Toutes les légendes ont une fin, même Jemiah Tails ! (PV)

Dix-sept heures... Du moins, c'était l'heure qu'indiquait la grande horloge de Pré-au-Lard, seul bâtiment reconnaissable que la jeune fille pouvait voir d'ou elle se trouvait. Elle avait déambulé dans les rues une bonne partie de l'après midi. Ce matin en se levant, elle avait ressentit le besoin d'être seule, pour une journée, comme on était samedi, elle en avait profité pour filer à Pré-au-Lard. Et c'est là que vous vous demandez tous qui est cette jeune fille, et pourquoi voulait-elle être seule ? Deux questions, deux réponses. Premièrement, facile, cette jeune fille était la jolie blondinette, préfète de Poufsouffle, Jemiah Tails, nul besoin de la présenter, tout le monde la connait. La réponse à la deuxième question est légèrement compliquée, généralement, quand les gens veulent se retrouver seuls, c'est qu'ils ne vont pas bien, qu'ils veulent faire le point, et ce n'était pas le cas de Jemiah. Elle était certainement, en ce moment, la plus heureuse des filles, elle avait tout ce dont elle avait besoin, et tout ce qu'elle avait lui suffisait. Elle était reconnue et respectée, elle avait un petit copain qui l'aimait et qu'elle aimait, une famille très présente et attentive, ses résultats en cours n'étaient pas excellents, mais tout de même satisfaisant, elle avait des amies, bref, une vie à ses yeux parfaite. Mais ce matin, c'est comme poussée par une force invisible qu'elle s'était rendue à Pré-au-Lard. Après avoir bu un chocolat chaud aux Trois Balais, ce dont elle avait bien besoin vu la température glaciale qui régnait en ce moment, elle avait commencé à déambuler dans les ruelles sans savoir réellement ou elle allait.

Jemiah inspira un grand coup. L'air froid lui brûlait les poumons, mais cette légère douleur, c'est ce qui faisait que Jemiah se sentait vivante, son corps lui répondait, protestait, il n'aimait pas qu'on lui fasse du mal, et comme pour se révolter, ses poumons recrachèrent le dioxyde de carbone toxique. Un nuage de vapeur d'eau se forma instantanément autour de sa bouche quand elle expira. Elle avança quelques mètres pour trouver un endroit confortable ou s'asseoir. Il y avait, sur la côté de la route, un gros rondin de bois laissé à l'abandon qui lui offrirait le siège parfait. Au moment ou ses fesses rentrèrent en contact avec le rondin de bois, Jemiah ne put réprimer un frisson, il était gelé. Tant pis, elle supporterait le froid jusqu'à ce que ses fesses se réchauffent, nul besoin d'utiliser la magie pour cela. Elle sortit de sous sa cape un carnet qui ne la quittait plus depuis quelques semaines, ainsi que sa plus belle plume, et un petit pot d'encre. C'était l'endroit rêvé... En effet, depuis quelques temps, elle avait commencé à écrire des poèmes, et dès qu'elle trouvait un moment libre, elle écrivait. Elle posa sa plume sur la feuille, et, très inspirée, elle se mit à écrire instinctivement

J'ai peur que pour toujours je devienne un chiffre comme racine de trois
Et trois est tout ce qui est bon et vrai pourquoi mon 3
fait-il les frais d'une racine froide comme un oeuf ?
J'aimerais plutôt être un neuf
Car neuf est beaucoup plus sympathique
Quand on fait de l'arithmétique
Connaitrons-nous le même destin
Tel 1,7321 ?
Car telle est ma réalité
Une triste irrationalité
Mais Ah ! Qu'est ce donc que je vois ?
Une autre racine carrée de trois !
Et qui tranquilement vient valser
Et nous voici multipliés
Formant notre chiffre préféré
Réjouissons-nous d'être intégrés
Libérés d'un mortel poids
Nous retrouvons enfin la joie
Notre racine carrée dénouée
Et notre amour bien renommé

*Waaaaaaaaah j'suis trop forte ! Ecrire un truc si nul en si peu de temps, c'est quand même pas donné à tout le monde !*

Jemiah rangea sa plume, son carnet et son pot d'encre, et s'adossa contre le mur derrière elle, ferma les yeux et laissa ses pensées vagabonder.

