Recherche Fausseur de trouble [PV Keith Craft]

Depuis quelques mois Ennis était comme dans une bulle. Une bulle à part ou rien ne la touchait. Que ce soit de près ou de loin, la jeune Serdaigle restait à l'écart de tout événement, toute activité, toute vie sociale. Elle s'était immergé dans un monde à elle. Cours, dodo, dessin était ses principales occupations et elle s'en était, jusqu'à présent, très bien contenté. Elle était aimable avec tous, elle mangeait et souriait poliment au blague de ses confrères et faisait tous ses devoirs entouré de gens, sans pourtant devenir intime avec eux. Trop de choses c'était passé depuis décembre, elle avait dû être admise à l'infirmerie pour une potion qui lui avait explosé à la figure... pouvant entraîner de graves dommages cérébraux, mais par chance elle s'en était finalement sortie en un morceau, grâce au bon soin de Mme Pomfresh. Malheureusement pour elle, la jeune Ennis avait du passé le bal de Noël bien confortablement installé dans un lit d'infirmerie « joyeux Noël quoi! »

C'est en ce doux matin de février. Alors qu'il faisait extraordinairement soleil et doux qu'Ennis se réveilla de cette longue torpeur insolite. Le soleil venait de lui bruler ses iris mordorés pour brusquement la ramener à la réalité. Nous étions en février! Plus de la moitié de l'année avait passé il la jeune fille avait l'impression de n'avoir rien accompli... « C'est surtout parce que tu ne parles à personne, tu ne sors pas, tu ne fais rien quoi! » Une demie année... n'avoir rien accomplie... papy Wallace ne serait pas très fière d'elle au retour de l'école si elle n'a pas de virée croustillante à lui raconter! « oh... la sainte-ni-touche aurait-elle envie d'enfin écouter sa merveilleuse conscience et de bouger un peu? » ... non peut-être pas écouter tout ce que sa conscience lui disait de faire, mais elle avait besoin de sortir de sa petite zone de confort un peu, de te se faire connaître comme une jeune fille qui savait elle aussi s'amuser! « encore faut-il que tu commences à faire quelque chose... »

- Oui, mais quoi! Qu'est-ce qu'on pourrait faire, d'interdit, qui ne me demande pas de mourir!?

« Comme ne pas parler toute seule dans la salle commune! Ça serait vraiment une excellente idée ! » Les joues de la jeune Serdaigle prirent une agréable teinte rosé et Ennis tourna la tête pour vérifier si beaucoup de gens l'avait entendu... ce qui semblait être le cas « le jour où tu cesseras de penser à voix haute, la vie sera particulièrement belle »

Keith était pensif. Dehors malgré un ciel d'éther la bise tournoyait en sifflant autour de la Tour de Serdaigles. Ses rafales longs sanglots et gémissements faisaient trembler les vitres cristallines de la salle commune. Il soupira en tournant les pages de son carnet-souvenir un peu au hasard. Parfois une anecdote lui arrachait un sourire, d'autres au contraire avaient le don de réveiller de petites de nostalgie.

Un poète moldu avait jadis parlé de Spleen, cette terrible maladie de l'âme qui décolorait le monde, le rendant gris et maussade. Le spleen, la ferveur retombée. Keith frissonna. Le froid, le silence des couloirs, les silhouettes menaçantes des lourdes statues et les austères arcades. Le château était un tombeau ; son tombeau. Même le soleil était mort. Il avait perdu son éclat flamboyant, et n'était aujourd'hui plus qu'une pâle boule blanchâtre à l'agonie.

Cette année était vraiment étrange, et terrifiante en tout points de vues. A mesure que les ombres resserraient leur emprise maléfique sur le castel il se sentait dépérir et mourir à petits feux. Sa mémoire partait en lambeaux. Comme un parchemin laissait trop longtemps sous la pluie, l'encre de ses souvenirs s'éclaircissait, bavait, se mélangeait avant de couler or de la feuille et de disparaître lavée par les éléments déchainés.

Ah tristesse et désespoir. C'était donc ça le supplice des ombres d'Hadès de la mythologie Grecque ? Condamnées à vivre pour l'éternité sans même se rappeler qui elles étaient.

