Leçon nocturne [PV] [Abandonné]

Les premiers jours de Mars n'avaient été que moyennement satisfaisants pour le professeur Carrow. Certes, ses premiers cours du mois avaient été une réussite, il était particulièrement fier de celui qu'il avait donné aux élèves les plus âgés le matin même, mais la rébellion ne faiblissait malheureusement pas. Les terribles actions des "Badgers Rangers" avaient fait des petits, et beaucoup d'élèves semblaient avoir pris la relève. Comme si... comme s'ils avaient moins peur des Carrow, après les avoir vu ridiculisés, couverts d'eau et de nourriture par deux petits minables en costume d'animaux. Comme si le pouvoir et l'autorité du Maître qu'ils représentaient n'était pas si terrible, après tout.
D'ailleurs, les rapports avec le Seigneur des Ténèbres n'étaient pas vraiment au beau fixe. Malgré les réussites spectaculaires de Sa politique et de Ses actions, Sa rage de ne pas trouver le gamin le rendait plus colérique que jamais. Toutes les bonnes nouvelles, les Sang-de-bourbe et les traîtres arrêtés, les Moldus tués, rien ne parvenait à la satisfaire complètement. Amycus ne comprenait pas vraiment pourquoi Il mettait toute son énergie dans cette étrange partie de cache-cache, d'autant plus que le balafré ne bénéficiait plus de la protection du vieillard. Mais le Lord devait avoir ses raisons.

Alors, il se vengeait via son poste de co-directeur adjoint. Il passait ses nerfs sur les élèves. Enlever des points l'avait amusé au début, mais après tout, que représentait cette coupe ridicule? Attribuer des retenues, dans lesquelles les petits rebelles étaient à sa merci, était bien plus drôle. Voir ces petits inconscients se tordre de la douleur qu'il leur infligeait, voir leurs yeux s'emplir de larme, entendre leurs petites voix lui demander grâce, l'implorer. S'approcher doucement d'eux, et leur murmurer que tout cela, ils le devaient à eux même, que sans leurs stupides actes, sans leur rébellion à deux noises ils n'en seraient pas là, ça n'avait pas de prix. Il racontait tout ceci à sa soeur, dès le lendemain, et elle faisait de même, car elle appréciait autant que lui ces moments. Ils riaient en échangeant ces histoires horribles.
Bien sur, il savait qu'il était haï de la majorité des élèves, et des professeurs d'ailleurs, qui ne le saluaient ni à table, ni dans les couloirs, et faisaient en sorte de l'ignorer dans la salle des professeurs. Mais en quoi était-ce important tant que Rogue était directeur, tant qu'ils avait l'autorité?

Et puis il y avait les autres. Cette bande de petits Serpentards, en majorité, qui avaient compris la grandeur et le pouvoir du Seigneur, et reconnu en les Carrow son autorité. Ils s'étaient regroupés de leur propre initiative, ne demandant que la validation administrative afin de pouvoir agir efficacement. Ils s'étaient donné le nom de Milice Pourpre, et sans eux, jamais l'école n'aurait pu être dirigée de manière aussi efficace. La plupart étaient fils ou filles de Mangemorts, et beaucoup le deviendraient à leur tour, dans les années suivantes. Parmi eux, une jeune fille était particulièrement remarquable. Préfète en chef et étudiante exemplaire, Pénombre Craft avait été à l'initiative de la Milice, et faisait régulièrement ses rapports à Amycus et Alecto. Au fil de l'année, le professeur avait appris à apprécier ses qualités. Il était évident qu'elle ferait de grandes choses, plus tard, et il était décidé à faire son maximum pour qu'elle y parvienne.

C'est ainsi que, quelques jours auparavant, il lui avait envoyé un hibou privé. En tant que membre de la Milice, ses courriers n'étaient pas examinés, et il savait que sa lettre resterait discrète. Sur son petit parchemin, on pouvait lire :

Citation :: Mademoiselle Craft,
Veuillez avoir l'obligeance de me rencontrer Jeudi soir, après le dîner, devant la bibliothèque.
Trouvez quelqu'un pour patrouiller à votre place, notre entretien pourrait durer plus d'une heure.
Amicalement,

Amycus Carrow

Afin que personne ne les dérange, il avait du trouver une petite salle discrète. Après quelques jours de recherche, il était tombé sur cette porte presque cachée, à quelques mètres de la bibliothèque, au quatrième étage. Personne ne semblait connaître ce lieu, c'était parfait.
Durant le dîner, il avait informé sa soeur de la rencontre, et lui avait demandé de prévenir la Milice que s'ils avaient besoin d'un Carrow durant la soirée, c'était à elle qu'ils devraient s'adresser.

