"Cap ou pas cap?" {Pv Mariana Taylor}

Le frileux soleil de novembre n’avait pas encore disparu derrières les nuages qui recouvraient lentement le ciel. Subtil mélange d’eau et de lumière, un arc en ciel se tenait, voûtés comme un arc de cercle, surveillant Poudlard, encore endormi. Les arbres se mouvaient lentement par une douce brise rappelant que l’automne était déjà là, et malgré les Carrow qui ne dormaient sans doute jamais, comme le voulaient les rumeurs, la rentrée s’était voulue paisible pour les premières années de sang pur, et pour les insouciants… Certains regrettant déjà, les quelques années en arrière qui les avaient vu apprendre la magie. Mais le temps qui passait, parfois défilait aussi en sens contraire… Juste pour ce qu’on pouvait appeler… Les souvenirs.

« Cap ou pas cap ! »

Deux enfants couraient dans l’herbe. L’un d’eux tenaient une boite qu’il brandissait comme un trophée pendant que le deuxième le poursuivait. Ce dernier était une jeune fille blonde, qui devait sûrement être en première année, les couleurs rouges et or de sa tunique indiquaient la maison Gryffondor. Le second enfant, quand à lui, était un garçon brun, sûrement en 2éme année, vu la façon dont il faisait râler la jeune fille en lui parlant de sort qu’elle ne connaissait pas encore. La cravate verte à son cou indiquait son appartenance à Serpentard. Tout deux se réfugièrent sous un arbre, et se regardèrent un instant, se fixant tendrement. Tout en reprenant leur souffle. Le garçon reprit très vite la parole, et s’exprima entre deux respirations.

« Cap ! »

« Déjà ? »

« Oui ! J’ai une idée… »

Les deux enfants aimaient se lancer des défis de toutes sortes, dont la curieuse boite se trouvait à chaque fois en être l’enjeu. Le vainqueur avait le droit d’emporter la boite avec lui et c’était à son tour de lancer le défi à l’autre. Le garçon posa la boite au sol. Elle était toute ronde, rouge et jaune, avec des dessins représentant un manége en bois. Le couvercle en forme de chapiteau ne devait jamais être ouvert. C’était une des curieuses règles de ce jeu. Où le but était de tout rendre possible, même les plus grands défis.

Mais parfois, en l’espace d’un simple jeu, toutes les choses mêmes les plus simples, pouvaient toujours basculer. Et des esprits enfantins qu’un rien ennuyait, pouvaient parfois commettre des erreurs. Qui allaient changer beaucoup une petite partie de leur destinée…

« Alors dis moi ton idée ! »

« La volière… C’est là que nous allons… Il y a une corde laissé là par Rusard, pour je ne sais quel occasion… »

« Allez viens, suis moi ! »

Le garçon lui attrapa la main et sous le regard interrogateur, voire indifférent des autres élèves, ils traversèrent le parc de Poudlard pour vite grimper les escaliers et arriver à la volière, devant… Une simple corde. L’enfant se pencha en avant, en ayant pris soin au départ de bien reposer la boite au sol, pour ne pas la faire tomber dans un moment d’inattention.

« Oui, c’est assez haut… Ca sera un défi à la hauteur… Ton défi, ça sera de t’accrocher la corde autour du ventre et de sauter du haut de la volière… Et ne t’inquiètes pas, je pourrais te remonter sans problèmes, il parait que je suis très doué au wingardium Leviosa, et tu ne dois pas être pas tellement plus lourde qu’une plume ou qu’un chaudron… »

Lentement, le jeune serpentard tirait la corde à lui, puis il la tendit à la fille, attendant qu’elle se prononce… Fera t’elle le pas, ou décidera t-elle d’y renoncer, perdant ainsi le privilège d’obtenir la boite, si précieuse à leurs yeux ?

Il ne faisait pas bon vivre à-Poudlard en cette année 1997. Au goût de Mariana, et sûrement de beaucoup d’autres personnes. Accoudée sur le rebord de la fenêtre de son dortoir, elle avait pleine vue sur le parc. Et plus particulièrement sur la volière. Plusieurs gamins se courraient après, sans enthousiasme pourtant, elle en était certaine. Et elle ? Elle, elle pensait. Pensait à la suite des évènements. Elle avait peur, terriblement peur, pour son père. … elle n’arrivait même pas à prononcer le mot, ce seraient des années de souvenirs et d’amour qui partiraient en fumée. Les souvenirs s’envolent tellement rapidement … la preuve.

