Dans les méandres de Londres [PV Niallàn]

La ville était pleine d'illumination de Noël, alors que le jour de l'An était déjà passé. Les père Noëls avaient quitté la rue, laissant à nouveau apparaître le visage froid de Londres. Pour autant, il flottait un sentiment de bonheur dans cette ville. Les enfants accrochés aux bras de leurs parents y étaient sans doute pour quelque chose. Un jeune homme bouscula une femme, et préféra s'arrêter pour l'aider à ramasser ses paquets plutôt qu'à fuir dans la foule.

Cadfael, lui, ne regardait plus autour de lui. Il avançait, comme tout le monde, faisant mine de s'intéresser aux vitrines des grands magasins. Son regard se perdait dans le vide, mais il essayait d'avoir l'air convainquant. Son reflet dans le miroir en disait encore trop. Il voyait ses mèches blondes dépasser. Il décida de battre en retraite. Il marcha quelques dizaines de mètres pour s'enfermer dans la chambre d'hôtel de bas étage qu'il louait depuis la veille. Il partirait sans doute d'ici deux jours. Il voulait brouiller toute piste pouvant mener jusqu'à lui.

A peine arrivé dans sa chambre d'hôtel, il ferma la porte, avant de faire le tour des minuscules pièces. Personne n'était là, ni passé pendant son absence. Il soupira, déposant son couvre-chef sur le lit, ainsi que sa veste. Il de regarda dans le miroir. Ses cheveux blonds pourraient le faire passer pour un anglais. Il n'avait pas non plus spécialement d'accent gallois.
Ceux qui le pourchassaient savaient tout ça. Il soupira. Ce qui arrivait était un cauchemar, rien de plus. Ce qu'il avait vu le jour de l'an au Castel aussi d'ailleurs. Tous ces gens en sang, tous ces cris qui hantaient son esprit... et surtout l'état de ses soeurs. Elles étaient anéanties, perdues, et pourtant d'un professionnalisme sans faille. Il les avait aidé, tout en restant insignifiant. Il n'avait pas réellement croisé leur regard, elles l'évitaient. Il avait fui alors qu'il voulait les protéger, les enfermer dans une bulle jusqu'à ce que tout rentre dans l'ordre.

Fuir avait été la seule option acceptable. Elles n'avaient jamais été impliquées dans une affaire qui les mettait en cause. Lui, il avait été reconnu à Poudlard. Il allait donc devoir se cacher, disparaître.
C'est ce qu'il avait fait, sans un regard en arrière. Voir ses soeurs avec un quelconque regard, de peur, de colère, lui aurait été insupportable. Il ne serait pas parti, quitte à mourir. Cela aurait sans doute fini de les tuer à petit feu.

Il passa la main dans ses cheveux. Cette lettre, qu'il avait envoyé à sa petite soeur, allait sans doute être sujet à reproches. Même sans les dires, il s'attendait à ce que leur échange soit des plus froids.
Il lui avait révélé sa position d'une façon assez claire, sans pour autant l'impliquer dans sa fuite. Il se doutait qu'elle viendrait. Tant que Deryn ignorait qu'il avait fait cela, elle tiendrait le coup.

Niallàn était devenu le pilier de la famille. C'était la plus jeune d'entre eux qui portait à bout de bras la famille qui venait de voler en éclats.

Il se laissa choir sur le lit, qui grinça lourdement. Cet hôtel était vraiment bas de gamme. On entendait même les voisins. A côté du lit se trouvait un petit sac dans laquelle se trouvait ses affaires de rechange. Il n'avait plus de Polynectar. C'était vraiment stupide d'en avoir pris si peu. Ou d'en avoir consommé autant en si peu de temps.

Il devait se calmer, réfléchir. Niallàn ne pourrait pas le ravitailler tout le temps. Il fallait qu'il se creuse la tête. Trouver une solution. A défaut de les protéger, il fallait qu'il se protège. Pour elles.