Bientôt seize heures, l'heure du thé. James tira de sa poche une flasque et avala une bonne ration de whisky pur, pour remplacer le thé ; légèrement plus fort, mais le breuvage était tout indiqué pour ce qu'il comptait faire. Dans quelques instants, normalement, le jeune Ultan Bower allait le rejoindre, et James pourrait ôter un doute de son esprit. Depuis quelques jours, en effet, il se demandait si le garçon prometteur dont il avait parlé au Lord était vraiment mûr pour l'épreuve d'initiation... Le jeune Kirkby avait déjà commis un faux pas, il ne pouvait pas se permettre d'en faire un deuxième ; il devait ramener une recrue de choix, sous peine d'être tenu pour responsable de ses défaillances.
Ultan ne devait pas recevoir la Marque avant juin, mais James voulait le mettre à l'épreuve au plus vite ; d'ici l'été, il serait temps de former le garçon, s'il s'avérait qu'il n'était pas si prometteur qu'il en avait l'air.
Remisant la flasque dans la poche de sa cape, James alluma une cigarette, et s'avança vers la fenêtre barrée de planches de la cabane. À un endroit, les planches s'étaient un peu disjointes, de sorte que le jeune homme pouvait observer les environs. Personne en vue, mais Ultan savait être discret.
Le Serpentard poussa la porte branlante à seize heures pile, avec une ponctualité parfaite. Un bon point. James se tourna lentement vers lui, tout en recrachant une bouffée de fumée, et lui adressa un signe de tête. Pas le moindre sourire, pas de signe de connivence ; que Bower fasse d'abord ses preuves, et on verrait plus tard.
En quelques mots, James exposa la situation au Serpentard- de façon très partielle.

-On va aller faire un tour, toi et moi... Considère que c'est ta première mission en tant que Mangemort, même si tu n'en as pas encore la Marque. Son Excellence veut un cadavre à Pré-au-Lard, et nous avons été choisis pour accomplir Sa volonté. Dumbledore et sa bande ont un peu trop tendance à se croire à l'abri, ces temps-ci... Une piqûre de rappel ne fera pas de mal.

Bower avait acquiescé- avait-il le choix ?- et les deux hommes, enveloppés dans leurs capes, capuches baissées, avaient quitté la Cabane Hurlante. Tout en marchant, James observait Ultan à la dérobée ; le jeune homme semblait fier de cette mission, ce qui était tout à son honneur. Bien sûr, Lord Voldemort n'avait jamais donné l'ordre exprès de commettre un meurtre à Pré-au-Lard ; Il avait simplement émis le souhait que Ses Mangemorts rappellent aussi souvent que possible leur existence et leur capacité à frapper partout, de façon que le climat de terreur ne fléchisse pas.
L'obscurité tombait déjà sur Pré-au-Lard, et James sourit en songeant que la Marque des Ténèbres se verrait de loin dans ce ciel d'encre. Les élèves de Poudlard avaient arpenté le village en nombre, mais beaucoup étaient déjà rentrés à l'école ; le froid, la nuit tombante les avaient découragés. Seuls demeuraient quelques irréductibles, parmi les plus âgés, quelques-uns qui avaient d'excellentes raisons de s'attarder ; des amoureux, des solitaires, et un petit groupe de garçons visiblement éméchés. Rien de bien intéressant.
Soudain, au détour d'une ruelle, James s'immobilisa, comme un chien sentant la piste du gibier. À quelques mètres d'eux se tenait une jeune fille assise, sa chevelure blonde flottant autour d'elle... La rue était déserte, et elle était généralement peu fréquentée ; à l'écart de tous les commerces, elle ne desservait qu'une demi-douzaine de maisons au fond de petits jardins.
Le jeune Mangemort appuya sur l'avant-bras d'Ultan pour le faire arrêter, et murmura :

-La voilà. C'est elle qu'on va tuer. Tu la connais ?