C’était il y a plusieurs années de cela. A l’endroit même où le regard de Mariana était posée, deux enfants s’amusaient dans l’herbe, terriblement innocents, fiers, et heureux. Ils se chamaillaient, comme d’habitude. Le plus grand narguait la petite brune qui entrait parfaitement dans son jeu, le boudant sans retenue. Et quelques secondes plus tard elle se tournait vers lui, incapable de tenir. Elle fixait souvent la boîte rouge et jaune avec des gros yeux envieux. Cette boîte avait été trop longtemps dans les mains de son ami, c’était maintenant à elle de la récupérer. Et dans les règles de l’art. Elle se demandait seulement ce qu’il avait pu inventer de fou et audacieux. Car il était comme ça : ses défis étaient toujours fous et audacieux, comme lui. Déjà, il lui prenait la main, l’invitant à le suivre jusque dans la volière. Il avait parlé d’une corde. Il voulait donc qu’elle se pende ? Il était fou.

Une fois arrivés en haut de la tour, le jeune Serpentard reprit la parole :

« Oui, c’est assez haut… Ca sera un défi à la hauteur… Ton défi, ça sera de t’accrocher la corde autour du ventre et de sauter du haut de la volière… Et ne t’inquiètes pas, je pourrais te remonter sans problèmes, il parait que je suis très doué au wingardium Leviosa, et tu ne dois pas être pas tellement plus lourde qu’une plume ou qu’un chaudron… »

La petite ouvrit de grands yeux noirs affolés. Sur le coup, elle n’avait pu cacher sa détresse. Malgrè sa fougue naturelle et son jeune âge, elle s’était immédiatement rendu compte que c’était dangereux. Néanmoins, elle ne se rendait pas compte du danger comme un adulte aurait pu le faire. La gamine avait pesé le pour et le contre et quelques instants plus tard seulement on pouvait lire dans ses yeux sa décision. Sa seule motivation n’était pas l’attirance pour le danger (elle le fuyait habituellement) mais l’envie de voir la fameuse boîte atterrir entre ses mains Le but du jeu était très simple. L’un lançait un défi, l’autre l’accomplissait, et il gagnait le droit d’avoir la fameuse boîte. La décision de la jeune fille était aussi motivée par le fait qu’aucun d’eux n’avaient jamais refusé un seul défi. Elle ne voulait pas être la première, et ne le serait pas. Sans savoir à quoi elle s’exposait, la jeune fille s’empara de la corde, et grimpa sur le rebord de la fenêtre.

« J'vais le faire ... »

Puis, finalement hésitante.

« Mais t’es sur qu’y a pas de risques ? »

Il avait mis un certain moment pour remonter la corde, en écartant ses bras sur une certaine longueur, il avait essayé de mesurer naïvement combien de mètres elle faisait. C'est qu'il était important de savoir à quelle longueur la corde allait l'entrainer dans le vide... Comme si ça rajoutait du poids à cet étrange défi. Au loin des nuages commençait à s'amonceler, sortes d'obstacles mouvants pour oiseau en constant voyage.

Dans ses mains, il tirait et tirait encore la corde, vérifiant qu'elle était bien solide. La préparation était importante...

Avant qu'elle ne se lance, la boite avait retrouvé des couleurs plus vives, comme si elle réagissait au défi en cours, comme si elle s'en nourrissait. Mais pour des jeunes enfants, la magie d'une simple boite, n'était pas quelque chose dont il pouvait se méfier.

Un éclair au loin. Comme un signe d'avertissement. Pourquoi le temps avait changé si vite? Qu'est ce qui en était la cause?

« Euh... »

Une longue hésitation.

« De toutes façons, si jamais j'avais du souci pour te remonter, je pourrais toujours faire appel à mes sortilèges très puissants! N'oublie pas que le professeur Flitwick a dit que j'étais très doué! »

En vérité, le professeur Flitwick lui avait plutôt dit d'arrêter de bouger, mais avec son accent étrange, cela avait été transformé par « vous êtes très doué. » Mais Eliad n'avait pas l'envie d'arrêter d'apprendre, alors avec le temps, il deviendrait doué hein...