Il était maintenant vingt heures. Entièrement vêtu de noir, comme à son habitude, Amycus faisait les cent pas devant la porte de la bibliothèque. Il espérait que la jeune fille serait intéressé par ce qu'il avait à lui proposer.

Pénombre retint son souffle, augmentant graduellement la pression de son épaule contre l’épais panneau de chêne noir. Elle sentait ses os commencer à grincer de protestations lorsque la section contrainte du mur pivota lentement vers l’intérieur, les gonds corrodés grinçant avec stridence dans leur premier mouvement depuis plus d’un siècle. Des toiles d’araignée, alourdies de la poussière d’ancêtres qui n’étaient pas les siens, tendaient sur l’ouverture dissimulée, un rideau que les ténèbres au sein du passage gonflèrent du souffle froid de la nuit glaciale au-dehors. La Ténébreuse essuya la sueur de son front sur un avant-bras poussiéreux, en considérant les trois profondes dépressions s’enfonçant dans la marqueterie du parquet de la salle. Réputée hantée, la cabane hurlante était restée totalement inoccupée de mémoire d’être vivant et Pénombre, qui avait depuis longtemps maitrisé les passages secrets courant allégrement dans les autres parties de la forteresse, se félicitait silencieusement d’avoir résolu cette dernière énigme. L’inscription étrange, en vers de mirliton sur le manteau de la cheminée d’une grande salle du rez-de-chaussée – ‘‘ Un pour le hardi, deux pour le prix, trois pour la saisie’’ - avait semblé absurde à des générations entières de jeunes apprentis sorciers. Mais l’étude récente d’un journal vieux de plusieurs siècles dans la réserve croulante de la bibliothèque avait fourni à l’ancienne Capitaine de Quidditch l’indice essentiel, avec son jeu de mots archaïque sur ‘hardi’ et ‘saisie’, par référence au blason stylisé sur le parquet. D’autres allusions aux trappes sournoises à l’intérieur des veines secrètes de l’aile Nord du Château de Poudlard avait convaincu Pénombre de ne poursuivre ses explorations minutieuses qu’après mûre délibération.

Comme une ruche, l’ancienne citadelle était percée de nombreux tunnels occultes dont les mystères opaques ne se révélaient qu’aux esprits malins et observateurs. Ce qui n’empêcha pas la brune d’être surprise par les récentes empruntes de pas qui marquaient distinctement un sillon pointillé dans une poussière qui n’aurait pourtant pas dû être dérangée depuis des temps reculés. Elle hésita, considérant avec suspicion et alerte, les traces humides de bottes traversant hardiment la tâche de lumière pâle répandue par son lumos. Elle avait déjà vérifié les autres lieux dérobés du secteur durant sa ronde l’heure dernière, la plupart connus d’une poignée seulement d’initiés, dans lesquels elle avait soigneusement disposé de nombreux pièges d’entraves sournois, censés magiquement retenir les intrépides et l’alerter en personne en cas de pénétration inattendue. Et pourtant, quelqu’un avait déjà eu accès à cet endroit, dans ces lieux dont l’Anglaise elle-même n’en avait que dernièrement maitrisé les merveilles.

La sorcière effleura de son doigt ganté la preuve matérielle de la présence passée d’un intrus, ramassant un fragment de lichen sur lequel des cristaux de givre à la symétrie parfaite étaient encore en train de fondre. Son visiteur était passé par là, à peine quelques instants plus tôt. Elle dégaina lentement, et dans un froissement moindre de ses vêtements, la lame courte qu’elle portait à la ceinture, dissimulée sous la veste réglementaire frappée du blason de Serpentard. Murmurant ensuite le nox qui replongea la pièce dans de profondes ténèbres, Pénombre inspira profondément l’air vicié de l'atmosphère afin d’en analyser les odeurs. Silencieuse et invisible, elle allait suivre l’intrus à travers les passages tortueux de l’aile Nord du Château de l’école, en se fiant à sa propre connaissance fragmentaires de ses chausse-trapes. Son visiteur ne pouvait, à l’évidence, se risquer à les traverser dans l’obscurité : il devait forcément utiliser une source lumineuse quelconque, ce qui ne manquerait de jeter l’Animagus sur sa piste.