Tant qu'à faire, autant être sûr qu'il s'agissait d'une élève de Poudlard ; cela donnerait plus de retentissement au crime que les deux hommes s'apprêtaient à commettre... La vérification des capacités de Bower permettrait ainsi de rappeler à tous la toute-puissance du Seigneur des Ténèbres, Sa capacité à frapper n'importe où, n'importe quand...

Vendredi. Une sombre journée d'hiver, en tout point identique à celles qui l'avaient précédée, mais certainement celle qui allait suivre... Ultan allait rarement à la volière. Il n'avait personne à qui écrire et, de toute manière, il n'aimait pas écrire. Pas assez actif. Car le Serpentard était du genre à faire quelque chose seulement si ce quelque chose en valait réellement la peine...

Plutôt couvert, car la volière était un palais pour les courants d'air, le Septième Année alla directement s'asseoir sur le rebord d'une fenêtre, pour scruter l'horizon. Et là, quel heureux hasard, un oiseau de nuit apparut, dessinant sa silhouette sombre sur le ciel bleu, et bifurqua vers lui. Le hibou vint se poser à côté du Vert et Argent et tendit la patte à laquelle était attaché un petit parchemin roulé. Ultan détacha le message et chassa l'oiseau d'un geste de la main.

Citation :: Cher collègue,

J'aimerais te voir demain, au calme. Peux-tu venir me rejoindre vers seize heures, à l'endroit de notre première rencontre ?

Cordialement,

James

Un fin sourire mauvais se dessina sur les lèvres d'Ultan. Puis il se demanda ce que James pouvait bien lui vouloir. Ce ne pouvait pas être une mauvaise nouvelle... Le Mangemort voulait-il juste parler, ou avait-il autre chose en tête ? Le Serpentard sortit sa baguette et brûla le papier. Seize à la Cabane Hurlante, il y serait.

Le lendemain, les élèves de Poudlard avaient eu l'autorisation de sortir à Pré-au-Lard. Le jeune brun, qui n'avait rien d'autre de prévu que ce rendez-vous avec James, quitta le château vers quatorze heures et s'installa dans un coin des Trois Balais, avec une Bièraubeurre. Pas qu'il raffolait de cette boisson, mais mieux valait passer pour un élève comme les autres. Du moins jusqu'à...

Ultan regarda sa montre. Seize heures moins cinq. Il était temps. Quittant le pub, il se dirigea à pas lents vers la Cabane Hurlante, s'assurant de ne pas être suivi ni observé. Puis il s'engouffra dans une ruelle, tourna un angle, puis transplana. Il apparut directement devant la porte de la vieille bâtisse. Il était seize heures. Poussant la porte, il vit que James l'attendait déjà.

Le Mangemort expliqua rapidement la situation. Une mission... Piqûre de rappel pour ce vieux fou de Dumbledore. L'idée plaisait à Ultan. Il ne put retenir un petit sourire, qu'il masqua ensuite, mais c'est dans son regard qu'on pouvait lire une certaine fierté. Le moment où il rencontrerait le Seigneur des Ténèbres, où Celui-ci graverait la Marque dans sa chair...

Le soleil avait déjà entamé sa descente depuis longtemps et commençait à disparaître derrière la ligne d'horizon. Le village perdrait donc un peu de sa vie, laissant quelques élèves s'attarder, seuls ou en groupe... Bien sûr, les solitaires feraient des cibles parfaites. Ultan avait baissé légèrement sa capuche, afin de dissimuler en partie son visage.

Et soudain, son aîné l'arrêta. En effet, il y avait là une jeune fille, seule, assise, visiblement plongée dans ses pensées. Ultan regarda les alentours, il n'y avait pas un chat. Et l'endroit était en général désert à ces heures tardives. James demanda alors si le Serpentard la connaissait.

"C'est la Préfète de Poufsouffle... Quatrième Année, il me semble..."

Ultan s'avança vers elle, réduisant la distance les séparant à trois ou quatre mètres.

"Bonsoir, Tails. Tu ne crois pas qu'il est imprudent de rester ici, sans compagnie, à une heure aussi tardive ? Tu pourrais faire de mauvaises rencontres."