Il attacha le bout de la corde à une barre métallique, y faisant une quantité de nœud. Tous plus, euh... Noués les uns que les autres. Et solide. Oh oui très solide. Quasiment indéfaisable à mains nue.

« Tu peux toujours y renoncer, je garderais juste la boite plus longtemps »

Cette dernière semblait briller de plus belle, parées de couleurs rubis et or... Et les femmes ne résistaient pas aux bijoux, c'était un fait connu de tous.

Il continuait de lui tendre la corde. Mais quelque chose l'effrayait quelque peu, peut-être le temps qui avait changé. Sa confiance vacillait... Mais pas son envie de voir la boite lui être remise encore une fois, et ça... Ca empêchait toute raison.

« Euh... »

Il hésitait. Et la gamine ne savait pas si c’était réellement du doute de sa part ou s’il voulait seulement lui faire peur. Et l’orage n’arrangeait rien à l’atmosphère sombre et ténébreuse qui s’était installée dans la volière. D’un œil craintif, la petite avait jeté un coup d’œil à ses pieds, dans le vide. En bas, de l’herbe et quelques buissons mais rien qui n’eut pu amortir sa chute. Dans les films moldus de son père, ceux qui le faisaient rire, il y avait toujours une botte de foin ou des gens en uniforme avec un drap pour secourir le suicidaire. Elle ne l’avouerait jamais mais ce simple coup d’œil lui avait filé les chocottes et pas qu’un peu. Elle se trouvait trop jeune pour mourir, elle avait encore de belles choses à vivre dans un monde calme et tranquille. La Gryffondor ne se doutait pas de ce qu’il l’attendait seulement trois années plus tard. Après une longue hésitation, son ami reprit la parole.

« De toutes façons, si jamais j'avais du souci pour te remonter, je pourrais toujours faire appel à mes sortilèges très puissants! N'oublie pas que le professeur Flitwick a dit que j'étais très doué! »

C’est vrai qu’il avait un an de plus qu’elle et que, par conséquent, il connaissait énormément de choses. Cela rassura quelque peu. Et puis si le professeur Flitwick vantait ses mérites, il devait y avoir une raison. Et cette raison était qu’Eliad était réellement douée pour les sortilèges.

Elle ne mesurait pas assez le danger.

« Je te fais confiance »

Elle regarda son Serpentard d’ami nouer la corde à une longue barre métallique. C’est vrai qu’il avait l’air de savoir ce qu’il faisait avec tous ses nœuds compliqués qui paraissaient très savants. Il ne pouvait pas s’agir du hasard, il avait l’air si expert. A cette période, Mariana idéalisait beaucoup Eliad et c’est ce qui faillit mener à sa perte. Jugez-donc par vous-même la suite de cette triste histoire.

« Tu peux toujours y renoncer, je garderais juste la boite plus longtemps »

Cette dernière phrase avait eut raison de toutes les hésitations de la brunette. Jamais elle n’avait refusé un défi, jamais elle n’en refuserait un. Jamais. Ce jeu lui tenait bien trop à cœur. Lorsqu’elle avait la boîte dans les mains, elle se sentait comme unique et au dessus de tout. Au dessus d’Eliad même car elle l’avait vaincu. Ce sentiment de grandeur lui appartenait et elle aimait l’avoir en elle. Elle aimait avoir la boîte pour elle, la sentir glisser entre ses doigts fine et douce. Elle n’aimait pas lorsque SA boîte était en possession d’Eliad. Elle se sentait comme nue. Et puis elle sentait bien qu’il paradait lorsqu’il l’avait en mains, qu’il se moquait d’elle. Il se sentait supérieur comme elle l’était lorsqu’elle l’avait gagné. Et elle détestait sentir cette grandiloquence et encore moins la voir. Cela lui donnait une forte envie de vomir. Jamais elle ne renoncerait, jamais elle ne lui laisserait la boîte plus longtemps que ce qu’il l’avait déjà eut. C’était une question d’honneur, et jamais elle ne laisserait son honneur se faire bafouer par un vulgaire mec. Et toc !

« J’le fais j’te dis ! Mais si je meurs, j’te bute !’ »

Elle fusilla Eliad du regard, avança un pied. Et se laissa glisser dans le vide.

Ce défi avait commencé par un mensonge… Eliad n’était pas si doué que ça aux sortilèges. Et il avait failli se terminer sur une ânerie. Si Mariana mourrait, comment pourrait t-elle buter Eliad par la suite ?

