Le Deal du moment : -14%
Apple MacBook Air (2020) 13,3″ Puce Apple M1 ...
Voir le deal
799 €

Partagez
 
 Etre né quelque part
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Etre né quelque part   Etre né quelque part EmptyMar 21 Juil - 2:52:14

[Je parle a Zân mais une fois qu'elle a répondu, le topic est ouvert]

Bon. La rentrée avait commencé depuis quelques semaines déjà. Elle n’était pas morte, au contraire et l’ambiance, pour sombre qu’elle soit à l’extérieur restait plutôt tranquille dans l’université même. Il était d’ailleurs étonnant de voir à quel point les choses restaient inchangées ici alors que même Poudlard souffrait. Il y avait à cet état de fait deux hypothèses opposées. Soit les mangemorts avaient depuis longtemps infiltré l’institut et donc leurs récents succès ne changeait pas une ambiance déjà sombre, soit Altaïr avait réussi ce que feu Dumbledore n’avait pu faire.

Et en toute honnêteté, respect au Directeur mis à part, Deryn penchait plus pour la première hypothèse. Quoiqu’il en soit, les jours se succédaient dans une routine rassurante pour la jeune femme, profondément choquée par les défaites de l’été. Seul le temps mettrait assez de baume sur ses blessures pour lui rendre son calme coutumier mais – et la présence continuelle de Niallàn, de Livious et de Cad’ n’y était pas étrangère – plus le temps passait dans la grande demeure londonienne et plus la rouquine sentait ses blessures se cicatriser. Elle restait parano, apeurée et méfiante mais se sentait capable d’aller parler à quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Quelqu’un qu’elle avait remarqué depuis la rentrée et qui l’intriguait au plus haut point. Mais elle voulait le faire seule.

Ce mercredi, comme toutes les semaines, était un jour de repos pour les étudiants de l’UMA. La jeune fille avait travaillé dur pour que Logan soit fier d’elle, bossé ses devoirs avec sa sœur, n’avait rien à faire a Ste Mangouste et ne se sentait pas le courage d’aller au repère avant plus tard dans l’après midi. Elle avait donc tout le temps voulu. Le souci étant que les autres également et qu’une foule plus dense que d’habitude fréquentait les couloirs. Vingt fois, la galloise faillit interrompre ses recherches et rentrer se réfugier dans sa chambre. Vingt fois elle se reprit, s’intimant courage et détermination, s’obligeant à passer partout où sa condisciple pouvait être. Bibliothèque, Cafétéria, Piscine, Catacombes et autres endroits insolites et bondés. Mais nulle part elle ne vit l’espèce de châle qu’elle cherchait. En désespoir de cause, elle marcha sur la pelouse, celle là même où elle avait rencontré Elanor l’année dernière. Les poumons pleins de l’air frais (et pollué) de la capitale anglaise, elle se promenant un moment, appréciant la solitude et le peu de verdure qu’elle trouvait ici. Son Pays lui manquait toujours autant.

C’est alors qu’elle la vit sous un arbre. Avec un doux sourire, Deryn s’approcha de Zân, remit une mèche de cheveux derrière ses oreilles et essaya de la saluer correctement.


« Ssalamu… en espérant que ce soit bien ce que tu dise quand on rentre en cours et que je ne le prononce pas trop mal. »

Sans demander bêtement si elle pouvait s’asseoir (après tout l’herbe était à tout le monde), la jeune fille s’installa à côté de la nouvelle et lui sourit à nouveau, partagée entre sa curiosité et sa timidité. Le fait qu’ils soient dans un lieu isolé était tout de même une sacrée chance. L’agoraphobie ne se mettrait pas entre eux.

« Cela fait plusieurs cours que je t’ai remarquée en fait. Il est évident que tu ne viens pas d’ici alors je me demandais si tu arrivais à t’intégrer un peu. Ce n’est pas trop dur d’être loin de chez soi ? Tu viens d’où au fait ? J’ai un peu voyagé en Europe mais je ne me souviens pas d’avoir entendu un mot ou vu une tenue comme les tiens. »

Ses yeux bruns examinaient Zân avec une attention polie. Il était visible qu’elle n’avait pas l’habitude de ce genre de conversation. Visible aussi que ses intentions étaient bonnes (enfin si la curiosité envers un étranger peut être considéré comme un « bon » motif). Elle rit un peu, gênée de sa propre audace. Elle ne savait plus quoi dire.