Il secoua la tête, et referma son carnet-mémoire avec un claquement sec. Il en avait assez de voir ses souvenirs inscrits noirs sur blancs. Pas étonnant que le monde lui paraisse si vide, si lugubre, et si austère s'il n'arrivait pas à conserver l'essence des choses. Il n'arrivait pas à saisir la beauté, il n'arrivait pas à capturer la chaleur et la douceur.
Sa petite sœur, elle, avait le don de retranscrire ces choses là sur le papier. Avec une plume, de la peinture ou même des crayons de couleur elle pouvait faire une toile riante, à même d'enchanter et de divertir le sombre manoir des Craft. Malheureusement sa petite sœur n'était plus de ce monde. Des eaux aussi noires que le chagrin c'étaient refermées sur son petit corps, et avaient vampirisées sa vie, sa douceur et sa tendresse. Triste Ophélie, à la couronne de cheveux d'ébènes flottant au milieu des algues et des nénuphars, j'espère que tu es heureuse là où tu te trouve...

Keith se leva avec brusquerie. Il en avait assez de se morfondre. Tant pis, cette journée, et toutes les autres avaient été mauvaises. Il était temps pour lui de tirer sa révérence et de sortir respirer un coup. Après tout rien ne disait que la journée ne serait pas un autre jour. Peut être que le soleil allait s'illuminer, peut être que l'hiver allait prendre fin...Et alors tout ses tourments ne seraient plus que des mauvais souvenirs qu'il n'aurait qu'à abandonner aux flammes.

Il allait franchir le tableau, mais un éclat de voix le fit sursauter. C'était comme si un rayon de lumière venait de briser une barrière de glace. Ce ton si enjoué, semblait se rire de la morosité ambiante.

Il se retourna. Ses yeux tombèrent immédiatement sur celle qui était à l'origine de son trouble. C'était une jeune première année, à la chevelure cuivrée et au regard rieur. Il la connaissait, il se rappelait son arrivée à Poudlard. Elle l'avait marqué. Étrange comme certains souvenirs perdurent et comme certaines images demeurent alors que tout le reste s'effondre.

Pourquoi choisit il d'aller la voir ? L'instinct surement. Elle avait un petit quelque chose en plus qui l'attirait. Mais surtout elle lui rappelait sa sœur. Et puis il fallait l'avertir, la mettre en garde contre les conséquences de son effronterie. Keith adorait sa cousine Pénombre à la tête de la Milice Pourpre, mais il donnait pas chère de la peau de la première année, si ses paroles venaient à être répétées.

Il s'assit à côté d'elle, son carnet-souvenir à la main et lui murmura :
-Bonsoir. Tu sais tu ne devrais pas parler aussi fort. On dit que les murs ont des oreilles ici. Il s'arrêta la dévisageant avec insistance, puis son sourire s'éclaira. Comme un journaliste qui va interviewer une célébrité il ouvrit son carnet et attrapa son stylo. Au fait, je me nomme Keith.

Ennis combattait toujours avec elle-même pour trouver une idée qui ne mettrait pas sa vie en danger lorsque quelqu'un pris place à côté d'elle. Vu le mouvement que le fauteuil avait eu, la jeune fille analysa rapidement que cela devait être un garçon. Pourtant, elle ne s'en soucia guère sur le moment. Il ne s'assoyait probablement là que pour faire un quelconque devoir, ou simplement parce qu'il n'y avait plus aucun siège de libre dans la salle... ce qui aurait, tout de même, étonné Ennis. Faisant mine de ne pas avoir remarqué je jeune homme, la jeune Serdaigle sortie son carnet dans l'idée de faire quelque croquis... peut-être des idées folles lui viendraient avec un crayon à la main... Pourtant, alors qu'elle s'apprêtait à apposer sa mine sur la feuille vierge, une voix murmura quelque chose à son oreille, une voix grave, calme et posé... ajouté d'une petite touche de plaisanterie, semblait-il aux oreilles de la fillette:

-Bonsoir. Tu sais tu ne devrais pas parler aussi fort. On dit que les murs ont des oreilles ici. Au fait, je me nomme Keith.

Les murs ont des oreilles... « dicton moldu? » Peut-être! Peu importait, en ce moment, un 5ième année l'air sage et ténébreux la regardait intensément et malheureusement pour la rousse, tout ce qu'elle trouva à faire fut de rougir intensément et de manière incontrôlable, pour ensuite tenter de formuler une phrase ayant quelque peu de contenue... « Analyse ce qu'il vient de te dire.... 1. Il s'appelle Keith...2. Il semble vouloir converser avec toi...3. Il est plus vieux, donc pas de folie de jeunesse....4. Il a un carnet dans les mains... point commun? Peut-être » Conseil dit, le tout mit en place Ennis tenta finalement sa chance:

- Quel mur irait répéter qu'une fille de Serdaigle parle toute seule dans la salle commune? Franchement rien de bien extraordinaire comme potin, lui répondit malicieusement Ennis, sachant plutôt bien, qu'il devait faire allusion à cette idée stupide de détourner le règlement une fois dans sa vie.