Ses yeux d’enfants la regardèrent lentement monter sur l’estrade, comme une danseuse montant sur scène, comme si elle allait accomplir la dernière danse de sa vie avant de raccrocher définitivement son tutu au placard. Et…

C’était fait. Mariana venait de se jeter dans le vide. Attaché bien sur, mais elle avait franchi une étape importante pour obtenir la boite. C’était le plus grand défi qu’ils avaient jamais trouvé et c’était lui qui en avait eu l’idée… Même si elle obtenait la boite, il pourrait en être fier… Ou le regretter amèrement si elle finissait en steak haché sur le sol.

Suspendu dans les airs, elle avait l’air d’un ange… Ses cheveux bruns flottaient dans les airs, et tout était si rapide. Les secondes défilaient alors qu’elle ne cessait de descendre toujours plus bas, son corps s’éloignant toujours plus du regard d’Eliad.

Puis tout se déroula rapidement mais dans le mauvais sens cette fois. L’orage s’était soudainement déchaîné et la pluie tombait en trombe d’eau sur le visage d’Eliad, brouillant sa vision et lui mettant plus que des doutes à l’esprit. Lorsqu’elle atteignit le bout de la corde, le corps de la jeune fille rebondit, comme un haricot au bout d’une corde, mais Eliad s’aperçut bien vite que la corde commençait à s’effilocher en plein milieu et ça, si Mariana ne l’avait pas encore vu, Eliad lui ne voyait plus que ça.

Les éclairs et les nuages les plus sombres étaient maintenant au dessus d’eux, comme s’ils avaient été appelé par une force mystique, comme s’ils avaient un but tout aussi obscur. Un éclair toucha le toit de la volière. La panique s’empara d’Eliad, qui se mit malgré tout à réagir promptement. Mariana allait revenir de son bond et la corde allait subir une nouvelle fois son poids. Il ne fallait pas que celle çi cède ou que l’éclair la touche…

Il sortit sa baguette alors que la tempête faisait rage, balançant la corde de droite à gauche avec une poussée assez forte. Il tenta un wingardium maladroit qui échoua complètement. Il n’avait pas réussi à attirer la corde, et il devait en plus compter maintenant avec la tempête. C’était bien plus que ce qu’un deuxième année pouvait faire, et il n’était même pas parmi les meilleurs…

Mariana allait retomber lourdement… Un nuage lâcha un éclair aussi puissant que vif, qui frôla la corde avant de venir frapper le mur… Mais la gryffondor en retombant, fit céder la corde sous son poids et elle bascula dans le vide sous l’impuissance d’Eliad… Avant qu’il ne jette de nouveau un sortilège.

Cette fois çi, il l’essaya sur la corde qui retenait Mariana, le petit bout qui était resté attaché à son torse. Cela fonctionna, mais il semblait avoir beaucoup de mal à la retenir… Qu’importe. Il se devait de réussir. Elle flottait maintenant dans les airs, cela semblait tellement irréel… Une violente rafale de vent le poussa soudainement contre la rambarde, il sentit ses cotes se raidir sous le choc. Mais le sortilège n’avait pas cessé… Mariana était proche de la rambarde, il n’y avait plus qu’un mètre à faire et elle serait hors de danger, elle aurait le droit d’avoir la boite, ou de le frapper, tout ce qu’elle voudrait. Une autre puissante rafale de vent arriva, ça ne gêna pas Eliad qui était déjà au bord, mais en revanche, cela fit glisser la boite rouge de plusieurs centimètres sur le sol, la conduisant au bord de la chute, car elle était d’assez petite taille pour passer entre les barreaux.

Eliad ne la voyait pas… Et quand elle bascula sous une autre rafale, il tenta de la rattraper, alors qu’il avait achevé de hisser Mariana à sa hauteur. Trop tard. Un autre geste maladroit et il ne pût la retenir.

Il regarda la boite tomber dans le vide et se briser alors que Mariana remontait et était de nouveau à coté de lui.

**

Le présent réapparaît alors.