« Je suis désolée. J’espère que ça ne te dérange pas trop de parler de tout ça. Et en plus je deviens bavarde. C’est vraiment nul. Enfin je voulais te dire que si tu as des soucis pour un cours ou un mot ou un truc et que tu penses que je peux t’aider, n’hésite pas a me demander, c’est avec plaisir. Apprendre c’est aussi s’entraider je pense. »

C’était cliché, bateau, moche et mal avancé. Mais c’était dit, elle n’allait pas revenir dessus. Elle se souvenait que trop bien de son dépaysement en arrivant à Poudlard ou lors de son voyage en Europe. Les langues inconnues même avec la potion polyglotte, les coutumes étranges et ce sentiment lancinant que la maison était loin.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: Etre né quelque part   Etre né quelque part EmptyMar 21 Juil - 11:52:28

Zân-mari’ était à l’évidence fatiguée. Son pas se faisait plus hésitant, et son dos moins droit. Et tandis qu’elle marchait dans les couloirs, sa main prenait appui sur les murs.
Elle n’en pouvait plus de cette ambiance, de ce monde. Tous semblaient aussi affairés que des fourmis, bruissant dans tous les sens, mais en réalité, il n’y avait rien derrière. Que des paroles, beaucoup de paroles. Ils s’épuisaient en marches stériles, sans autre but que de faire quelque chose. Il n’y en avait pas un, qui, parce qu’il n’avait rien à faire, restait immobile, calme, silencieux.
Même à la bibliothèque, haut lieu de recueillement, le silence n’était jamais total. Il n’y avait qu’en cours, que, parfois, un élève arrêtait tout bruit, dans une sieste plus ou moins visible. Décidément, ils n’avaient aucun sens du « bon moment », malgré tous leurs moyens de mesurer le temps.

C’est dans cet état d’esprit que Zân finit par arriver, ô miracle, dans le parc. Pourquoi le parc ? Simple : il y a des choses relativement immuables, quel que soit la région dont on est originaire. La recherche de tout ce qui peut vous rappeler chez vous lorsque la séparation est trop longue, notamment. Et ce que Zân cherchait dans ce parc, c’était un bout des Jardins de son pays.
C’est sous les branches ployant d’un cèdre qu’elle trouva son bonheur. Et avant de s’asseoir, elle cassa une des branches, libérant un doux parfum. Un petit bout de Babylone.

Mais tout petit, alors. Car quel que soit l’endroit où le regard de Zân portait, le parc était décevant. Trop plat, trop vide, trop petit. Un horizon de bâtiments venait toujours limiter sa vision. Rien à voir avec les Jardins, avec un « J » majuscule : les Jardins Suspendus de Babylone. Cette merveille, que tous les awîlu* croyaient perdus, et que beaucoup d’âsipu** ignoraient encore exister. C’est vrai que les millénaires de guerres, de pillages et d’exactions qu’avait subit la Grande Ville rendait ses habitants prudents à l’extrême. Si la splendeur attire les convoitises, ruinons-là ! Du moins en apparence.
C’est ainsi que très peu de gens avaient contemplés ces terrasses successives, plantés d’arbres odoriférants et supportées par d’élégantes colonnes ; ces allées ombragées, reposantes, perturbées par les cris d’oiseaux exotiques, de chats et de singes ; ces kiosques d’ivoire finement taillé par les phéniciens, il y a cela des centaines d’années ; ces cascades qui tombaient en fracas ou suivant une pente douce ; ces escaliers à n’en plus finir, peuplés de lamassu*** plus grands que nature, veillant à votre douce ascension. Dans un sens, c’était une chance. Quiconque avait vu ces Jardins ne pourrait jamais réellement en apprécier d’autres.
Zân-mari’ en était à peu près là dans ses souvenirs, quant une salutation pour le moins étrange la ramena en Angleterre.


« Salamu ».