Ennis retomba en méditation quelque instant, détaillant avec un regard perçant son compagnon de bavardrie « Keith » Oui, détaillant Keith. Le jeune homme semblait beaucoup plus vieux qu'elle, quinze ou seize ans au moins, il abordait un visage empreint de calme et pourtant au fond de ses yeux, la jeune Serdaigle pouvait y discerné quelque chose de perturbant, une sorte de douleur qu'elle n'aurait su qualifier. Elle se rappela à elle-même qu'une conversation avait tenté de naître entre eux et du s'arracher au visage de Keith pour se concentrer sur ses paroles. Déposant son crayon sur son carnet, elle prit mentalement note de devoir esquisser le jeune homme. La Serdaigle tendit la main au jeune homme et souriant elle lança son meilleur regard réconfortant, de ses yeux doré, dans ceux du jeune garçon. « enfin... un regard réconfortant... faut avouer que c'est quelque chose de subtile hein? ».... grmmf tais toi.

- Je suis Ennis et je te jure que je ne fais absolument rien de mal! Enfin... chercher des idées, pour braver des règlements, n'est mauvais que lorsque le plan naît.... ce qui ne sera vraisemblablement pas le cas des miens puisqu'ils ont tous étés avortés avant même d'exister...

[hj: j'espère que ça te va, dsl pour le temps! Si y'a quelque chose que tu n'aimes pas dit-le moi (ou si tu sais vers ou le RP pourrait allez!]

Lorsque Keith vit Ennis sortir son crayon pour commencer à tracer d'improbables arabesques sur son carnet, il tressailla. Tout dans l'apparence de la petite fille lui faisait penser à Ophélie sa défunte sœur elle aussi amoureuse de dessins, d'images et de peintures. Seule la chevelure cuivrée de la serdaigle, et son regard pétillant attestaient qu'elle n'était pas une Craft. L'écarlate qui colora les joues de l'imprudente amusa Keith qui n'avait pas voulu la surprendre ou l'inquiéter. Elle devait surement se demander pourquoi un grand voulait lui parler, mais pour le cinquième année cette différence d'âge n'avait aucune importante.

Il avait le regard acéré d'un Serdaigle et il aimait s'en servir pour traverser les apparences et briser les barrières qui d'ordinaires structurent une société. Elle était petite, soit...Mais elle avait du talent ou même du génie et dans ce cas là le nombre d'hivers n'importait que peu. Il n'était pas du genre à se laisser arrêter par des considérations aussi bassement matérielles, que quelques chiffres qui s'additionnaient. Après tout ce n'est la somme des jours qui compte, mais bien ce qu'on en fait.

Et puis l'aiglonne lui plaisait et l'amusait. Elle avait une candeur, et une innocence lumineuse qui réchauffaient les âmes exposées trop longtemps au souffle glacé de la mort et de la terreur. Mais comme une chandelle chatoyante, sa petite flamme vacillait dangereusement et restait à la merci des sombres courants d'airs de haine qui fusaient parfois sous les austères arcades. Sans le vouloir, ses paroles et sa voix chantante avaient su toucher l'amnésique. Une bouffée de tendresse incontrôlée avait envahi Keith, et un instinct chevaleresque le poussait à protéger cette petite fille.

-Tu te demande quel mur pourrait répéter ces paroles ? Il était amusé par la malice de la demoiselle qui semblait se rire des angoisses de chacun. Décidément, elle était une petite fée clochette aussi inconstante que charmante.
-Je ne sais pas moi. Peut être un mur qui aurait entendu le mot : interdit. Il laissa tomber les dernières syllabes, avec un ton théâtralement mystérieux. Plus sérieusement, c'est dommage que tu sois trop jeune, pour avoir pu assister au séminaire sur l'espionnage magique, autrement tu aurais su qu'il faut toujours se méfier des murs. Après tout, (son ton se fit plus léger, abandonnant cet air surjoué de conspirateur d'opérette), si on a un calamar géant dans le lac, je ne vois pas pourquoi ce serait choquant d'avoir des murailles dotées d'ouïe.