Le reste se passait de commentaires, il regrettait son geste… Mais, il l’avait aussi oublié. Quand la boite s’était brisé, lui et Mariana s’était retrouvé comme deux inconnus, victime d’une amnésie partielle. Comme si quelque chose dans leurs esprits l’avait occulté, comme une ancienne magie. Ce qui lui avait fait rappeler cet instant, c’était ce qu’il tenait dans la main… Un petit débris de plastique rouge provenant d’une grande boite…

Etrangement, il ne lui restait plus dans la bouche qu’un goût mi amer, mi sucré, et une envie subite de dire de nouveau à Mariana…

« Alors, cap ou pas cap ? »

Elle avait faillit hurler, peut-être même qu’elle l’avait fait, elle ne se souvenait plus. En tout cas, jamais elle n’avait eu aussi peur de sa vie. Les sensations fortes, ce n’était pas son truc, surtout sous un orage comme celui là. En effet, les éléments commençaient à se déchainer, comme si tout était fait exprès. La pluie lui frappait violement le visage, elle ne voyait plus rien. Par contre elle avait toutes les sensations. Elle rebondissait, de plus en plus vite. Néanmoins il lui semblait qu’elle remontait un peu vers la fenêtre de la volière, c’était peut-être juste une impression. En tout cas, elle avait peur. Tellement peur qu’elle ne pouvait hurler ni même fermer les yeux pour ne pas voir l’inévitable : la chute. Car elle en était sure, il n’allait pas pouvoir la remonter, elle n’avait plus confiance.

Et puis la corde lâcha.

C'est-à-dire que Mariana se retrouva quelques secondes à tomber dans le vide, les bras en l’air, hurlant comme une possédée. Ouais, elle avait retrouvé la parole. En même temps, si elle devait mourir, elle voulait au moins qu’Eliad comprenne sa haine.

*I believe I can fly oO *

La rouge et or ne savait pas que c’était possible pour les humains mais, apparemment, elle avait un don. En effet son corps vint se poser à côté de celui du Serpentard, sur le rebord de la fenêtre. Ainsi donc, Mariana pouvait voler. La petite regarda chacun de ses bras d’un air inquiet comme si elle craignait d’y voir pousser des ailes. Elle ne vit pas la petite boîte en fer tomber dans le vide, des petits morceaux rouges et argents se dispersants sur le sol mouillé. Et puis … Et puis, plus grand-chose.

Le présent. Instant si court, et infini à la fois. A l’instant même où l’on pense au présent, cela devient du passé. On ne peut changer ni l’un ni l’autre. Ainsi, lorsqu’Eliad lui posa la question, la fameuse question, elle éluda. Il y avait plus important pour elle : comment avait-il pu oublier cette aventure ? Comment avait-elle pu oublier que son pseudo ami avait essayé de la tuer, et d’ailleurs presque réussi. Et pire encore, comment pouvait-elle lui pardonner ? La réponse s’imposa d’elle-même : elle ne pouvait pas. Maintenant qu’elle se rappelait, la haine, la colère et la vengeance s’imposaient d’elles-mêmes. De par ses yeux, elle ne montrait aucun sentiment, voulant lui cacher ses pensées.
Il était sans doute plus sage d’abandonner ce jeu stupide qui aurait pu mal finir, qui pouvait encore mal finir. Mais était-ce qu’elle voulait ? Abandonner ? Non, bien sûr que non. Ce qu’elle voulait, c’était gagner, écraser la vermine verte et argent qui se trouvait devant elle. Ce qu’elle voulait c’était une vengeance digne de ce nom. Qu’il souffre de la peur, autant qu’elle en avait souffert pendant sa chute dans le vide. Alors, c’est avec un sourire en coin que Mariana murmura :

« Cap. »

Le présent avait ce goût amer, qu’avaient toujours les moments de solitude et d’ennui. Alors qu’il repensait encore au saut de l’ange avorté de la jeune Mariana, il vit une forme chuter rapidement par la fenêtre et ne pas reparaître devant lui. Instinctivement il se releva à toute vitesse et observant la longue descente de ce qu’il avait pensé être un objet au départ… mais au final, lorsque ce même objet bâtit des ailes, il respira un grand coup avant de rasseoir sur le bord et se replier sur lui-même. Quelquefois il l’avait observé, alors qu’elle ne le regardait pas. Elle lui avait fait les coups les plus foireux de la terre et pourtant c’était l’une des premières personnes qu’il avait connues ici, avant le stade de l’adolescence, proprement dite…

Il lui manquait bien un instrument pour symboliser l’atmosphère de cet endroit, qu’il appelait volontairement, son havre de solitude. Au milieu de fientes des hiboux et des hululements. Au milieu des plumes qui volaient en tout sens, et dans le plus grand calme qui soit, malgré tout. Détesté plus jeune, sauf par certains et guère plus aimé maintenant. Il avait fait le choix des braves, celui de n’avoir que peu d’amis.