Bien sûr, sous sa cape, il avait sa baguette en main, prêt à parer une attaque ou empêcher toute fuite...

Jemiah n'avait pas entendu le Serpentard s'approcher, elle n'a l'avait pas vu non plus, les yeux fermés, elle s'était laissé porter par ses pensées au rythme des rafales de vents glacées qui venaient soulever ses longs cheveux verts et blancs. Il y avait quelque chose de spécial dans l’air, elle ressentait quelque chose d’inhabituel, malgré tout le bonheur qui inondait sa vie à cet instant présent, elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait cet désagréable impression qui la dérangeait, elle avait un léger pressentiment… Quelque chose allait se produire… En bien ou en mal, avant que cette histoire ne se termine. (J’ai encore trop regardé le seigneur des anneaux moi !) Mais cela n’était pas pour lui déplaire, quelque chose allait se produire et tant mieux, elle commençait à ressentir la monotonie, la routine, de toutes les journées qu’elle passait à Poudlard, les cours, les repas, la nuit, les cours, les repas, la nuit… Bref, même si ce qui allait se passer n’était pas de très bonne augure pour elle, elle saurait s’en contenter, tout ce qui pourrait briser cette routine était bon à prendre !

"Bonsoir, Tails. Tu ne crois pas qu'il est imprudent de rester ici, sans compagnie, à une heure aussi tardive ? Tu pourrais faire de mauvaises rencontres."

La voix nonchalante d’Ultan l’avait arraché à ses rêveries, elle ouvrit lentement les yeux, pour voir qui avait oser violer sa solitude. Le temps de s’habituer à la lumière, après avoir gardé si longtemps les yeux fermés, elle distingua tout d’abord une silhouette, puis enfin elle reconnut Ultan Bower, un Serpentard de Septième année, qui semblait-il était venu ici pour lui chercher des ennuis.

Jemiah n’avait jamais réellement su quoi penser du jeune homme, comme beaucoup d’autres élèves, elle avait des préjugés sur les élèves de Serpentard, même si elle en avait déjà rencontré des très gentils, elle savait que la noirceur du regard, et les allures mystérieuses d’Ultan cachaient quelque chose. Fricottait-il avec les mangemorts ? Etait-il en fait quelqu’un de tout à fait respectable ? En tout cas, par cette intervention, faussement prévenante, il venait de prouver qu’il n’était pas tout à fait quelqu’un de très avenant.

Heureusement pour elle, Jemiah avait la main droite dans sa poche qui contenait sa baguette magique, ses doigts la recherchèrent discrètement, et quand elle sentit le contact du bout le plus épais, celui de la garde, ses doigts s’y agrippèrent fermement. Dans un geste de défi, pour montrer qu’elle n’avait pas peur de lui, mais également pour se rassurer elle-même, elle passa son autre main dans ses cheveux, en gardant une attitude légèrement provocatrice, un sourire aux lèvres. Elle avait raison… Quelque chose s’était produit. Malheureusement pour elle, elle n’était pas au bout de ses surprises.

Elle Fixa Ultan droit dans les yeux, et sans lâcher son regard elle lui dit :

« Je crois plutôt que c’est toi qui vient de faire une mauvaise rencontre »

Puis, après deux ou trois secondes de silence, ou les deux jeunes gens se fixaient dans les yeux, Jemiah adressa un clin d’œil à Ultan, esquissa un sourire, puis referma les yeux lentement, tous ses autres sens aux aguets. La main droite serrée sur sa baguette, elle était prête à toute attaque de la part d’Ultan...