Avant même de sortir de l'enceinte du Castel, elle avait pris soin d'allumer son discman et de monter le son à fond, histoire d'entendre les Bizarr'sisters lui hurler dans les oreilles. Elle voulait que le bruit soit tel qu'elle puisse tout oublier, qu'il n'y ait plus rien autour. De la neige, un peu, et de hauts immeubles lorsqu'elle état apparue dans une ruelle crasseuse de Londres. Rien de plus, rien de moins. Il n'y avait pas de gens, le volume de la musique lui permettait de déshumaniser la scène. Pas de gens donc, juste des obstacles, des silhouettes mouvantes qu'il lui suffisait d'éviter, tête baissée. Les moldus étaient ignorants, mais leur présence n'avaient rien de rassurants pour autant. Ils restaient des gens, des menaces, des obstacles et des poids. Le vague brouhaha qui perçait à travers ses chansons ne faisaient que la conforter dans cette idée. Les gens étaient inutiles, misérables, détestables. Elle les haïssait tous autant qu'ils soient. Tous ceux qui étaient là, à vivre comme si de rien n'était, pendant que le monde magique était à feu et à sang. Tous ceux qui s'amusaient et se faisaient remarquer quand son frère devait disparaître à tout prix, tous ceux qui tentaient de faire comme si tout allait s'arranger quand sa soeur était si mal. Le monde était empli d'une nuisance humaine, et elle détestait ça.

Rapidement, elle se retrouva devant le motel où était planqué son frère. Elle ne savait pas ce qu'avait fait Livious mais le connaissant, il avait très certainement eu un minimum de goût voire d'exubérance dans le choix de sa planque. Pas Cafael. Il avait trouvé le lieu le plus miteux possible, avec la peinture du mur écaillée qui se collait en paillettes à vos doigts quand vous y touchiez. Comme si la situation n'était pas assez minable. Le pire de cette histoire était qu'elle avait trouvé trop facilement, avec la lettre qu'il lui avait envoyé. Parce que Cadfael, ce grand garçon, était un idiot. Et qu'en fuite, il ne trouvait rien de mieux qu'envoyer une missive dévoilant son adresse à un membre de sa famille. Logique et tellement discret. Avec un soupir, elle passa la porte d'entrée, le plus naturellement possible, éteignant la musique par précaution, comme dans un mauvais polar. À la différence que face à ce genre de films, elle pouvait toujours éteindre la télévision trop moldue aller se coucher. Là c'était impossible, la moindre tentative comblait son esprit de mangemorts, de sangs et de pleurs. Un vrai champ de bataille, des ruines, de l'horreur. Elle devait cesser de penser, comme dans le bouquin qu'elle avait récupérer. L'occlumancie. Elle devait fermer son esprit à toute la pourriture extérieure, faire comme si de rien n'était, être forte. Rapidement, elle assena trois coups assez secs à la porte qui lui répondit d'un couinement alors qu'elle se tortillait sur ses gonds. Minable. Sans attendre de réponse, elle entra et posa son sac au sol avant de poser les yeux sur son frère. Faire vite et restée détacher. Deux résolutions qui s'effondrèrent dès qu'elle le vit.

« Idiot. »

Elle avait craché ça comme une nouvelle accusation, comme toutes celles qu'elle avait gardé pour elle ces derniers mois. Oh oui, son frère était un idiot. Il était inconscient, malsain et menteur. Il était fou et dangereux. En danger aussi. Et il courait d'énormes risques en la faisant venir ici. Et elle en aurait enchanté tous les objets de ce trou à rat pour qu'ils lui disent à quel point il était idiot. Mais elle ne devait pas utiliser de magie ici, au cas où. Son frère n'était peut être pas la préoccupation de Celui dont... ce Celui-là, mais elle avait lu l'article de la gazette, comme tout le monde. Il était un terroriste reconnu, c'était suffisamment pour qu'il soit intéressant pour le département de la Justice, même si les mangemorts n'avaient pas envie de s'occuper de lui.

« Tu n'as pas pensé une seconde que m'envoyer ton adresse était idiot ? Tu ne crois pas qu'ils peuvent contrôler le courrier quand ils veulent quelqu'un ? Ils l'avaient fait à Poudlard pour moins que ça. Ne sois pas stupide, ça te changera. »

Elle l'aurait tué sur place, s'il n'avait pas été son frère. Mais elle se contenta de fouiller son sac et d'en sortir une dizaine de fioles bien emballées. Il y avait plus important que s'occuper de ses propres états d'âme. Ce qu'elle pensait ne comptait pas, elle devait cesser d'y songer. Elle devait oublier, tout vider, tout faire disparaître. Faire taire son esprit trop brouillon, et ne plus penser à rien. Elle devait voir sa soeur.

« Tu devrais changer d'endroit ce soir. »

Les coups secs sur la porte l'avertirent que sa soeur arrivait. Il n'eut pas le temps de se relever qu'elle était déjà entrée. Il se redressa, restant cependant assit sur son lit.