Etonnée, Zân leva la tête vers la personne qui venait de la saluer si ploiement. Malgré l’accent un peu…original… l’orientale avait réellement cru à l’arrivée d’un compatriote. Mais chez elle, on ne faisait pas ce type de cheveux. Ou rarement.
D’un sourire et d’une sentence appliquée, elle remercia la jeune femme :


« La paix avec toi, aussi. »

Mais avant qu’elle ait pu faire le moindre geste d’invite, l’inconnue s’assit et se lança dans de grandes tirades. Le visage de Zân se ferma légèrement. Au lieu de confirmer les espoirs de Zân-mari’, la rouquine s’était conduite d’une manière qui frisait l’impolitesse. Mais à la fin des torrents de paroles de la jeune fille, Zân était souriante. Elle n’était pas impolie, juste ignorante des usages, ou simplement peu habituée à ce genre d’approches. Et ses intentions étaient sinon totalement dépourvues de curiosité, au moins nobles.
Toujours souriante, Zân fouilla dans sa besace et en sortit sa longue boite conservant des pains d’argile meuble toujours humides. Elle en aplatit un petit entre ses paumes, et utilisant le bout de branche de cèdre qu’elle avait posé près d’elle, elle dessina ce qui ressemblait à une carte du proche orient et fit un point en plein milieu. Elle tendit le pain à la jeune fille :


« Babylone ».

__________________________________

*awîlu : moldus
** âsipu : sorciers
*** lamassu : sorte de taureaux à tête humaine et ailés

En cadeau bonus, une vue d'artiste des jardins de Babylone !

Spoiler:
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: Etre né quelque part   Etre né quelque part EmptyLun 10 Aoû - 15:58:23

Ah tiens, alors comme ça le joli petit salut de la jeune femme appelait la paix ? C'était… original, rafraîchissant même en période de guerre. Pendant une seconde, Deryn l'envia de parler aussi légèrement de choses qui n'étaient plus mais cela se dissipa vite. En tant qu'étrangère (dans le sens le plus basique du mot - "qui n'est pas d'ici"), Zân-Mary avait la chance de ne pas être prise dans le conflit qui secouait le Royaume Unis. Avec un peu de prudence, elle pourrait même passer entre les mailles du filet, rester neutre et s'en sortir, chose quasi-impossible pour le peuple sorcier britannique.

Un peu perdue dans ses réflexions concernant le Salamu et l'avenir de sa patrie, et surtout trop nerveuse pour être véritablement attentive, la rouquine ne remarqua pas l'ombre qui passa sur le visage de la jeune femme. Tout ce qu'elle pu voir fut son sourire et une curieuse petite boite dont elle tira une sorte de pâte à modeler en argile sur laquelle elle grava une petite carte avec une assurance et une habilité remarquable. C'était très joli. Probablement le nord de l'Afrique ou un peu plus à l'Est, elle n'était pas sure. Il lui semblait vaguement voir l'Egypte, peut-être euh… la Turquie ? Elle avait beau avoir apprit la carte du monde quand elle était gamine, avec tous les états et leurs capitales, ce genre de chose s'était effacé de son cerveau bien plus vite que cela n'y était entré. Et elle ne voyait pas la Grèce que pour le coup elle aurait reconnu. Enfin.

Avec un sourire, Deryn lui rendit la tablette et chercha dans son sac un atlas qu'elle avait prit juste pour l'occasion. Elle chercha dans ses souvenirs la localisation approximative de Babylone, ne la trouva pas et se laissa guider par la carte et ses souvenirs. Salamu ressemblant à Salaam, elle commença avec Israël et Palestine puis chercha des mers, des fleuves, une forme bizarre, bref n'importe quoi qui puisse la guider. C'est ainsi qu'elle arriva sur la carte qui allait de la mer noire au golfe persique. Elle chercha un moment puis tendit le dessin à sa voisine.


"Babylone ?"

Le silence de la jeune fille lui avait bien fait comprendre qu'elle n'aimait pas vraiment discuter mais rester immobiles et silencieux n'était jamais très utile pour communiquer. Et puis d'abord, si Zân était venue jusqu'ici c'était surement pour une raison et quitte à fréquenter des birtish, autant communiquer avec eux et partager les différentes cultures… non ?

"C'est là où il y avait les Jardins non ? Tu es vraiment loin de chez toi dit donc."