James s'était tenu un peu en retrait, désireux de laisser Ultan agir seul, pour pouvoir le juger au mieux. Tant et si bien que la fille semblait même ne pas avoir remarqué sa présence. Elle n'avait regardé que Bower, n'avait parlé qu'à lui, sans s'intéresser à James, tapi dans l'ombre derrière le Serpentard. Le Mangemort, vêtu de noir, se fondait très bien dans l'obscurité de la ruelle, chichement éclairée... Sa respiration s'était faite plus légère, plus silencieuse, pour ne rien perdre de l'échange entre les deux élèves de Poudlard.
D'emblée, le ton employé par Bower avait plu au Mangemort. Cynique, moqueur, cruel- en un mot, parfait. Ce garçon n'en était pas à son coup d'essai, cela s'entendait ; il maîtrisait la situation, et James se sentit partiellement rassuré. Sa recrue ne semblait pas trop inutile... Restait à le voir à l'oeuvre.
La préfète, probablement inconsciente de ce qui la menaçait, toisa insolemment Ultan avant de lui répondre sèchement. Voilà une victime comme James les aimait ; combative, avec du caractère et cette pointe de témérité qui rend l'assassinat intéressant. Tuer un tas de viande qui ne se défend pas n'avait aucun intérêt ; le meurtre devait couronner une lutte, et pas être un acte automatique, industriel, dénué d'affectivité.
Je crois plutôt que c'est toi qui viens de faire une mauvaise rencontre. La préfète ne manquait ni de courage, ni de répartie, et James se raidit imperceptiblement, attendant la suite. Bower passait un véritable examen, et le jeune Mangemort était le jury... Il convenait donc de ne pas en perdre une miette.
Le visage de la fille était difficile à voir dans le noir, mais James, en plissant les yeux, crut voir qu'elle souriait... Voilà une attitude bien déconcertante, même si elle était compréhensible ; eux savaient qu'elle allait mourir, elle pas encore. Elle venait de croiser un élève de son école, pas son futur meurtrier.
D'expérience, James savait que ce type de réaction chez une victime peut dérouter l'assassin le mieux préparé ; on s'attendait à la peur, à la haine, aux supplications, jamais au sourire, et on pouvait, momentanément, perdre ses moyens. Voyons comment Bower allait se comporter face à cet imprévu...
Le Serpentard ne bougea pas, ne prononça pas une parole. Désarçonné par la réplique et le sourire de la préfète ? Ou peut-être attendait-il que James, son aîné, le seul à porter la Marque, prenne la direction des opérations ? Comment interpréter son silence : indécision ou respect?
Sans bruit, James fit un pas en avant, de façon à pouvoir glisser un mot à l'oreille de son compagnon sans être entendu de leur victime. Dans un murmure, il précisa :

-À toi de jouer, Ultan. Tu mènes l'opération comme tu veux... mais je préfèrerais que tu prennes ma baguette magique, au moins pour la fin.

Simple précaution ; ne pas laisser un élève de Poudlard, surtout avec une réputation sulfureuse, se balader avec une baguette ayant lancé des sorts interdits. Un élève du collège n'était jamais à l'abri d'un contrôle de sa baguette- le jour des ASPIC, par exemple, pour Bower...La fille n'avait pu entendre ce qu'il avait dit, mais le mouvement discret effectué par James devait avoir attiré son attention sur sa présence. Un homme inconnu, au visage dissimulé par sa capuche, parlant en secret à un tortionnaire notoire... Elle n'allait pas tarder à comprendre. James fixa son regard sur le visage fin de la fille. C'est à cet instant-là, très précisément, que les choses deviendraient intéressantes.

Jemiah n'avait absolument pas été sur ses gardes. Si Ultan avait eu l'intention de la tuer sans la moindre sommation, elle serait tombée raide morte, à l'endroit où elle était assise, les yeux fermées, avec pour dernière pensée la rêverie dans laquelle elle s'était laissée aller. Mais non, le Serpentard n'avait aucune intention d'ôter la vie à la jeune Poufsouffle avant qu'elle n'ait opposée ne serait-ce que la moindre once de résistance. Où est le plaisir du tortionnaire, s'il n'est dans ce qui précède l'instant fatal, dans l'application des différentes méthodes connues - ou non- pour faire souffrir ?

La réaction de Tails n'étonna pas vraiment le Septième Année. Il savait qu'elle était plutôt arrogante en certaines occasions, et il ne s'était pas attendu à ce qu'elle parte en courant. Tant mieux, cela rendait le jeu plus intéressant. Sans quitter sa place, elle leva la tête et vrilla son regard dans celui du jeune homme.

