poudlard, mine de rien, c’était super important pour lui.

C’est alors qu’arriva le cri et la perte de la baguette. Roman pointa immédiatement sa lumière sur un fourré, laissant Aed dans la semi-pénombre chercher à tâtons son précieux morceau de bois. Dans une forêt ce n’était pas les contrefaçons qui manquaient mais le garçon arriva tout de même à récupérer son trésor juste avant que le Poufsouffle, bégayant, ne tombe en arrière. Aed écarquilla les yeux. Trop cool. Une vraie flèche qui vrombissait et tout. Son cœur se mit à battre à toute allure. Le pire c’était qu’il n’avait même pas peur. Il trouvait juste ça génial.

« Ouah ! Des Centaures cowboy qui tirent des flèches ! Trop de la balle !»

Le buisson en face se mit alors à faire des bruits dignes des meilleurs thrillers. Toujours pas effrayé, Aed ralluma sa baguette avec un grand sourire et la pointa également vers le coupable végétal. Pendant un moment, rien. Puis, Roman se mit à leur crier dessus et un rire apparu, s’approchant d’eux à une vitesse qui ne paru pas humaine au gamin. En même temps, les centaures, c’étaient pas des humains ! Même pas des « créatures » puisqu’ils parlaient et étaient pas des esclaves. C’étaient des êtres. Comme ceux de l’eau mais dans la Forêt. Le rire se tu. Encore un moment, il y eut un silence inquiétant. Puis, ce furent des bruits de sabots. D’abord sur un sol pierreux, résonnant dans le silence matinal, puis sur un sol plus mou avec quelques craquements. Les sous-bois. Le Jaune et Rouge avait fait assez d’équitation pour savoir ça. Il fixa le buisson. Toujours rien. Il se tourna vers Roman.

« Aide moi à prendre la flèche au moins. Ce sera une preuve, on n’est pas capable d’en fabriquer des comme ça nous. Tu crois qu’elle est magique ? Tu sais si les centaures sont capables d’utiliser des baguettes ? T’imagines des flèches en baguette comme ce serait ultra cool ? »

Imprudemment, il tourna le dos au buisson et, sur la pointe des pieds, se mit à essayer de dégager le projectile du tronc. Si la créature voulait leur parler, elle pourrait bien le faire pendant qu’il travaillait non ?

[HJ : Etant donné que c’est moi qui ait quelque chose à prouver aux autres, puis-je te demander de bien vouloir faire le centaure s’il parle ? Ou le faire partir comme tu le souhaite hein. Désolé pour le délai en tout cas…]