Et avant que la nervosité ne la fasse parler davantage, elle s'arrêta net, rougissant un peu de sa propre bêtise. En fait, elle ne savait pas vraiment quoi dire. Elle ne pouvait décemment pas aborder la jeune fille en lui disant "t'as l'air d'être une fille intéressante, soyons amies". C'était le genre de truc qui marchait chez les enfants mais les adultes se devaient d'être plus compliqués. Ils étaient trop corrompus par la société pour rester simple.

"Je ne suis vraiment pas douée."

Elle lui fit un nouveau sourire, timide et désolé cette fois et remit une mèche de cheveux derrière son oreille avant de poser ses mains à plat sur le sol pour ne pas être tentée de les triturer nerveusement. Ce n'était pas facile de se lier avec la jeune fille. Mais en même temps, si ça l'était, elle ne se serait pas décidée à le faire. Les gens intéressant sont bien souvent des solitaires, même lorsque - comme Lacey et Livious - ils essaient de se faire croire populaire.

"Je te dérange ? Je ne t'ai pas demandé. Et d'ailleurs, je m'appelle Deryn."

Même si elle devait le savoir, ils se présentaient toujours en début de cours en début d'année. Enfin. Si cela pouvait leur permettre de partir sur des bases plus saines pourquoi pas.

" Et en fait, je venais parce que… tu vas trouver ça idiot, mais je te voyais toujours toute seule et je me suis dit que tu devais te sentir bien triste."

Voila, comme ça au moins c'était dit et si elle ne voulait pas d'elle, elle saurait le lui faire comprendre.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: Etre né quelque part   Etre né quelque part EmptyMar 11 Aoû - 13:53:26

Comme si la simple mention de Babylone appelait le recueillement, la jeune fille ne prononça pas un mot en rendant la tablette à Zân-mari’, qui la remodela effaçant ainsi toute trace de la carte. Elle ne parla pas plus en lui tendant le livre qui venait de l’éclairer sur la position de la ville. Et ce fut avec une joie non mélangée que Zân pris l’atlas. Elle aimait ce genre de livre.
Chez elle, les maisons étaient peintes, les murs étaient ornés de briques glaçurées formant des scènes fantastiques, les habits chatoyaient sous les mélanges parfois improbables des tissus. Mais pas les écrits. Qu’ils soient inscrits sur des tablettes ou dans la pierre, ils étaient monochromes. Ici, tout était inversé : les murs étalaient la même morne couleur sur toute leur longueur. Quelques tableaux venaient bien les orner, mais sans imagination, ni lien. Et ils avaient beau réunir une multitude de couleurs différentes en leur cadres, cela ne les rendait que plus sombres. Tous portaient les mêmes nuanciers de bruns, bleu ou noir. Parfois la tache vive d’une jupe colorée apparaissait, mais elle était trop vite engloutie dans la masse terne des autres habits. Mais les livres étaient d’une splendeur dont Zân ne se lassait pas, admirant ces couleurs éclatantes posées sur un support si fin, si fragile. Elle s’était vite rendu compte que mis à part quelques livres explicatifs, comme cet atlas, la plupart de ces livres étaient destinés aux enfants, comme si les adultes n’avaient plus le droit de contempler ces trésors. Cruelle punition. Elle s’était mit à les collectionner.
Se penchant sur la carte, elle passa le doigt le long de l’Euphrate. Bleu. Voilà Babylone : un carré rouge. Et tout autour, une étendue jaune. C’est étrange, elle n’aurait pas mis ces couleurs. Elle aurait mit du vert et du bleu pour Babylone, et un brun clair tout autour. Et du blanc pour l’Euphrate.

Pendant que Zân caressait amoureusement la carte, la propriétaire n’avait que peu parlé. Souriant à la mention des Jardins, Zân cassa une ramille encore porteuse d’aiguilles de sa branche de cèdre un instant délaissée et la posa sur le carré rouge symbolisant sa ville.


« Oui, les Jardins… » Elle sembla chercher quelques instants un mot, puis, comme il lui échappait, elle se contenta de conclure dans sa langue « ishtum dâr, ana dâr * ». Après tout, les proverbes étaient bien souvent intraduisibles.