« Je crois plutôt que c’est toi qui vient de faire une mauvaise rencontre. »

Ils se toisèrent ainsi quelques secondes, durant lesquelles Ultan retint un sourire mauvais, et elle finit par lui adresser un clin d'oeil, avant de sourire, puis de refermer les yeux. Cette fois, le rictus apparut. Très bien, elle se montrait provocatrice, elle allait être servie. Ultan perçut un mouvement derrière lui : James venait de faire un pas pour lui murmurer quelque chose à l'oreille. Il révèlerait certainement sa présence, ainsi, puisque la Jaune et Noire ne semblait pas l'avoir remarqué jusque là.

"Pour la fin." dit-il, simplement.

De toute manière, il n'avait pas envie d'utiliser le sortilège du Doloris. Il connaissait d'autres sorts, ceux-là ne portant pas le titre d'Impardonnables. Et pour l'Avada, qui lui en était un, il pourrait prendre la baguette de son aînée, lorsque Tails serait réduite à ne même plus pouvoir supplier sa propre mort... Ultan fit un pas en avant, sa main tenant sa baguette, pointée vers le bas, sous sa cape.

"Puisque cette soirée fait la part belle aux mauvaises rencontres, tâchons de lui donner raison."

Le Serpentard savait que sa victime n'allait pas se laisser faire. Elle avait certainement saisi sa propre baguette, sûre de pouvoir être une adversaire à la hauteur, et l'idée amplifia le sourire mauvais qu'arborait Ultan. Celui-ci leva sa baguette, d'un geste vif, et lança un sortilège informulé. Des flèches de feu jaillirent et fusèrent en direction de la jeune inconsciente...

Jemiah était calme, sereine, elle savait que le garçon l’attaquerait, elle savait qu’elle pourrait se défendre… Mais en avait-elle vraiment envie ? C’est les questions qu’elle se posait, pendant qu’elle gardait les yeux fermés, la menace de la baguette d’Ultan ne lui faisait pas peur. Plus jeune, c’est peut être qui aurait attaqué la première. Une scène particulière lui revint à l’esprit. La première rencontre entre Jemiah et Kaelir… Lorsqu’elle avait été nommée capitaine de l’équipe de quidditch, les premières sélections de l’équipe… Kaelir était rentré dans l’équipe, et Jemiah avait toujours ressentit une certaine assurance pour le garçon. Tout cela s’était concrétisé quelques temps plus tard, lors d’un repas mémorable à la table des poufsouffle. Beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts depuis. Ce jour là elle avait provoqué Zélie Colien, et écopé d’une retenue ainsi que quelques points en moins… Aujourd’hui elle hésitait même à se défendre. L’impétueuse Jemiah avait finit par trouver son chemin, la voie de la quiétude, et cela se ressentait, elle criait beaucoup moins, attirait moins les regards de ceux qui aiment fixer les marginaux. Elle avait trouvé sa place dans la société, elle l’avait accepté, elle qui ne désirait pas avoir sa place. Elle avait été récompensé de cela par le directeur de Poudlard lui-même, puisqu’elle avait été nommée préfète, et cela avait emplit son cœur de joie… Elle savait que si elle ne se défendait pas par la magie, elle pourrait tout à fait retirer des points à Ultan, ou même le faire exclure de l’école si jamais le sortilège qu’il utiliserait était dangereux. C’est en ça que Jemiah avait grandit, elle réfléchissait, et réfléchissait bien, peut être même trop, elle ne cherchait plus sans arrêt la bagarre et la provocation, tout en ne se laissant pas marcher sur les pieds… disons simplement qu’elle avait su se faire plus discrète.

