Une partie d'échecs ? [Prio Bill]

Voilà un dimanche comme Revan les aimait. Elle s'était levée pour le repas de midi, s'était paresseusement rendue dans la Grande Salle pour remplir son ventre qui hurlait de famine, et remontait maintenant dans sa Salle Commune, enjouée et repue. Elle avait même pensé à glisser une pomme et quelques biscuits dans sa poche, histoire de grignoter un peu. Elle s'interrogeait sur ce qu'elle allait faire de son après-midi tout en montant tranquillement les escaliers jusqu'à sa tour. Lire un peu, sûrement, si elle ne trouvait personne pour discuter. Peut-être... faire ses devoirs. Il faudrait bien qu'elle s'y mette, de toute façon, maintenant ou ce soir. Elle grogna à cette pensée et secoua la tête : pas question de s'assombrir les idées avec ça !

Elle arrivait face au mur où était accroché le portrait de la Grosse Dame. Revan lui balança nonchalamment le mot de passe, et le tableau pivota pour la laisser entrer. Elle s'engouffra dans la salle commune accueillante et réconfortante des Gryffondor. En ce dimanche glacé, il y avait du monde rassemblé dans les fauteuils, se réchauffant grâce à la grande cheminée. Sur un des sièges défoncés, la brunette aperçu Bill plongé dans son manuel de cours. Le gosse se mettait souvent assis à côté d'elle en classe, et elle l'appréciait malgré quelques moments de bizarreries (il la fixait parfois avec un air des plus gênants). Elle aimait bien le charrier sur le fait qu'il ne connaissait rien au monde sorcier et semblait toujours tomber des nues dès qu'il découvrait quelque chose de magique. Elle sourit en repensant à la fois où il avait carrément oublié d'apporter sa baguette magique en cours de métamorphose. Heureusement pour lui, ça n'avait pas eu lieu durant le cours de Rogue. Il se serait prit l'humiliation du siècle.

Enthousiaste, elle se jeta dans le fauteuil où son camarade étudiait, ou plus exactement, s'élança avec légèreté en position assise sur l'accoudoir.

-Salut Bill, comment ça va ? Tu fais tes devoirs ?

Elle baissa les yeux vers le livre que l'Irlandais tenait entre ses mains : en effet, il s'agissait du manuel de Défense contre les Forces du Mal. Et sur une des pages ouvertes, il avait posé un parchemin, sur lequel il avait commencé à écrire quelques trucs. Oh non ! Elle venait le voir pour se détendre, pas pour qu'il lui rappelle qu'elle avait des devoirs à faire... Bien décidée à repousser l'échéance, elle le regarda d'un air dubitatif.

-T'as pas envie de faire autre chose ? Euh... Un truc sorcier par exemple ?

Là au moins, elle était sûre qu'il accepterait. Elle se mit aussitôt à réfléchir: quel « truc sorcier » marrant pouvait-elle lui proposer ? Elle n'avait pas grand chose, en fait...

Ô doux dimanches où grasse mat' et flemmardise étaient de mise. Levé juste avant l'heure du repas comme à son habitude en ce jour de liesse et de repos, le jeune Faith bénissait chaque instant passé dans cette école qui ne cessait de l'étonner avec ses profs, ses cours, ses secrets et ses surprises. Il fallait dire que le monde des sorciers, et tout particulièrement Poudlard où beaucoup d'élèves apprenant la magie se trouvaient, recelaient un nombre de possibilités d'aventure et d'amusement infini. Et que dire des dimanches! Lorsque les cours ne venaient pas perturber son besoin de sommeil et que sa soif d'exploration n'avait de limites que l'heure du coucher... Sauf quand on avait des devoirs. Rogue les avait comme à son abitude accâblés de devoirs pour la prochaine séance et le première année se retrouvait coincé dans la salle commune de sa maison pour tenter de travailler. Néamoins, feuilletant son manuel de Défense contre les Forces du Mal, il s'était pris à ne plus rechercher des informations sur les araignées géantes mais à dévorer les chapitres sur d'autres créatures bien plus terrifiantes que les Acromantula.

*ZBAM!*

-Salut Bill, comment ça va ? Tu fais tes devoirs ?

Sa camarade de classe, la charmante et pétillante Revan Austen venait de lui filer la peur de sa vie en sautant sur l'accoudoir déjà malmené par des générations précédentes d'élèves. Après que le choc initial fut passé, le désormais cinquagénaire réussit à lui répondre.

- En fait j'avais commencé mais je suis tombé sur d'autres chapitres que ceux sur les araignées qu'on a vu en cours qui ont retenu mon attention.

Il marqua une pause pour regarder de nouveau la page sur laquelle il s'était arrêté. Lui, pauvre petit Irlandais né de parents moldus de l'agglomération de Dublin ne parvenait décidément pas à croire ce qu'il lisait dans un livre considéré comme une autorité sur la matière et non un recueil d'histoires d'horreur. En même temps il se doutait que vu l'endroit où il se trouvait désormais le contenu de son manuel devait être tout à fait sérieux.