Alors quand un bruit de pas se fit attendre, ses pensées s’envolèrent tout comme deux hiboux venaient de le faire à l’instant. Il se retourna sans pour autant quitter son siège provisoire et observa la visiteuse. Une porteuse de lettres ? Ou… Juste la matérialisation d’un souvenir, qu’il avait envie de voir… La boucle était bouclée, quel était donc la magie de cette boite, pour qu’avec un simple fragment de métal, elle fasse retrouver la mémoire à ces deux amnésiques du temps passé et les fasse se rencontrer au détour de la volière, là où une fois encore, leurs regards allaient complètement changé ? Ils recouvraient les yeux de leurs enfances et Eliad ne voyait maintenant plus qu’une petite fille, vers qui il venait de s’approcher grâcilement, lui prenant la main et ayant ce désir en lui, de l’embrasser sur la joue, à défaut de ses lèvres, car à cet age là, il ignorait encore tout ça…

Dans sa main, il tenait toujours l’objet fermement dans sa paume, et lorsqu’il le dévoila, il put sentir ses yeux briller à nouveau. Mais ce n’était pas l’enfant en lui qui brandissait l’objet brisé, non… C’était bien l’adolescent, ce qu’il y avait au plus profond de lui qui ressurgissait. Le souvenir reprenait vit sous ses yeux, alors qu’il regardait de nouveau Mariana, qui se tenait presque à sa hauteur, alors que la boite se reformait sans bruit.

Cette boite, qui en se brisant avait renié leur existence commune, venait de reprendre vie. Mais un morceau manquait. Eliad, par un bref coup d’œil, fut attiré par la paume de la jeune fille, qu’il ouvrit délicatement… S’emparant du morceau en sa possession, et qu’il plaça alors sur la boite, comme il aurait achevé un puzzle, en reliant toutes les pièces. La boite se mit à briller alors, l’éclat de la lumière, terrifia bon nombre de hiboux qui s’envolèrent en tout sens, mais malgré la panique des volatiles, Eliad ne bougeait pas. Les deux protagonistes recouvraient une partie de leur passé, qui leur était maintenant totalement rendu…

Les joies, les peines, le passé revenait dans toute sa splendeur, et c’était… un plaisir sans nom… Le sourire aux lèvres, emporté par l’élan, il embrassa Mariana sur la joue en lui susurrant à l’oreille :

« J’ai de nouveau la boite après tout ce temps, je me souviens de tout, de toi, et c’est… Merveilleux. Si tu veux regagner la boite, il va te falloir réussir à nouveau un défi comme avant… mais nous avons grandi, et les défis changent, ils deviennent toujours plus difficile… Ce vol des hiboux m’a donné une idée, je ne sais pas qui tu soutiens dans cette guerre qui oppose les deux clans, mais mon défi sera de taille cette fois… »

Il posa la boite au sol, puis chercha quelque chose dans sa poche durant quelques longues secondes. Une fois retrouvé, il posa l’objet dans la paume de Mariana qu’il referma aussitôt, conservant la même délicatesse qu’il avait à son égard, même depuis ses premières classes.

« C’est une graine feu d’artifice à oiseaux. C’est un objet que j’avais acheté, il y a quelques semaines dans une boutique de farce et attrapes. Il suffit qu’on le pose au sol et qu’on lance un sortilège d’ouverture dessus. Alors il faudra attendre une minute et il y aura un feu d’artifice conséquent qui libérera une multitude d’oiseaux blancs… Ou de toutes les couleurs, ça varie souvent avec ces graines. L’important ici… C’est l’endroit où tu devras déposer les graines… Dans le bureau des Carrow et la faire germer à cet endroit même… »

Il serra la boite bien fort contre lui, pour que Mariana ne puisse pas s’en emparer de force. Il tenait à la protéger… Et à la conserver.

« Et sois heureuse, j’aurais pu te demander de faire une cour enflammée a la serdaigle Lucy Duncan, et ce, afin de lui prouver ton faux amour… Avoue que tu pouvais avoir toujours pire comme défi. »

Il sourit une fois encore.