Lorsqu’elle rouvrit les yeux, un réflexe salvateur la fit s’écarter de quelques centimètres sur la droite, juste ce qu’il lui fallut pour empêcher les flèches de feu lancées par Ultan de l’atteindre au visage. Aussitôt, toutes les belles pensées qui lui traversaient l’esprit s’estompèrent, elle se releva vivement, tout en sortant sa baguette, qu’elle tenait maintenant fermement, en la pointant en direction d’Ultan. C’est à cet instant qu’elle remarqua l’homme qui se tenait derrière Ultan… Aussitôt elle sut qu’elle allait mourir. Ultan était à serpentard, tout le monde s’accordait à dire que c’était un être arrogant et puant. Si le raisonnement de Jemiah était bon, Ultan était en communication avec les mangemorts, et la personne derrière lui était certainement un « instructeur » En se dévoilant ainsi, Ultan n’avait d’autre choix que celui de supprimer Jemiah, sans quoi il serait découvert.

Jemiah écarta les doigts, et sa baguette tomba au sol. Tout semblait se dérouler au ralenti. Elle fit ensuite glisser sa robe de sorcière le long de ses épaules, la laissant choir à son tour. Puis, elle leva doucement les bras, pour se mettre en position de croix.

« TUE MOI MAINTENANT ! » cria-t-elle à Ultan.

« PROUVE QUE TU ES UN LACHE COMME TOUTE VOTRE PETITE BANDE ! »

Jemiah ferma une nouvelle fois les yeux. Non. Elle n’avait pas peur, elle mourrait heureuse, et cela était bon. Sa dernière pensée fut pour Kael

*pardonne-moi*

Elle les évita. Un réflexe, sembla-t-il. Jemiah Tails évita les projectiles enflammés, qui la manquèrent de peu. Ainsi, elle avait un minimum de volonté, elle voulait vivre... un peu plus longtemps. Tant mieux, Ultan n'aimait pas que le jeu soit trop court. La jeune fille décida de répliquer, la détermination se lisait dans son regard. Le Septième Année arborait un léger sourire, tenant sa baguette au bout de son bras qu'il gardait le long de son corps. S'il avait à se protéger, il réagirait suffisamment tôt pour repousser la contre-attaque. Mais celle-ci ne vint pas.

Ultan vit le visage de la Jaune et Noire se décomposer. Elle avait vu James et compris qui il était. Et certainement ce qui allait lui arriver, quelle que soit la tournure des événements. La fatalité la frappa. Le fin rictus du Serpentard s'effaça lorsqu'il vit tomber la baguette. Elle abandonnait. Le jeu était fini. Non, le jeu ne pouvait déjà s'achever. Le regard passant de l'objet de bois à Jemiah, il la vit ôter sa robe de sorcière, se retrouvant en tenue de tous les jours, avant de lever les bras. En croix.

Les mots qui suivirent furent... tellement dérisoires. "Tue-moi". Il n'aurait de toute façon pas eu besoin de son assentiment, mais cela ôtait le plaisir de la situation. Un lâche ? Non, pas un lâche. Le sourire d'Ultan revint, presque imperceptiblement, alors qu'il tirait une dague de sa poche.

"Un grand mage noir a un jour prononcé une maxime... Le monde se divise en deux catégories : ceux qui veulent le pouvoir, et les autres, trop faibles pour le rechercher..."

En deux pas, Ultan combla l'intervalle le séparant de la jeune fille et d'un geste à la fois fort et précis, il la frappa au visage, lui entaillant profondément la joue, et l'envoyant à terre. Puis il rangea sa baguette et ramassa celle qui était au sol. La baguette de Jemiah Tails. Reculant d'un pas, il observa l'objet magique.

"Quel dommage."

Elle ne résisterait plus, ne se battrait plus. Elle s'était faite à cette idée : mourir. Autant donc cesser le jeu, qui n'aurait eu de toute manière plus rien eu d'amusant. Pointant la baguette empruntée sur sa propriétaire, Ultan prononça distinctement, et lentement :

"Avada Kedavra."

L'éclair de lumière verte jaillit et immobilisa instantanément le corps remuant encore. La vie quitta Jemiah Tails dès que le sort l'eut frappée. Ultan venait de tuer pour la première fois. Pour la première fois... Il avait eu le sort d'un être humain entre ses mains... Alors que son sourire s'élargissait, il se tourna vers James.

"Vraiment, quel dommage." répéta-t-il.