Leurs regards se croisèrent. Les yeux rieurs de l'aiglonne cherchaient à mémoriser son profil pour mieux le poser sur le papier, alors que lui tentait de trouver les adjectifs les plus poétiques et les plus subtils pour retranscrire au mieux – dans son carnet souvenir – les impressions de cette agréable conversation.
Il accepta la main qu'elle lui tendait, et la pressa avec gravité. Elle n'en avait peut être pas conscience, mais pour Keith c'est comme si un lien doré venait de s'établir entre eux deux. Fragile comme un cheveux d'argent, il semblait à l'amnésique voir cet invisible fil les lier ; céleste amitié qui se renforcerait surement avec le temps, maillons après maillons, pour former une chaîne indestructible.

Avec habitude, il ouvrit son carnet souvenir à une page encore vierge et nota de sa belle écriture calligraphié le nom qu'elle venait de lui donner : Ennis. Rares étaient ceux qui avaient droit de siéger dans ces pages, et l'aiglonne venait en quelques phrases et sourires de gagner une place en or dans la mémoire papier du Serdaigle.

Il l'écouta se mélanger dans ses explications. Astucieuse elle tentait de l'embrouiller. Marrant comme elle pouvait voleter d'un sujet à un autre. Il la regarda de ses yeux bleus, attendant qu'elle finisse.

-Loin de moi l'idée de te traiter de délinquante, mais je pense ; non j'en suis sur que chercher à faire une bêtise est déjà un acte répréhensible en soi. Après vois tu je ne suis pas du genre à réfréner la créativité des gens, bien au contraire. Je ne peux que saluer les initiatives lorsqu'elles sont belles et bien amenées.
Il lui souriait doucement, et il espérait qu'elle daignerait lui accorder sa confiance.
-Peut être que si tes plans ont tous avortés c'est que tu n'étais pas assez bien préparé. Tu vois, je ne suis pas forcement un expert en bêtises (il préféra ne pas rajouter que lorsqu'on a une cousine à la tête de la Milice Pourpre, il vaut mieux se tenir à carreaux), mais je pense qu'il faut que tu définisse exactement ce que tu veux. Moi par exemple (il indiqua son carnet souvenir d'une inclinaison de la tête), je sais ce que cherche de beaux souvenirs à glisser sur ces pages. Je suis sur (il planta son regard, dans les yeux dorés de la fillette), que tu as une petite idée qui te trotte derrière la tête, pour réaliser quelque chose d'hors du commun.

Ennis était dans une phase de la conversation où elle ne savait quoi penser. Keith semblait des plus sincère dans ses propos ce qui perturbait d'autant plus la jeune aiglonne. Elle n'avait certes pas l'habitude de se faire aborder par des plus vieux... mais pour en plus se faire offrir un coup de pouce pour détourner le règlement? Où s'en allait le monde!

Elle écouta néanmoins poliment Keith se moquer gentiment d'elle. Les murs... des oreilles, oui, un calamar habitait un lac, ils avaient un esprit frappeur, un fantôme comme professeur et des salles qui disparaissaient selon leur humeur! Vrai. Alors, en effet la jeune Serdaigle n'aurait pas été étonné de découvrir que derrière la statue de Mme Serdaigle, il aurait pu y avoir un passage secret servant à espionner les autres maisons! Heureusement la jeune fille n'était pas encore paranoïaque, mais l'idée soudaine, qu'elle avait inconsciemment mise de côté, que la milice pourpre puisse l'entendre la fit frissonner.

Losqu'Ennis tendit la main au Serdaigle, elle ne s'était pas attendue à vivre quelque chose d'aussi... singulier. L'impression d'une chaleur rassurante s'insinuant dans ses veines. Comme si Keith était soudainement devenu pour la rousse, un mentor, un protecteur bien à elle qui s'intéressait à sa banale personne. Un sourire perplexe, un regard curieux, puis la jeune fille se concentra sur la conversation qu'elle entretenait.

-Loin de moi l'idée de te traiter de délinquante, mais je pense ; non j'en suis sûr que chercher à faire une bêtise est déjà un acte répréhensible en soi. Après vois-tu, je ne suis pas du genre à réfréner la créativité des gens, bien au contraire. Je ne peux que saluer les initiatives lorsqu'elles sont belles et bien amenées.