- Et dire que j'ai toujours cru que les vampires et les loups-garous n'étaient que le produit d'imaginations trop fertiles ou trop imbibés de guiness...

Sa camarade le regardait bizarrement comme si faire ses devoirs ou même lire son manuel pour le plaisir était signe de troubles psychologiques chez l'élève moyen (voire médiocre si l'on parlait de Bill).

-T'as pas envie de faire autre chose ? Euh... Un truc sorcier par exemple ?

Ah! Tiens? Un truc Sorcier? Toujours heureux d'en apprendre plus sur ce qui était désormais son univers aussi, Billy s'empressa de fermer son bouquin et d'attendre avidement la proposition de Revan. Comme celle-ci semblait soudain à court d'idées, il proposa:

- Vous avez des jeux de société magiques ou des trucs dans le genre?

Le pauvre Irlandais était si absorbé par la lecture de son manuel qu'il ne la vit pas arriver, et sursauta violemment à son entrée en matière. Elle éclata de rire devant cette réaction : elle n'était pourtant pas discrète. Elle lui tapota amicalement l'épaule le temps qu'il reprenne ses esprits. Il répondit à sa question avec un air fasciné. Effectivement, en tant que fils de moldu (particulièrement terre-à-terre qui plus est -du moins, il devait l'être, car au bout d'un semestre il ne se remettait toujours pas tout à fait de son arrivée à Poudlard) ce qu'il trouvait dans ses manuels devait le passionner. Elle-même, qui connaissait déjà l'existence de Strangulots, de trolls et autres loups-garous, se plaisait à feuilleter les livres de cours ou les ouvrages de la bibliothèque. Ils vivaient dans un monde fascinant, et Poudlard était concentré de fascination pour quelqu'un qui n'avait jamais cru à ce monde.

- Et dire que j'ai toujours cru que les vampires et les loups-garous n'étaient que le produit d'imaginations trop fertiles ou trop imbibés de guiness...

Revan haussa un sourcil. Elle ne comprenait pas le rapport entre les créatures et la bière. Elle regarda son camarade d'un air un peu choqué : Bill était-il du genre à boire de l'alcool ? Pour sa part, elle n'en avait jamais touché une goutte, et n'avait vu des gens saouls qu'à la télé. Enfin, elle savait que ses oncles et tantes avaient déjà eu ce que son père appelait un « coup dans le nez » (étrange expression !) lors des fêtes ou réunions familiales, mais elle était trop jeune pour vraiment se rendre compte de ce que ça impliquait. En tout cas, il lui semblait qu'aucun de ses oncles n'avait parlé de vampires ou loups-garous quand ils avaient un coup dans le nez... Quoi qu'il en soit, elle pensait que la bière était un truc d'adultes, et préférait ne pas penser que Bill en consommait. C'était comme imaginer son camarade en train de fumer : impensable ! Elle ne désirait pas fréquenter ce genre de personnes. Ça l'aurait déçue de la part du lionceau.

Elle chassa ces réflexions de ses pensées, alors que le garçon la regardait d'un air soudain intéressé. Elle savait qu'il ne résisterait pas à l'idée de découvrir un nouveau truc magique. Malheureusement, il proposa l'idée qu'elle aurait préféré éviter : un jeu de société magique... Oui, les sorciers avaient des jeux de sociétés. Des jeux de cartes sauteurs, et d'autres trucs dans ce goût-là. La gamine n'était pas fans de jeux de sociétés, qu'ils soient moldus ou non. Elle n'en avait donc pas dans ses affaires. Enfin... Elle avait bien quelque chose. Un truc inutile que son grand-père lui avait donné, considérant cette activité comme très bénéfique, et l'avait priée de l'emmener à Poudlard afin de s'en servir pendant son temps libre. Il pensait que c'était « bon pour l'esprit ». Elle répondit, une moue évasive sur le visage :

-Mouarf, j'ai bien un jeu d'échecs sorciers, mais... J'ai horreur de ça. On a essayé de m'apprendre à y jouer, mais je trouve ça nul. T'aurais aucun mal à me battre, je sais juste bouger les pièces.

Elle balançait légèrement ses jambes, toujours assise sur l'accoudoir du fauteuil. Elle aurait pu faire croire à son camarade qu'elle n'avait aucun jeu, mais autant être honnête : comme ça, elle pourrait faire plaisir à son grand-père en lui disant qu'elle avait utilisé son échiquier. Et elle préférait ça plutôt que les devoirs. Ça irait vite. Elle n'exagérait pas en disant qu'elle ne savait pas jouer! Le concept de stratégie lui échappait complètement. S'il s'y connaissait en échecs, même moldus, il la battrait en quatre ou cinq coups sans difficulté.