Toutefois, elle ne s’attendait pas à ce que le panneau de chêne se refermât sitôt qu’elle l’eût franchi et le son lointain de l’immense pendule murale de Poudlard sonna la demi-heure qui l’éloignait encore de son prochain rendez-vous. Patiente mais tendue, la sorcière vérifia une nouvelle fois l’absence de stimuli sonores relatif au danger quelques instants, figée dans l’immobilité la plus absolue, avant de se déplacer. A part le gémissement spectral des charnières quand le passage s’était refermé, il n’y avait le moindre bruit. Si elle n’avait auparavant décelé le halo lumineux guidant sa proie dans le dédale labyrinthique, sans doute était-il également hors de portée du bruit désormais, dans sa quête de déplacements furtifs. D’un geste, la Serpentarde marqua d’une entaille le bois de la porte maintenant close, afin d’en marquer l’emplacement dans l’environnement uniforme. En silence et tout en comptant ses pas, elle s’avança à tâtons le long du passage d’un noir de poix, suivant la direction prise par les empruntes inconnues. Elle n’avait atteint que le nombre sept quand ses doigts tendus en avant rencontrèrent un mur de pierre et elle s’arrêta aussitôt face à cet obstacle inattendu, perplexe devant sa présence inopinée. Elle savait devoir s’attendre aux dalles d'une trappe au bout de trente pas, se méfier des marches pivotantes à mi-descente dans le premier escalier, éviter les crochets mortels après le second coude comme cela était parfaitement décrit dans son précieux journal mais il n’y avait aucune mention d’un mur nu comme celui devant lequel elle se trouvait. La Milicienne pensa aussitôt à une modification ultérieure. A un moment donné, le maitre des lieux avait dû murer cette série de passage. Et pourtant, les traces de pas du visiteur nocturne l'avaient menées jusqu’ici. Il était impossible que ce dernier ait pu la croiser en rebroussant chemin : par conséquent, celui-ci devait connaitre une autre issue. Et si ses pas, au retour, une fois l’humidité de la nuit disparue, avaient laissé des traces que Pénombre n’auraient remarqué au premier regard ? L’hypothèse restait en suspens, la piste, contrariante, s’arrêta là.

Subrepticement, la Préfète-en-chef revint sur ses pas en suivant à nouveau le tracé torturé du passage. Lorsque le dernier panneau de bois pivota enfin pour s’ouvrir vers l’air libre d’un couloir du quatrième étage, la Milicienne fut surprise de découvrir dans son champ de vision, une haute silhouette adulte, très reconnaissable. Un rapide coup d’œil à son gousset, l’informa qu’il s’était présenté au lieu de rendez-vous avec un peu d’avance. S’époussetant avec soin, la Septième année s’annonça avec politesse à son professeur, bien qu’elle sache sa présence déjà perçue :

« Bonsoir Monsieur. »

Allait-il entamer la conversation en l’interrogeant sur le réseau de passages secrets qu’il venait de la surprendre quitter ? Ou entrer directement dans le vif du sujet qui l’avait mystérieusement amené à la convoquer en personne pour un tête-à-tête plus que flatteur et honorant ?

« Je m’assurais que l’endroit n’était pas sujet à un quelconque guet-apens des rebelles. »

Il était vrai que les mesures de surveillances et de patrouilles de la Milice Pourpre et des Préfets avaient considérablement été renforcées depuis le terrible incident survenu dans la grande salle ; comme il était évident que Pénombre s'était toujours distinguée par un sens aigu du devoir et de la discipline. Des qualités qui, elle le savait, n’étaient probablement pas étrangère à sa présence en ces lieux, en une pareille compagnie : des plus respectables et estimables s’il en était.

Pourquoi était-il arrivé au rendez-vous fixé en avance? C'était vraiment stupide. Pénombre était un modèle d'exactitude et s'il pouvait compter sur elle pour ne pas être en retard, il était également peu probable qu'elle arrive plusieurs minutes à l'avance, d'autant plus que, en tant que préfète en chef et chef de la Milice Pourpre, son emploi du temps devait être plutôt chargé. Mais maintenant qu'il était là, Amycus préférait ne pas rebrousser chemin jusqu'à son bureau pour devoir le refaire en sens inverse quelques minutes plus tard. Alors il faisait les cent pas. Il passait et repassait devant un petit tableau représentant une jeune sorcière richement vêtue. Celle-ci suivait son mouvement quasi-perpétuel de la même façon qu'un moldu pouvait suivre un match de tennis à Wimbledon, tournant son petit visage aux traits fins de gauche à droite, puis de droite à gauche. A tel point que sa nuque commença à la faire souffrir.