Elle referma le livre d’un coup un peu sec, et le rendit à la jeune fille. Elle avait dit s’appeler « Dêr-in ». Immédiatement, la mémoire de Zân lui fourni l’information : Deryn Cadell, en deuxième année. Pas la même filière.
Souriant, Zân pencha très légèrement la tête et porta la main devant son front, sans quitter la jeune fille des yeux. Elle s’était appliquée à traduire les formules des politesses, et se réjouissait que cela serve enfin.


« Shatsir Zân-mari’, fille de Nâgir-ekalli, descendant de Shumu-la’el… »
Elle ne put finir sa phrase que dans un petit rire. Comme cette salutation lui semblait creuse, maintenant. « Oublie cela, appelle-moi Zân. Et pardonne si je t’ai offensée par mon silence, ce n’était pas mon intention. Blâme l’habitude et l’éducation, non ma nature. »

C’était vrai qu’étrangement, depuis qu’elle était arrivée dans ce drôle de pays trop sombre et trop liquide, elle se permettait des choses qu’elle avait oubliées depuis si longtemps. C’était peut-être pour ça que la jeunesse de son pays fuyait : ils étaient trop jeunes pour supporter la pompe exsangue qu’on leurs imposait.
Quant à la solitude… non, elle ne pouvait pas vraiment dire qu’elle se sentait plus seule qu’avant. En revanche, peut-être plus perdue.


« La solitude est une ancienne amie, maintenant, j’aimerais voir autre chose ! »

Tout en riant doucement, d’un rire silencieux qui faisait s’ouvrir ses lèvres en un sourire toujours plus grand, Zân enleva le châle de sa tête et le drapa sur ses épaules, l’accrochant avec une de ses épingles d’argent. Elle offrit son visage à un timide rayon de soleil. C’était mieux que rien.

____________________

* « ishtum dâr » : « depuis des temps immémoriaux » / « ana dâr » : « pour toujours »
z
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: Etre né quelque part   Etre né quelque part EmptySam 19 Sep - 7:11:11

La langue de Zân coulait comme un ruisseau effleurant des graviers. A la fois liquide et rugueuse, en tout cas aux oreilles de la galloise, plus habituée aux pierres au fond de la langue. Elle hocha la tête en entendant le proverbe, pas parce qu’elle était d’accord avec son contenu – elle n’avait de toute façon pas compris un mot – mais parce qu’elle comprenait la démarche. Combien de fois avait-elle laissé échapper un terme gallois, incapable de trouver son alter ego britannique. Et combien de fois avait-elle soupiré mentalement en voyant l’incompréhension de son interlocuteur. Les langues reflétaient une pensée, un esprit, et comme chaque culture est différente, la traduction parfaite n’existe pas.

Zân referma le livre un peu sèchement et le lui rendit, se présentant tandis qu’elle le rangeait précieusement dans son sac. Elle sourit. Elle aussi aurait pu se présenter comme la descendante des Talfryn, Caerwyn et autre Cadells. Et, compte tenu du climat politique, il était probable qu’elle ait à le faire dans les prochaines années mais pour le moment, elle savourait de n’être que Deryn Cadell, apprentie médicomage en deuxième année. Etre Deryn Cadell fille de cracmol ou même Deryn Cadell, sorcière simple l’agacerait beaucoup plus. Lui rendant la politesse, elle se toucha le front aussi.


« Enchantée. Oh et ne t’en fais pas pour l’accueil. Je suis pas non plus très douée pour faire connaissance comme ça. »

Elle lui sourit à nouveau, pensant que visiblement, elles étaient deux. Toutefois, Zân se rattrapait bien puisqu’elle avait réussi à la mettre presque à l’aise. Presque, parce que le vocabulaire utilisé était bien trop correct et trop archaïque pour être totalement normal. Cependant, cela ajoutait un charme certain à une demoiselle qui en avait de base beaucoup. Et qu’est-ce qu’elle était belle quand elle enlevait ce châle ou quelque-soit-le-nom-du-truc-en-tissus-qu’elle-avait-sur-la-tête ! Bref, le contact était mit, il fallait maintenant arriver au vif du sujet.