Il lui souriait doucement et Ennis sut à ce moment que, peu importe ce qu'elle voudrait faire, elle aurait le sage conseil du garçon.

-Peut être que si tes plans ont tous avortés c'est que tu n'étais pas assez bien préparé. Tu vois, je ne suis pas forcement un expert en bêtises, mais je pense qu'il faut que tu définisse exactement ce que tu veux. Moi par exemple, je sais ce que cherche de beaux souvenirs à glisser sur ces pages. Je suis sur, que tu as une petite idée qui te trotte derrière la tête, pour réaliser quelque chose d'hors du commun.

La rousse posa son regard doré sur les feuilles que lui présentait Keith. Elle devait avouer avoir été curieuse de ce que pouvait contenir le carnet, mais lorsqu’elle y vit son nom calligraphié sur le haut de la page, elle préféra détourner les yeux pour trouver une fois de plus quelque chose de satisfaisant à dire à Keith. «C’est qu’il croit que tu as sincèrement une idée qui est embêtante… puisque tu n’as absolument aucune idée de ce qu’une jeune fille de 11 ans pourrait faire pour contourner le règlement. Mieux vaut y allez franc jeux!» Ennis acquiesça mentalement, c’était la meilleure solution, mais pourtant la plus gênante. Ses joues s’empourprèrent une fois de plus, agrippant machinalement sa plume pour faire passer sa gêne sur autre chose, la serdaigle leva les yeux pour croiser le regard intriguant de Keith (vous savez, le regard qu’elle n’est toujours pas capable de comprendre):

- He... tu n'as pas le droit de rire! commença-t-elle d'un premier jet, le problème est...

Ennis baissa le ton de la voix, décidant qu'elle devait le lancer un peu plus sur la plaisanterie que sérieusement :

- On m'a mise au défit de ne délibérément pas suivre un règlement...

elle lança un regard à droit, puis à gauche pour vérifier que personne ne les écoutait et toujours souriante elle continua :

- hors... la personne sage et avertie que je suis, ne sait malheureusement pas comment devenir une vraie chipie! Peut-être aurais-tu de judicieux conseil pour la pauvre et paisible fillette que je suis?

Plutôt satisfaite de sa réponse théâtrale Ennis se laissa tomber sur le dossier du fauteuil et replia ses jambes sous elle, comme une gamine, pour montrer à Keith qu'elle était à partir de ce moment à sa merci. La Serdaigle avait officiellement ouvert son monde a ce jeune serdaigle qu'elle venait à peine de rencontrer...

Lorsque la jeune fille voulut jeter un œil sur son carnet-souvenir, Keith eu un sursaut, et un imperceptible mouvement de recul. Son orgueil et le poids terrible de l'habitude lui conseillaient de claquer l'ouvrage pour dissimuler ce signe infamant de sa maladie...Pourtant il n'en fit rien. Dans un sentiment de total abandon il avait décidé de ne rien cacher à Ennis. En choisissant de lier sa vie à celle de l'aiglonne, il se devait de lui faire confiance, comme elle semblait prête à faire de même. Et puis, il espérait qu'elle ne fuirait pas, qu'elle ne prendrait pas peur lorsqu'elle saurait qu'il était amnésique, qu'il était condamné à l'oublier un jour ou l'autre. C'est très troublant de s'attacher à quelqu'un lorsqu'on ne sait pas si l'on pourra encore le reconnaître demain.

Il croisa son regard doré, et ce fut comme si un rayon de lumière repoussait les noirs nuages de son angoisse. Une aube nouvelle semblait prête à naitre dans l'existence du jeune homme, et il avait hâte de sentir la chaleur des rayons du soleil sur son visage. Pour l'instant ce n'était qu'une pâle flamme vacillante qui scintillait comme l'espoir au bout du tunnel, mais cette petite chandelle il ne tenait qu'à lui de la transformer en brasier ronflant et foudroyant.