Revan sembla hésiter un instant à répondre à sa question. Elle semblait guère désireuse de jouer à un jeu de société magique alors que ce qu'elle avait en tête devait être mille fois plus palpitant. Mais elle répondit tout de même par l'affirmative, avouant posséder un jeu d'échecs et être nulle à ce jeu. Billy réagit au quart de tour, il adorait les échecs. Son père et son grand père étaient tous deux de redoutables joueurs et il avait passé de nombreuses soirées à les regarder batailler ferme jusqu'à la dernière pièce, ou à jouer contre eux avec ses maigres capacités. Il ne comptait plus les défaites mais il fallait lui reconnaître quelques victoires de temps à autres et il en tirait une certaine fierté.

J'adore les échecs, je jouais tout le temps à la maison! Mes parents sont super doués alors on fait presque que ça les soirs où y'a rien à la télé...

Puis il réfléchit un instant à la mine déconfite de Revan.

Et euh... Les échecs sorciers ça consiste en quoi exactement?

Si les pièces divergeaient (il voyait bien à la place du cavalier un joueur de quidditch) cela rendrait la partie plus ardue...Mais si c'était la nature du jeu qui changeait radicalement, alors il lui fallait savoir à quoi ça ressemblait.

On fait juste une partie pour voir et si ça nous botte pas on peut faire autre chose...

Mais en réalité il ne souhaitait rien de plus que de faire une partie d'échecs. Cela lui avait tellement manqué depuis son arrivée ici, il avait hâte d'en découvrir les subtilités dans le monde des sorciers.

Comme elle s'en était douté, Bill s'enthousiasma immédiatement à la perspective de la partie d'échecs. Elle en était sûre : le gosse avait une tête à aimer ce genre de truc. Encore un maso, qui aimait se torturer la tête pendant des plombes pour des machins de rien du tout... Elle était sûre que son camarade pourrait aimer les maths, s'ils étaient dans une école moldue ! Le gamin tenta tout de même de mesurer sa joie en voyant l'air légèrement morose de Revan, ce que cette dernière apprécia. Il lui demanda néanmoins quelles étaient les différences entre la version moldue et la version sorcière du jeu.

-Oh, c'est simple... Les pièces d'échecs sorciers sont vivantes. Elles donnent leur avis, désobéissent parfois, et sont plutôt violentes entre elles. Elle hésita une seconde, puis corrigea : Non, en fait, elles sont violentes en général.

Billy proposa un compromis raisonnable, que la brunette ne mit pas longtemps à examiner. De toute façon, ça ne lui coûtait rien de jouer : elle savait qu'il la battrait en quelques coups, surtout qu'il était apparemment assez expérimenté, et elle n'était pas mauvaise perdante pour un sou. Ce serait vite terminé, et ils pourraient passer à autre chose. Revan tapa donc dans ses mains, se relevant de l'accoudoir où elle était toujours perchée, et lança de façon à se dynamiser elle-même :

-Ça marche ! Je vais chercher le jeu, j'reviens.

Joignant le geste à la parole, elle s'élança dans les escaliers en colimaçon qui menait au dortoir des filles. Elle avait laissé Billy en plan dans son fauteuil, mais ce n'était pas grave ; de toute façon, les garçons ne pouvaient pas monter dans ce dortoir. Une fois dans sa chambre, elle alla ouvrir sa grosse malle rangée au pied de son lit, et poussa de nombreuses affaires pour atteindre le fond. Elle ne tarda pas à trouver la boîte en bois qui contenait le jeu d'échecs, emballée dans un linge pour ne pas l'abîmer dans les voyages. Elle sortit la boîte d'une main, remis ses affaires à peu près en ordre dans la valise de l'autre, puis referma le tout. Elle ouvrit le coffret pour s'assurer rapidement qu'aucune pièce ne manquait, et redescendit les escaliers, plus doucement cette fois. Elle rejoignit son camarade Rouge et Or qui l'attendait toujours. Elle s'assit par terre et invita le garçon à quitter son fauteuil pour la rejoindre : ce serait plus agréable. Elle déballa l'échiquier et les pièces, qu'elle installa consciencieusement.

-Tu veux prendre les blancs ou les noirs ? Demanda la fillette.

Elle s'était assise en tailleur devant le jeu, et finissait d'installer les pions. Elle sourit lorsque les pièces se mirent à s'agiter, guettant la réaction de Bill. Mais son sourire disparut aussitôt lorsque le fou des blancs lança en direction du gamin : « Tu la battras en prenant n'importe quelle couleur, mon pote ! Elle est encore plus nulle que sa mère ! »

-La ferme ! Cracha la gosse.

Elle avait oublié combien ces pièces étaient méprisantes envers ceux qui ne savaient pas jouer ! Si elles respectaient totalement son grand-père, Helene et elle-même s'en prenaient pour leur grade à chaque fois qu'elles devaient les manipuler. Ça promettait !