« Cool. Donc, je me disais, je sais que je ne fais pas partie du BDE et tout comme ça mais je sais ce que c’est que d’arriver dans un pays totalement différent et à quel point c’est dur parfois et donc, euh, si t’as besoin d’aide, ou juste envie de parler, ou quelque chose que tu ne comprends pas tout ça, ben… je me disais que je pouvais peut-être t’aider. Si tu veux. »

*Sinon ce n’est pas grave* s’empêcha-t-elle d’ajouter, maudissant l’été pourri qui l’avait faite redevenir presque aussi stupide qu’au début de l’année dernière lorsqu’elle bégayait des réponses approximatives en cours. Elle soupira, consternée par sa propre bêtise et ferma les yeux à son tour au timide soleil d’automne. Ici, au sud, il était plus chaud que dans son pays natal mais sa peau se souvenait encore de celui de Grèce, dangereux et brûlant. Et du sourire d’Odysseus qui ne quittait que rarement son esprit. Ceux de Livious et de Cadfael vinrent le rejoindre, arrachant un soupir triste à la jeune femme. Elle ne supporterait plus très longtemps que tous ses proches se fassent blesser par les ténèbres.

« Ma sœur est dans la même filière et la même année que toi aussi, donc s’il y a un cours que tu n’as pas pu prendre, j’pourrais voir avec elle pour qu’elle te le prête, ou même, avec un sort de copie c’est rapide. »

Elle rouvrit les yeux et lui sourit à nouveau, retenant les innombrables questions qui se pressaient à ses lèvres et les d’autant plus nombreuses remarques sur sa propre futilité. Mais comment ne pas se demander pourquoi elle utilisait de la terre ? Si elle avait fait des études avant ? A quel point l’éducation était différente dans son pays ? Ou encore s’il existait des runes babyloniennes pour qu’elle en offre à sa sœur à Saimain…
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: Etre né quelque part   Etre né quelque part EmptyDim 27 Déc - 19:25:54

Décidément, tout n’était pas perdu dans ce pays gris. Certains montrait à la fois de l’amitié, de la gentillesse et de la politesse. Tout en sachant que cela était parfaitement ridicule, Zân ne pût s’empêcher d’être touchée par le geste de la jeune fille lui rendant son salut dans des formes qui n’étaient de toute évidence pas les siennes.
Elle fût encore plus touchée par la proposition d’aide aux cours. C’était dit simplement, avec bonté, sans insister sur une quelconque faiblesse. Elle n’insinuait rien, elle proposait. Ça encore, c’était de la politesse, mais ô combien agréable. En retour, Zân lui adressa un sourire solaire, un de ces sourires qui étirait se lèvres d’un bout à l’autre de son visage. Un sourire qui aurait tenu de la grimace s’il avait été moins heureux.


« Amie, voilà des paroles bonnes et belles. Serais-je moins pressée par le besoin que je ne t’en saurais pas moins reconnaissante. »

Elle fit une légère pause. Non, sa réponse était trop abrupte ainsi, une telle gentillesse méritait au moins quelques explications. Elle fit un quart de tour pour se mettre en face de Deryn. Une jambe pliée en tailleur, l’autre servant d’appui à son coude, elle présenta la paume de ses mains au ciel. Une attitude de franchise cherchant à convaincre de sa bonne foi.

« Je dois l’avouer : je puis m’accoutumer à votre manière d’écrire. C’est un drame, elle a l’air si rapide, plus rapide que la mienne. Un pain d’argile et un roseau vont moins vite que les paroles, ainsi celles-ci sont plus belles et moins futiles… »

Elle se mordit les lèvres. Non pas que le proverbe soit mal traduit, au contraire, mais il était clairement mal choisit. C’était parfaitement l’exemple de ce qu’elle cherchait à éviter depuis qu’elle était sortie de sa terre natale. A force de répétition, certaines choses étaient rentrées dans son esprit. Et c’étaient souvent des mots blessants pour les autres cultures. C’était là toute la fierté dénaturée de son peuple.

« Pardonne ma faute, ce n’est pas ce que je voulais dire. Les mots sont venus seuls à mes lèvres, ils ne sont pas passés par le cœur. Je voulais simplement évoquer le fait que je ne peux tenir une plume sans que cela ne finisse en lacs d’encre. Ma mémoire ne suffira pas à emmagasiner tout ce savoir, c’est ainsi que je te suis gré de ta proposition ».