Ultan rejoignit rapidement le Mangemort, à qui il tendit la baguette de Jemiah. Si jamais il souhaitait la garder. Mission accomplie. Mieux valait à présent ne pas traîner.

En retrait, James observait la scène avec autant d'intérêt que si elle ne le concernait pas- comme un Moldu au cinéma regarde un meurtre tout en mangeant du pop corn. C'était pourtant lui qui avait convoqué Ultan, lui qui avait inventé cette histoire de meurtre, mais il ne comptait pas intervenir : au Serpentard de se montrer sous son meilleur jour, pour rassurer son recruteur. Pour le moment, le garçon s'en tirait très honorablement, contredisant les craintes du Mangemort... Il parlait sans passion, sans le moindre tremblement dans la voix, avec une froideur de bon aloi ; on n'était pas là pour s'apitoyer ou pour faire dans le sentiment, on était là pour une exécution... Est-ce qu'un boucher pleure sur les agneaux qu'il sacrifie ? Est-ce qu'il voit en eux autre chose que de la viande ? La jeune fille blonde, face à eux, n'était rien d'autre que de la viande, à la différence près qu'on ne le vendrait pas sur un étal de zinc. Pourquoi, d'ailleurs ? La question passa un instant dans l'esprit de James ; pourquoi ne mangeait-on pas de côtelettes de jeune fille, ou de l'escalope de garçonnet... ?

La viande se défendait, mollement, mais elle avait évité les projectiles enflammés de Bower. Dommage, l'idée était bonne. Le Serpentard réagit rapidement, sans se laisser démonter : un bon point... Il tira de sa poche une petite dague à lame brillante, dont la vue fascina un instant le jeune Mangemort. C'est à cet instant que la viande sembla s'apercevoir de la présence de James, et de ce qui terminerait obligatoirement la rencontre : sa mort. Elle abandonna alors toute lutte et ordonna qu'on la tue. Dans de bonnes conditions, c'est-à-dire lorsqu'on avait le temps et qu'on était tranquille, c'était le genre d'ordre qu'on noyait sous des heures de supplices intolérables- depuis quand, à l'abattoir, la viande prétend-elle commander ? Il fallait, avant de la tuer, lui apprendre quelle était sa place, et la réduire au silence...

Mais on n'avait pas le temps, n'importe qui pouvait venir et interrompre la scène, sauver la jeune fille... et, pire encore, identifier ses deux agresseurs. Avec bon sens, Ultan conclut assez rapidement, non sans lacérer, au passage, le visage de la demoiselle. C'était toujours ça, même si ses hurlements auraient mérité de plus grandes tortures... Mais c'était déjà bien vu, puisque ce visage auquel elle semblait accorder tant de soin allait perdre à jamais sa beauté, avant de perdre la vie.

Le sortilège de mort fut lancé d'une voix ferme, et le corps de l'adolescente s'affaissa. Un sourire aux lèvres, Ultan se tourna vers James, avec l'air du candidat à un examen qui attend le verdict du jury. Le recruteur lui rendit son sourire, empocha la baguette de la fille, et affirma :

-Tu feras un précieux Mangemort, Ultan. Filons d'ici... Je t'enverrai un hibou en temps voulu. Mais avant, encore une formalité... Aujourd'hui, tu as agi pour le Seigneur des Ténèbres, nous devons donc signer cet acte de Sa Marque. Écoute bien, et n'oublie jamais cette formule !

Il pointa sa baguette vers le ciel et prononça à mi-voix, mais très distinctement :

-Morsmordre !

La Marque verte vint éclairer le cadavre encore tiède de la demoiselle, et les sourires malsains des deux hommes. James ajouta :

-Retourne à l'école, et pas un mot. A bientôt.

Simple précaution oratoire, Ultan ne dirait rien, c'était évident.... mais mieux valait tout de même rappeler certaines évidences : il fallait que le Serpentard trouve un alibi pour l'heure du crime, et qu'il se tienne à une version plausible... James lui adressa un dernier signe de tête, et transplana immédiatement. Dans quelques instants, la Marque des Ténèbres attirerait du monde, mais les coupables seraient loin.