Keith la regarda s'empourprer avec affection. En la voyant prendre sa plume, il sentit une bouffée de nostalgie envahir son âme. Les ressemblances avec sa défunte Ophélie étaient tellement criantes, cela en était presque douloureux. Mais cette douleur était bénéfique, comme une articulation qui souffre après être restée trop longtemps pliée, c'était le signe qu'il reprenait goût à la vie, que la sève se remettait à couler dans ses branches mortes et que son cœur gelé se remettait à palpiter. Lorsque le destin avait emporté sa petite sœur, il avait été trop jeune pour se dresser face à la Grande Faucheuse et la repousser. Aujourd'hui plus de quatre hiver étaient passés sur ce drame, et le fleuve des jours avait coulé sur ses blessures encore vives mais il se sentait prêt. Il était prêt à racheter ses fautes, à chercher dans la protection d'Ennis comme une sorte de rédemption, une forme de rémission pour ses erreurs passés. Il se fit le serment de ne jamais laisser la faux du destin trancher sa nouvelle amie, comme elle couperait un épi de blé doré ; bien au contraire il espérait la défendre et la guider. Aussi longtemps que sa santé mentale tiendrait bon face aux vagues de sa maladie, il n'abandonnerait pas la première année.

Elle était aussi fraiche qu'il était sec, aussi lumineuse qu'il était sombre, aussi tiède qu'il était froid, mais peu importait leurs différences ils étaient deux âmes solitaires qui allaient s'épauler en ces temps troublés. Le vieux Dumbledore avait parlé lors d'un de ses derniers discours des vertus de l'amitié et de la tendresse seules barrières selon lui contre les ravages de l'ombre et de la haine, l'arrogant Keith de l'époque n'avait pas voulu y croire et c'était moqué avec cynisme et fatalisme des radotages de l'auguste vieillard. Mais aujourd'hui par cette froide matinée il commençait à comprendre de quoi il en retournait vraiment, et il regrettait de ne pas avoir tenu plus compte des conseils du célèbre mage.

Keith écouta Ennis se confier à lui, concentré, la tête légèrement penchée sur le côté comme un linx à l'affut.
Sans s'en rendre compte, l'aiglonne venait de le plonger dans un dilemme des plus cornélien. Elle lui demandait des conseils pour se mettre en danger. C'est assez paradoxal lorsqu'on a juré de protéger quelqu'un que de devoir l'aider à trouver le meilleur moyen pour tenter le destin. Son premier réflexe aurait été de refuser, de lui conseiller de rester sage, mais le regard qu'elle lui lança le fit céder. Cette manière qu'elle avait de se confier à lui, de lui parler de ce mystérieux défi, ou encore de tourner nerveusement sa plume : tout cela l'enchantait au plus haut point, et il ne voulait pas rompre cette légèreté et cet émerveillement qui c'étaient instaurés entre eux. Il n'avait pas envie de la rabrouer ou de la couper dans son enthousiasme avec de sombres prédictions. Après tout, il avait fait le serment de veiller sur elle, il ne pourrait donc rien lui arriver...

-Je ne sais si on peut parler de conseil, mais par contre j'ai une idée qui risque de ravir la chipie qui est en toi. Je crois savoir que tu dessine...Il avait dit ça, l'air de rien. Et il se trouve que j'ai moi aussi une grande passion pour l'art. Que dirais tu d'illuminer un des murs de ce château plongé depuis trop longtemps dans l'ombre avec une peinture de ta composition ? Il tapota sa baguette, je pourrais t'aider à rendre ton œuvre plus vivante, plus lumineuse et surtout plus durable. Il lui adressa un sourire complice. Je pense que la salle d'étude des moldus serait un écrin parfait pour donner toute sa mesure à ton art. En plus ce n'est pas très difficile. Si tu me fait une petite liste, je pourrais t' acheter quelques pigments magiques lors de ma prochaine sortie à Pré au Lard. Ensuite il suffit d'un soir, d'un peu de discrétion, de beaucoup de chance et de deux âmes déterminées. Je pense que ce serait une victoire éclatante pour ton défi.
Par contre, son sourire s'effaça et il se fit plus sombre et plus sérieux, tu dois avoir conscience que jouer avec le règlement en ces temps troublés est très dangereux. Je ferais tout ce qui est en mon possible pour t'aider si c'est ton choix, mais je ne suis pas non plus tout puissant. Aussi je serais ravi de collaborer avec toi, si tu le désire, mais ne te met pas en danger inutilement pour : te prouver ou me prouver quelque chose. A toi de voir, jusque où tu veux aller pour ton défi.

Il se tut sur ces dernières paroles. Sa plume vint se poser sur la page de son carnet. Si elle acceptait alors il pourrait écrire : Chapitre 1, et laisser le récit se dérouler de lui même. Si elle refusait...peu importe il serait toujours temps de trouver un autre souvenir et une autre histoire à raconter.