Un blanc se fit, mais avant que la rouquine n’ait repris la parole, Zân ajouta tout à trac, dévorée par la curiosité :

« Excuse si je suis inconvenante, mais puis-je te demander d’où tu viens ? Tu as dis que tu comprenais la peine de l’exil. L’as-tu souffert ou la vis-tu ? »

Zân s’arrêta, effrayée et mortifiée par son audace. On ne devait pas importuner les gens ainsi. Surtout les personnes qui avaient un plus grand savoir que soi. Elle eût un timide sourire d’excuse. N’empêche, elle voulait savoir.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: Etre né quelque part   Etre né quelque part EmptyDim 28 Mar - 2:43:51

Non seulement son accent était exotique mais en plus la jeune femme parlait comme un livre de conte, tordant les phrases, déplaçant les mots pour les rendre plus chantant, un peu comme ces histoires dont le rythme prenait peu à peu la place des mots. Ce qu’elle disait sembler entrer directement dans le cœur de la galloise. Peut-être parce que sa culture était essentiellement orale. Enfin c’était ce qu’elle avait comprit du curieux proverbe cité par sa nouvelle amie. Elle sourit.

« Oui, la plume n’est pas ce qu’il y a de plus pratique. Mais j’ai quelque chose qui devrait pouvoir t’aider déjà. »

Elle fouilla dans son sac et y dénicha un crayon en papier qu’elle tendit à la jeune fille.

« C’est généralement plus utilisé pour le dessin mais ça fonctionne alors on ne va pas cracher dessus. Tu l’utilises comme une plume et il écrit directement. Pas besoin d’encre. Et si tu as fait une bêtise, il y a ça. » Elle sortit une gomme de sa trousse et la lui tendit également. « Tu frottes avec la gomme là où tu t’es trompée et le crayon s’efface. Ainsi tu pourras prendre tes cours et tu auras tout le temps pour te faire à la plume.»

Sortant un nouveau set, elle écrivit son nom sur le parchemin, l’effaça à la gomme et le remplaça par une orthographe phonétique de celui de Zan.

« Garde les, essaie et tu me diras si ça t’a été utile. Je vais voir avec Blodyn pour les cours passés. Tu arrives à lire notre alphabet où tu auras besoin qu’on les revoit ensemble ? »

Deryn, fière de sa trouvaille (elle avait hésité a lui donner un bic mais ils étaient trop moldus), souriait largement. Sourire qui ne s’effaça pas à la question de l’étrangère, au contraire. Elle devenait curieuse, cela voulait dire qu’elles ne s’entendaient pas trop mal.

« Je viens du Pays de Galles. »

Elle rouvrit son atlas et montra approximativement la position de son village.

« Officiellement cela fait partie du Royaume Unis mais nous avons notre propre drapeau, notre hymne, nos fêtes et notre langue alors d’un certain côté l’on peut dire que je suis exilée. Toutefois je faisais plutôt référence à la Grèce »

Tournant quelques pages, elle montra Ithaque du doigt.

« Après mes ASPICs, j’avais décidé de faire un tour de l’Europe pour me changer les idées et faire le point sur moi-même. Au bout de quelques semaines, je suis tombée sur la Grèce. J’y suis restée six mois. Comme toi, je ne connaissais pas la langue, pas vraiment l’alphabet et encore moins la culture. J’ai commencé à apprendre la médicomagie là bas. »

Pieu mensonge mais même à une étrangère, elle ne pouvait avouer qu’elle avait travaillé dans un hôpital moldu. On ne savait jamais ce que l’avenir réservait. Cette fille était peut-être une mangemorte. Même si c’était peu probable.

« Et toi ? Qu’est ce qui t’amène chez nous ? L’UMA attire des sorciers d’un peu partout mais je dois avouer qu’il est très rare d’en rencontrer venant d’aussi loin. La plupart son Slaves ou Français, va savoir pourquoi. »
Revenir en haut Aller en bas
  • Contenu sponsorisé
MessageSujet: Re: Etre né quelque part   Etre né quelque part Empty

Revenir en haut Aller en bas
 Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le Miroir du Riséd :: Hors-Jeu :: Archives :: Années passées-