-Mais arrêtez donc de tourner en rond Monsieur, vous allez me donner un torticolis.
-Tais toi, stupide tableau.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que le professeur était tendu. Il avait planifié de grandes choses pour la jeune fille mais aurait elle les mêmes ambitions? Il n'allait évidemment pas lui proposer de rejoindre les rangs du Lord, d'autant plus que quelque chose en lui lui disait qu'elle avait déjà été approchée par des Mangemorts. Un tel potentiel ne passait jamais inaperçu aux yeux du Seigneur des Ténèbres. Lui qui savait tout... Cependant, il était certain que quelques cours supplémentaires pourraient intéresser Pénombre. Aller au delà du programme de septième année, apprendre des sorts plus perfectionnés, maîtriser ceux dont on ne faisait que parler. Cela ne pourrait que l'aider dans ses tâches quotidiennes de surveillance et de répression. Surtout dans le domaine de la répression.

L'homme au physique massif finit par s'appuyer dos au mur, juste à côté du petit tableau qui, après avoir essuyé une rebuffade quelques secondes plus tôt, se tenait à présent à carreau. Il avait chaud. Pourquoi les elfes alimentaient-ils les cheminées à ce point? Stupides créatures! Heureusement que leur nourriture était de bonne qualité, sinon il aurait demandé leur départ à Rogue le jour même où il avait mis un pied dans le château. Quelques gouttes de sueur tombaient de la racine de ses cheveux le long de son dos. Il retira sa lourde cape de lainage noir. Pourquoi avait il pris une cape d'ailleurs? Il ne comptait pas sortir dans le parc ce soir. Le contact de la pierre froide lui faisait du bien.

Un léger grincement le fit sursauter. Il se retourna doucement, s'étant muni de sa baguette, afin de pouvoir parer toute attaque impromptue. Heureusement, la silhouette qu'il vit sortir d'une petite porte dérobée à quelques mètres de lui était celle de son élève de la soirée. Un léger sourire éclaircit son visage aux traits irréguliers. Remontant la manche de sa robe d'un geste du bras, il jeta un coup d'oeil à sa montre-bracelet et constata que, conformément à ses prévisions, la jeune fille était très légèrement en avance, mais assez peu pour paraître d'une ponctualité exemplaire. Il la détailla des pieds à la tête. Comme à son habitude, elle était tirée à quatre épingles, portant avec fierté la robe uniforme de l'école, les attributs caractéristiques des Serpentard, ainsi que ses insignes de Préfète en chef et de Milicienne. Exemplaire était le mot.
Mais quelle était cette porte dont elle venait de surgir? Amycus n'était que rarement passé dans ce couloir du quatrième étage, ayant aussi peu fréquenté la bibliothèque depuis qu'il était professeur que lorsqu'il avait étudié en ces mêmes lieux, et il n'avait jamais remarqué la moindre ouverture dans ce mur. Avec la plus grande dignité, elle salua son enseignant et lui expliqua ce qu'elle faisait dans ce qu'il fallait considérer comme un passage secret. Le frère Carrow sourit une nouvelle fois et salua son élève.

-Bonsoir Mademoiselle Craft. Merci de vous assurer de notre sécurité, je ne saurai que faire sans votre professionnalisme.

D'un geste, il l'invita à s'approcher et à marcher à ses côtés en direction de la petite salle discrète qu'il avait choisi. Lorsqu'elle fut à ses côtés, il lui expliqua leur destination.

-Merci d'avoir répondu à mon invitation. Je vous conduis dans une petite salle discrète, tout près d'ici. Elle ne parait pas cachée par un quelconque sortilège, mais sa porte est si discrète que plusieurs passages m'ont été nécessaires avant de la remarquer. Mais vous paraissez avoir une connaissance très étendue de cette école et devez certainement connaître cet endroit. Tenez, c'est ici.

Ils étaient arrivés devant une petite porte, effectivement très discrète. Presque dissimulée dans la pierre des murs, elle était de plus ornée d'un tableau aux motifs champêtres qui ne laissaient pas deviner la présence d'une ouverture. Amycus s'y arrêta et poussa légèrement le panneau, qui céda avec une facilité déconcertante. Il laissa passer la jeune Serpentard devant lui, dans un élan de galanterie qui lui était quasiment inconnu, puis entra à son tour dans la pièce.

-Vous devez certainement vous demander pourquoi j'ai souhaité vous rencontrer en privé?