- Bonjour.

La réplique de sa soeur fusa, le transperçant. Elle aussi, pensait comme tous les autres. Cette pensée lui arracha un sourire amer. Sa soeur, qui se targait d'être différente, qui était tout comme Deryn, presque agoraphobe, avait des avis tranchés qui finalement se confondaient avec les autres sur lui. Il la regarda s'affairer, regarder la planque de son choix avec dédain. C'était certes miteux, mais au moins il entendait tout ce qui se passait. Pas besoin d'aller dehors, d'acheter la gazette du Sorcier. Il écoutait les informations des autre clients, qui mettaient le son fort. Jusqu'à présent, dans le monde moldu, il n'avait pas été question de lui. Pas encore en tout cas.
La réflexion de sa soeur lui arracha un haussement d'épaules.

- Ils ignorent que je suis si bête. Personne n'enverrai de courrier à sa famille s'il était recherché. Pas si tôt en tout cas.

Il se leva enfin, croisant sa soeur, la frôlant presque. Il ne la toucherait pas. Elle n'aimait pas le contact. Il avait peur d'être en train d'halluciner, de la voir s'évaporer sous ses yeux. Elle déposa les fioles de polynectar. Elle lui conseilla d'une façon assez autoritaire qu'il ferait mieux de partir. Il alla frapper sur le mur d'à côté, en petits coups répétés, jusqu'à ce que le son de la télé augmente de façon conséquente. Il reprit, sur le même ton, l'air détaché.

- Pour ta gouverne, je dois débarasser le plancher à 18h. Cette fois, c'est quoi comme personne? Parce que la dernière fois, c'était assez perturbant devant le miroir. Je l'ai brisé par inadvertance.

Il gardait le visage face au mur fin. Il aurait pu le casser d'un coup de poing. Pourtant cet espace réduit et si peu "à lui" le rassurait. Il était au courant de tout avant qu'ils n'arrivent à lui. Il entendait les pas, les rires et les cris des autres locataires. Il avait envie de saisir sa soeur par les épaules, de la secouer pour qu'elle cesse d'agir en grande soeur. Il n'en faisait rien. Tout ce qui arrivait était sa faute. Il avait agit comme un gamin, il leur avait menti en voulant les protéger. Jusqu'ici, tout ce qu'il avait tenté pour les protéger s'était soldé par un échec, voire pire, par une perte de confiance. A présent, même Niallàn ne le voyait plus que comme un gamin turbulent à qui il fallait faire la morale.

- J'ai besoin d'un petit peu plus de temps Blod. Le temps que je trouve une solution qui sera plus que temporaire. Est-ce que tu as des nouvelles de ta soeur?

Il ne prononçait pas le nom de Deryn. Elle n'avait sans doute aucune envie de l'entendre de sa bouche, ni de savoir qu'il s'inquiétait pour elle. Il était en fuite, traité comme un dangereux terroriste. Il faisait encore une fois honte à la famille. Il se retourna, souriant à sa soeur. C'était idiot, il le savait, mais si sa soeur le haïssait ne serait-ce que quelques temps parce qu'il semblait trop confiant, ou trop insouciant, elle serait moins en danger qu'à présent. SO
Son regard fixa à nouveau celui de Blod.

- Je pense avoir ma petite idée, mais t'en parler ne servirait à rien. J'aurai besoin de quelques boissons encore dans trois jours. Après, ce devrait être suffisant. Tu n'as sans doute pas soif... ?

Il entra dans salle de bain, s'arrêtant sur son propre visage. Il avait son air sérieux. Il avait cessé de montrer ce sourire qui lui servait de barrière, de se mentir. Il se surprit. Il avait l'air plus âgé, plus dur. Il se maudit. C'était ainsi qu'il aurait dû se montrer face à ses soeurs. Sûr de lui, leur dire qu'elles allaient tenir et que lui aussi. Au lieu de jouer les benêts. Il avait tellement bien joué son rôle que même ses soeurs avaient fini par le croire.

- Toi aussi, tu devrais partir Blod. Cet endroit n'est pas pour toi.

Sa voix avait été plus grave et plus dure qu'il n'avait voulu. Elle ne le remarquerait sans doute pas. Il alla se servir un verre d'eau au robinet.
Oublie-moi Blod. Cadfael doit disparaître pour être en sécurité. Pour que vous le soyez aussi