- Auriez-vous honte de moi, monsieur Kirkby ?, avait plaisanté Mercedes en acceptant le bras que James lui offrait, avant qu’ils ne partent pour leur promenade improvisée.

Si l’on ne pouvait déjà dire de la jeune femme qu’elle s’amusait comme une folle (après tout, les vraies réjouissances n’avaient pas encore commencé), la tournure des évènements n’était pas pour lui déplaire, loin de là.
En même temps, ce n’était pas vraiment une surprise. Ils les avaient un peu provoqués, les évènements. Et après avoir passé près d’une demi-heure à se dévorer des yeux et à s’envoyer des piques pleines de sous-entendus, il était logique qu’ils concluent l’affaire comme il se doit.

Un dénouement que beaucoup de vieilles carnes comme il faut, coincées dans leurs principes moyenâgeux, auraient très certainement trouvé bien trop rapide à leur goût, mais cette situation correspondait parfaitement aux attentes de la jeune femme.

Après tout, n’était-ce pas l’exutoire qu’elle cherchait désespérément mais inconsciemment depuis des jours ?

Ne plus penser à sa fille, se contenter de prendre du bon temps, et laisser enfin exploser cette tension qui l’envahissait un peu plus de jour en jour. Pas d’alchimie romantique, juste du physique à son état le plus brut. On n’avait pas besoin de se faire des politesses pendant des siècles quand il ne s’agissait que de ça.

Passée maître dans l’art de se faire désirer, Mercedes n’hésitait pourtant pas quand il était simplement question d’assouvir une envie subite, pressante et instinctive, comme ce rugissement intérieur qu’elle avait ressenti quand James s’était penché vers elle au Boudoir.

Pourquoi se retenir ? Elle ne faisait de mal à personne, après tout. Sauf si James avait une petite amie (ce qui ne l’aurait pas étonnée, les hommes les plus entreprenants avec des inconnues étaient souvent ceux qui étaient déjà pris eux-mêmes), mais là ça ne regardait que lui.
Et de toute façon, avec l’angoisse et la culpabilité qui la rongeaient jour après jour, elle avait le choix entre se détendre un bon coup et piquer une crise d’hystérie magistrale. Le calcul était vite fait.

Enfin, l’élégant quartier moldu de Highgate, avec ses jardins parfaitement entretenus et ses voitures rutilantes, se présenta à leurs yeux. Sans lâcher son bras, Mercedes leva la tête vers James.

- J’espère que vous me pardonnerez si je suis un peu timide, lui dit-elle d’un ton faussement embarrassé, que contredisait la lueur gourmande brillant dans ses yeux, je ne joue pas souvent devant les gens.

D’un pas lent et tranquille, ils longeaient à présent la large rue ombragée qui traversait le quartier, se dirigeant vers la grande maison blanche à deux étages où vivait Mercedes depuis que l’Oncle la lui avait offerte pour la récompenser d'avoir obtenu ses Aspics (ayant dû se débrouiller toute seule pour trouver les réponses, pour une fois, elle avait été la première étonnée de ne pas avoir lamentablement échoué partout).

- Mais ceux qui m’ont vue à l’œuvre disent que j’ai des doigts de fée...

Tout en s’engageant dans l’allée pavée qui menait à l’entrée de sa maison, Mercedes jeta un coup d’œil en coin à James et faillit s’étrangler de rire.

Elle eut bien du mal à se retenir, d’ailleurs. C’était tellement drôle de le voir afficher des airs de chérubin tout droit tombé du ciel, quand on savait ce qu’il venait vraiment faire là.

Machinalement, elle se demanda ce qui se passerait si, une fois qu’ils se seraient confortablement installés dans son salon, à l’abri des regards (elle dirait à Conchita d’aller attraper des poulets), enfin libérés du carcan des bonnes mœurs, elle se mettait tranquillement à lui jouer quelque chose pour accomplir son gage.

Mais elle n’eut pas le temps d’imaginer ce qui se passerait : ils arrivaient à mi-chemin de l’allée quand la lourde porte d’entrée s’ouvrit, laissant sortir une Conchita complètement terrifiée.

- Quoi, qu’est-ce qui t’ar..., commença Mercedes, étonnée, en la voyant descendre les trois marches qui menaient au porche d’une traite, mais la petite femme de ménage ne la laissa pas finir.

- Chhhhhhhhuuuuuut, siffla-t-elle en bondissant littéralement sur sa patronne, la poussant pour l’éloigner le plus possible de l’entrée, il est là !

Mercedes blêmit. Nul besoin de lui demander de qui elle parlait, elle avait compris. Il n’y avait qu’un seul "il" qui puisse effrayer ainsi l’intrépide Conchita.

Et il avait fallu qu’il vienne aujourd’hui !

Etouffant un gémissement désespéré, la jeune femme se tourna vers James. Il était hors de question qu'il entre et qu'il voie l'Oncle. De quoi aurait-elle l'air ?

- Euh...finalement je ne vais pas pouvoir vous montrer le tableau aujourd’hui...mais je vous enverrai un hibou pour que vous veniez le voir de vos yeux...une pièce de maître vous verrez, digne d’un grand collectionneur...

Il n’y avait là aucun sous-entendu douteux, il s’agissait simplement de conserver un semblant de tenue devant Conchita qui, les poings sur les hanches, jaugeait à présent James de son œil acéré.

Même si elle n’était pas dupe (après tout elle les avait vus arriver par la fenêtre de la cuisine, et ils n’avaient pas du tout l’air de deux personnes qui ne se sont retrouvées que pour parler de peinture), Mercedes ne pouvait pas lui dire "Bon ben finalement les galipettes c’est pas pour aujourd’hui mon vieux !".

Au supplice, elle lui pressa délicatement le bout des doigts en guise de salut, répondit d'un clin d'oeil à son sourire plein de promesses, et s’enfuit vers le grand porche à colonnes, sa femme de ménage sur les talons.

Tournant une dernière fois la tête, par curiosité, elle faillit, une nouvelle fois, éclater de rire. N'était-ce que son imagination trop fertile, ou James venait-il bien de se passer la langue sur les lèvres avant de faire volte-face pour repartir comme ils étaient venus ?

Aucune importance maintenant, elle avait un problème bien plus grave à régler.

Et puis elle aurait bien le temps de le lui demander.

(Finito merci pour ce topic James c'est très agréable de jouer avec toi )